L’Encéphale (2013) 39, S172-S178

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Traitements anti-maniaques dans les états mixtes Antimanic treatments in bipolar mixed states D. Dassaa*, M. Duboisa, M. Maurelb, E. Fakrab, D. Pringueyc, R. Belzeauxb, A. Kaladjiand, M. Cermolacceb, J.-M. Azorinb aPôle

de psychiatrie centre, Hôpital de La Conception, Boulevard Baille, 13006 Marseille, France psychiatrie adultes, Solaris, Hôpital Sainte-Marguerite, 13274 Marseille cedex 09, France cClinique de psychiatrie et de psychologie médicale, CHU Pasteur, 06002 Nice cedex, France dPôle de psychiatrie des adultes, CHU Robert-Debré, Avenue du Général-Koenig, 51092 Reims cedex, France bSHU

MOTS CLÉS Troubles bipolaires ; État mixte ; Antipsychotiques ; Normothymiques ; Electroconvulsivothérapie

KEYWORDS Bipolar disorder; Mixed state; Antipsychotics;

Résumé L’état mixte est un déÀ nosologique et diagnostique. La littérature à ce sujet est cependant relativement pauvre. Le traitement de l’état mixte est difÀcile, la co-morbidité est fréquente, le risque suicidaire est élevé et l’évolution est souvent péjorative. La déÀnition de l’épisode mixte du DSM-IV TR (« juxtaposition d’un épisode maniaque et d’un épisode dépressif ») a été élargie dans le DSM-5 et les symptômes mixtes sont appréhendés sous forme de « caractéristiques spéciÀques mixtes » ; déÀnition qui peut s’appliquer aux épisodes maniaques ou dépressifs. La classiÀcation de l’état mixte comme déÀni dans le DSM-5 est moins restrictive que celle du DSM-IV TR et demeure un déÀ méthodologique et thérapeutique. L’objectif de cet article est d’effectuer une revue de la littérature pour évaluer l’efÀcacité des différentes molécules utilisées dans les états mixtes. Les symptômes maniaques des épisodes mixtes répondent bien aux antipsychotiques de seconde génération et au valproate. Il n’y a pas de différence d’efÀcacité entre les différents antipsychotiques. En deuxième intention, le lithium et la carbamazépine sont efÀcaces dans les états mixtes en monothérapie mais aussi, en association avec un antipsychotique de seconde génération. L’association d’un antipsychotique avec un stabilisateur de l’humeur est efÀcace dans l’état mixte et c’est sur ce thème que les études ont été les plus documentées. © L’Encéphale, Paris, 2013. Tous droits réservés. Summary Introduction: Mixed states present nosologic and diagnostic challenges with a relative paucity of evidence to guide treatment. Mixed bipolar states are difÀcult to treat and are associated with a high neuropsychiatric morbidity, a high risk of suicide and a poor outcome. In DSM-5, the deÀnition of mixed episode has been removed (in DSM-IV TR: “juxtaposed full manic and depressive episodes”). Mixed symptoms are captured under a broader concept called “mixed features” that is applied to mania and depression. The classiÀcation of mixed states as deÀned in DSM-5 is less restrictive than in DSM-IV TR and

*Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Dassa). © L’Encéphale, Paris, 2013. Tous droits réservés.

Traitements anti-maniaques dans les états mixtes

Mood stabilizers; Electroconvulsive therapy

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challenges us at methodological and therapeutic levels. Objective: The aim of this paper was to conduct an overview of the literature to ascertain the efÀcacy of pharmacotherapy of mixed states. Method: A systematic review of the literature was conducted using PubMed. Results: Manic symptoms of mixed episodes seem to show a good response to second generation antipsychotics and to divalproate. There is no evidence of differential efÀcacy for second generation of antipsychotics (SGAs). Lithium and carbamazepine may be effective in mixed states in monotherapy and perhaps beneÀt in combination with SGAs as second line. Combination pharmacological treatment of SGAs and moodstabilizers are common in mixed states. This pattern has the best literature evidence. Conclusions: There is a few evidence to help us to choose the right treatment for patients with mixed state. In light with the DSM 5, more drugs speciÀcally designed to treat mixed state are needed. © L’Encéphale, Paris, 2013. All rights reserved.

Introduction Les états mixtes associent, à des degrés variables, des symptômes maniaques et des symptômes dépressifs. La déÀnition d’état mixte ne fait pas encore consensus. Le concept d’état mixte a été abordé dès 1899 par Kraepelin et son élève Weygandt. Dans le DSM-IV TR, l’état mixte s’inscrit dans une période d’au moins une semaine au cours de laquelle sont présents à la fois les critères d’un épisode maniaque et ceux d’un épisode dépressif majeur presque tous les jours. Le DSM 5 élargit le concept d’état mixte puisque la déÀnition devient plus souple, le diagnostic « épisode mixte » étant remplacé par la notion de « caractéristiques spéciÀques mixtes ». Ainsi, les abords diagnostique et thérapeutique des états mixtes sont mieux compris et davantage investis. La prévalence des épisodes mixtes varie, au sein du troubles bipolaire, selon les déÀnitions, de 9 à 23 % [1] pouvant aller jusqu’à 31 % [2]. Si l’on compare la durée d’un épisode maniaque et celle d’une manie mixte, il apparaît que la manie mixte dure plus longtemps [3] et qu’en outre, le fonctionnement y est d’avantage altéré [4]. De plus, dans la manie mixte, il y a un plus grand nombre d’épisodes antérieurs ; autrement dit, le risque de rechute est plus important. On observe également, chez les patients souffrant de manie mixte, une augmentation de la tendance aux addictions et des suicides [5,6]. De la même manière, la durée de la dépression mixte est plus longue que celle de l’épisode dépressif bipolaire et la symptomatologie plus sévère. Dans la dépression mixte, les périodes inter-critiques de rémission sont plus courtes ; le nombre d’épisodes dépressifs ou/et maniaques, de cycles rapides et d’épisodes mixtes est plus élevé. On observe également plus souvent, dans la dépression mixte, des caractéristiques psychotiques, une addiction alcoolique et un risque de suicide plus élevé [7,5]. Le fait que le risque suicidaire est très élevé chez les patients souffrant d’état mixte a été montré dans plusieurs études [8].

Une étude de Valtonen et al. [9] sur les tentatives de suicides à différentes phases du trouble bipolaire montre que, par rapport aux autres phases de la maladie, l’incidence des tentatives de suicide est 37 fois plus élevée lors d’un état mixte et 18 fois plus élevée lors d’un épisode dépressif majeur. Ainsi, l’incidence des tentatives de suicide varie de façon importante selon les phases ; les phases mixte et dépressive étant les plus critiques. En d’autres termes, la durée de ce type de phases apparaît comme un critère déterminant du risque suicidaire chez les patients souffrant de troubles bipolaires. Pour le thérapeute, il est donc crucial d’évaluer correctement l’état clinique des patients bipolaires et d’instaurer rapidement le traitement pharmacologique adéquat aÀn de réduire le risque suicidaire. En 2006, Balazs et al. [8] ont démontré que l’agitation psychomotrice et l’irritabilité sont des variables prédictives importantes à prendre en compte dans le risque suicidaire. Les études sur ce thème sont peu nombreuses. En 2005, Thuile et al. [10], dans une revue de la littérature, donnaient quelques principes généraux à respecter dans les états mixtes, comme la nécessité d’arrêter les antidépresseurs ou l’efÀcacité du valproate.

Principes généraux Du fait de la sévérité de la symptomatologie et de la complexité des épisodes mixtes, les patients souffrant de cette pathologie sont souvent vus en services d’urgence. Il est ainsi nécessaire de traiter de façon rapidement efÀcace [11] : • les symptômes maniaques et dépressifs survenant au cours du même épisode (simultanément ou alternativement), • les symptômes psychotiques, • l’anxiété (souvent sévère), • les états catatoniques, • la labilité émotionnelle, • les idées suicidaires.

S174 Aujourd’hui, une seule molécule ne peut répondre à l’ensemble de ces exigences et la polythérapie est le plus souvent la règle dans le traitement des états mixtes. On observe également que les traitements conventionnels de la manie et de la dépression ne sont pas toujours efÀcaces dans les états mixtes et peuvent même en aggraver les symptômes. Il existe peu d’études dédiées exclusivement à l’évolution d’une population souffrant d’état mixte ; on peut citer l’étude de Houston et al. de 2009 [12]. Les études sur le traitement des épisodes mixtes intéressent le plus souvent un sous-groupe ou sont une analyse post-hoc d’études qui incluent à la fois épisodes maniaques et mixtes [13,14].

Traitements étudiés Lithium Les études au sujet du traitement des états mixtes par le lithium ont l’inconvénient de comporter un faible nombre de patients. L’idée généralement admise est que les épisodes mixtes ne relèvent pas d’un traitement par lithium seul et que l’association avec un autre traitement thymo-régulateur doit être discutée au cas par cas [10]. En dépit du fait que les états mixtes répondraient moins bien au lithium qu’au valproate, il y a, de façon surprenante, peu d’études sur ce thème [15]. L’étude de Keck et al. de 2009 [16], montre que le lithium est aussi efÀcace que l’aripiprazole dans le traitement des états mixtes et que le lithium atténue l’impulsivité, la suicidalité et la symptomatologie dépressive et pourrait ainsi être indiqué pour certains symptômes des états mixtes. Une étude de Muti et al. [17] montre que les patients mixtes ayant une lithémie supérieure ou égale à 0,60 Meq/l ont un taux plus élevé de rémission et une amélioration de la symptomatologie supérieure aux autres patients. En outre, les patients bénéÀciant de l’association lithiumvalproate ont davantage d’amélioration des symptômes mixtes, anxieux et psychotiques que ceux qui ont reçu une monothérapie par lithium. L’étude retrouve également qu’en association avec le valproate, des taux sanguins de lithium compris entre 0,4 et 0,6 Meq sont sufÀsants pour maintenir un effet thérapeutique. Muzina [18] montre en 2009 qu’une association du lithium avec un autre thymo-régulateur peut être envisagée en cas de résistance chez les patients souffrant d’état mixte. EnÀn, l’étude de Moore et al. [19], inspirée des études sur l’animal montrant un effet neurotrophique et neuroprotecteur du lithium, et s’appuyant sur l’imagerie par résonnance magnétique, sur une population de dix patients traités par lithium, retrouve une augmentation de la substance grise cérébrale dès la quatrième semaine de traitement.

D. Dassa, et al.

Anti-convulsivants Valproate Le valproate est une molécule qui a prouvé son efÀcacité dans les épisodes maniaques [20] mais aussi dans les états mixtes. L’étude de Freeman et al. [21] comparant en double aveugle lithium et valproate a montré une réponse thérapeutique pour les deux molécules avec une supériorité du valproate sur les symptômes dépressifs des états mixtes. L’étude de Swann et al. [22] montre une supériorité thérapeutique du valproate sur le lithium dans le sous-type irritable des états maniaques. Ainsi, il semble exister un certain consensus quant à l’efÀcacité thérapeutique du valproate dans les états mixtes et à son effet antidépresseur. Cependant, il n’y a pas eu, jusqu’à présent, d’études spéciÀques permettant d’établir des recommandations pour la prévention de la rechute des états mixtes avec le valproate [23]. EnÀn, comme pour le lithium, Atamca [24] montre l’effet neuroprotecteur et neurotrophique du valproate dans le trouble bipolaire.

Carbamazepine Une étude de 2004 [25], multicentrique, sur 3 semaines, en double aveugle, contre placebo, a évalué la carbamazépine à libération prolongée en monothérapie chez 30 patients souffrant d’état mixte. L’état mixte, comme dans la plupart des études, a été évalué avec l’échelle de Hamilton pour les symptômes dépressifs et l’échelle de Young pour les symptômes maniaques. Les patients traités par carbamazépine ont montré une diminution signiÀcative des scores à l’échelle de Young (symptômes maniaques) mais pas de diminution à l’échelle de Hamilton (symptômes dépressifs). Il est intéressant de noter que lorsque le traitement a été poursuivi pendant six mois [26], il y a une diminution signiÀcative des scores à l’échelle de dépression alors que les scores à l’échelle des symptômes maniaques restent au niveau atteint au bout de trois semaines. Ainsi, ces études semblent indiquer que la carbamazépine à action prolongée pourrait être utilisée dans la stabilisation des états mixtes, d’avantage que dans les phases aigues. Dans l’étude de Greil et al. [27], randomisée, prospective, multicentrique, comparant carbamazépine et lithium sur une période de deux ans et demi et comprenant 36 patients souffrant d’état mixte, on observe une tendance statistique non signiÀcative en faveur de la carbamazépine comme traitement prophylactique. En résumé, il semble que, dans les états mixtes, la carbamazépine soit davantage un traitement prophylactique qu’un traitement des phases aigües [11].

Traitements anti-maniaques dans les états mixtes

S175

Antipsychotiques

Olanzapine

Antipsychotiques typiques

L’olanzapine est l’antipsychotique atypique qui a été le plus étudié dans le traitement des états mixtes. On retrouve trois essais cliniques contre placebo [34-36] et une étude en double aveugle avec doses Áexibles dans laquelle l’état mixte représente un petit sous-groupe [37]. Deux des études de Tohen et al. ont été réanalysées par Baker et al. en 2003 [38] pour évaluer spéciÀquement l’efÀcacité de l’olanzapine dans les états mixtes. Il y avait dans l’ensemble des études 33 patients souffrant d’état mixte et traités par olanzapine et 35 patients souffrant d’état mixte et traités par placebo. Une semaine après le début du traitement, il a été observé une réduction signiÀcative des symptômes maniaques et dépressifs chez les patients traités par olanzapine, selon les échelles YMRS et MADRS. À noter que dans l’étude de Tohen et al. [36], l’olanzapine était administrée en association avec du valproate ou du lithium. En résumé, parmi l’ensemble des antipsychotiques atypiques, l’olanzapine est la molécule dont l’efÀcacité dans les états mixtes a été étayée par le plus grand nombre d’études. Cependant, en pratique, cette molécule ne peut être utilisée chez tous les patients souffrant d’état mixte à cause de son risque métabolique.

Aucune étude n’indique que les antipsychotiques typiques auraient un effet spéciÀque sur les états mixtes.Cependant, les symptômes psychotiques étant relativement fréquents dans les états mixtes, les antipsychotiques typiques peuvent être utilisés sur de courtes périodes. Ils n’ont pas d’intérêt dans la prévention de la rechute [28]. L’halopéridol a été utilisé comme contrôle dans de nombreux essais cliniques évaluant efÀcacité des antipsychotiques de seconde génération. Il a été montré que, dans les états mixtes, l’halopéridol est comparable, en termes d’efÀcacité, aux antipsychotiques de seconde génération, et réduit les symptômes maniaques. En ce qui concerne les symptômes dépressifs des états mixtes, l’halopéridol ne semble ni les provoquer ni les ampliÀer [29]. Cette constatation contraste avec l’idée générale que les antipsychotiques typiques sont dépressogènes dans les états maniaques aigus. Cependant, il faut souligner que l’halopéridol entraîne d’avantage de phénomènes extra-pyramidaux que les antipsychotiques atypiques. Il a par ailleurs été noté que les antipsychotiques typiques ont un effet pro-dépressif lorsqu’ils sont utilisés au long cours [28].

Aripiprazole Dans une étude multicentrique en double aveugle contre aripiprazole dans la manie aigue, Keck et al. [30] ont étudié un sous-groupe de patients souffrant d’état mixte comportant 86 patients dont 37 ont reçu 30 mg par jour d’aripiprazole et 49 un placébo. L’aripiprazole diffère du placebo au bout du quatrième jour en montrant une amélioration des symptômes maniaques et dépressifs. Il est également noté une très bonne tolérance de l’aripiprazole. L’étude de Suppes et al. [31] montre également une efÀcacité de l’aripiprazole par rapport au placebo dans une population de patients souffrant d’état mixte.

Quetiapine Une seule étude évalue précisément l’efÀcacité de la quetiapine dans l’état mixte [39]. Elle s’intéresse à une population d’adolescents. Une dose quotidienne de 450 mg a permis une réduction des symptômes maniaques et dépressifs. L’étude ouverte de Vieta et al. [40] comprenait trois patients souffrant d’épisodes de cycles rapides avec épisodes mixtes qui ont été traités, avec des résultats satisfaisants, pendant quatre semaines, avec 450 mg par jour de quetiapine. L’analyse rétrospective de Zarate et al. [41] incluant 145 patients souffrant de manie pure ou mixte montre l’efÀcacité de la quetiapine sur les symptômes maniaques et dépressifs des états mixtes. Cet effet est majoré lorsque l’on associe du valproate à la quetiapine. Cependant, à ce jour, les données restent éparses et peu nombreuses.

Asenapine L’efÀcacité de l’asenapine dans la manie aiguë a été montrée dans deux essais cliniques à peu près similaires utilisant l’olanzapine comme contrôle [32,33]. Dans l’une des deux études [32], une sous-population de patients souffrant d’état mixte a été étudiée. Le score de l’échelle YMRS utilisée pour ces patients approche mais n’atteint pas la signiÀcativité contre placebo. Une analyse post-hoc sur l’ensemble des patients mixtes est en faveur d’une efÀcacité de l’asénapine dans les états mixtes [14].

Risperidone L’étude de Sachs et al. [42] est la seule étude en double aveugle sur la rispéridone contre placebo dans laquelle on retrouve de patients mixtes (N = 33). La répartition des patients est la suivante : placebo + stabilisateur de l’humeur (lithium ou valproate) (N = 11) ; rispéridone + stabilisateur de l’humeur (N = 10), halopéridol + stabilisateur de l’humeur (N = 12). Les auteurs concluent qu’à la dose moyenne de 3,8 mg la rispéridone est aussi efÀcace que l’halopéridol pour réduire les symptômes mixtes.

S176 Plusieurs autres études ont montré l’efÀcacité de la rispéridone associée à un stabilisateur de l’humeur dans les états mixtes ; elles pèchent cependant par leur absence de comparateur et par l’association avec d’autres traitements. Spina et al. [43] ont étudié les interactions pharmacocinétiques entre d’une part la rispéridone et son métabolite, la 9-hydroxy-rispéridone (ou palipéridone) et d’autre part les stabilisateurs de l’humeur que sont la carbamazépine et le valproate. Ils concluent que la carbamazépine diminue de façon signiÀcative les concentrations plasmatiques de rispéridone et de palipéridone probablement par l’intermédiaire du cytochrome CYP3A4. En revanche, le valproate ne modiÀe pas les taux plasmatiques de ces antipsychotiques. Au total, des études complémentaires seraient utiles pour conÀrmer l’efÀcacité propre de la rispéridone dans les épisodes mixtes.

Clozapine Dans deux études, l’une de type contrôle et l’autre ouvert [44,45], la clozapine a montré des propriétés antimaniaques et antidépressives sur un total de neuf patients souffrant de manie mixte. Cependant, à cause de ses effets secondaires, la clozapine ne peut être utilisée en pratique courante chez la plupart des patients souffrant d’état mixte.

Electroconvulsivothérapie (ECT) Dans une revue de la littérature sur l’ECT dans le traitement des états mixtes, Valenti et al. [46] ont rapporté les résultats de trois études. La première étude est celle de Ciapparelli et al. [47] qui inclut 64 patients résistant, 41 patients présentant une manie mixte et 23 patients présentant une dépression bipolaire. L’ECT a été efÀcace dans ces deux indications mais il y a eu d’avantage de répondeurs dans la manie mixte (56 %) que dans la dépression bipolaire (26 %). Il est à noter que, dans cette étude, le pourcentage de répondeurs est inférieur à ce qui est décrit habituellement dans la littérature (50 % de répondeurs pour la dépression bipolaire). On observe également que la présence d’un délire est prédictive d’une réponse positive à l’ECT [48]. EnÀn, l’ECT réduit la suicidalité de façon plus importante dans les états mixtes que dans la manie mixte ou la dépression bipolaire. La seconde étude, effectuée par Devanand et al. [49] a comparé la réponse à l’ECT de trois groupes : 38 patients souffrant de dépression bipolaire, 5 patients souffrant de manie et 10 patients souffrant d’état mixte. Les résultats montrent une réponse thérapeutique pour 76,3 % des déprimés, 100 % des maniaques et 80 % des états mixtes.

D. Dassa, et al. Il a également été noté que, bien que répondent favorablement à l’ECT, les patients souffrant d’état mixte restent plus longtemps hospitalisés que les patients maniaques ou souffrant de dépression bipolaire. La troisième étude est celle de Gruber et al. [50] Elle décrit les cas de 41 patients hospitalisés pour des symptômes mixtes et qui ont reçu un traitement psychotrope. Huit d’entre eux ont été pharmaco-résistants et, parmi ces huit patients, sept ont accepté un traitement par ECT. Leur réponse thérapeutique a été favorable alors que le patient ayant refusé cette thérapeutique a évolué de façon défavorable. À la lumière de ces trois études, il apparaît que l’ECT est un outil thérapeutique efÀcace dans les états mixtes. L’ECT a peu d’effets secondaires, est bien tolérée et mériterait d’être d’avantage utilisée dans le traitement des états mixtes.

Discussion On constate que le traitement des états mixtes reste souvent un déÀ thérapeutique. La symptomatologie des patients souffrant d’état mixte est souvent intense. Outre les symptômes maniaques et dépressifs, ils présentent une agitation, une anxiété, des symptômes psychotiques et quelquefois des symptômes catatoniques. Après avoir établi au mieux le diagnostic d’état mixte (et la nouvelle déÀnition du DSM 5 facilitera cette tâche), la première étape sera de stabiliser le passage de l’état maniaque à l’état dépressif et de contrôler les troubles du comportement. Les molécules qui peuvent entraîner une élévation de l’humeur, potentialisant les virages, doivent être stoppées. Il s’agit des antidépresseurs, des stimulants, des stéroïdes, des broncho-dilatateurs et des toxiques divers. McIntyre et Yoon [23] résument sur un tableau les principes pharmacologiques du traitement des états mixtes (Tableau 1). Ils expriment également les difÀcultés d’interprétation de l’ensemble des données. En effet, aucune étude dont le but principal serait l’évaluation d’une population homogène de patients souffrant d’état mixte n’a été entreprise. De plus, la plupart des études-pivot pour l’enregistrement et la commercialisation de nouvelles molécules ont exclu les patients souffrant d’état mixte. Deux autres facteurs affectent l’interprétation des résultats ; d’une part la difÀculté à poser le diagnostic d’état mixte et d’autre part l’absence d’outils métrologiques satisfaisants dans le cas précis des états mixtes. Les échelles YMRS, HAMD et MADRS perpétuent l’idée que l’état mixte ne serait que la coexistence de symptômes maniaques et dépressifs, ce qui ne correspond pas à la réalité.

Traitements anti-maniaques dans les états mixtes Tableau 1 Traitement des états mixtes d’après McIntyre et Yoon [23]. Principes Pharmacologiques But Améliorer de façon concomitante les symptômes maniaques et les symptômes dépressifs Éléments de preuves De nombreuses études ont évalué l’efÀcacité des antipsychotiques atypiques mais celles concernant les états mixtes sont rares et leur interprétation sujette à caution du fait de la variabilité des déÀnitions de l’état mixte et des difÀcultés à étudier l’efÀcacité des molécules anti-maniaques dans les états mixtes, indépendamment de leur efÀcacité dans les accès maniaques. L’halopéridol, les antipsychotiques atypiques, la carbamazépine et le valproate ont montré une efÀcacité équivalente dans la réduction des symptômes maniaques dans la manie pure mais également dans les états mixtes (selon les critères du DSM IV TR). Il n’a pas été montré que les antipsychotiques atypiques aurait une efÀcacité différente dans le traitement des états mixtes ; cependant, dans le choix du traitement, il est nécessaire de tenir compte de la tolérance individuelle et des effets secondaires potentiels lors d’un traitement au long cours. La prédominance des symptômes dépressifs dans le trouble bipolaire laisse à penser que le lithium et la lamotrigine pourraient avoir un rôle à jouer dans les états mixtes. Monothérapie/Associations La plupart des patients nécessitent la mise en place d’une association thérapeutique, bien que les études concernant ce sujet soient rares et n’aient pas démontré de façon irréfutable son intérêt dans les états mixtes Recommandations Pharmacologiques Monothérapie

Associations

Antipsychotiques atypiques

Lithium ou Valproate + Antipsychotiques atypiques

Conclusion La littérature reste assez peu documentée en ce qui concerne le traitement des états mixtes. En outre, les différentes recommandations n’explorent pas toute la complexité de ce type d’épisode. On observe également que la plupart des patients mixtes n’ont pas été inclus dans les études-pivot d’enregistrement. Il existe en outre, dans les états mixtes, très peu de données sur la prévention des rechutes. En ce qui concerne la déÀnition de l’état mixte, il n’y a pas de consensus.

S177 Cependant, la nouvelle déÀnition du DSM-5, appréhendant la complexité du concept d’épisode mixte, utilise la notion de « caractéristiques mixtes spéciÀques », ce qui permettra de mieux diagnostiquer, cerner et traiter les patients souffrant d’état mixte. Il sera d’ailleurs certainement nécessaire de reprendre les données concernant l’état mixte à la lumière de la nouvelle déÀnition proposée dans le DSM-5. On peut remarquer que les études sur les associations de plusieurs molécules dans le traitement des états mixtes sont peu nombreuses. EnÀn, la notion de neuro-modulation dans les états mixtes gagnerait à être approfondie eu égard à la complexité des différents aspects cliniques des états mixtes.

Liens d’intérêts Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.

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[Antimanic treatments in bipolar mixed states].

Mixed states present nosologic and diagnostic challenges with a relative paucity of evidence to guide treatment. Mixed bipolar states are difficult to...
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