Table ronde

Antibiothérapie probabiliste : les lignes bougent (GPG, GPIP)

Résistance des germes communautaires : alertes et bonnes nouvelles S. Bonacorsi Service de Microbiologie, CNR associé Escherichia coli, AP-hP, hôpital Robert-Debré, 48 Bd Sérurier, 75019 Paris, France

L

e 18 novembre 2014, l’Agence nationale de sécurité du médicament et l’Institut de veille sanitaire ont conjointement présenté un bilan sur la consommation des antibiotiques et sur la résistance aux antibiotiques en France (www.invs.sante.fr). Ce rapport concluait à « la nécessité d’une mobilisation déterminée et durable » traduisant un bilan mitigé, certains indicateurs restant préoccupants, tandis que d’autres sont encourageants. En effet, depuis la mise en place du plan antibiotique au début des années 2000, la consommation des antibiotiques en ville a dans un premier temps diminué puis s’est stabilisée entre les années  2005 et  2010. Dès lors et de façon inquiétante, cette consommation n’a cessé d’augmenter passant de 28,2 à 30,1 DDJ/1000H/J. En 2013 la France était encore le 4e pays européen consommateur d’antibiotiques (données ESAC-Net). Toutefois sur le plan qualitatif les prescriptions ont évolué selon les classes d’antibiotiques avec une augmentation de près de 30 % de l’amoxicilline avec ou sans acide clavulanique, mais une diminution dans une même proportion des autres b-lactamines, des macrolides et du cotrimoxazole. Comment l’évolution de cette consommation des antibiotiques se traduit-elle en matière de résistances bactériennes  ? Selon les germes auxquels on s’intéresse, il apparaît clairement certains signes d’alerte ou au contraire de bonnes nouvelles. Parmi les bonnes nouvelles on compte l’évolution de la résistance de S. pneumoniae. Le taux de S. pneumoniae de sensibilité diminuée aux b-lactamines isolé du nasopharynx d’enfant ayant une otite moyenne aiguë est en constante diminution depuis des années. Cette baisse s’est accélérée suite à l’introduction du Prevenar13, qui comprend des sérotypes caractérisés par une forte proportion de souches non sensibles aux b-lactamines comme le sérotype 19A. A la fin de l’année 2013, près de 35 % de souches de S. pneumoniae étaient de sensibilité intermédiaire alors que ce taux était proche de 50 % avant 2010, année de l’introduction du Prevenar13. De même, la résistance à l’érythromycine durant cette période a chuté de 50 %. Le rôle majeur du Prevenar13 sur cette évolution est souligné par la stabilité du taux de résistance aux aminopénicillines de h. influenzae depuis 2010 qui est de 20 %, constitué pour moitié de souches productrices de b-lactamase (données du groupe ACTIV et du CNR pneumocoque, à paraître). Enfin l’excellente nouvelle est constituée par la disparition des

Correspondance : [email protected]

souches de S. pneumoniae de sensibilité diminuée aux céphalosporines de 3e génération dans les méningites depuis 2012 selon les données du CNR. Cette évolution a conduit le GPIP à simplifier en 2014 l’antibiothérapie probabiliste des méningites consistant en l’administration de céfotaxime seul à la dose de 300 mg/ kg/j. Toutefois la vigilance doit rester de rigueur et l’émergence de sérotypes de S. pneumoniae de sensibilité diminuée aux b-lactamines est une éventualité à envisager. Ainsi l’observation récente d’une augmentation des souches de S. pneumoniae de portage nasopharyngé de sérotypes 15B/C et 11A, avec pour ce dernier un tiers de souches résistantes à la pénicilline devra faire l’objet d’une attention particulière. Depuis plus de 10  ans le taux de S. aureus résistant à la méticilline (SARM) isolé d’infections invasives en France ne cesse de décroître à l’hôpital, passant de 29  % en 2003 à 17  % en 2013 (Réseau EARS-Net France). Cependant parallèlement à cette embellie est survenue l’émergence de clones de SARM responsables d’infections communautaires. Le SARM communautaire fait maintenant jeu égal avec le SARM hospitalier. Durant ces 10 dernières années à l’hôpital Robert Debré, sur 156 souches de S. aureus isolées de bactériémies et d’infections ostéo-articulaires communautaires, 8,33 % étaient des SARM. Il est troublant de noter que, durant cette même période, sur 120 souches responsables de bactériémies nosocomiales et d’infections sur prothèses orthopédiques, 8,33  % de SARM étaient également observés  ! Vingt et un pourcent des souches communautaires étaient résistantes à l’érythromycine et moins de 2 % à la clindamycine. Le taux de SARM communautaire est donc dangereusement proche du seuil fatidique de 10 %, susceptible de modifier l’antibiothérapie probabiliste des infections invasives à S. aureus. Il est intéressant de noter par ailleurs que l’étude du portage de S. aureus chez les jeunes enfants ne retrouve pas de tels taux de SARM. En 2014 sur 89 souches de portage communautaire seulement 2,2 % étaient des SARM et 27 % étaient résistantes à l’érythromycine (données du Groupe ACTIV). Ceci souligne la virulence potentiellement accrue des souches de SARM dont l’émergence des clones producteurs de Leucocidine de PantonValentine est le reflet. L’évolution de la résistance aux céphalosporines de 3e génération (RC3G) des entérobactéries constitue une préoccupation majeure. Malgré la mise en place de moyens de prévention au sein des hôpitaux, le taux RC3G des Klebsiella et E. coli responsables d’infections invasives n’a cessé de croître, atteignant 28 % et 9,5 % respectivement en 2013. Cette résistance est liée dans

69 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):69-70

S. Bonacorsi

plus de trois-quarts des cas à la présence d’une bêta-lactamase à spectre étendu (BLSE). Cette résistance a rapidement essaimé en milieu communautaire et le portage d’entérobactéries productrices de BLSE chez l’enfant fait l’objet d’une surveillance chaque hiver depuis 2010 par le groupe ACTIV et le GPIP. Après avoir atteint un pic en 2011, la prévalence du portage des entérobactéries BSLE a semblé amorcer une décroissance pour passer de 9,49 à 6,85 % en 2013. Cependant la prévalence cet hiver est repartie à la hausse avec une première estimation à 10  %. Ce taux de portage est massivement lié à l’espèce E. coli (>90%). La caractérisation génétique de ces souches a permis de montrer que près d’un tiers d’entre elles appartiennent à un clone particulier dit ST131 qui possède une grande aptitude à coloniser le tube digestif. Par ailleurs ces souches de E. coli BLSE, heureusement, sont dépourvues des facteurs de pathogénicité impliqués dans la virulence des E. coli responsables de pyélonéphrites. Ainsi moins de 5  % de ces souches possèdent l’adhésine PapGII qui est un facteur essentiel impliqué dans les infections urinaires hautes. Cette « antinomie » relative entre BSLE et uropathogénicité peut expliquer pour partie la modeste part qu’occupent les E. coli BSLE dans les infections urinaires communautaires de l’enfant sans anomalie des voies urinaires. Ainsi en 2012 à l’hôpital Robert Debré sur 358 pyélonéphrites, 16 étaient dues à des E. coli BLSE (4,5 %), mais 13 de ces patients présentaient une uropathie. L’essaimage des E. coli BLSE dans la communauté n’est pas sans conséquence sur le risque encouru dans le cadre des infections

70

Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):69-70

néonatales précoces. À l’hôpital Robert Debré, en 2014, 3,3% des E. coli isolés des prélèvements périphériques de nouveau-nés présentaient une BLSE. Le CNR associé E. coli a enregistré cette année la première méningite néonatale précoce à E. coli BLSE. En conclusion, le bilan des résistances des germes communautaires reste mitigé. Si l’évolution de la résistance du pneumocoque est un élément de satisfaction, l’émergence de nouveaux clones de sensibilité diminuée aux bêta-lactamines est possible. Le SARM communautaire n’a pas connu une expansion similaire à celle rencontrée dans certains pays comme celle du clone USA300 aux Etats-Unis. Cependant les premières descriptions récentes en France d’épidémies liées à ce clone n’est pas de bonne augure. Enfin la persistance des E. coli BLSE en portage digestif communautaire malgré la baisse de la consommation des C3G est la plus grande source d’inquiétude. Ces E. coli BLSE présentent pour l’instant une faible pathogénicité. Toutefois l’acquisition d’une BLSE par un clone de E. coli uropathogène est tout à fait envisageable et serait susceptible de modifier considérablement la prise en charge des infections urinaires chez l’enfant.

Références Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprès de l’auteur.

[Antibacterial resistance of community acquired infections: warnings and good news].

[Antibacterial resistance of community acquired infections: warnings and good news]. - PDF Download Free
142KB Sizes 0 Downloads 8 Views