© Masson, Paris. Ann Fr Anesth Reanim, 11 : 288-290, 1992

CONFERENCE DE CONSENSUS

B6n6fices et risques de I'h6modilution utilis6e seule ou en association dans la prophylaxie de la maladie thromboembolique Benefits and risks of haemodilution, alone or associated with other techniques, in prophylaxis of thromboembolism M.C. LAXENAIRE*, M. DURUBLE**, C. THOMASSIN** * Departement d'Anesth6sie-R6animation, CHRU H6pital Central, 54037 Nancy Cedex ** Laboratoire de Biophysique, Hfpital Fernand-Widal, 75475 Paris *** Service d'Orthopedie, CHU C6te-de-Nacre, 14033 Caen

II est d6sormais d6montr6 que l'h6modilution normovol6mique, quel que soit le substitut utilis6, am61iore notablement la microcirculation [1, 5]. En effet, elle r6duit la viscosit6 sanguine, homog6n6ise la distribution des h6maties au niveau des bifurcations capillaires, et 6vite donc la stase sanguine, tout en conservant une oxyg6nation tissulaire correcte. Ces effets devraient 6tre b6n6fiques dans la pr6vention de la thrombose p6riop6ratoire. Sachant que celle-ci se constitue tr6s t6t, d6s le d6but de l'intervention chirurgicale, la technique d'h6modilution h retenir devrait donc 6tre l'h6modilution p6riop6ratoire avec pr616vement volontaire de sang, afin d'obtenir un h6matocrite de 2530 %. Depuis 1961 [4], il existe une multitude d'dtudes expdrimentales et cliniques montrant le r61e b6n6fique des dextrans dans la prdvention de la maladie thromboembolique p6riop6ratoire. Mais les modalit6s d'administration sont tr~s diffdrentes d'une 6tude h l'autre et ce substitut a rarement 6t6 associ6 h une h6modilution. C'est GROBER et BERGENTZ [3], en 1966, qui ont essay6 cette association chez le lapin, et c'est surtout l'6cole su6doise avec NILLIUS et coll. [6] qui, h partir de 1978, l'a 6tudi6e chez l'homme avec des crit6res d'appr6ciation tr6s s6rieux. La litt6rature actuelle reste malgr6 tout assez pauvre en travaux indiscutables concernant ce sujet.

1. MI=THODOLOGIE

Seules ont 6t6 retenues les publications (th6ses et r6sum6s exclus) traitant du r61e de l'h6modilution aigu6 pr6op6ratoire dans la pr6vention de la thrombose et pouvant 6tre class6es selon les niveaux de pertinence d6taill6s dans le tableau I. Ces publications ne pr6cisent pas la dur6e du suivi des patients.

Tableau I. - - Criteres d'appr6ciation des publications et moyens de contrOle utilises pour diagnostiquer la maladie thromboembolique.

Niveaux de pertinence (d'apr~s SACKETr [8])

Etudes retenues

NILL1US [6] (~) - - Etude prospective, randomis6e VARA-THORBECK[12] __ Moyens de contr61e chez tous !es VARA-THORBECK [13] patients : • phl6bographie, radio pulmonaire, scintigraphie pulmonaire de perfusion et ventilation 16] • phl6bographie, fibrinog~ne marqu6 [11, 12]. PARKER [7]

(~)

-

-

Etude prospective, randomis6e Moyens de contr61e non syst6matiques, sur signes cliniques d'appel (pht6bographie [7])

VARA-THORBECK[11] (~) - - Etude ouverte, non randomis6e DURUBLE [2] Population de r6f6rence simultan6e Moyens de contr61e : • fibrinog6ne marqu6 syst6matique, phl6bographie si test au fibrinog6ne positif [10] • doppler, phl6bographie si signes cliniques d'appel [2] TARTIERE

THOMASSIN

_ Etude non randomis6e

[9]

[10]

Population de r6f6rence historique

m

Moyen de contrOle syst6matique simple : rh6opl6thysmographie occlusive

_

m

Cas cliniques sans population t6moin Moyens de contr61e syst6matiques simples : 6cho-doppler coupl6, puis phl6bographie et angiographie si signes cliniques d'appel

Tires a part: M.C. Laxenaire.

CONFERENCE DE CONSENSUS

289

2. RleSULTATS (tableau II)

Les travaux ne concernent que l'adulte et s'appliquent avant tout ~ l'orthop6die (hanche) et un peu ~ la chirurgie viscdrale (v6sicule, c61on). I1 n'y a pas d'6tude en gyndcologie. L'h6modilution a toujours 6t6 rdalisde avant la chirurgie en pr61erant du sang pour abaisser l'h6matocrite ~ 30 % en moyenne. Le substitut utilis6 a 6t6 le dextran 70 dans cinq 6tudes (dont t r o i s de niveau 1 o/1 la s6rie comparative recevait 500 ml d e dextran 70 par jour) et des g61atines (Plasmion ®) dans trois 6tudes (chacune 6tant respectivement de niveau 3, 4 et 5). L'hdmodilution a toujours 6t6 utilisde seule comme moyen de pr6vention de la maladie thromboembolique. Une seule association avec de l'h6parine calcique est signalde dans un travail de niveau 5. Les s6ries tdmoins ont re~u soit du dextran 70 (500 ml pendant un ~ trois jours [6]), soit du dextran 40 puis de l'acide acdtylsalicylique ou de l'hdparine calcique ~ faible dose [11, 12], soit de l'h6parine associ6e ~ la dihydroergotamine [13], soit aucun traitement [2,

9]. 2.1. Benefices induits par I'hemodilution pr6op6ratoire 2.1.1. Effets sur la maladie thromboembolique

- - La thrombose veineuse profonde (TVP) : par rapport au traitement traditionnel par dextrans ou hdparine calcique, la frdquence de survenue des TVP n'est pas modifi6e (deux 6tudes de niveau 1, une d e niveau 4) ou est diminu6e (une 6tude de

niveau 1, une 6tude de niveau 2, deux 6tudes de niveau 3) ; - - l'embolie pulmonaire : t o u t e s les 6tudes concordent et montrent une diminution de la fr6quence de survenue des embolies pulmonaires (une 6tude de niveau 1, deux de niveau 3, une de niveau 4, une de niveau 5) et une diminution de leur gravit6 (les embolies mortelles signaldes dans deux travaux sont dans les s6ries t6moins : une 6tude de niveau 1, une 6tude de niveau 3). 2.1.2. Autres b6n6fices

Les infections de paroi sont r6duites de 2 ~ 4 lois en chirurgie colique (une 6tude de niveau 1), v 6 s i c u l a i r e et o r t h o p 6 d i q u e ( u n e 6 t u d e de niveau 3) par comparaison aux sujets trait6s par h6parine calcique et dihydroergotamine. La cicatrisation des sutures digestives est facilit6e par l'h6modilution (une 6tude de niveau 1) : 4 % de d6sunion des anastomoses digestives contre 12,5 % dans le groupe non h6modilu6. Les h6matomes postop6ratoires sont r6duits en orthop6die (une 6tude de niveau 4 ) : 0,9 % v e r s u s 5 % dans un groupe t6moin historique. Quant a l'6conomie de sang homologue, elle est comptabilis6e trois fois une 6rude de niveau 1 [6], une de niveau 2 [7] et une de niveau 4 [9]. 2.2. Risques induits par rh6modilution normovol6mique 2.2.1. Saignement per et postoporatoire : a u c u n e hemorra-

gie induite par cette technique n'est d6crite dans les huit travaux. Le saignement est particuli6re-

Tableau II. - - Publications traitant du r61e de I'hemodilution pr6operatoire dans la prevention de la maladie thromboembolique.

Auteurs

NILLIUS[6]

Niveaux de pertinence

1

Nombre de patients

57

Types de chirurgie

Orthop6die

H6matocrite

25-30 %

Substitut

Dextran 70

Incidence de la thrombose Contr61e

HDN

68 %

45 %

(NS)

Incidence de l'embolie pulmonaire Contr61e HDN 40 %

143 (3 groupes)

Orthopgdie

27 %

Dextran 70

64,5 %** 18,5 % 44,6 %*

VARA-THo~ECK[13]

1

62

C61on Rectum

30 %

Dextran 70

16,6 % (NS)

15,6 %

PARKER[7]

2

159

Abdominale

--

Dextran 70 Haemaccel

n=4

0

VARA-THORBECK[11]

3

210 204

Orthop6die Voies biliaires

27 % 27 %

Dextran 70 Dextran 70

13,7 % 10,17 %

9,3 % 6,2 %

n = 1 (4) 0

0 n=1

DURUBLE[2]

3

891

Orthop6die Abdominale

30 %

Plasmion ®

2%

0

n=2

0

TARTIi~RE[9]

4

114

Orthopddie

32 %

Plasmion ®

5,5 %

7,5 %

3%

0

THOMASSIN[10]

5

H6modilution (HDN)

(NS)

versus

30 %

Plasmion ®

Contr61e HDN

Contr61e HDN

7,4 %

1

Orthop6die

D6sunion d'anastomoses

lq

VARA-THORBECK[12]

212

Infections de paroi

4,25 %

contr61e : * p < 0,02, ** p < 0,001, NS : non significatif ; t = d6c6s.

0

26,6 %

6,2 %

26,2 % 14,5 %

11,3 % 4,4 %

12,5 %

4%

290

M.C. LAXENAIRE ET COLL.

ment bien 6tudi6 dans deux travaux (une 6tude de niveau 1, une 6tude de niveau 2). Celui-ci est identique au groupe t6moin. 2.2.2. Accident

anaphylacto~de :

aucun

n'est

signal6,

bien qu'il n'y ait pas eu de protection hapt6nique avec les dextrans. Le nombre total de patients 6tudi6s est cependant trop faible (2 042 patients) pour conclure h l'absence de risque d'accident de ce type avec la pratique de l'hdmodilution. 2.2.3. Asth6nie postop6ratoire: elle est signal6e dans les

suites de chirurgie orthop6dique dans deux 6tudes (niveaux 3 et 4).

que mdrite d'6tre 6valude en chirurgies urologique et gyndcologique. Les b6ndfices et les risques comparatifs des diff6rents substituts actuellement disponibles pour la rdalisation de cette technique (dextrans 40 et 60, g61atines, amidon 200 000) demanderaient ~ ~tre 6tudi6s isoldment ou associ6s d'autres techniques de pr6vention, en particulier l'h6parine calcique ou les h6parines de bas poids mol6culaire. Une question n'a pas trouv6 de r6ponse dans l'analyse de ces travaux : quelle doit 6tre la dur6e souhaitable de l'entretien postop6ratoire de l'h6modilution dans cette indication th6rapeutique ?

3. CONCLUSIONS

L'6valuation de l'h6modilution normovol6mique intentionnelle pr6op6ratoire avec les dextrans 70 a surtout 6t6 faite en orthop6die, et un peu en chirurgie visc6rale. I1 a 6t6 montr6 que l'h6modilution 6tait plus efficace que les antiagr6gants plaquettaires seuls (dextran 40, acide ac6tylsalicylique~ ou l'h6parine calcique h faible dose (5 000 UI x 2 par jour), administr6s avant l'intervention et poursuivis pendant les 10 h 30 jours postop6ratoires [12]. L'h6modilution a un effet variable sur la pr6vention des TVP, mais elle diminue la fr6quence et la gravit6 de l'embolie pulmonaire. D'autres b6n6fices ont 6t6 n o t a b l e s : r6duction des infections de paroi en chirurgie colique, am61ioration de la cicatrisation des anastomoses en chirurgie visc6rale et 6conomie de sang homologue. Mise h part u n e asth6nie postop6ratoire mod6r6e, aucun effet d616t6re n'a 6t6 signal6. L'h6modilution est fortement recommand6e comme moyen prophylactique de la thrombose, principalement dans la chirurgie orthop6dique. Mais il faut qu'elle soit imp6rativement n o r m o v o 16mique avec pr616vement sanguin volontaire pr6op6ratoire, sans restitution automatique postop6ratoire du sang. Le substitut utilis6 a 6t6 le dextran 70 (6tudes de niveau 1), mais des r6sultats identiques ont 6t6" trouv6s avec les g61atines (6tudes de niveau 3 ou 4). Ceci tendrait ~ montrer que c'est l'h6modilution, plut6t que le substitut, qui aurait un effet prophylactique de la thrombose. Ce fait reste cependant ~ 6tre confirm& 4. PROPOSITIONS DE TRAVAUX COMPLEMENTAIRES

Cette approche th6rapeutique de l'h6modilution dans la pr6vention de la maladie thromboemboli-

BIBLIOGRAPHIE

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[Benefits and risks of hemodilution alone or associated with other techniques in the prophylaxis of thromboembolism].

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