Table ronde La migraine (Douleur)

Douleurs abdominales, vomissements, vertiges…ça ne ressemble pas à de la migraine…et pourtant ! J. Andreu-Gallien*, B. Tourniaire Centre de référence de la migraine de l’enfant et de l’adolescent, AP-hP, hôpital Trousseau, 26 avenue du Dr Netter, 75012 Paris, France

T

ous les mois, autour du 18, Léa, 5 ans, se met à vomir brutalement de façon incoercible. Elle vomit plusieurs fois par heure, ne peut rien boire ni manger, reste prostrée dans son lit pendant plusieurs jours. Gabriel, 7  ans, a souvent mal au ventre, par crises de douleurs intenses. Il est pâle, s’allonge dans le canapé, pleure et refuse de manger. Quelques heures après, il est « comme neuf ». Louise, 6 ans, a parfois brutalement la tête qui tourne, elle a envie de vomir. Cela passe comme c’est venu. Youri, 15 mois, a la tête penchée régulièrement, parfois pendant quelques jours, puis il vomit et tout redevient normal jusqu’à la fois suivante. À la lecture de ces 4 vignettes cliniques illustrant des cas de vomissements cycliques, migraine abdominale, vertige paroxystique bénin et torticolis paroxystique bénin, le lien avec la migraine ne semble pas évident. Et pourtant, ces entités sont regroupées sous le terme de syndromes épisodiques pouvant être associés à la migraine. Quels liens ces syndromes ont-ils avec la migraine ? Tout d’abord ils partagent avec la migraine certaines caractéristiques sémiologiques : les symptômes surviennent par crises récurrentes spontanément résolutives sans symptômes intercritiques. Ensuite, ces symptômes surviennent chez des patients migraineux ou à forte probabilité de le devenir. Nous rappellerons ici les caractéristiques de ces syndromes ainsi que les critères diagnostiques de la classification IHCD -3 de l’International headache Society. Si la connaissance de ces critères permet d’éviter un retard diagnostique trop souvent rencontré chez nos patients, il faut cependant garder en tête que ces diagnostics sont des diagnostics d’élimination à évoquer après avoir fait les explorations nécessaires pour éliminer d’autres étiologies.

1. Vomissements cycliques Ce syndrome se caractérise par des épisodes récurrents et stéréotypés chez un même individu de vomissements et nausées intenses. Entre les crises, les symptômes régressent complètement. Les parents décrivent souvent une pâleur et une léthargie associées. La répétition de crises stéréotypées, l’existence d’un terrain migraineux familial ou personnel, la normalité des examens complémentaires doivent faire évoquer le diagnostic.

*Correspondance : [email protected]

1.1. Critères diagnostiques

A. Au moins 5 crises de nausées et vomissements sévères répondant aux critères B et C. B. Crises stéréotypées chez un patient et récurrentes avec une périodicité prédictible. C. Présence de tous les critères suivants : a) nausées et vomissements : au moins 4/heure ; b) durée des crises : ≥ 1 h et jusqu’à 10 j ; c) intervalle des crises : ≥ 1 semaine. D. Aucuns symptômes entre les crises. E. Non attribué à une autre cause (en particulier digestive).

1.2. Quelques informations supplémentaires ? • Les vomissements cycliques sont dits limités à l’enfance mais des publications récentes citent des cas chez l’adulte [1]. • Les vomissements cycliques coexistent souvent avec des migraines. Une étude a montré l’existence de migraines chez 82 % des enfants présentant des vomissements cycliques [2]. • Le diagnostic différentiel est celui de maladies métaboliques et il est prudent en particulier chez les enfants les plus petits de demander un bilan métabolique (à faire pendant une crise). • Pour certains auteurs, des maladies mitochondriales pourraient être en cause dans ce syndrome et des traitements dans ce but sont parfois efficaces [3].

1.3. Traitement Les vomissements cycliques sont difficiles à traiter, les traitements médicamenteux souvent un échec. Le traitement proposé est celui des migraines classiques en privilégiant les formes sublinguales, nasales et intra-rectales. Une hospitalisation pour réhydratation peut s’avérer nécessaire. La situation s’améliore souvent avec le temps avec une évolution vers des migraines plus classiques.

2. Migraine abdominale Ce syndrome récurrent est caractérisé par des épisodes de douleur abdominale survenant par crise de 1 à 72 h et l’absence de symptômes entre les épisodes. Lors de ces épisodes, la douleur est péri-ombilicale ou mal localisée. D’intensité modérée à sévère, elle entraîne un arrêt des activités et s’associe à des nausées et/ou une anorexie (parfois difficiles à distinguer chez l’enfant), ainsi qu’à des troubles vasomoteurs (pâleur ou au contraire flush vasomoteur).

19 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):19-20

J. Andreu-Gallien, B. Tourniaire

Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):19-20

2.1. Critères diagnostiques

3.3. Traitement

A. Au moins 5 crises remplissant les critères B à D. B. La douleur a au moins 2 des 3 caractéristiques suivantes : a)  douleur médiane, péri-ombilicale ou mal localisée  ; b) sourde ; c) modérée à sévère. C. Durant les crises 2 des caractéristiques suivantes : a) anorexie ; b) nausées ; c) vomissements ; d) pâleur. D. Durée des crises : 2 à 72 h (en l’absence de traitement ou en cas de traitement efficace). E.  Intervalles libres : complètement asymptomatiques entre 2 crises. F.  Non attribué à une autre cause (en particulier rénale ou ­intestinale).

On propose comme dans la crise de migraine un AINS dès l’apparition des symptômes. L’efficacité est difficile à évaluer car certaines crises sont spontanément très courtes.

2.2. Quelques informations supplémentaires ?

4. Torticolis paroxystique bénin Le diagnostic de torticolis paroxystique bénin est souvent porté tardivement. Les parents rapportent dès les premiers mois de vie des épisodes de « tête penchée » associés à des vomissements, des pleurs.

4.1. Critères diagnostiques

• Il faut rechercher une céphalée associée que les enfants ne signalent pas toujours. Si la céphalée existe, le diagnostic retenu est celui de migraine. • La plupart des enfants présentant ce tableau vont évoluer vers des migraines classiques en grandissant, le diagnostic est souvent fait de façon rétrospective au moment où l’on diagnostique la migraine.

A. Crises récurrentes chez un jeune enfant répondant aux critères B et C. B.  Tête penchée d’un côté (ou de l’autre) avec une discrète rotation, cédant spontanément après quelques minutes à quelques jours. C. Pendant les crises présence d’un ou plusieurs signes suivants : a) pâleur ; b) irritabilité ; c) malaise ; d) vomissements ; e) ataxie (plus fréquente chez les plus âgés).

2.3. Traitement

4.2. Quelques informations supplémentaires ?

Le traitement des crises de migraine abdominale est mal codifié. On peut proposer la prise d’AINS de manière précoce. Faute de pouvoir toujours prendre en charge de façon efficace la douleur lors des crises, les traitements de fond de type psychocorporel (relaxation, hypnose) permettent de faire diminuer leur fréquence.

• L’évolution se fera parfois vers un vertige paroxystique ou une migraine. • Lorsque l’enfant sera en âge de le faire, il décrira souvent une céphalée associée.

3. Vertige paroxystique bénin

Le traitement n’est pas codifié. Une prise précoce d’AINS améliore souvent la symptomatologie.

Cette entité est caractérisée par des crises de vertiges survenant sans prodrome et cédant spontanément chez un enfant en bonne santé.

3.1. Critères diagnostiques A. Au moins 5 crises répondant aux critères B et C. B. Épisodes de vertiges sévères survenant de manière inattendue, d’intensité maximale initialement et cédant spontanément en quelques minutes à quelques heures sans perte de connaissance. C.  Au moins un des signes ou symptômes suivants  : a)  ­nystagmus ; b) ataxie ; c ) vomissements ; d) pâleur ; e) appréhension. D. Examens neurologique, audiométrique et vestibulaire normaux entre les crises. E. Non attribué à une autre cause.

3.2. Quelques informations supplémentaires ? • Des vertiges sont très fréquemment présents lors des crises de migraine (40 % des enfants migraineux consultant au centre de la migraine de l’hôpital Trousseau) [1]. 20

4.3. Traitement

5. Un nouveau syndrome épisodique associé à la migraine ? Les coliques du nourrisson sont citées dans la nouvelle classification comme un syndrome épisodique potentiellement lié à la migraine comme le suggèrent des études récentes faisant le lien entre antécédents maternels de migraines, coliques du nourrisson et survenue ultérieure de migraines [4,5]

Références [1] Kumar N, Bashar Q, Reddy N, et al. Cyclic Vomiting Syndrome (CVS): is there a difference based on onset of symptoms--pediatric versus adult? BMC Gastroenterol 2012;12:52. [2] Boles RG. High degree of efficacy in the treatment of cyclic vomiting syndrome with combined co-enzyme Q10, L-carnitine and amitriptyline, a case series. BMC Neurol 2011;11:102. [3] Annequin D, Tourniaire B, Amouroux R. Migraine, céphalées de l’enfant et de l’adolescent. Paris : Springer, 2014. [4] Romanello S, Spiri D, Marcuzzi E, et al. Association between childhood migraine and history of infantile colic. JAMA 2013;309:1607-12. [5] Gelfand AA, Thomas KC, Goadsby PJ. Before the headache: infant colic as an early life expression of migraine. Neurology 2012;79:1392-6.

[Abdominal pain, vomiting, vertigothis is unlike a migrainealthough!].

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