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Rec¸u le : 7 janvier 2015 Accepte´ le : 24 avril 2015

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Mise au point

Les enjeux de la me´decine personnalise´e applique´e a` la mucoviscidose Challenges of personalized medicine for cystic fibrosis H. Corvola,*,b,c, J. Taytarda, O. Tabaryb, P. Le Rouzicb,c, L. Guillotb, A. Clementa,b,c a

Service de pneumologie pe´diatrique, centre de ressources et de compe´tences pour la mucoviscidose, centre de re´fe´rence des maladies respiratoires rares, hoˆpital Trousseau, AP–HP, 26, avenue du Dr. Netter, 75012 Paris, France b Unite´ Inserm U938, centre de recherche Saint-Antoine, 34, rue Crozatier, 75012 Paris, France c Universite´ Pierre-et-Marie-Curie–Paris 6, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France

Summary

Re´sume´

Personalized medicine, or P4 medicine for ‘‘Personalized’’, ‘‘Predictive’’, ‘‘Preventive’’ and ‘‘Participatory’’, is currently booming for cystic fibrosis, with the development of therapies targeting specific CFTR mutations. The various challenges of personalized medicine applied to cystic fibrosis issues are discussed in this paper. ß 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La me´decine « personnalise´e », ou me´decine des 4P pour « personnalise´e », « pre´dictive », « pre´ventive » et « participative », est en plein essor pour la mucoviscidose avec le de´veloppement de the´rapies ciblant certaines mutations de CFTR. Les diffe´rents enjeux de la me´decine personnalise´e applique´e a` la mucoviscidose sont discute´s dans cette mise au point. ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

apparu le concept de la « me´decine des 4P » qui suit les principes suivants [2] :  personnalise ´ e/individualise´e : me´decine fonde´e sur la connaissance ge´nomique, en particulier, qui permettrait d’orienter la prise en charge de chaque patient ;  pre ´ dictive : me´decine permettant d’e´valuer le risque pour un individu de de´velopper une pathologie et, ainsi, d’envisager la mise en place d’une strate´gie individualise´e destine´e a` l’e´viter ;  pre ´ ventive : me´decine promouvant une approche « proactive », permettant de passer d’une approche uniquement curative a` une approche oriente´e sur la pre´servation du capital sante´ ;  participative : me ´ decine mettant le patient en capacite´ de prendre des de´cisions e´claire´es et d’eˆtre responsable de sa sante´. Ce concept bien connu des oncologues est bien suˆr applicable a` toute pathologie, en particulier aux maladies ge´ne´tiques pour lesquelles les re´centes et larges e´tudes ge´nomiques ont permis d’importantes avance´es [3]. La mucoviscidose est un exemple de maladie pour laquelle la me´decine personnalise´e est en plein essor avec de nombreux de´fis actuels et futurs [4].

La me´decine est, par essence, personnalise´e ou encore devraiton dire individualise´e. En effet, un me´decin cherche toujours a` trouver la prise en charge adapte´e a` tel ou tel patient, en fonction de sa pathologie bien suˆr, mais aussi de son environnement au sens large du terme (allergique, psychique, socioe´conomique, etc.). Le concept de « me´decine personnalise´e » a e´te´ de´veloppe´ dans les anne´es 1990 par le laboratoire pharmaceutique suisse Roche, suite au constat qu’un meˆme me´dicament pouvait provoquer diffe´rentes re´actions selon les individus et, chez un meˆme individu, que certains me´dicaments e´taient efficaces et d’autres pas [1]. Ainsi, pouvoir anticiper quel me´dicament serait efficace chez un individu est la base de la me´decine individualise´e. Par la suite, ce concept s’est e´tendu au-dela` de la me´decine individualise´e, prenant en compte l’individu dans sa globalite´, et est

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (H. Corvol). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2015.04.015 Archives de Pe´diatrie 2015;xxx:1-9 0929-693X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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2. La mucoviscidose La mucoviscidose est la plus fre´quente des affections he´re´ditaires le´tales, a` transmission autosomique re´cessive, dans les populations d’origine caucasienne. Elle touche pre`s de 6000 patients en France et 70 000 dans le monde et fait partie des maladies de´piste´es en pe´riode ne´onatale en France depuis 2002 [5]. Elle est lie´e a` des mutations d’un ge`ne codant pour le canal chlorure cystic fibrosis transmembrane conductance regulator (CFTR) [6].

2.1. La prote´ine CFTR La prote´ine CFTR est un canal chlorure exprime´ a` la membrane apicale de nombreux e´pithe´liums glandulaires, notamment l’e´pithe´lium des voies ae´riennes, des canaux pancre´atiques et des glandes sudoripares [7]. La synthe`se et l’adressage de CFTR a` la membrane apicale des cellules e´pithe´liales sont re´alise´s par un me´canisme faisant intervenir diffe´rents compartiments et prote´ines intracellulaires. La transcription du ge`ne CFTR en ARN messager (ARNm) a lieu dans le noyau des cellules. L’ARNm est ensuite traduit en prote´ine, qui est alors transloque´e au niveau de la lumie`re du re´ticulum endoplasmique ou` son repliement est assure´ par des prote´ines chaperonnes [8]. Les prote´ines CFTR synthe´tise´es quittent ensuite le re´ticulum endoplasmique pour subir d’autres e´tapes de maturation dont une e´tape de glycosylation au sein de l’appareil de Golgi. Enfin, des ve´sicules a` clathrine assurent le transport des prote´ines CFTR matures du Golgi a` la membrane plasmique. La prote´ine CFTR appartient a` la famille des prote´ines ATPbinding cassette (ABC) et est compose´e de 5 domaines (fig. 1). EN plus de son action propre de canal chlorure, elle re´gule d’autres canaux ioniques, activant en particulier des canaux chlorures dits « accessoires » (outward rectifying chloride channel [ORCC]) et inhibant le canal sodium e´pithe´lial (epithelial sodic channel [ENaC]) [9].

2.2. Le ge`ne CFTR et les mutations entraıˆnant la mucoviscidose Le ge`ne CFTR est localise´ sur le bras long du chromosome 7, en position 7q31. Plus de 2000 mutations de ce ge`ne sont actuellement de´crites (http://www.cftr2.org/). Les plus fre´quentes sont les mutations faux-sens (40 %), suivies des mutations par de´calage du cadre de lecture (frameshift, 16 %), des mutations sur le site d’e´pissage (12 %) et des mutations non-sens (8 %) [10]. Ces mutations peuvent eˆtre regroupe´es en 6 classes principales selon leurs conse´quences fonctionnelles (fig. 2) :  classe I : mutations alte ´ rant la « production » de la prote´ine. Ces mutations re´sultent en une perte de fonction, lie´e a` un de´faut de synthe`se. Il n’y a pas de transcription du ge`ne en ARNm stable. Cette classe inclut les mutations non-sens et celles qui produisent un codon stop pre´mature´, comme la mutation G542X ;

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Figure 1. Prote´ine CFTR. La prote´ine CFTR est compose´e de 5 domaines : deux motifs transmembranaires compose´s chacun de 6 he´lices ahydrophobes ; deux domaines hydrophiles de fixation des nucle´otides (NBD1 et NBD2) capables de fixer de l’ATP ; un domaine hydrophile cytoplasmique de re´gulation (domaine re´gulateur R) qui relie les domaines NBD1 et NBD2. Ce domaine R permet de controˆler l’ouverture et la fermeture du canal en exposant a` sa surface des se´rines phosphorylables par les prote´ines kinases A et C. NBD : nucleotide binding domain ; ATP : ade´nosine triphosphate ; R : domaine re´gulateur ; Cl : chlore ; CFTR : cystic fibrosis transmembrane conductance regulator.

 classe II : mutations perturbant le processus de « maturation » cellulaire de la prote´ine et son ciblage vers la membrane plasmique. La prote´ine mutante n’est pas adresse´e au bon endroit et reste en ge´ne´ral localise´e dans le cytoplasme ou` elle est de´grade´e. Ainsi, la prote´ine est soit absente, soit pre´sente en quantite´ re´duite dans la membrane apicale. Les mutations de cette classe sont celles le plus fre´quemment observe´es chez les patients, en particulier la mutation p.Phe508del ou F508del, pre´sente chez pre`s de 70 % des patients a` l’e´tat he´te´rozygote et 50 % a` l’e´tat homozygote (http://www.cftr2.org/). Elle correspond a` la de´le´tion de 3 nucle´otides au niveau du 11e exon du ge`ne, aboutissant a` l’e´limination d’une phe´nylalanine en position 508 de la prote´ine. Il en re´sulte une anomalie de glycosylation de la prote´ine CFTR, a` l’origine d’un de´faut d’adressage vers la membrane apicale des cellules, ce qui entraıˆne la de´gradation de CFTR par le prote´asome ;  classe III : mutations perturbant la « re ´ gulation » du canal chlorure appele´es par les anglosaxons « gating mutations ». Les prote´ines mute´es sont correctement synthe´tise´es et localise´es a` la membrane apicale, mais ne peuvent eˆtre active´es ou ont une fonction chlorure anormale. Ces mutations sont le plus souvent des mutations faux-sens localise´es dans les exons qui codent pour les domaines de liaison et d’hydrolyse de l’ATP (nucleotide binding domain [NBD], fig. 1). La plus fre´quente mutation de cette classe est la mutation G551D, situe´e dans le domaine NBD1 et entraıˆnant un de´faut d’ouverture du canal chlorure (http://www.cftr2.org/) ;  classe IV : mutations alte ´ rant la conduction et les me´canismes d’ouverture et de fermeture du canal chlorure. Certaines sont localise´es dans les domaines transmembranaires formant le pore du canal. Les mutations faux-sens

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Me´decine personnalise´e et mucoviscidose

Figure 2. Diffe´rentes classes de mutations du ge`ne CFTR. CFTR : cystic fibrosis transmembrane conductance regulator ; ARNm : acide ribonucle´ique messager.

situe´es dans ces re´gions produisent une prote´ine correctement positionne´e qui, de plus, pre´sente une activite´ chlorure de´pendante de l’AMPc. Cependant, les caracte´ristiques de ces canaux sont diffe´rentes de celles du canal CFTR sauvage, le flux d’ions e´tant diminue´ et la se´lectivite´ modifie´e. La mutation R117H appartient a` cette classe ;  classe V : mutations alte ´ rant la stabilite´ de l’ARNm de CFTR. Ces mutations influencent la quantite´ d’ARNm et de prote´ines CFTR fonctionnelles. Cette classe inclut les mutations localise´es dans le promoteur et les mutations modifiant l’e´pissage alternatif, comme la mutation 3849 + 10 kb C ! T. Le polymorphisme T5 de l’intron 8 fait e´galement partie de cette classe ;  classe VI : mutations alte ´ rant la stabilite´ de la prote´ine mature et donc perturbant la re´gulation des autres canaux par CFTR. Ce sont principalement des mutations ge´ne´rant des prote´ines tronque´es dans leur partie C-terminale comme Q1412X et 4326delTC. En fonction de leurs re´percussions sur la prote´ine, on parle ainsi de mutations de CFTR « se´ve`res » (mutations de classe I, II et III) ou « mode´re´es » (mutations de classe IV, V et VI).

2.3. Les manifestations cliniques Les mutations du ge`ne CFTR sont a` l’origine d’un de´faut de synthe`se ou d’une absence fonctionnelle de la prote´ine CFTR dans les membranes des cellules e´pithe´liales, ce qui entraıˆne notamment une re´duction de la perme´abilite´ de ces cellules aux ions chlorures. L’alte´ration du transport e´lectrolytique concerne toutes les glandes exocrines de l’organisme, glandes se´reuses et a` se´cre´tion de mucus [9,11]. Le dysfonctionnement de la prote´ine CFTR conduit a` un de´faut d’hydratation des se´cre´tions qui deviennent visqueuses et collantes. L’atteinte pre´domine au niveau du poumon, du tube digestif et de ses annexes (pancre´as, voies biliaires), mais sont e´galement concerne´s les glandes sudoripares, l’appareil ge´nital et le syste`me oste´o-articulaire.

« L’atteinte pulmonaire » est le facteur essentiel de morbidite´ et mortalite´ [12]. La de´shydratation des se´cre´tions bronchiques entraıˆne une alte´ration de la clairance mucociliaire et une obstruction chronique des bronchioles par un mucus e´pais. Cette obstruction e´volue rapidement vers une inflammation bronchique excessive et des infections a` re´pe´tition [13,14]. Ceci explique en partie les infections re´pe´te´es a` germes opportunistes, d’abord a` Staphylococcus aureus et Haemophilus influenzae, puis a` Pseudomonas aeruginosa, bacte´rie naturellement re´sistante a` de nombreux antibiotiques et qui devient peu a` peu le principal agent pathoge`ne des voies respiratoires. Les symptoˆmes initiaux associent des bronchites re´cidivantes a` une toux grasse, productive et per annuelle. L’e´volution se fait par pousse´es, ou exacerbations, responsables d’une de´gradation progressive de l’e´pithe´lium respiratoire, aboutissant a` une insuffisance respiratoire. « L’insuffisance pancre´atique exocrine » (de´faut de production des enzymes pancre´atiques) est observe´e chez 85 % des patients, conse´quence de l’accumulation de bouchons muqueux et donc de l’obstruction des canaux excre´teurs et de la de´ge´ne´rescence du tissu pancre´atique. Elle entraıˆne une maldigestion lipidoprotidique et une malabsorption [15]. L’e´tat de la fonction pancre´atique exocrine, de´ficiente (pancreatic insufficiency [PI]), ou conserve´e (pancreatic sufficiency [PS]) est directement associe´ aux mutations de CFTR : les patients insuffisants pancre´atiques sont ceux ayant 2 mutations dites « se´ve`res » de CFTR (classe I, II ou III) et un phe´notype de la maladie se´ve`re ; les patients suffisants pancre´atiques sont ceux qui ont au moins une mutation dite « mode´re´e » de CFTR (classe IV, V ou VI) et ont une maladie dite « borderline », les anglosaxons parlant meˆme de « CFTR disorder » plutoˆt que de mucoviscidose au sens strict. « L’insuffisance pancre´atique endocrine », ou diabe`te de la mucoviscidose (cystic fibrosis related diabetes [CFRD]), est une complication qui apparaıˆt apre`s l’aˆge de 10 ans et touche pre`s d’un patient sur trois apre`s l’aˆge de 30 ans [16]. Il s’agit d’un diabe`te a` la fois insulinoprive (comme le diabe`te de type 1),

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secondaire a` la destruction des ˆılots de Langerhans, et insulinore´sistant (comme le diabe`te de type 2), la re´sistance des cellules et tissus a` l’insuline faisant suite aux infections re´currentes et aux fre´quents traitements par corticoı¨des. « L’atteinte digestive » peut eˆtre tre`s pre´coce et se manifester de`s la naissance par un ile´us me´conial (chez 15 % des patients). Celui-ci correspond a` une occlusion intestinale basse ne´onatale et se traduit par l’absence d’e´mission du me´conium dans les premiers jours de vie. Plus tard, les patients peuvent avoir des syndromes d’obstruction intestinale distale (SOID), e´quivalents a` des ile´us me´coniaux, dus a` une obstruction de l’intestin greˆle [17]. Le reflux gastro-œsophagien est e´galement une manifestation fre´quente au cours de la mucoviscidose. « L’atteinte he´patique » (ou cystic fibrosis liver disease [CFLD]) se re´sume dans 30 % des cas a` une he´patome´galie et e´volue dans 9 % des cas vers une insuffisance he´patique [18]. Cette atteinte est lie´e a` l’obstruction des voies biliaires intrahe´patiques ou extrahe´patiques par compression au niveau du pancre´as. Dans 2 a` 5 % des cas, ces le´sions conduisent a` une cirrhose biliaire dans des de´lais variables. « Les manifestations ge´nitales » se traduisent chez la femme par une hypofertilite´ lie´e a` des modifications de la glaire cervicale. Chez l’homme, il existe une age´ne´sie bilate´rale des canaux de´fe´rents entraıˆnant une azoospermie et une ste´rilite´. Les anomalies des « glandes sudoripares » conduisent a` un exce`s de chlorure de sodium dans la sueur, cette perte de sel pouvant eˆtre responsable de de´shydratation aigue ¨ en cas d’exposition a` la chaleur ou d’efforts physiques importants. La de´mine´ralisation osseuse est fre´quente chez les patients adultes en particulier, avec une oste´ope´nie chez pre`s de 85 % des patients, et une oste´oporose chez 13 a` 57 % d’entre eux. Nombreux sont les facteurs favorisants cette de´mine´ralisation osseuse, comme la de´nutrition, l’inflammation, les de´ficits en vitamines, la corticothe´rapie et la se´dentarite´ [19].

3. Me´decine individualise´e Les traitements classiques de la maladie ciblent les effets secondaires des dysfonctionnements de la prote´ine CFTR : ce sont des traitements dits symptomatiques. Pour l’insuffisance pancre´atique exocrine, par exemple, le traitement est une opothe´rapie substitutive associe´e a` une supple´mentation vitaminique. Pour l’atteinte respiratoire, les traitements consistent a` ame´liorer le drainage des se´cre´tions (par des se´ances de kine´sithe´rapie respiratoire), ame´liorer l’hydratation du mucus ou la clairance mucociliaire (par inhalation de DNase ou de solutions sale´es hypertoniques) et a` traiter les infections re´cidivantes (par antibiothe´rapie syste´mique ou inhale´e), ou encore l’inflammation exacerbe´e (par l’azithromycine, par exemple) [20]. Ces traitements symptomatiques, associe´s a` une prise en charge standardise´e dans des centres

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de ressources et de compe´tences pour la mucoviscidose (CRCM), ont permis une ame´lioration de la me´diane de survie qui est passe´e de 5 ans dans les anne´es 1960 a` pre`s de 40 ans aujourd’hui [5]. Actuellement, de nouveaux traitements se de´veloppent, non pas symptomatiques, mais curatifs, ciblant le ge`ne mute´ (the´rapie ge´nique) ou la prote´ine de´fectueuse (the´rapie prote´ique), permettant d’envisager des the´rapies personnalise´es, ou encore individualise´es.

3.1. The´rapie ge´nique Le ge`ne causal, CFTR, ayant e´te´ individualise´ en 1989, on aurait pu penser que 25 ans apre`s, la the´rapie ge´nique aurait e´te´ possible. Cependant, cette approche s’est heurte´e a` d’importantes difficulte´s. En effet, le principe de la the´rapie ge´nique est de faire pe´ne´trer un ge`ne normal dans le noyau des cellules du patient afin qu’il soit transcrit et traduit. L’acheminement du ge`ne normal vers les cellules cibles ne´cessite l’utilisation de « vecteurs », dont il existe deux types actuellement, viraux ou synthe´tiques. Les vecteurs viraux mettent a` profit la proprie´te´ naturelle des virus a` incorporer leur propre mate´riel ge´ne´tique dans les cellules de l’hoˆte. Les principaux types de virus qui ont e´te´ e´tudie´s, a` ce jour, pour le transfert de ge`nes sont les ade´novirus, les virus ade´no-associe´s (adenoassociated virus [AVV]), les lentivirus et les re´trovirus. L’inconve´nient majeur est leur importante immunoge´nicite´, limitant leur utilisation chez les patients [21]. Ainsi, les vecteurs synthe´tiques pourraient repre´senter une alternative inte´ressante, n’ayant pas ou peu d’immunoge´nicite´. A` l’heure actuelle, un essai the´rapeutique de phase 3 est en cours au Royaume-Uni, avec un vecteur synthe´tique lipidique. Il devrait inclure 130 patients de plus de 12 ans, qui recevront en inhalation le ge`ne CFTR normal ou le placebo a` raison d’une inhalation par mois pendant un an [22]. Les effets seront e´value´s sur les symptoˆmes respiratoires, la fonction respiratoire mesure´e par le volume expire´ maximal pour 1 seconde (VEMS), des marqueurs sanguins (inflammation et immunite´) et dans les expectorations (microbiologie, cellularite´, parame`tres inflammatoires). Les re´sultats de cet essai devraient eˆtre communique´s prochainement.

3.2. The´rapies prote´iques Les the´rapies prote´iques visent a` corriger le dysfonctionnement de la prote´ine CFTR anormale. Comme cela a e´te´ de´crit plus haut, les conse´quences d’un grand nombre de mutations du ge`ne CFTR sur la structure ou la fonction de la prote´ine CFTR ont e´te´ e´tablies. Ainsi, diffe´rentes the´rapies ont e´te´ de´veloppe´es, ciblant telle ou telle classe de mutation pour une prise en charge personnalise´e. 3.2.1. Mutations de classe I Afin de corriger ce type de mutations, il faudrait de´velopper des mole´cules permettant de reprendre la lecture du ge`ne audela` de la mutation stop (court-circuitant le codon stop

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pre´mature´, phe´nome`ne dit de « translecture ») et ainsi de produire une prote´ine CFTR fonctionnelle. Les premiers travaux mene´s sur ce type de mole´cules ont e´te´ conduits avec des antibiotiques de la classe des aminoglycosides [23,24]. Les essais the´rapeutiques re´alise´s avec la gentamycine ont en effet montre´ des effets be´ne´fiques cliniques chez les patients, associe´s a` une normalisation du transport de chlorures au niveau de l’e´pithe´lium nasal [25–27]. Compte tenu des effets secondaires des aminosides utilise´s au long cours (en particulier la ne´phrotoxicite´ et l’ototoxicite´), une mole´cule « apparente´e », de´pourvue d’effets antibiotiques, a e´te´ de´veloppe´e par le laboratoire pharmaceutique PTC TherapeuticsW : PTC124 ou ataluren [28,29]. Les essais the´rapeutiques ayant teste´ cette mole´cule contre placebo ont mis en e´vidence une ame´lioration du transport de chlorure au niveau de l’e´pithe´lium nasal sans re´el be´ne´fice clinique [30– 33]. De plus, l’efficacite´ e´tait variable selon les individus, probablement en lien avec la mutation causale. En effet, les patients porteurs de la mutation W1282X, en particulier, semblent mieux re´pondre au traitement que ceux porteurs d’autres mutations de classe I [32]. Au cours de l’essai le plus re´cent, essai international de phase 3, 238 patients de plus de 6 ans ont e´te´ inclus et ont rec¸u le traitement ou le placebo pendant 48 semaines [33]. Sur l’ensemble des patients, aucun be´ne´fice respiratoire significatif n’a pu eˆtre de´montre´, ni sur l’e´volution de la fonction respiratoire (estime´e par le VEMS), ni sur le nombre d’exacerbations respiratoires. Cependant, l’analyse du sous-groupe de patients non traite´s au long cours par aminosides inhale´s a pu mettre en e´vidence une ame´lioration du VEMS (+5,7 % apre`s 48 semaines de traitement), ainsi qu’une diminution du nombre d’exacerbations respiratoires. Dans le groupe traite´, une augmentation significative de la cre´atinine a e´te´ observe´e par rapport au groupe placebo, sans autre effet secondaire. L’effet est donc modeste et devra eˆtre confirme´ dans de plus larges cohortes si ce me´dicament devait eˆtre approuve´.

3.2.2. Mutations de classe III Des mole´cules capables d’activer CFTR afin de restaurer, au moins en partie, sa fonction de canal chlorure, sont actuellement e´tudie´es, elles sont appele´es agents « potentialisateurs ». Parmi les industriels de´veloppant ce type de mole´cule, le laboratoire VertexW est tre`s avance´. En effet, par des techniques de screening a` haut de´bit, testant plus de 200 000 mole´cules a` la fois, ce laboratoire a identifie´ le Vertex 770 (VX-770 ou ivacaftor), comme e´tant capable de « potentialiser » la prote´ine CFTR de´fectueuse, augmentant la probabilite´ d’ouverture du canal, diminuant l’absorption excessive de sodium, et restaurant un battement ciliaire. Cet effet a pu eˆtre de´montre´ en particulier sur des prote´ines CFTR mute´es G551D [34]. La mutation du ge`ne CFTR G551D est la mutation de classe III la plus fre´quente, pre´sente a` l’e´tat he´te´rozygote chez environ 3 % des patients atteints de mucoviscidose dans le monde. L’essai

the´rapeutique qui a permis par la suite la commercialisation de ce me´dicament a e´te´ une e´tude de phase 3 (e´tude StriveW) ayant inclus 84 patients traite´s et 83 sous placebo, tous aˆge´s de plus de 12 ans et porteurs d’au moins une mutation G551D [35]. Un be´ne´fice clinique important a e´te´ montre´, tant sur l’atteinte respiratoire (avec un gain moyen de 10 % du VEMS et une diminution du nombre d’exacerbations respiratoires) que sur l’e´tat ge´ne´ral (avec une prise de poids et un meilleur score de qualite´ de vie), associe´ a` une diminution du taux de chlore sudoral. L’e´tude d’extension (EnvisionW, chez les enfants entre 6 et 11 ans) a montre´ des re´sultats tout a` fait comparables [36]. Ainsi, en 2012, l’ivacaftor a e´te´ approuve´ aux E´tats-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) et en Europe par l’European Medical Agency (EMA), puis commercialise´ sous le nom de KalydecoW pour les patients de plus de 6 ans porteurs d’au moins une mutation G551D. Compte tenu de l’efficacite´ de KalydecoW chez ces patients, le laboratoire VertexW a ensuite teste´, puis de´montre´ son efficacite´ chez des patients porteurs d’autres mutations de classe III, ce qui a permis cette anne´e une extension d’autorisation de mise sur le marche´ (AMM) pour 8 mutations supple´mentaires : G1244E, G1349D, G178R, G551S, S1251N, S1255P, S549N et S549R [37].

3.2.3. Mutations de classe II Comme introduit plus haut, la mutation de classe II F508del est la plus fre´quente, pre´sente chez plus de 70 % des patients. En pre´sence d’une telle mutation, la prote´ine est rapidement de´grade´e au sein de la cellule. Ainsi, les mole´cules qu’il faudrait de´velopper, encore appele´es « correcteurs », empeˆcheraient (ou diminueraient) la de´gradation de la prote´ine mute´e, qui pourrait eˆtre exprime´e a` la membrane cellulaire. Le laboratoire VertexW a de´veloppe´ le VX-809, ou lumacaftor, qui aurait ces proprie´te´s. En effet, teste´ in vitro sur des cultures de cellules e´pithe´liales bronchiques homozygotes pour la mutation F508del, le VX809 majore les transports de chlorures [34,38]. Un essai the´rapeutique de phase 2 a montre´, chez des patients homozygotes F508del, un modeste effet sur les taux de chlore sudoral [39]. Cet effet e´tant modeste, il est apparu qu’il n’e´tait probablement pas suffisant de restaurer CFTR a` la membrane, mais que celle-ci devait peut-eˆtre, en plus, eˆtre « potentialise´e » en associant lumacaftor (correcteur) et ivacaftor (potentialisateur). Ainsi, un essai de phase 2 a e´te´ re´alise´ chez des adultes homozygotes F508del et a, en effet, pu montrer que cette association e´tait bien tole´re´e, ame´liorait la fonction respiratoire (avec un gain moyen de 8,6 % du VEMS) et diminuait le taux de chlore sudoral [40]. Une e´tude internationale de phase 3 a ainsi e´te´ re´alise´e fin 2013/de´but 2014 et des re´sultats encourageants (non encore publie´s) ont e´te´ pre´sente´s lors du congre`s nordame´ricain de la mucoviscidose en octobre 2014 (Vertex press release) [41,42].

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4. Me´decine pre´dictive et pre´ventive 4.1. Les ge`nes modificateurs Comme cela a e´te´ discute´, le type de mutation de CFTR peut influencer la se´ve´rite´ de la maladie, certaines mutations e´tant dites « se´ve`res » et d’autres « mode´re´es ». Il est toutefois remarquable que chez les patients, meˆme porteurs de meˆmes mutations de CFTR (patients homozygote F508del, par exemple) ou partageant un meˆme environnement (dans une fratrie notamment), la se´ve´rite´ des atteintes des diffe´rents organes puisse eˆtre tre`s variable. Il est maintenant reconnu que des variants ge´ne´tiques, situe´s en dehors du locus de CFTR, influencent l’expression phe´notypique de la maladie. Ces variants sont appele´s « ge`nes modificateurs ». Mettre en e´vidence ces ge`nes qui modulent la se´ve´rite´ de la maladie permettrait une prise en charge pre´dictive et pre´ventive. Pre´dictive, car, en se basant sur l’analyse du ge´nome du patient, le me´decin serait en mesure de pre´dire l’apparition de complications avant que celles-ci n’apparaissent. Et pre´ventive, car il pourrait mettre en place des the´rapies permettant d’e´viter que ces complications n’apparaissent, appliquant une prise en charge proactive et non plus uniquement re´active, comme c’est actuellement le cas. Deux approches sont de´veloppe´es pour l’identification de ge`nes modificateurs : l’approche « ge`ne candidat » et l’analyse du ge´nome entier (genome wide association analysis [GWAS]). Dans l’approche « ge`ne candidat », le choix des ge`nes e´tudie´s repose sur les connaissances de la physiopathologie de la maladie. De nombreuses e´tudes ont e´te´ re´alise´es mais la plupart comportaient des effectifs de patients limite´s et peu ont e´te´ reproduites. Ainsi, depuis pre`s de 7 ans, des consortiums se sont forme´s a` l’e´chelon international, un consortium nord-ame´ricain et un consortium franc¸ais [43,44]. Plus re´cemment, ces 2 consortiums se sont rapproche´s afin de cre´er un consortium international de recherche des ge`nes modificateurs [45]. De par les nombreuses e´quipes cliniques participant a` ce projet, ces consortiums ont pu inclure de larges cohortes de patients, recueillir un grand nombre de donne´es phe´notypiques standardise´es et re´aliser des analyses de ge´nome entier. 4.1.1. Ge`nes modificateurs associe´s a` la se´ve´rite´ de l’atteinte respiratoire De re´centes revues ont fait le point sur les diverses e´tudes ayant applique´ une approche ge`ne-candidat et ont souligne´ l’implication tre`s probable du Transforming growth factor beta 1 (TGFB1), de la mannose binding lectin 2 (MBL2) et de l’haplotype ancestral 8.1AH dans la se´ve´rite´ de l’atteinte respiratoire de la mucoviscidose. Pour TGFB1, il a e´te´ montre´ que des variants responsables d’une augmentation de l’expression de la prote´ine (situe´s en position-509 dans le promoteur et au niveau du 10e codon) e´taient associe´s a` une fonction respiratoire plus alte´re´e [46–49]. Pour MBL2, un haplotype

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situe´ au niveau du 1er exon du ge`ne et connu pour moduler les taux se´riques de MBL a e´te´ associe´ a` une se´ve´rite´ accrue de l’atteinte respiratoire [50]. Nous avons e´galement pu montrer que l’haplotype ancestral 8.1AH, situe´ au niveau de la re´gion codant pour le complexe majeur d’histocompatibilite´ et comprenant des variants au sein de ge`nes cle´s de la re´ponse inflammatoire, e´tait associe´ a` un de´clin plus prononce´ de la fonction respiratoire [51]. En 2011, le consortium nord-ame´ricain a re´alise´ une e´tude du ge´nome entier chez plus de 3000 patients et a mis en e´vidence 7 re´gions pour lesquelles une association avec la se´ve´rite´ de l’atteinte pulmonaire e´tait probable, a` proximite´ des ge`nes : APIP/EHF, AGTR2, HLA-DRA, EEA1, SLC8A3, AHRR et CDH8 [44]. Parmi ces loci, la re´gion EHF-APIP, implique´e dans l’apoptose, e´tait particulie`rement significative. De plus, en comparant des patients de meˆmes fratries, des analyses de liaison ont pu mettre en e´vidence une autre re´gion d’inte´reˆt sur le chromosome 20q13.2, en cours d’exploration a` l’heure actuelle. En France, nous menons une e´tude nationale et avons pu inclure plus de 4300 patients (soit plus de 70 % des patients suivis pour mucoviscidose a` l’e´chelon national). Une e´tude du ge´nome entier a de´ja` e´te´ re´alise´e chez 1300 patients ayant des mutations dites se´ve`res, et l’analyse d’association avec la se´ve´rite´ de l’atteinte respiratoire est en cours, en collaboration avec les nord-ame´ricains, a` des fins de re´plication re´ciproque. Les re´sultats pre´liminaires ont e´te´ pre´sente´s au congre`s nord-ame´ricain a` Atlanta fin 2014.

4.1.2. Ge`nes modificateurs associe´s a` la se´ve´rite´ des autres atteintes Pour l’atteinte he´patique, seules des e´tudes ge`nes-candidats ont e´te´ re´alise´es a` ce jour et ont pu mettre en e´vidence des loci associe´s soit a` une fre´quence accrue d’atteinte he´patique (haplotype HYPD de la MBL, ge`nes codant pour les prote´ines ABCB4 (ATP-binding cassette subfamily B member 4) et GSTP1) [52,53] ; soit a` une atteinte he´patique plus se´ve`re (alle`le Z du ge`ne de l’a1-antitrypsine) [54]. Pour le diabe`te, par une approche ge`ne-candidat, les e´quipes nord-ame´ricaines ont montre´ qu’un ge`ne connu pour eˆtre associe´ au diabe`te de type II dans la population ge´ne´rale, transcription factor 7-like 2 (TCF7L2), e´tait e´galement associe´ au risque de de´velopper un diabe`te chez les patients atteints de mucoviscidose [55]. Un variant particulier au sein de ce ge`ne (rs7903146) multipliait par 3 le risque de diabe`te et diminuait de 7 ans l’aˆge moyen de de´but. Plus re´cemment, ces meˆmes e´quipes ont re´alise´ un genome-wide association study (GWAS) chez plus de 3000 patients, dont 644 avaient un diabe`te [56]. Ils ont pu confirmer l’association avec le ge`ne TCF7L2 et mettre en e´vidence un autre ge`ne associe´, SLC26A9. De fac¸on inte´ressante, le consortium international a montre´ que ce meˆme ge`ne e´tait associe´ au risque d’avoir un ile´us me´conial

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Me´decine personnalise´e et mucoviscidose

a` la naissance (voir ci-dessous), laissant supposer une action ple´iotropique de ce ge`ne [45]. De nombreuses e´tudes ont cherche´ a` mettre en e´vidence des ge`nes associe´s a` la survenue d’un ile´us me´conial a` la naissance. La plus re´cente et la plus large e´tude a e´te´ mene´e par le consortium international (nord-ame´ricain et franc¸ais) [45]. L’approche qui a e´te´ utilise´e est particulie`rement originale car partant d’analyses sans a priori (GWAS), en a de´coule´ une se´rie d’analyses base´es sur des hypothe`ses (hypothesis-driven GWAS [GWAS-HD]). En effet, le GWAS a mis en e´vidence une association avec des ge`nes codants pour des prote´ines implique´es dans les e´changes d’e´lectrolytes, en particulier des transporteurs de la famille des solute carriers (SLC) : SLC6A14 et SLC26A9. Devant ces re´sultats, et compte tenu du fait que le de´faut de CFTR lui-meˆme perturbe les e´changes e´pithe´liaux, l’hypothe`se a e´te´ que d’autres prote´ines membranaires pouvaient eˆtre associe´es au risque de de´velopper un ile´us me´conial. Ainsi, 157 autres ge`nes codant pour ce type de prote´ines ont e´te´ teste´s simultane´ment (GWAS-HD). Cette analyse a permis de mettre en e´vidence que pre`s de 40 ge`nes pourraient eˆtre associe´s a` ce risque, avec 3 ge`nes fortement associe´s : SLC6A14, SLC26A9 et SLC9A3.

4.2. Pharmacoge´ne´tique Alors que les the´rapies cible´es se de´veloppent, une re´ponse inter-individuelle variable a de´ja` e´te´ rapporte´e dans les diffe´rents essais cliniques. Cette variabilite´ pourrait eˆtre en partie lie´e a` des facteurs ge´ne´tiques influenc¸ant la re´ponse aux the´rapies, i.e., a` des facteurs pharmacoge´ne´tiques. Afin de pre´dire la re´ponse d’un individu a` une the´rapie donne´e, il faudrait donc eˆtre en mesure de connaıˆtre ces facteurs pharmacoge´ne´tiques. Prenons l’exemple de KalydecoW, mole´cule de´ja` commercialise´e et prescrite. KalydecoW est principalement me´tabolise´ par le CYP3A (cytochrome P450, famille 3, sous-famille A) et, de`s le de´but de son de´veloppement, il a e´te´ montre´ que KalydecoW et ses me´tabolites e´taient capables d’inhiber le CYP3A, ainsi que d’autres cytochromes (CYP2C8, CY2C9 et CYP2D6) [57]. Ainsi, une variabilite´ de re´ponse au KalydecoW pourrait de´ja` eˆtre induite par la prise concomitante d’autres me´dicaments interagissant avec le CYP3A. Certains me´dicaments inhibent en effet le CYP3A (comme les macrolides ou les antifongiques azole´s), alors que d’autres l’activent (comme la rifampicine) [58]. De plus, de nombreux polymorphismes du CYP3A ont e´te´ de´crits, susceptibles d’eˆtre associe´s a` une variabilite´ inter-individuelle de la capacite´ me´tabolique du CYP3A4. Certains de ces polymorphismes sont connus pour moduler la re´ponse a` certains antiviraux ou antalgiques [59]. A` l’avenir, eˆtre capable de pre´dire la re´ponse au KalydecoW (et autres the´rapies cible´es) ou d’en adapter la posologie par des tests pharmacoge´ne´tiques simples serait une piste majeure pour une me´decine individualise´e et pre´dictive de la mucoviscidose.

5. Me´decine participative La me´decine participative a pour objectif de replacer le patient au cœur de sa prise en charge, afin qu’il en devienne un acteur a` part entie`re. La multiplication des supports nume´riques (ordinateurs, tablettes, smartphones, etc.) a en effet permis le de´veloppement de nombreux outils pour communiquer sur sa propre sante´. Il existe, par exemple, des « carnets de sante´ e´lectroniques » comme celui de´veloppe´ par Pfizer appele´ MonKronoSante´, ou` le patient peut re´pertorier diffe´rents e´ve`nements qui sont ensuite communique´s en quelques secondes a` son me´decin lors d’une consultation. Des applications spe´cifiques se de´veloppent e´galement comme Diabeo, conc¸ue pour aider les patients diabe´tiques a` ge´rer au quotidien leur maladie [60]. Cette application offre une aide au calcul en temps re´el des doses d’insulines injectables, en fonction de l’alimentation et de l’activite´ physique, selon la prescription du me´decin. L’application est, de plus, « autoapprenante » : si le patient se retrouve en hypoglyce´mie ou hyperglyce´mie apre`s un repas, Diabeo lui propose de revoir a` la hausse ou a` la baisse ses doses. Enfin, l’ensemble des glyce´mies est transmis automatiquement au praticien qui est donc informe´ re´gulie`rement, voire alerte´ le cas e´che´ant. Alors que de plus en plus de personnes ont le re´flexe de se « connecter » pour s’informer sur des questions de sante´, des plateformes dites « participatives » se de´veloppent, ou` le patient ne se contente pas de s’informer, mais il informe a` son tour. Aux E´tats-Unis, le site Patients Like Me (http://www. patientslikeme.com), cre´e´ en 2006 et pionnier en la matie`re, compte a` ce jour plus de 250 000 membres atteints de maladies chroniques. Les patients peuvent renseigner de nombreux parame`tres cliniques et paracliniques les concernant, au rythme qu’ils souhaitent. Ce ve´ritable re´seau social leur permet d’e´changer diverses expe´riences. En Europe, ce type de plateforme se de´veloppe sans avoir encore atteint cette ampleur. Des patients atteints de mucoviscidose sont de´ja` membres de cette plateforme et il serait tout a` fait envisageable de de´velopper une plateforme de´die´e a` la maladie.

6. Conclusion La prise en charge des patients atteints de mucoviscidose est donc en plein essor, avec une me´decine :  personnalise ´ e (ou individualise´e), graˆce au de´veloppement de the´rapies curatives ciblant le ge`ne mute´ (the´rapie ge´nique) ou la prote´ine de´fectueuse (the´rapie prote´ique) ;  pre ´ dictive et pre´ventive, graˆce a` la mise en e´vidence des ge`nes modulant la se´ve´rite´ des atteintes des diffe´rents organes (ge`nes modificateurs), qui permettront de pre´dire l’apparition de complications et ainsi de mettre en place des the´rapies qui permettront de les e´viter ; graˆce e´galement a` la connaissance des facteurs ge´ne´tiques influenc¸ant la re´ponse

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aux the´rapies (pharmacoge´ne´tique) qui permettra de pre´dire la re´ponse aux the´rapies en cours de de´veloppement ;  Et enfin participative, le patient devenant un acteur a ` part entie`re de sa prise en charge, se tenant informe´ et informant lui-meˆme via diffe´rentes applications et autres sites collaboratifs. A` l’avenir, un certain nombre de leviers e´thiques devront eˆtre mis en place afin de permettre a` l’ensemble des patients de be´ne´ficier d’une telle prise en charge, tout en conservant leur anonymat.

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De´claration d’inte´reˆts

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Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

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