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CHIRURGIE AMBULATOIRE

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; 43: 301–304 ß 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Quelle place pour les urgences en chirurgie ambulatoire ? Jean-Pierre Triboulet

CHRU de Lille, hôpital Claude-Huriez, service de chirurgie digestive et générale, consultant-chirurgie ambulatoire, place de Verdun, 59037 Lille cedex, France [email protected]

Key points Ambulatory emergency surgery Development of outpatient cases in emergency is still a controversy. Ambulatory surgery is possible in ambulatory surgical unit (ASU), or in emergency surgical units (ESU). Quality of care and safety need to be associated to patients’ ambulatory management without impairment of ASU and ESU organization. Patient eligibility concerns not only traumatic hand surgery but also general or visceral surgery.

L

a chirurgie ambulatoire est jusqu’à ce jour considérée comme une chirurgie programmée, basée sur une organisation optimale et des procédures solidement établies, chez des patients sélectionnés ayant bénéficié d’une consultation d’anesthésie dédiée [1]. La qualité d’un fonctionnement d’unité de chirurgie ambulatoire nécessite des efforts de vigilance et de rigueur de tous les acteurs impliqués. La prise en charge d’urgences chirurgicales

tome 43 > n83 > mars 2014 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.01.004

Points essentiels Le développement des urgences en ambulatoire est encore discuté. La chirurgie des urgences en ambulatoire est réalisée dans les unités de chirurgie ambulatoire (UCA) ou au sein des unités de chirurgie d’urgence (UCU). Cette prise en charge doit être compatible avec le respect de la qualité et la sécurité des soins sans altérer l’organisation du programme chirurgical programmé des UCA, et le déroulement du programme des urgences des UCU. Les pathologies concernent principalement la chirurgie traumatique de la main mais aussi certains actes de chirurgie générale.

en ambulatoire ajoute un niveau supplémentaire de complexité. Quel est l’intérêt dans ces conditions de développer ces activités de chirurgie ambulatoire, non encadrées de surcroît par des textes réglementaires ? La prise en charge en ambulatoire des gestes d’urgences permet d’éviter les longues files d’attente au service des urgences, une prise en charge chirurgicale tardive dans un programme opératoire établi, une hospitalisation injustifiée, une occupation abusive des lits d’hospitalisation conventionnelle, une désorganisation des flux de patients programmés

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Disponible sur internet le : 12 février 2014

J-P Triboulet

dans une unité de chirurgie ambulatoire (UCA). En libérant des places dans les services d’aval d’urgence, le flux des patients des urgences chirurgicales est amélioré. La prise en charge ambulatoire des urgences est particulièrement adaptée à certaines disciplines ; la chirurgie de la main fait l’objet d’expériences concluantes dans des centres spécialisés, centres indépendants de chirurgie ambulatoire en France et à l’étranger.

Problématique et enjeux L’inclusion d’urgences dans un programme de chirurgie ambulatoire doit répondre aux principes fondamentaux de la chirurgie ambulatoire, garant de sa qualité reconnue. En amont, elle doit garantir une anticipation de l’organisation, et une sélection mûrement réfléchie et validée par les acteurs. Une excellence de l’organisation, une fluidité du parcours des urgences permettent une prise en charge en ambulatoire sous réserve de respecter les règles habituelles de fonctionnement d’unité, et de satisfaire à l’ensemble des étapes préopératoires avant l’accueil en UCA : consultation d’anesthésie à l’admission, information, éducation du patient. Il est capital de définir les pathologies d’urgences éligibles à la prise en charge en ambulatoire en collaboration avec les urgentistes et les conditions de leur réalisation (appropriation, par les professionnels chargés de l’accueil, des critères d’orientation du patient des urgences vers l’unité de chirurgie ambulatoire, ou vers la filière ambulatoire du service des urgences, information sur la faisabilité de la chirurgie non programmée : créneau opératoire dédié à l’urgence) [2].

Recommandations Les recommandations formalisées d’experts sur l’anesthésie et la chirurgie ambulatoire de la Société française d’anesthésie réanimation de 1990, actualisées en 2009, incluent la possibilité de prise en charge de la chirurgie d’urgence en ambulatoire sous certaines conditions : « Il est possible d’inte´grer certains actes urgents dans un programme ambulatoire aux conditions de ne pas perturber le fonctionnement de l’unite´ de chirurgie ambulatoire et de garantir le meˆme niveau de qualite´ et de se´curite´ au patient » [3].

Stratégies de prise en charge Deux stratégies de prise en charge de la chirurgie d’urgence en ambulatoire sont décrites dans la littérature et/ou observées dans les centres spécialisés.

Intégration de la chirurgie ambulatoire dans un service d’urgences L’organisation du service d’urgences doit permettre de réaliser une part d’actes non programmés en ambulatoire : le service des urgences de l’hôpital de la Salpêtrière est ouvert 24 heures sur 24 [4] et permet, dans une unité d’ambulatoire intégrée au service, une prise en charge en ambulatoire également 24 heures sur 24. Cette unité respecte les règles imposées par l’ambulatoire. Si le geste est compatible avec un retour précoce du patient au domicile, celui-ci entre dans la filière ambulatoire. Les critères de sortie sont identiques à l’ambulatoire programmée. Le séjour du patient reste inférieur à 12 heures. Mais la structure étant ouverte 24 heures sur 24, les sorties peuvent s’effectuer entre 19 heures et 8 heures du matin. La réalisation de ce séjour dans les unités de chirurgie ambulatoire de l’urgence s’effectue alors à cheval sur deux journées en dehors d’une UCA classique et pose donc des problèmes de cotation et de valorisation. Le personnel de l’unité d’urgence doit être particulièrement formé à l’ambulatoire pour être considéré comme dédié à cette prise en charge. Enfin, celle-ci ne doit pas perturber l’activité d’urgence non ambulatoire.

Activité d’urgence réalisée au sein d’une unité de chirurgie ambulatoire La prise en charge est également inférieure à 12 heures, les horaires des vacations de blocs et des ouvertures de l’unité en limitent l’évolution. Le personnel est dédié, l’horaire de passage au bloc opératoire doit être compatible avec l’ouverture de l’UCA, l’organisation des urgences non programmées au sein de cette UCA doit être particulièrement rigoureuse pour ne pas perturber l’activité ambulatoire programmée. Le développement de circuits courts en ambulatoire doit permettre une meilleure intégration des urgences dans l’activité du programme ambulatoire programmé.

Adaptations de nécessité Contraintes

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L’impossibilité de prendre en charge les urgences en ambulatoire est liée au patient lui-même (co-morbidités méconnues, incompatibles avec l’ambulatoire), à l’heure d’arrivée tardive, à la pathologie (traumatologie multi-site, pathologie nécessitant une surveillance prolongée). Elle peut être également due aux conditions de la structure d’accueil (saturation des blocs, pic d’admission) ou aux critères fondamentaux de l’ambulatoire non réunis (absence d’accompagnant pour le retour, pas de téléphone, etc.).

La consultation d’anesthésie s’effectue au plus tôt dès l’admission du patient, compte tenu des conditions de l’urgence. La demande éventuelle d’examens complémentaires préanesthésiques doit respecter les recommandations actuelles qui restreignent leur usage en raison d’une utilité non démontrée chez les patients dont l’interrogatoire et l’examen écartent la possibilité de co-morbidités. Une reprogrammation de l’urgence au lendemain (J1 de l’admission aux urgences) est envisagée si le chirurgien n’a pas la possibilité d’intégrer l’urgence dans son programme avec tome 43 > n83 > mars 2014

Quelle place pour les urgences en chirurgie ambulatoire ?

Chirurgie de la main Elle fait figure de modèle pour l’intégration des urgences dans un programme d’ambulatoire. « Gérer les urgences en ambulatoire, c’est le quotidien pour SOS Mains. Par ailleurs, la prise en charge des urgences est aussi un facteur d’attractivité pour les praticiens libéraux » [5]. Il s’agit de la traumatologie de la main prise en charge le plus souvent dans un circuit court et intégré dans le programme opératoire du jour. Pour la traumatologie fermée monofocale, le choix peut se porter sur une prise en charge différée à J1 avec immobilisation temporaire et antalgique. Le premier SOS Mains a été créé à l’hôpital Boucicaut à Paris en 1980 (R. Vilain), suivi par d’autres : SOS Mains Lille-Seclin en 1984 (M. Schoofs), Strasbourg en 1985 (G. Foucher), Angers en 1987 (G. Raimbeau).

Chirurgie générale et viscérale La prise en charge ambulatoire peut s’appliquer à des urgences de chirurgie viscérale : abcès superficiels, certaines appendicites. . .

Abcès Les abcès de paroi, axillaire, de la marge, de la fesse, les kystes pilonidals infectés sont des indications retenues par les unités de chirurgie ambulatoire ayant intégré les urgences chirurgicales. Ces abcès survenant fréquemment chez les sujets aux antécédents médicaux favorisants (terrain vasculaire, diabétique), la prise en charge tardive au bloc opératoire en fin de programme réglé est peu compatible avec leurs co-morbidités. Ces urgences sont adaptées à la prise en charge en ambulatoire sous réserve de l’équilibration de leur co-morbidités [6].

Appendicectomies Sont-elles éligibles à l’ambulatoire ? La réponse est oui, sous certaines conditions, pour plusieurs auteurs, y compris français, qui ont publié leur expérience sur ce sujet. Le patient opéré peut, après surveillance et réhabilitation, sortir le jour même de son appendicectomie. En d’autres situations, des critères précis permettent de différer l’appendicectomie au tome 43 > n83 > mars 2014

lendemain : appendicite sans signe de péritonite et/ou de gravité. Pour Dubois et al. [7], les taux de complication sont identiques entre la prise en charge en ambulatoire et en hospitalisation conventionnelle. Quatre-vingts pour cent des 126 enfants opérés dans l’étude de Alkhoury et al. sont sortis le même jour [8]. Le taux de complications est identique entre l’ambulatoire et le conventionnel pour 85 % des 116 patients adultes opérés d’une appendicectomie dans l’expérience de Cash et al. [9]. L’appendicectomie pour appendicite aiguë sans signe de gravité est ainsi réalisable en ambulatoire, sans altérer la qualité des soins et la sécurité des patients.

Cholécystectomies pour cholécystite aiguë Les cholécystectomies pour cholécystite aiguë découverte en peropératoire n’empêchent pas la sortie du patient en ambulatoire, ce fut le cas pour 9 des 150 patients éligibles à la cholécystectomie sous coelioscopie, sans augmentation du taux de conversion dans l’expérience d’une équipe canadienne [10].

Une filière de chirurgie ambulatoire au sein des services d’urgence ? L’expérience récente de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière porte sur la prise en charge en ambulatoire des patients admis dans un service d’urgences chirurgicales. Les patients éligibles à une chirurgie ambulatoire en urgence relevaient de la chirurgie viscérale (65 %), de l’orthopédie (31 %), la chirurgie maxillo-faciale (3 %) et l’urologie (3 %). Cent vingt-six des 147 patients (86 %) sont restés dans la procédure ambulatoire ; le score global de satisfaction des patients était de 83 %. L’objectif principal a été atteint : une filière de chirurgie ambulatoire d’urgence est réalisable en respectant la durée de séjour inférieure à 12 heures, sans réadmission des patients. Une procédure pour l’analyse qualitative de cette approche a été mise place [11].

Conclusion La prise en charge ambulatoire de certains gestes de chirurgie d’urgence est faisable et sûre pour des pathologies et des patients sélectionnés. La procédure n’est pas dégradée par rapport à celle de chirurgie ambulatoire programmée, elle n’est pas l’apanage de la chirurgie de la main. La chirurgie viscérale, l’orthopédie, la gynécologie et l’urologie peuvent également en bénéficier. L’urgence en ambulatoire ajoute un niveau de complexité et impose une organisation et une formation du non programmé en vue d’une intégration dans le programme de la journée. La réservation de vacation de créneaux opératoires doit être progressivement envisagée dans ces unités de chirurgie ambulatoire et/ou dans les services d’urgence. Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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une sortie du patient en ambulatoire le jour même, si les plages du programme ambulatoire n’ont pas été dédiées à l’urgence ou si la prise en charge de l’urgence risque d’entraîner une perturbation du programme de l’ambulatoire non programmée. Le patient, après un retour au domicile, est programmé au lendemain ; une anticipation sur le programme de l’UCA du lendemain a permis, dans certains centres comme celui de l’hôpital Saint-Antoine, de réserver des plages d’urgence dans le programme ambulatoire. L’utilisation de l’anesthésie/analgésie locorégionale est un facteur déterminant facilitant le développement de la chirurgie de l’urgence en ambulatoire.

Mise au point

Chirurgie ambulatoire

J-P Triboulet

Références [1]

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[3]

Ministère de la Santé. Abécédaire de chirurgie ambulatoire. Réglementation, organisation, pratique; 2009 [Accès au site le 08/01/2014]http://www.sante.gouv.fr/ IMG/pdf/Abecedaire_chir_ambu.pdf. HAS, ANAP. Ensemble pour le développement de la chirurgie ambulatoire. Recommandations organisationnelles; 2013 [Accès au site le 08/01/2014]http://www.anap.fr/detail-dune-publication-ou-dunoutil/recherche/recommandations-organisationnelles/. Société française d’anesthésie et de réanimation. Recommandations formalisées d’experts. Prise en charge anesthésique des patients en hospitalisation ambulatoire; 2009 [Accès au site le 08/01/ 2014]http://www.sfar.org/article/207/ prise-en-charge-anesthesique-despatients-en-hospitalisation-ambulatoirerfe-2009.

[4]

[5]

[6]

[7]

Franck L, Maesani A, Birenbaum A, Delerme S, Riou B, Langeron O et al. E´tude de facilite´ pour la mise en place d’une filie`re de chirurgie ambulatoire en urgence. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32:392-6. HAS, ANAP. Ensemble pour le développement de la chirurgie ambulatoire. Recommandations organisationnelles. Résultats du benchmark. Actes de la table ronde nationale du 21 novembre 2012; 2012 [Accès au site le 08/01/2014]http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ 2013-06/annexe_11_table_ronde_actes_2013-06-28_10-38-37_269.pdf. Beaussier M, Dufeu N. Urgences chirurgicales en ambulatoire : en route vers une nouvelle étape. Ann Fr Anesth Reanim 2013;32:383-4. Dubois L, Vogt KN, Davies W, Schlachta CM. Impact of an outpatient appendectomy protocol on clinical outcomes and cost: a

case-control study. J Am Coll Surg 2010;211:731-7. [8] Alkhoury F, Burnweit C, Malvezzi L, Knight C, Diana J, Pasaron R et al. A prospective study of safety and satisfaction with same-day discharge after laparoscopic appendectomy for acute appendicitis. J Pediatr Surg 2012;47:313-6. [9] Cash CL, Frazee RC, smith RW, Davis ML, Hendricks JC, Childs EW et al. Outpatient laparoscopic appendectomy for acute appendicitis. Am Surg 2012;78:213-5. [10] Vandenbroucke F, Létourneau R, Roy A, Dagenais M, Bellemare S, Plasse M et al. Chole´cystectomie coelioscopique ambulatoire : expe´rience d’un an sur des patients non se´lectionne´s. J Chir (Paris) 2007;144:215-8. [11] Le Saché F, Birenbaum A, Delerme S, Khiami F, Tresallet C, Langeron O et al. Mise en place d’une filie`re de chirurgie ambulatoire en urgence. Ann Fr Med Urg 2012;2:303-9.

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[Ambulatory emergency surgery].

Development of outpatient cases in emergency is still a controversy. Ambulatory surgery is possible in ambulatory surgical unit (ASU), or in emergency...
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