CAS CLINIQUE

© Masson, Paris. Ann Fr Anesth R6anim, 10:164-167, 1991

Andvrysme de I'aorte abdominale et coagulation intravasculaire prdop ratoire Abdominal aortic aneuwsm and chronic disseminated intravascular coagulation V. CHAUVET*, J.J. BUSSAC *, H. JULLIAN *, I. JUHAN-VAGUE **, A. BRANCHEREAU *** * D6partement d'Anesth6sie-R6animation, ** Service d'Hematologie, *** Service de Chirurgie G6n~rale et Vasculaire, CHU La Timone, Boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille Cedex 5

RE'SUM#: Une femme de 69 ans est hospitalis6e pour des ecchymoses et des p6t6chies d'apparition r6cente. Le bilan biologique montre une coagulation intravasculaire (CIV) qui est rattach6e h un an6vrysme de l'aorte abdominale. Une h6parinothErapie est institu6e et stabilise la CIV sans am61ioration franche. La cure d'an6vrysme est r6alis6e sous apport de fibrinog~ne et de plaquettes, et poursuivie apr~s clampage de l'aorte avec du plasma frais congel6. La CIV disparait en p6riode postop6ratoire. Aucun syndrome h6morragique n'est signal6 pendant les p6riodes per et postop6ratoire. Cette attitude th6rapeutique qui vise ~ traiter la CIV de mani6re syst6matique et prophylactique s'oppose h l'attitude classique qui consiste ~ n'administrer des facteurs de l'h6mostase qu'en pr6sence d'un saignement op6ratoire ou d'anomalies biologiques majeures. Cette observation remet donc en question l'attitude th6rapeutique devant une CIV compliquant un an6vrysme de l'aorte. Mots-cl6s : C H I R U R G [ E : vasculaire, an~vrysme de l'aorte abdominale ; S A N G : troubles de la coagulation, C1VD.

INTRODUCTION L'association d'un an6vrysme de l'aorte abdomin a l e et d ' u n s y n d r o m e d e c o a g u l a t i o n i n t r a v a s c u l a i r e b i o l o g i q u e ( C I V ) est c l a s s i q u e ; sa f r 6 q u e n c e est d e 40 % d a n s u n e 6 t u d e p r o s p e c t i v e p o r t a n t sur 32 a n 6 v r y s m e s [8]. E n r e v a n c h e , l ' e x i s t e n c e d'un syndrome h6morragique clinique lors d'une t e l l e a s s o c i a t i o n est r a r e . E l l e est s o u v e n t le fait d ' a n 6 v r y s m e s 6 t e n d u s [6, 9, 12]. S a f r 6 q u e n c e est d e 4 % d a n s u n e 6 t u d e p r o s p e c t i v e d e 76 a n 6 v r y s m e s [2] ; ce c h i f f r e p a r a i t m a j o r 6 p a r la s61ect i o n d e la s6rie q u i est c o n s t i t u 6 e p o u r m o i t i 6 d'an6vrysmes thoraciques ou thoracoabdominaux. La pr6sence d'un syndrome h6morragique clinique p o s e la q u e s t i o n d e la p r 6 p a r a t i o n ~ la c u r e c h i r u r gicale de l'an6vrysme. Les observations publi6es jusqu'ici mentionnent souvent l'apport p6riop6ratoire de facteurs de l'h6mostase, mais n'en pr6cis e n t p a s les m o d a l i t 6 s [1-7, 9-12]. L e cas r a p p o r t 6 ici p e r m e t d e d i s c u t e r ces m o d a l i t 6 s .

OBSERVATION Une femme de 69 ans est hospitalis6e le 28 juin 1989 pour exploration d'un syndrome h6morragique d'apparition r6cente, Re~u le 5 mars 1990, accept6 apr6s r6vision le 6 novembre 1990.

constitu6 de p6t6chies et d,ecchymoses spontan6es et extensives. Ses ant6c6dents comprennent une hypertension art6rielle trait6e par nif6dipine, un diab6te non insulinod6pendant 6quilibr6 par r6gime seul, et un syndrome d6pressif mod6r6 trait6 par maprotiline. I1 n'existe pas d'ant6c6dents familiaux ni personnels de maladie h6morragique. Le bilan biologique initial montre une h6moglobine h 11,3 g - 100 m1-1, un taux de fibrinog~ne ~ 0,95 g • 1-~, une num6ration des plaquettes 105 G • 1 ~, un taux de prothrombine (TP) h 50 %, un temps de c6phaline activ6 h 1,3 fois le temps du t6moin, et des produits de d6gradation de la fibrine et du fibrinog~ne (PDF) 100 p~g-ml i. Les fonctions h6patiques et r6nales sont normales. Le diagnostic de CIV est alors pos6. Le bilan 6tiologique r6v61e un an6vrysme de l'aorte abdominale de 8 cm de diam~tre, 6tendu du tronc coeliaque aux art~res iliaques. On ne retrouve aucune autre cause classique de coagulation intravasculaire. Une h6parinoth6rapie i.v. continue est entreprise ~ la dose de 7 000 U 1 - j 1. Durant la premi6re semaine de traitement, on observe une remont6e du taux de fibrinog6ne h 2,4 g . 1-1 et de la num6ration plaquettaire ~ 167 G . 1-1. Cependant, malgr6 la poursuite de l'h6parine, le fibrinog6ne et le nombre de plaquettes reviennent ensuite h leur valeur pr6th6rapeutique (fig. 1). L'6tat clinique reste stationnaire et un transfert en CHU est r6alis6 le 12 juillet 1989 en vue d'une intervention chirurgicale. L'exploration compl6mentaire de l'h6mostase confirme le bilan initial et montre une num6ration plaquettaire ~t I00 G.1-1 , un TP a 5 7 % , un taux de fibrinog~ne 0,60 g • 1 1, un facteur II h 92 %, un facteur V h 88 %, des Tir6s a part : J.J. Bussac.

ANI~VRYSME DE L'AORTE ABDOMINALE

165

OPDF (pg/ml) [] PLAQUETTES (G/I)

• FIBRINOGENE (g/I) m

"300 3-

-200

1-

"100

nues par r6cup6ration perop6ratoire (Cell-Saver) et de cinq unit6s homologues. L'op6rateur ne signale cependant pas de tendance h6morragique anormale, compte tenu dE type d'intervention. Le remplissage perop6ratoire est de 3 litres de Ringerlactate et 1,5 litre d'albumine ~ 4 %. L'h6moglobine en fin d'intervention est ~ 8,5 g- 100 ml ~. Aucun apport postop6ratoire de facteurs de l'h6mostase n'est n6cessaire, le taux de fibrinog6ne et la num6ration plaquettaire 6tant normalis6s d6s la fin de l'intervention. La malade quitte l'h6pital au quinzi6me jour postop6ratoire sans anomalie clinique ou biologique de l'h6mostase. L'6volution globale des facteurs de coagulation est repr6sent6e dans la figure 1. DISCUSSION

- 1 6

- 8

J 0

+8

+ 1 6 JOURS

Fig. 1. - - Evolution gEnErale de l'hEmostase par rapport l'intervention (J0). La pEri0de d'administration de l'hEparine est indiquEe par une barre hachurEe.

facteurs VII et X h 100 %, une antithrombine III ~ 100 % et la pr6sence de complexes solubles. Le temps de saignement mesur6 par la technique d'Ivy est h 22 rain. Les tests fonctionnels plaquettaires r6v61ent une hypoagr6gabilit6 globale ; l'activit6 fibrinolytique mesur6e par le test de Von Kaulla est normale. L'hEparinoth6rapie est poursuivie par voie sous-cutanee (0,15 ml de calciparine, trois fois par jour) sans amElioration clinique ni biologique. La cure de l'anEvrysme est pratiquEe le 20 juillet 1989 par excision et greffe d'un tube de dacron avec clampage aortique en D12. Ce clampage ne s'accompagne pas d'une hEparinisation, conformEment ~ la pratique du service concernant les clampages de l'aorte thoracique. Le temps de clampage du territoire visceral est de 26 min et le temps de clampage sousrenal de 60 min. Une plaie accidentelle de la rate nEcessite une splEnectomie. Six grammes de fibrinog6ne et dix unites de concentrEs plaquettaires sont administrEs deux heures avant l'intervention. Le temps de saignement au moment de l'incision est de 13 min. Apr6s le dEclampage de l'aorte, la patiente re~oit de nouveau deux grammes de fibrinog6ne, dix unit6s plaquettaires et quatre poches de plasma frais congelE. L'Evolution de l'hEmostase peropEratoire est dEcrite dans la figure 2. La transfusion globulaire est de deux unites autologues obte-

o

• FIBRINOGENE (g/I)

TP (%)

r~ PLAQUETTES (G/I)

"150 -100

J

1

50 !

Pr~op.

Incision

!

Post-Dec

Fin

Fig. 2. - - Evolution perop6ratoire de l'h6mostase. Les fl6ches signalent l'apport de facteurs de coagulation (d6tails dans le texte).

[Aneurysm of the abdominal aorta and preoperative disseminated intravascular coagulation].

A case of abdominal aortic aneurysm associated with preoperative signs of disseminated intravascular coagulation is reported. The 69-year-old female p...
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