revue neurologique 171 (2015) 373–381

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Me´moire

The´orie de l’esprit cognitive et affective dans la de´mence a` corps de Lewy : une e´tude pre´liminaire Cognitive and affective theory of mind in Lewy body dementia: A preliminary study C. Heitz a,*,b, N. Vogt a, B. Cretin a,b, N. Philippi a,b, B. Jung a,b, C. Phillipps a, F. Blanc a,b a

Unite´ de neuropsychologie, CMRR, service de neurologie, hoˆpitaux universitaires de Strasbourg, 1, avenue Molie`re, 67000 Strasbourg, France b ´ Equipe IMIS/Neurocrypto, fe´de´ration de me´decine translationnelle de Strasbourg (FMTS), laboratoire ICube, universite´ de Strasbourg et CNRS, 1, place de l’Hoˆpital, 67000 Strasbourg, France

info article

r e´ s u m e´

Historique de l’article :

Introduction. – La the´orie de l’esprit, qui de´finit la capacite´ a` infe´rer aux autres des intentions

Rec¸u le 6 mars 2014

ou des e´motions, a e´te´ e´tudie´e dans diverses maladies neurode´ge´ne´ratives mais aucune

Rec¸u sous la forme re´vise´e le

e´tude ne concernait la de´mence a` corps de Lewy (DCL). Notre objectif e´tait donc de

28 septembre 2014

rechercher des troubles de la the´orie de l’esprit chez des patients atteints de DCL.

Accepte´ le 13 fe´vrier 2015

Me´thodes. – Sept patients atteints de DCL au stade de de´mence le´ge`re ou de troubles

Disponible sur Internet le

cognitifs le´gers et sept sujets sains aˆge´s ont e´te´ e´value´s pour le test des Faux Pas et le test

3 avril 2015

des Regards. Re´sultats. – Le groupe patients re´ussissait significativement moins bien le test des Faux Pas

Mots cle´s :

que le groupe te´moin ( p = 0,04) principalement pour la question sur l’empathie ( p = 0,011).

The´orie de l’esprit affective

En revanche, il n’y avait pas de diffe´rence significative entre les deux groupes pour le test des

The´orie de l’esprit cognitive

Regards ( p = 0,077).

Cognition sociale

Discussion. – Cette e´tude pre´liminaire a mis en e´vidence une atteinte de la the´orie de l’esprit

De´mence a` corps de Lewy

dans la DCL, principalement sur le versant cognitif mais aussi sur le versant affectif. Ce

Test des Faux Pas

pattern est concordant avec celui trouve´ dans la maladie de Parkinson mais diffe`re de celui

Test des Regards

trouve´ dans la maladie d’Alzheimer et pourrait aider a` diffe´rencier la DCL de cette pathologie. # 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Keywords: Affective theory of mind Cognitive theory of mind Social cognition Dementia with Lewy bodies Faux Pas test Reading the Mind in the Eyes test

abstract Introduction. – ‘Theory of Mind’ refers to the ability to attribute mental states, thoughts (cognitive component) or feelings (affective component), to others. This function has been studied in many neurodegenerative diseases; however, to our knowledge no studies

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Heitz). http://dx.doi.org/10.1016/j.neurol.2015.02.010 0035-3787/# 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

374

revue neurologique 171 (2015) 373–381

investigating theory of mind in dementia with Lewy Bodies (DLB) have been published. The aim of our study was to search theory of mind deficits in patients with DLB. Methods. – Seven patients with DLB (DLB group), at the stage of mild dementia or mild cognitive impairments, and seven healthy elderly adults (control group) were included in the study. After a global cognitive assessment, we used the Faux Pas Recognition test to assess the cognitive component of theory of mind, and the Reading the Mind in the Eyes test for the assessment of affective component. Results. – We found a significant difference between the two groups for the Faux Pas test with an average score of 35.6 for the DLB group and 48.3 for the control group (P = 0.04). Scores were particularly low in the DLB group for the last question of the test concerning empathy (42.9% versus 85%, P = 0.01). There was not a significant difference between the two groups for the Reading the Mind in the Eyes test (P = 0.077). Discussion. – This preliminary study showed early impairments of theory of mind in the DLB. The cognitive component seems more affected than the affective component in this pathology. This pattern is consistent with the pattern found in Parkinson’s disease, but differs from other neurodegenerative diseases as Alzheimer’s disease or frontotemporal lobe dementia. These patterns may help to differentiate DLB from these diseases. Further study is needed to confirm these results and to compare with other dementias. # 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1.

Introduction

La the´orie de l’esprit (TDE) se de´finit comme la capacite´ d’un individu a` attribuer des e´tats mentaux, c’est-a`-dire des pense´es, des intentions, des croyances, des de´sirs a` autrui et a` soi-meˆme. Il s’agit d’une « me´ta-repre´sentation » des e´tats mentaux. Deux aspects peuvent eˆtre distingue´s au sein de la TDE : un versant affectif et un versant cognitif [1]. L’aspect affectif (TDE affective) correspond a` la capacite´ d’infe´rer a` un autre individu un e´tat e´motionnel a` partir d’informations observables comme les e´motions transmises par le visage, par le regard ou par la voix. L’aspect cognitif (TDE cognitive) permet d’infe´rer aux autres des connaissances et des intentions diffe´rentes des noˆtres, de comprendre et de pre´dire les comportements d’autrui. L’e´tude de la TDE est re´cente : elle s’est d’abord centre´e sur les pathologies psychiatriques (autisme [2] ou schizophre´nie notamment [3]). En prenant exemple sur ces travaux, certains auteurs se sont inte´resse´s aux troubles de la TDE dans le cadre des maladies neurode´ge´ne´ratives. La plupart des e´tudes mettent en e´vidence un de´ficit pre´coce de la TDE dans les formes frontales de de´mence lobaire fronto-temporale (DFT) [4], contrairement a` ce qui est observe´ dans la maladie d’Alzheimer (MA), ou` le de´ficit dans les taˆches de TDE serait conse´cutif a` un de´ficit cognitif plus global [5,6]. Dans la maladie de Parkinson (MP), les patients ne pre´senteraient des troubles de la TDE qu’a` un stade e´volue´ de la maladie et plus fre´quemment sur le versant cognitif qu’affectif [7]. La de´mence a` corps de Lewy (DCL) est la pathologie neurode´ge´ne´rative cognitive la plus fre´quente apre`s la MA chez les sujets de plus de 65 ans. Elle peut s’accompagner volontiers de troubles du comportement. Il n’existe a` notre connaissance aucune e´tude ayant recherche´ des troubles de la TDE spe´cifiquement dans cette pathologie. Modinos et al. [8] ont publie´ un cas clinique concernant une patiente de 72 ans atteinte de DCL qui pre´sentait une alte´ration des tests de TDE (test des Fausses croyances, test des Faux Pas et test des

Regards) de fac¸on plus importante par rapport a` un patient atteint de MA mais moins se´ve`re par rapport a` un patient atteint de DFT. Rankin et al. [9] ont e´galement e´tudie´ le comportement social chez 288 patients dont 37 DCL, par une he´te´ro-e´valuation graˆce a` un questionnaire approprie´ (Interpersonal Measure of Psychopathy). Les auteurs ont cependant regroupe´ – afin de les comparer au groupe des de´ge´ne´rescences lobaires fronto-temporales (DLFT) – les patients atteints de DCL, de MA, d’aphasie non fluente progressive, de de´ge´ne´rescence cortico-basale (DCB) et de paralysie supra-nucle´aire progressive (PSP) au sein d’un meˆme groupe appele´ « de´mences autres », l’interpre´tation des re´sultats pour ces diffe´rents types de de´mence n’est donc pas possible. L’objectif de notre e´tude e´tait donc d’e´valuer la TDE sur les versants affectif et cognitif chez des patients atteints de DCL a` un stade de´butant.

2.

Patients et me´thodes

L’e´tude e´tait unicentrique, et portait sur des patients atteints de DCL probable a` un stade de trouble cognitif le´ger ou de de´mence le´ge`re (groupe DCL) et des sujets sains aˆge´s (groupe te´moin). L’e´tude a e´te´ approuve´e par le Comite´ d’e´thique et tous les participants ont signe´ un consentement e´crit. Les crite`res d’inclusion des patients e´taient : un aˆge supe´rieur ou e´gal a` 45 ans, la pre´sence d’une DCL probable selon les crite`res de McKeith re´vise´s en 2005 [10], avec au niveau syndromique soit un trouble cognitif le´ger, soit une de´mence le´ge`re de´finie par un Mini Mental State Examination (MMSE) supe´rieur ou e´gal a` 20, l’accompagnement d’une personne susceptible de fournir des informations concernant le patient (entretien, contact te´le´phonique) et l’affiliation a` un re´gime de se´curite´ sociale. Les patients e´taient exclus en pre´sence des crite`res suivants : crite`res de Dubois pour une MA [11], profil neuropsychologique en faveur d’une MA (en particulier, pre´sence de troubles de la me´moire a` type de troubles du stockage), atrophie hippocampique marque´e pouvant e´voquer

revue neurologique 171 (2015) 373–381

une MA, pre´sence d’anomalies neurologiques centrales ou psychiatriques associe´es, vision et/ou audition insuffisante selon l’opinion de l’investigateur, en vue des tests neuropsychologiques, sujet sous tutelle ou curatelle, sujet prive´ de liberte´ par de´cision judiciaire ou administrative. Le groupe te´moin portait sur des sujets volontaires, recrute´s via le centre d’investigation clinique (CIC) suite a` une annonce dans un journal local. Ces te´moins e´taient aˆge´s de 55 a` 90 ans, sans ante´ce´dents neurologiques, avec un examen neurologique et un bilan neuropsychologique global normaux. Les deux groupes e´taient vus dans un premier temps par un neurologue spe´cialise´ dans les maladies neurode´ge´ne´ratives (FB, BC ou NP), afin de re´aliser une anamne`se et un examen clinique complet puis de poser le diagnostic de DCL probable chez les patients. En se basant sur le score de l’UPDRS (Unified Parkinson’s Disease Rating Scale) III [12], l’akine´sie, la rigidite´ et le tremblement e´taient cote´s sur 4 (de 0 : pas de symptoˆmes a` 4 : symptoˆmes majeurs). Tous les patients ont be´ne´ficie´ d’une imagerie par re´sonnance magne´tique (IRM) ce´re´brale. Quatre d’entre eux ont eu un dosage des biomarqueurs de la MA (Tau, P-Tau, Abe´ta-42) et cinq patients ont eu un Dat-scan. Dans un second temps, les deux groupes ont re´alise´ un bilan neuropsychologique afin d’e´valuer diverses fonctions cognitives : fonctionnement cognitif global (MMSE), processus mne´siques (Rappel Libre-Rappel Indice´ 16 items [RL-RI 16], empans auditivo-verbaux), langage (test de de´nomination d’images 80 [DO 80]), fonctions exe´cutives et attentionnelles (batterie rapide d’efficience frontale [BREF], Trail Making Test [TMT] A et B, fluences verbales litte´rales [lettre P] et cate´gorielles [animaux]), praxies ide´o-motrices et constructives (batterie des praxies ide´o-motrices de Mahieux, copie de la figure de Rey), capacite´s visuo-spatiales et traitement perceptif des visages (la localisation de chiffres et l’analyse de cubes de la Visual Object and Space Perception [VOSP], test de reconnaissance faciale de Benton). Enfin, la TDE a e´te´ e´value´e par le test des Faux Pas et le test des Regards de Baron-Cohen. Le test des Faux Pas [13] est un test fre´quemment utilise´ dans les e´tudes pour e´valuer la TDE cognitive par la capacite´ des patients a` reconnaıˆtre des faux pas sociaux (Annexe 1). Plusieurs histoires sont pre´sente´es au patient, dont la moitie´ d’entre elles contiennent des faux pas. Pour chaque histoire le patient doit re´pondre aux questions suivantes (questions Faux Pas) : « Est-ce que quelqu’un a dit quelque chose qu’il n’aurait pas duˆ ? », « Qui a dit quelque chose qu’il n’aurait pas duˆ dire ? », « Pourquoi il n’aurait pas duˆ dire c¸a ? », « Pourquoi pensez-vous qu’il a dit c¸a ? », « Est-ce que X sait que Y . . . ? », « Comment X se sent-il ? », ainsi que deux questions controˆles pour s’assurer que la compre´hension de bas niveau des histoires est pre´serve´e. Le test des Regards (« Reading the mind in the eyes ») [14] est un test e´labore´ dans le but d’e´valuer la TDE affective par la compre´hension des e´tats mentaux d’autrui a` partir de leur regard (Fig. 1). Trente-six photographies de regards sont pre´sente´s au sujet qui doit choisir, parmi 4 mots pre´sente´s, celui de´crivant le mieux ce que peut penser ou ressentir la personne photographie´e. Un lexique est propose´ au sujet afin de ve´rifier que le patient connaisse la signification exacte des mots pre´sente´s au moment ou` il donne sa re´ponse. Les termes renvoient a` des expressions e´motionnelles complexes et souvent implique´es dans des interactions sociales. En cas

375

Fig. 1 – Exemple extrait du test des Regards de BaronCohen. Le patient doit associer un des qualificatifs a` la photographie. Dans cet exemple, la bonne re´ponse est « Abattu ».

de troubles de la perception des visages (test de Benton), le test des Regards n’e´tait pas propose´ au patient. Nous avons utilise´ le logiciel SPSS 18.0 pour comparer les caracte´ristiques cliniques des deux groupes avec le test du Chi2 pour les variables qualitatives et le test Anova pour les variables quantitatives. Le test de Mann-Whitney sur le logiciel SPSS 18.0 a e´te´ utilise´ pour comparer les scores des tests neuropsychologiques. La diffe´rence e´tait conside´re´e comme significative pour un p < 0,05. Le test de Spearman sur le logiciel SPSS 18.0 a permis la recherche de corre´lations entre les tests de TDE, les caracte´ristiques cliniques, la dure´e d’e´volution et les tests cognitifs globaux. Pour cette analyse, une corre´lation e´tait conside´re´e comme significative pour un p < 0,005 (et non pas 0,01 du fait du faible effectif et des corre´lations multiples ope´re´es).

3.

Re´sultats

3.1.

Caracte´ristiques ge´ne´rales des patients

Au total 7 patients et 7 sujets sains ont e´te´ inclus dans l’e´tude (Tableau 1). Les groupes e´taient comparables en termes d’aˆge, de sexe et de niveau socio-e´ducatif. Les sujets e´taient tous droitiers. Tous les patients remplissaient les crite`res de DCL probable selon McKeith et al., 2005 [10] : ils pre´sentaient tous des troubles cognitifs, des fluctuations cognitives et un syndrome extrapyramidal. Les fluctuations e´taient e´value´es cliniquement par l’interrogatoire du patient et de l’entourage. Seuls deux patients ne pre´sentaient pas d’hallucinations. La dure´e moyenne d’e´volution de la maladie e´tait de 3 ans. En ce qui concerne les comorbidite´s, un patient pre´sentait une maladie de Me´nie`re, un patient une myasthe´nie et deux patients un syndrome d’apne´e du sommeil. Parmi les te´moins, trois sujets pre´sentaient une hypertension arte´rielle, un sujet avait une dyslipide´mie, un sujet avait une hyperthyroı¨die traite´e et un ante´ce´dent de cancer colique gue´ri. Tous les patients ont be´ne´ficie´ d’une IRM ce´re´brale qui mettait en e´vidence une atrophie sous-corticale pour 6 patients et qui e´tait normale pour l’aˆge pour un patient. Quatre patients ont be´ne´ficie´ d’une PL avec dosage des biomarqueurs de la MA, les re´sultats e´taient dans les normes. Cinq patients ont re´alise´ un Dat-scan qui a mis en e´vidence pour chaque patient une de´nervation dopaminergique bilate´rale. Trois patients e´taient

376

revue neurologique 171 (2015) 373–381

Tableau 1 – Caracte´ristiques ge´ne´rales des patients. Patients

1

2

3

4

5

6

7

Moyenne (me´diane)

Aˆge (anne´es)

79

62

66

74

61

81

54

68,1 (66)

Sexe

H

F

H

F

F

F

H



Late´ralite´

Droitier

Droitie`re

Droitier

Droitie`re

Droitie`re

Droitie`re

Droitier



Niveau d’e´tude

BEP

Primaire

CAP

CAP

CAP

Primaire

CAP



MMSE (/30)

25

28

26

27

28

26

27

26,7 (27)

Syndrome extrapyramidal Akine´sie (/4) Rigidite´ (/4) Tremblements (/4)

1 1 0

1 1 1

1 1 0

2 3 0

1 1 1

3 1 0

2 2 0

1,6 (1) 1,4 (1) 0,3 (0)

Hallucinations

Oui

Oui

Oui

Oui

Non

Oui

Non



Fluctuations

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui



Dure´e d’e´volution (anne´es)

3

8

2

1,5

4

3

1

3,2 (3)

IADL (/4)

0

4

4

4

1

2

3

2,6 (3)

Traitements Rivastigmine (mg/j) Le´vodopa (mg/j) Clozapine (mg/j)

9 187,5 6,25

0 0 0

0 0 0

0 375 0

9,5 0 12,5

4,5 0 0

0 187,5 0

3,3 (0) 107,1 (0) 2,7 (0)

Fle´caine, lescol

Seroplex, crestor, lexomil

Solupred, myte´lase, mestinon, etioven, ideos, fosavance, vastarel

Bisoprolol, tahor, orogast, uve´dose, karde´gic, zoloft

Le´vothyrox, xanax, the´rale`ne

Seroplex, zyprexia, lexomil, nuctalon, spifen

Motilium, modiodal

Autres traitements

H : homme ; F : femme ; MMSE : Mini Mental State Examination ; IADL : Instrumental Activities of Daily Living.

traite´s par un anti-cholineste´rasique (rivastigmine), trois patients e´taient traite´s par dopathe´rapie (le´vodopa) et deux patients e´taient sous neuroleptique (clozapine). Le MMSE moyen e´tait de 26,7 pour le groupe DCL et 28,6 pour le groupe te´moin ( p = 0,002). Tous les patients avaient un score de MMSE supe´rieur a` 25, donc non pathologique. Quatre patients e´taient au stade Mild Cognitive Impairment (MCI) avec une inde´pendance pour les activite´s de la vie quotidienne (Instrumental Activities of Daily Living [IADL] des travaux de Paquid entre 3 et 4), trois patients e´taient au stade de de´mence le´ge`re avec des IADL entre 0 et 2, surtout en raison de l’apathie, mais avec des fonctions cognitives globalement pre´serve´es.

3.2.

Bilan cognitif global et tests de TDE

Le groupe DCL pre´sentait un score moyen plus bas (20,3 sur 36) que le groupe te´moin (23,5 sur 36) pour le test des Regards mais sans que la diffe´rence ne soit significative ( p = 0,077) (Tableau 2). En comparant les re´sultats des patients et des sujets sains avec les normes de l’e´tude de Baron-Cohen [14], 3 patients sur 6 avaient un score de´ficitaire avec un z-score infe´rieur a` 1,65. Dans le groupe te´moin en revanche, un seul sujet avait un score de´ficitaire avec un z-score a` 1,66. La moyenne des zscores e´tait significativement plus basse dans le groupe DCL ( 1,68) que dans le groupe te´moin ( 0,67) ( p = 0,03). Le test n’a pas pu eˆtre re´alise´ pour un des patients car il pre´sentait un

de´ficit du traitement perceptif des visages avec un test de Benton de´ficitaire. Concernant la TDE cognitive, les re´sultats des deux groupes e´taient significativement diffe´rents pour les questions Faux Pas dans les histoires Faux Pas avec une moyenne a` 35,57 dans le groupe DCL et 48,29 dans le groupe te´moin ( p = 0,04) (Tableau 3). Dans le groupe DCL, 3 sujets sur 7 avaient un score de´ficitaire avec un z-score infe´rieur a` 1,65 en comparant les re´sultats a` ceux propose´s par Boutantin et al. dans leur normalisation du test des Faux Pas [15], alors qu’aucun des sujets te´moins n’e´tait de´ficitaire pour ce test avec ces meˆmes normes. On ne trouvait pas de diffe´rence significative entre les deux groupes pour le score de de´tection des Faux Pas, pour l’explication des Faux Pas (questions 1 et 2) et pour le score de de´tection de non-intentionnalite´. Il existait en revanche une diffe´rence significative pour le score d’attribution du sentiment a` la personne victime du Faux Pas avec des scores tre`s bas dans le groupe DCL (moyenne de 42,86 %) par rapport au groupe te´moin (moyenne de 85 %) ( p = 0,011). Les re´ponses aux questions controˆles e´taient toujours dans les normes pour les deux groupes. Il n’y avait pas de diffe´rence entre les groupes pour les questions Faux Pas dans les histoires controˆles qui testent la de´tection de faux pas dans les histoires qui n’en contiennent pas (fausses alarmes). Concernant les autres tests neuropsychologiques, les deux groupes pre´sentaient des diffe´rences significatives pour le MMSE ( p = 0,002), le rappel libre imme´diat et diffe´re´ du RL-RI

377

revue neurologique 171 (2015) 373–381

Tableau 2 – Caracte´ristiques cliniques et bilan neuropsychologique des groupes DCL et te´moin. Groupe te´moin

Groupe DCL Moyenne (me´diane)

E´cart-type

Moyenne (me´diane)

Aˆge (anne´es)

68,14 (66)

Sexe (H/F)

3/4

Nombre d’anne´e d’e´tude (anne´es)

8,6 (10)

2,44

10,1 (10)

MMSE (/30)

26,7 (27)

1,11

BREF (/18)

13,5 (13,5)

RL-RI 16 (/16) RIM RLI (moyenne) RTI (moyenne) RLD RTD

10,1

73,43 (72)

p (test employe´) E´cart-type 3,9

0,22 (F) 0,59 (x2)

4/3 2,73

0,279 (F)

29 (29)

1,2

0,009* (U)

3

16,9 (18)

1,7

0,041 (U)

15 (15) 7,2 (6,7) 14,2 (14,3) 8,9 (9) 15,6 (16)

1,2 1,6 1,4 1,7 0,5

15,7 10,5 15,5 12,9 15,7

0,5 1,4 0,3 1,2 0,5

0,223 0,006* 0,07 0,003* 0,645

Figure de Rey (/36)

33,3 (34)

3,8

33,4 (34)

2,2

0,677 (U)

VOSP (/10) Localisation de chiffres Analyse de cubes

7 (8) 8,4 (9)

3,1 1,9

9,4 (10) 9,4 (10)

0,8 0,9

0,123 (U) 0,434 (U)

TMT A (secondes)

88,4 (78)

50,9

43,7 (43)

11,4

0,017* (U)

TMT B (secondes)

215,3 (177,5)

155,6

97,7 (97)

34,3

0,101 (U)

Code de la WAIS (/19)

6 (6)

1,9

12,7 (12)

1,7

0,005* (U)

Empans Directs Indirects

5,1 (5) 3 (3)

0,7 0,6

6,7 (6) 4,7 (5)

1,7 0,5

0,059 (U) 0,002* (U)

Fluences Phonologiques (lettre P) Se´mantiques (animaux)

9,9 (9) 19,9 (17)

5,1 6,3

24,5 (23) 36,3 (38)

8,3 5

0,006* (U) 0,002* (U)

DO 80 (/80)

78,7 (80)

1,7

79,7 (80)

0,5

0,371 (U)

Praxies Symboliques (/5) D’action (/10) Gestes abstraits (/8)

4,3 (5) 8,9 (9) 5 (5)

1,1 1,5 2,5

5 (5) 10 (10) 8 (8)

0 0 0

0,1 (U) 0,044* (U) 0,018* (U)

(16) (11) (15,7) (13) (16)

(U) (U) (U) (U) (U)

DCL : de´mence a` corps de Lewy ; MMSE : Mini Mental State Examination ; BREF : batterie rapide d’efficience frontale ; RL-RI 16 : rappel librerappel indice´ 16 items ; RIM : rappel imme´diat ; RLI : rappel libre imme´diat ; RTI : rappel total imme´diat ; RLD : rappel libre diffe´re´ ; RTD : rappel total diffe´re´ ; WAIS : Wechsler Adult Intelligence Scale ; VOSP : Visual Object and Space Perception Battery ; TMT : Trail Making Test ; DO80 : de´nomination orale 80 ; * : p < 0,05 ; F : test d’Anova ; x2 : test du Chi2 ; U : test de Mann-Whitney.

Tableau 3 – Comparaison des tests de the´orie de l’esprit chez les patients et les sujets te´moins. Groupe te´moin

Groupe DCL Moyenne (me´diane) Test des Regards Test des Faux Pas QFP/HFP (/60) Score de de´tection des faux pas (/10) Question 1 (explication faux pas) Question 2 (explication faux pas) Question 3 (intentionnalite´) Question 4 (empathie) QC/HFP (/20) QFP/HC (/20) QC/HC (/20)

20,5 (20,5)

35,57 8,43 91,43 % 74,29 % 74,29 % 42,86 % 19,71 16,86 19,71

(40) (10) (100 %) (80 %) (80 %) (40 %) (20) (16) (20)

E´cart-type 2,07

12,49 2,15 15,74 15,12 15,12 26,9 0,76 2,54 0,76

Moyenne (me´diane) 23,5 (23,5)

48,29 9,43 93,57 % 65,71 % 75 % 85 % 20 18,86 20

(50) (10) (100 %) (75 %) (100 %) (100 %) (20) (20) (20)

p (test employe´) E´cart-type 2,88

7,95 0,98 11,07 32,71 16,07 19,36 0 3,02 0

0,077 (U) 0,04* 0,41 1 0,743 1 0,011* 0,317 0,103 0,317

(U) (U) (U) (U) (U) (U) (U) (U) (U)

DCL : de´mence a` corps de Lewy ; QFP : questions faux pas ; HFP : histoire faux pas ; QC : questions controˆles ; HC : histoires controˆles ; NF : non fait ; * : p < 0,05 ; U : test de Mann-Whitney.

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16 ( p = 0,002 et p = 0,000), le TMT A ( p = 0,017) le code de la WAIS ( p = 0,000), les fluences phonologiques et se´mantiques ( p = 0,006 et p = 0,000) et les praxies d’actions ( p = 0,044) et pour les gestes abstraits ( p = 0,02). Les diffe´rences n’e´taient pas significatives pour les autres tests.

3.3. Corre´lations tests de TDE, dure´e d’e´volution, traitements et autres tests cognitifs Pour le test des Regards, une corre´lation a pu eˆtre mise en e´vidence avec le score d’analyse des cubes de la batterie VOSP ( p = 0,003, force de la corre´lation = 0,955) dans le groupe DCL. Pour le test des Faux Pas, une corre´lation entre l’intensite´ du de´ficit au test et la dure´e d’e´volution de la maladie a e´te´ trouve´e ( p = 0,002, force de la corre´lation = 0,936) pour le groupe DCL. Il n’existait pas de corre´lations entre les re´sultats aux tests et la prise de traitements anticholineste´rasiques, dopaminergiques ou neuroleptiques.

4.

Discussion

` notre connaissance, il s’agit de la premie`re e´tude s’inte´rA essant aux troubles de la TDE dans la DCL. Les re´sultats confirment l’hypothe`se d’une atteinte de la TDE chez des patients pre´sentant une DCL a` un stade le´ger, avec une atteinte plus importante au test des Faux Pas qu’au test des Regards. Ces tests e´valuent des versants diffe´rents de la TDE (affectif et cognitif) or des e´tudes de neuroimagerie [16,17] et le´sionnelles [1,18] ont de´montre´ que des me´canismes et des re´seaux neuronaux diffe´rents sous-tendent ces deux aspects. Selon la « the´orie de la simulation », l’e´tat affectif d’autrui (TDE affective) serait compris en « simulant » cet e´tat a` soi-meˆme et en ressentant a` notre tour l’e´motion observe´e [19]. Les cortex pre´frontaux ventrome´dial et orbitofrontal seraient pre´fe´rentiellement mis en jeu pour cet aspect de la TDE [16,18]. En revanche pour la TDE cognitive, la compre´hension des intentions d’autrui serait plus rationnelle et plus inde´pendante de notre propre e´tat d’esprit (« the´orie the´orie ») [19]. Le cortex pre´frontal dorsolate´ral serait implique´ plus spe´cifiquement dans cette modalite´ [18,20]. La dissociation entre ces deux versants de la TDE est inte´ressante car elle pourrait permettre de de´finir certains patterns spe´cifiques des diffe´rentes maladies neurode´ge´ne´ratives [21]. Dans notre e´tude, le test des Regards e´valuait la capacite´ des patients a` reconnaıˆtre des e´motions a` partir du regard d’autrui, il permettait ainsi d’estimer les faculte´s des patients en matie`re de TDE affective. Les scores des deux groupes n’e´taient pas significativement diffe´rents ( p = 0,077). Il est possible que ce re´sultat soit lie´ a` un manque de puissance de l’e´tude car sur six patients DCL teste´s, trois e´taient de´ficitaires pour ce test en comparant aux normes de Baron-Cohen [14] et deux patients avaient des scores a` la limite infe´rieure. Les patients avec DCL semblaient donc en difficulte´ pour le versant affectif de la TDE mais une e´tude ulte´rieure avec de plus grands effectifs serait ne´cessaire pour confirmer cette tendance. D’autant plus que ces difficulte´s pourraient aussi eˆtre lie´es a` l’aˆge. Plusieurs e´tudes ont montre´ une baisse des

performances en cognition sociale avec l’aˆge [22–24]. Dans notre e´tude, la moyenne d’aˆge du groupe te´moin e´tait de 73 ans, contre 46,5 ans dans l’e´tude de Baron-Cohen et effectivement le score moyen du groupe te´moin e´tait plus bas dans notre e´tude que dans celle de Baron-Cohen. Cette premie`re e´tude semble donc montrer une diminution des performances pour la TDE affective dans la DCL mais qui pourrait eˆtre en partie lie´e au vieillissement physiologique. En revanche, les six patients avaient des re´sultats dans les normes pour le test de Benton, permettant d’affirmer que le traitement perceptif des visages e´tait satisfaisant. Le test des Faux Pas quant-a`-lui e´value la capacite´ des patients a` de´tecter des faux pas sociaux et a` interpre´ter les intentions d’autrui. Il s’agit d’un test plus approprie´ pour e´valuer la TDE cognitive bien que l’une des questions concernant le ressenti e´motionnel des personnages peut aussi eˆtre utilise´e pour la TDE affective. Les re´ponses aux questions controˆles e´taient re´ussies pour les deux groupes ce qui de´montre une bonne compre´hension des histoires. Le groupe DCL a obtenu un score significativement plus faible que le groupe te´moin ( p = 0,04) pour les questions Faux Pas dans les histoires Faux Pas, c’est-a`-dire pour la de´tection et l’explication des Faux Pas. En regardant en de´tails les re´ponses aux questions, les patients de´tectaient moins bien la pre´sence de Faux Pas par rapport aux te´moins, mais lorsque celui-ci e´tait de´tecte´ l’explication du Faux Pas e´tait correcte. En revanche, la perte des points se faisait surtout sur la dernie`re question portant sur l’attribution du sentiment a` la personne victime du Faux Pas. Il semble donc exister une alte´ration pre´fe´rentielle de la TDE cognitive dans la DCL. Bien que l’e´tude n’ait pas pu mettre en e´vidence une diffe´rence significative avec le groupe te´moin pour le test des Regards, on peut suspecter une atteinte de la TDE affective dans la DCL en raison du nombre de patients de´ficitaires pour le test des Regards et des faibles scores pour l’attribution des e´motions au test des Faux Pas. Ces re´sultats sont concordants avec les donne´es trouve´es dans la MP ou` l’atteinte de la TDE pre´dominerait sur le versant cognitif [7,25,26]. D’apre`s Bodden et al. [25], la TDE cognitive serait affecte´e en premier dans la MP en raison de l’atteinte pre´dominante de la voie fronto-striatale dorsolate´rale. Dans un second temps, des troubles de la TDE affective se surajouteraient en raison de l’atteinte de la voie frontostriatale limbique. Les patients parkinsoniens auraient notamment des difficulte´s a` reconnaıˆtre les e´motions ne´gatives (peur, tristesse) et neutres [27]. En revanche, ces troubles apparaıˆtraient de fac¸on tardive dans la MP [7] alors qu’ils semblent beaucoup plus pre´coces dans la DCL puisque nous avons inclus des patients avec des troubles cognitifs le´gers ou une de´mence le´ge`re et pour lesquels les autres fonctions cognitives e´taient peu alte´re´es. L’atteinte corticale s’installe plus rapidement dans la DCL et pourrait expliquer cette diffe´rence. De nombreuses autres e´tudes se sont inte´resse´es a` la TDE dans les maladies neurode´ge´ne´ratives. La DFT est la pathologie la plus e´tudie´e dans ce domaine. Tre`s re´cemment, Henry et al. [28] ont re´alise´ une me´ta-analyse sur 15 e´tudes (312 patients avec DFT) qui confirme une atteinte se´ve`re de la TDE dans la DFT sans distinction entre les versants affectifs et cognitifs.

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Dans leur revue de la litte´rature re´alise´e en 2012, Poletti et al. [21] ont re´pertorie´ 10 e´tudes concernant la TDE dans la MA, elles sont concordantes pour rapporter une atteinte relativement faible de la TDE dans cette maladie. La plupart des travaux ont e´tudie´ le test des Fausses croyances qui permet de tester la TDE cognitive avec des croyances de premier ordre [29,30] et des croyances plus complexes de second ordre [31,32]. Les patients atteints de MA ont des capacite´s pre´serve´es pour les fausses croyances de premier ordre, en revanche ils sont de´ficitaires pour les fausses croyances de second ordre [5,6,33,34]. En ce qui concerne le test des Faux Pas, il semble bien re´ussi par les patients avec MA [6,35]. Les re´sultats pour la TDE affective sont moins consensuels, avec des re´sultats normaux dans certaines e´tudes [6,36] (dans l’e´tude de Narme et al., seule la peur n’e´tait pas reconnue par les patients alors que les autres e´motions e´taient pre´serve´es) et des scores de´ficitaires dans d’autres [5,34,37]. Ces re´sultats semblent dans tous les cas diffe´rents de ceux retrouve´s dans la DCL. Si nos re´sultats e´taient confirme´s par d’autres e´tudes, ces tests de TDE pourraient aider a` diffe´rencier MA et DCL a` un stade pre´coce. En ce qui concerne les pathologies neurode´ge´ne´ratives avec syndrome extrapyramidal atypique, deux cas cliniques [38,39] ont rapporte´ une atteinte de la TDE affective dans la de´ge´ne´rescence cortico-basale (DCB) et une e´tude trouvait des de´ficits en TDE affective et une alte´ration dans la compre´hension des sarcasmes chez des patients atteints de paralysie supranucle´aire progressive (PSP) [40]. Le profil de ces maladies pour la TDE serait donc diffe´rent de celui trouve´ chez nos patients mais il s’agit d’e´tudes avec un faible effectif de patients et pour lesquelles la TDE cognitive n’a pas e´te´ e´tudie´ avec des tests classiques. Il est inte´ressant de noter que la patiente de´crite dans le cas clinique de Kluger et al. pre´sentait une apraxie faciale avec des difficulte´s a` mimer des e´motions. Dans l’e´tude de Ghosh et al., les troubles de TDE e´taient corre´le´s au score UPDRS. L’atteinte motrice semble donc lie´e aux difficulte´s e´motionnelles chez ces patients. Comme nous l’avons dit plus haut, « l’hypothe`se de la simulation » stipule la ne´cessite´ de simuler l’e´motion d’autrui pour la comprendre. Cette action passerait entre autre par la voie motrice et les ganglions de la base [41] et pourrait expliquer pourquoi la dysfonction de ces structures dans certaines pathologies neurode´ge´ne´ratives empeˆcherait les patients d’imiter et donc de comprendre correctement les e´motions d’autrui [42]. Cette hypothe`se ne permet toutefois pas d’expliquer pourquoi la TDE affective n’est pas plus touche´e dans la MP. Dans notre e´tude, nous n’avons pas trouve´ de relation entre les re´sultats aux tests et l’atteinte extrapyramidale mais la plupart des patients pre´sentait un syndrome extrapyramidal minime. L’implication de la voie dopaminergique dans la TDE reste cependant controverse´e. Dans leurs e´tudes, ni Peron et al. [7], ni Roca et al. [26] n’ont trouve´ d’influence du traitement dopaminergique sur les re´sultats en TDE chez des patients parkinsoniens. De meˆme dans leur revue de la litte´rature, Kucharska et al. [43] concluent qu’il existe peu d’arguments pour penser a` un effet du traitement neuroleptique sur la TDE chez des patients schizophre`nes. En ce qui

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concerne notre e´tude, nous n’avons pas non plus trouve´ de lien entre TDE et traitement dopaminergique ou neuroleptique. Une e´tude de plus grande envergure serait ne´cessaire pour confirmer l’absence d’influence de ces traitements sur les capacite´s de TDE, en comparant par exemple des patients avant et apre`s traitement. Les corre´lations avec les caracte´ristiques cliniques et les autres tests cognitifs sont a` analyser avec prudence devant le faible effectif de notre e´tude. Il semble ne´anmoins exister un lien entre les difficulte´s au test des Regards et le test de la VOSP, ce qui confirme l’influence des capacite´s visuoperceptives et visuo-spatiales sur la re´ussite de ce test. Une corre´lation a e´te´ trouve´e entre le test des Faux Pas et la dure´e d’e´volution de la maladie, qui semble lie´e au fait que les patients les plus se´ve`rement atteints e´taient ceux avec la plus longue dure´e d’e´volution. Cette e´tude avait pour but d’explorer la TDE dans la DCL de fac¸on pre´liminaire a` une e´tude de plus grande envergure. Elle pre´sente donc comme limite un faible effectif de patients et les re´sultats de cette premie`re e´tude ne permettent pas de donner des conclusions de´finitives. Les re´sultats semblent indiquer une atteinte nette de la TDE, principalement sur le versant cognitif mais aussi sur le versant affectif, chez les patients avec DCL a` un stade pre´coce. La re´alisation d’investigations comple´mentaires syste´matiques, telles qu’un dosage des biomarqueurs de la MA ou un DAT-scan serait e´galement ne´cessaire dans une e´tude ulte´rieure pour aider au diagnostic de DCL. Une seconde e´tude est en cours dans laquelle nous comptons inclure un plus grand nombre de patients atteints de DCL ainsi qu’un groupe de patients atteints de MA et un groupe te´moin de sujets sains.

5.

Conclusion

En conclusion, cette e´tude pre´liminaire a permis de mettre en e´vidence des troubles de la TDE chez des patients atteints de DCL a` un stade de trouble cognitif le´ger ou de de´mence le´ge`re, principalement sur le versant cognitif, mais aussi probablement sur le versant affectif. Le pattern de ces troubles semble donc en partie concordant avec celui trouve´ dans la MP mais diffe´rent de celui trouve´s dans la MA, la DFT ou les syndromes extrapyramidaux atypiques et pourrait permettre d’aider au diagnostic diffe´rentiel si ces re´sultats se confirmaient.

De´claration d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article.

Remerciements Nous tenons a` remercier l’e´quipe de neuropsychologie de l’hoˆpital de Strasbourg pour la re´alisation des tests neuropsychologiques, ainsi que Madame Me´lanie Stackfleth pour l’organisation des examens et l’accueil des patients.

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Annexe 1. Exemple extrait du test des Faux Pas. Le patient doit de´tecter et expliquer le faux pas d’Anne, comprendre l’absence de mauvaise intention de sa part et eˆtre capable de de´crire les sentiments ressentis par Sandrine.

Sandrine a achete´, pour son amie Anne, une coupe en cristal pour son cadeau de mariage. Anne a fait un grand mariage et il y avait beaucoup de cadeaux a` ouvrir. Environ un an apre`s, Sandrine est invite´e un soir chez Anne pour un dıˆner. Sandrine laisse tomber une bouteille de vin par accident sur la coupe en cristal qui se brise. « Je suis vraiment de´sole´e. J’ai casse´ la coupe ! », dit Sandrine. « Ne t’inquie`te pas », re´pond Anne, « Je ne l’ai jamais aime´ de toute fac¸on. Quelqu’un me l’a offert pour mon mariage ». Questions « Faux Pas » : Question 1 : Est-ce que quelqu’un a dit quelque chose qu’il n’aurait pas duˆ dire ou a dit quelque chose de maladroit ? Question 2 : Qui a dit quelque chose qu’il ne devait pas dire ou a dit quelque chose de maladroit ? Question 3 : Pourquoi n’aurait-il/elle pas duˆ le dire ou pourquoi e´tait-ce maladroit ? Question 4 : Pourquoi pensez-vous qu’il/elle l’a dit ? Question 5 : Anne se rappelait-elle que Sandrine lui avait offert la coupe en cristal ? Question 6 : Qu’est-ce que Sandrine a ressentie selon vous ? Questions controˆles : Question 7 : Dans l’histoire, qu’est-ce que Sandrine offre a` Anne pour son mariage ? Question 8 : Comment la coupe a-t-elle e´te´ casse´e ?

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'Theory of Mind' refers to the ability to attribute mental states, thoughts (cognitive component) or feelings (affective component), to others. This f...
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