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MEDMAL-3569; No. of Pages 2

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ScienceDirect www.sciencedirect.com Médecine et maladies infectieuses xxx (2014) xxx–xxx

Lettre à la rédaction

Méningococcémie chronique Chronic meningococcemia Mots clés : Méningococcémie chronique ; Méningite ; Neisseria meningitidis Keywords: Chronic meningococcemia; Meningitis; Neisseria meningitidis

La méningite et le purpura fulminans sont les manifestations aiguës les plus connues des infections invasives à Neisseria meningitidis, diplocoque à Gram négatif. Plus rarement, l’infection peut se manifester de manière sub-aiguë, voire chronique, volontiers sur un mode systémique de diagnostic alors plus difficile [1,2]. Nous rapportons le cas d’une patiente de 54 ans, aux antécédents d’hypertension artérielle et de rougeole à 18 ans, hospitalisée pour une éruption cutanée fébrile associée à des polyarthralgies. Cette patiente vivait à la campagne avec ses 3 enfants, trois chats et un furet. Elle n’alléguait aucune allergie, ne fumait pas ni ne buvait excessivement et n’avait pas fait de voyage exotique. Trois semaines avant l’hospitalisation s’était installée une rhinite purulente. Par la suite, apparaissaient des tâches purpuriques sur le membre inférieur gauche et une fièvre à 38,5 ◦ C, motivant une automédication par paracétamol et ibuprofène. Malgré ce traitement, la fièvre perdurait et des myalgies, des céphalées ainsi qu’une arthrite de la cheville droite apparaissaient 15 jours après le début des symptômes. Elle consultait alors son médecin traitant qui demandait l’hospitalisation. La patiente était fébrile à 38 ◦ C et il existait au niveau des membres inférieurs des lésions purpuriques et une lésion nécrosée de 1 cm au niveau de la face externe de la jambe gauche. Sur les membres supérieurs et l’abdomen, on observait des lésions maculeuses, non prurigineuses. La cheville droite était douloureuse à la mobilisation et il existait un épanchement articulaire. L’examen neurologique était strictement normal, en particulier il n’y avait pas de raideur de nuque ni aucun signe de localisation. Les examens cardiaque, vasculaire, pulmonaire, abdominal et ganglionnaire étaient normaux. Sur le plan biologique, l’hémogramme révélait une polynucléose neutrophile (12 000/mm3 ) ; l’ionogramme, la créatinine, le bilan hépatique étaient normaux. La CRP était à 110 mg/L (norme : 0–5 mg/L). L’électrophorèse des protéines mettait en

évidence une hypogammaglobulinémie à 6,2 g/L, sans pic monoclonal et sans restriction des IgA et IgM. Les sérologies VIH, VHB, VHC, EBV, parvovirus B19 et CMV étaient négatives ou montraient une immunisation ancienne. Les sérologies rickettsioses, fièvre Q (Coxiella burnetti), maladie de Lyme (Borrelia burgdorferi), bartonellose et leptospirose étaient négatives. Les facteurs antinucléaires et les anticorps anticytoplasmes des polynucléaires neutrophiles (ANCA) étaient négatifs ; le dosage du complément (C3, C4, CH50) était dans les normes. La première paire d’hémoculture et un examen cytobactériologique des urines étaient stériles. La persistance du purpura motivait l’introduction de colchicine au deuxième jour. Deux jours après, l’état neurologique se dégradait avec l’apparition de céphalées intenses et lancinantes, accompagnées de pics fébriles à 40 ◦ C. L’examen clinique montrait une franche raideur de nuque. La ponction lombaire ramenait un liquide purulent dont l’analyse montrait 1800 éléments dont 97 % de polynucléaires neutrophiles. La protéinorachie était à 4,71 g/L, la glycorachie effondrée à 0,67 mmol/L (norme : 3,3–4,4 mmol/L). L’examen direct, la culture et la PCR confirmaient la présence de Neisseria meningitidis du groupe B. Les hémocultures étaient positives à diplocoque Gram négatif, dont une réalisée le deuxième jour de l’hospitalisation. Une antibiothérapie par ceftriaxone 100 mg/kg était débutée pour une durée de 7 jours, associée à une corticothérapie par dexaméthasone (10 mg, 4 fois par jours) les 4 premiers jours. L’amélioration était spectaculaire en 24 h avec apyrexie, normalisation de l’examen clinique et biologique. Une antibioprophylaxie par rifampicine était délivrée aux 3 enfants et une déclaration était faite à l’agence régionale de santé. La triade clinique initiale fièvre, éruption cutanée et arthralgies faisait évoquer de nombreuses pathologies infectieuses. La lésion nécrotique sur la jambe gauche faisait discuter une escarre d’inoculation et les animaux dont le furet étaient d’emblée accusés. Nous suspections en particulier une leptospirose, une bartonellose, une borréliose ou une rickettsiose. Le tableau pouvait faire discuter une infection virale banale ou une infection/récurrence d’un virus de groupe Herpes (en particulier le parvovirus B19). Une endocardite était aussi discutée. Cette triade clinique pouvait aussi faire discuter plusieurs maladies auto-immunes ou inflammatoires, en particulier le lupus érythémateux disséminé ou la maladie de Still. L’apparition des signes neurologiques a précipité la réalisation de la ponction lombaire. Les céphalées du tableau inaugural s’intégraient dans

http://dx.doi.org/10.1016/j.medmal.2014.11.002 0399-077X/© 2014 Publi´e par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : de Boysson H, et al. Méningococcémie chronique. Med Mal Infect (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medmal.2014.11.002

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le syndrome « pseudo-grippal » et l’absence de raideur nucale ne conduisait pas à la réalisation initiale de la ponction lombaire. Cette observation rappelle que les premiers symptômes de l’infection sont souvent localisés au niveau de la sphère ORL, réservoir naturel de la bactérie [3]. Selon certaines études, 20 à 40 % de la population adulte porterait de manière asymptomatique le germe [4]. Hormis la lésion latérale de la jambe gauche, l’aspect du purpura n’était pas nécrotique et n’évoquait pas un purpura fulminans. Les lésions maculeuses sont fréquemment décrites dans les méningococcémies chroniques et peuvent concerner jusqu’à 86 % des patients [1–3]. Les infections à Neisseria meningitidis sont souvent bactériémiques rappelant la grande rentabilité des hémocultures. Toutefois, compte tenu de la fragilité du germe et de la difficulté à l’isoler, les hémocultures doivent être réalisées de manière fréquente et répétée. Dans 60 % des cas, le méningocoque est de sérotype B [1–3]. L’utilisation d’un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ou corticoïdes est souvent retrouvée dans l’anamnèse [5]. Dans notre cas, la colchicine pourrait avoir précipité la translocation méningée de la bactérie et l’apparition de la méningite. Dans le travail de Benoît en 1963, 5 à 15 % des cas de méningococcémie chronique se compliquaient de méningites [6]. Certains déficits immunitaires pourraient favoriser l’infection, tels qu’une hypogammaglobulinémie. Toutefois, le plus souvent il s’agit d’un déficit en IgA, que n’avait pas notre patiente. Les anomalies de la voie du complément peuvent aussi favoriser les infections à méningocoque [7]. Dans notre cas, les explorations standards du complément (dosage du C3, C4 et CH50) étaient normales mais aucune recherche plus poussée n’a été effectuée (dosage de l’AP50 ou dosage des facteurs régulateurs du complément). Finalement, ce cas rappelle que la méningococcémie chronique doit être évoquée devant la triade fièvre prolongée avec signes cutanés et articulaires. Les hémocultures sont rentables et peuvent permettre de porter le diagnostic avant la survenue d’une méningite qui est inconstante. Traitée à temps, l’évolution avec l’antibiothérapie, habituellement une ␤-lactamine, est favorable. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements Participation : H. de Boysson a rédigé et soumis le manuscrit. Tous les auteurs ont participé à la prise en charge diagnostique et thérapeutique du patient dont le cas est rapporté. Références [1] Chennebault JM, Bourrier P, Harry P, Parvery F, Achard J. Méningococcémie chronique. Med Mal Intect 1986;6:441–3. [2] Carré D, Dompmartin A, Sannier K, Verneuil L, Bravard P, Leroy D. Méningococcémie chronique. Ann Dermatol Venereol 2005;132:355–8. [3] Roux M, Sire S, Lalande V, Le Coustumier A, Tiev KP, Tolédano C, et al. Fièvre prolongée associée à une éruption cutanée diffuse révélant une méningococcémie chronique. Rev Med Interne 2010;31:445–8. [4] Yazdankhah SP, Caugant DA. Neisseria meningitidis: an overview of the carriage state. J Med Microbiol 2004;53:821–32. [5] Wenzel M, Jakob L, Wieser A, Schauber J, Dimitriadis K, Schubert S, et al. Corticosteroid-induced meningococcal meningitis in a patient with chronic meningococcemia. JAMA Dermatol 2014, http://dx.doi.org/10.1001/jamadermatol.2013.9350. [6] Benoit FL. Chronic meningococcemia: case report and review of the literature. Am J Med 1963;35:103–12. [7] Nielsen HE, Koch C, Mansa B, Magnussen P, Bergmann OJ. Complement and immunoglobulin studies in 15 cases of chronic meningococcemia: properdin deficiency and hypoimmunoglobulinemia. Scand J Infect Dis 1990;22:31–6.

H. de Boysson a,∗ S. Deshayes a A. Salmon-Rousseau a A. Dubois b L. Geffray a a Service de médecine interne, centre hospitalier Robert-Bisson, 4, rue Roger-Aini, 14100 Lisieux, France b Laboratoire de microbiologie, centre hospitalier Robert-Bisson, 4, rue Roger-Aini, 14100 Lisieux, France ∗ Auteur

correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (H. de Boysson) Rec¸u le 8 octobre 2014 Rec¸u sous la forme révisée le 14 octobre 2014 Accepté le 4 novembre 2014

Pour citer cet article : de Boysson H, et al. Méningococcémie chronique. Med Mal Infect (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medmal.2014.11.002