Progrès en urologie (2013) 23, 1218—1223

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Le conflit d’intérêts Conflict of interests G. Karsenty a,b,∗, C. Bastide a,c, L. Guy d, F. Bruyeres e a

Aix-Marseille université, 13284 Marseille, France Urologie et transplantation rénale, hôpital de La Conception, AP—HM, 147, boulevard Baille, 13385 Marseille cedex 05, France c Urologie, hôpital Nord, AP—HM, chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20, France d Urologie, CHU Gabriel-Montpied, 58, rue Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France e Urologie, université de Tours, CHRU Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours, France b

Rec ¸u le 15 septembre 2013 ; accepté le 16 septembre 2013

MOTS CLÉS Conflit d’intérêt ; Médicament ; Compagnies pharmaceutiques ; Biais ; Sécurité du patient



Résumé But. — Définir la notion de conflit d’intérêts (CoIs) en général, dans le domaine biomédical et dans la relation médecin - industrie pharmaceutique (RMIP) en particulier. Connaître l’impact du CoI lié à la RMIP sur les activités de soin, de recherche et d’enseignement en médecine et plus spécifiquement en urologie. Exposer les moyens proposés pour limiter cet impact. Méthode. — Recherche bibliographique utilisant la littérature grise via Google pour affiner la définition du COI et l’outil PubMed avec les termes conflict of interest et urology. Résultats. — Un médecin ou un chercheur dans le domaine médical est en situation de CoIs chaque fois que son jugement, normalement au service exclusif de la santé du patient, est influencé ou pourrait l’être par des intérêts secondaires, qu’ils soient financiers ou non financiers. Ces situations existent en urologie comme dans le reste de la médecine et peuvent influencer les pratiques de soin et la production scientifique. Elles surviennent souvent, mais pas exclusivement dans le contexte de la RMIP. La prise de conscience de la nécessité d’une gestion des CoIs est récente. Trois axes de prévention existent : la transparence, la régulation et la restriction. Conclusions. — Les RMIP sont inévitables. Elles revêtent au moins quatre aspects : la promotion pharmaceutique, la participation à la formation médicale le partenariat de recherche et l’expertise. Elles sont, au moins dans le cas des partenariats de recherche, indispensables au développement de nouveaux traitements efficaces et en principe bénéfiques à l’objet premier de l’activité médicale qu’est l’amélioration de la santé à l’échelle individuelle et collective. Dans tous les cas, ces relations engendrent des situations

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Karsenty).

1166-7087/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.09.012

Le conflit d’intérêts

1219 de CoIs inhérent (inévitable). Pour autant, l’existence d’un risque ne débouche pas systématiquement sur un dévoiement inconscient (influence) ou conscient (corruption) de la prise en charge thérapeutique, de l’activité de recherche, ou du contenu des recommandations et avis d’experts. Des dispositifs de régulation sont indispensables. Une approche exclusivement prohibitionniste serait inadaptée. Des actions conjointes d’éducation des médecins, de plus grande transparence, de régulation éthique et de limitations ciblées mises en œuvre avec les sociétés savantes pourraient répondre à la problématique des CoIs liés aux RMIP. © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Conflict of interest; Drugs; Pharmaceutical company; Bias; Patient safety

Summary Aim. — To define what a conflict of interest is in general, in the field of medicine and more specifically in the setting of Doctor Drug Company Relationship (DDCR). Method. — Bibliographic research in the grey literature via Google to refine definitions and Pubmed searching to evaluate impact and management of CoI. Results. — Doctors or researchers have a CoI (are in the situation of) if another interest (financial or not) is in competition with the primary goal of doctors and researchers in medicine which is to promote health. Such situations occur often (not only) during DDCR. Nevertheless DDCR are necessary and beneficial at least to the development of new therapeutic drugs. Although CoIs signals an inherent risk of biased practice publication or recommendation, this does not mean the misleading will happened. Literature search demonstrates that financial CoIs may change drug prescriptions and impact publication quality or objectivity. Specific policies are needed to prevent and limit CoIs impact. Disclosure, regulation and prohibition are the main directions of such policy. Conclusion. — DDCR are usually fruitful, at least in the domain of research to develop new efficient drugs. Limitation of CoIs relies on adapted policies discussed in this paper. Medical education, disclosure, ethics regulation and specific restrictions supported by our medical associations seem more relevant. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction Plusieurs scandales sanitaires récents (Vioxx, Mediator, prothèses PIP) ont révélé des déviances graves dans les relations entre industrie pharmaceutique, médecins et agences sanitaires. Le CoI entre industrie et médecins experts ou prescripteurs a été mis en cause dans ces circonstances, installant un climat de suspicion d’influence ou de corruption vis-à-vis de toute relation entre médecin et industrie pharmaceutique (RMPI). Aux Étas-Unis, en France et dans d’autre pays européens, des dispositions légales et réglementaires récentes découlent directement du traumatisme provoqué par ces affaires : Physician Payment Sunshine Act inclus dans la réforme Obama de mai 2010 aux États-Unis, décret du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l’homme (prenant effet au 1er octobre 2013). L’OMS a publié en 2009 un guide intitulé « comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre, un guide pratique ». Traduit en 2013 par la HAS, il pointe l’influence de la promotion pharmaceutique sur les prescriptions médicales et l’activité de production scientifique (recherche et recommandations). Pourtant, imaginer une séparation étanche entre détenteurs de la connaissance des malades et des maladies, d’une part, et détenteur des capacités à fabriquer les remèdes à ces maladies, d’autre part, paraît absurde et contraire à l’objectif premier de toutes les activités biomédicales. Si elle n’est pas le seul aspect des RMIP, la participation

des médecins à la recherche menée par l’industrie est bien l’exemple d’une relation inévitable, souhaitable et portée par l’intérêt général, de développer de nouveaux médicament efficaces pour améliorer la santé des populations. Les objectifs commerciaux, le désir de notoriété, de reconnaissance ou l’attrait financier sont des intérêts particuliers qui, ici comme dans de nombreux autres domaines, peuvent entrer en conflit avec l’intérêt général et donner lieu à des situations de conflits d’intérêts (CoIs). Nous proposons une mise au point sur cette problématique du CoI dans le domaine biomédical, plus particulièrement en urologie et dans le cadre des RMIP. Ce travail a pour objectifs : • de définir le CoI (en général, dans le domaine biomédical, dans la RMIP) ; • de connaître son l’impact sur les pratiques (soin, recherche, recommandations) ; • de décrire les mesures de régulation existantes ou souhaitables.

Méthode Recherche bibliographique limitée aux articles de revues en franc ¸ais et anglais publiés dans les cinq dernières années utilisant l’outil PubMed avec le terme conflict of interest croisé avec urology. Les résultats ont été augmentés des articles pertinents issus de la bibliographie des articles sélectionnés.

1220 La consultation de la littérature grise via Google a permis d’affiner la définition du COI.

Résultats Dix-neuf articles résultaient de la recherche Pubmed croisant les termes urology et conflict of interest : un seul article de revue concernait spécifiquement l’urologie [1], deux éditoriaux concernaient au moins en partie l’urologie [2,3], trois articles traitaient du CoI et de l’éthique des publications [4—6], neuf traitaient de la question de « l’auto-adressage » des patients à des structures de radiologie ou de radiothérapie dirigées par des non-radiologues et des non-radiothérapeutes aux États- Unis, et quatre n’avaient pas de rapport direct avec notre sujet.

Définitions du conflit d’intérêt Il n’y a pas de définition univoque officielle du CoI. De manière générale le CoI peut être défini comme une situation où un individu ou une organisation est impliqué dans de multiples intérêts, l’un d’eux pouvant corrompre la motivation à agir sur les autres. Cette situation objective fait peser un risque sur la neutralité, l’objectivité, l’impartialité de la personne ou de l’organisation et peut susciter le soupc ¸on et donc la perte de confiance dans la capacité de la personne ou de l’organisation à remplir correctement sa mission. Dans le domaine des services publics, l’OCDE repris par l’Union européenne, définit le CoI comme « un conflit entre la mission publique et les intérêts privés d’un agent public, dans lequel l’agent public possède à titre privé des intérêts qui pourraient influencer indûment la fac ¸on dont il s’acquitte de ses obligations et de ses responsabilités » [7]. Dans le domaine biomédical, « Il y a conflit d’intérêts lorsque les choix opérés par le médecin, le chercheur ou l’expert dans un domaine essentiel comme le bien-être du patient, l’intégrité de la recherche ou le bien-fondé d’une recommandation, risquent d’être compromis de manière significative par un objectif concurrent tel le gain financier, la notoriété, ou la capacité à lever des fonds de recherche » [8]. On peut ajouter aux objectifs concurrents la volonté d’évolution de carrière voire, bien qu’on s’écarte alors du CoI au sens strict, l’appartenance à une école de pensée ou de savoir-faire, l’ancienneté de l’implication dans une thématique, les convictions politiques, religieuses ou philosophiques. Certaines de ces situations sont évitables (cadeaux en rétribution de prescription par exemple) leur reconnaissance et leur évitement constituent un moyen simple de prévenir le CoI. Cependant, la nature inévitable d’autres circonstances qui dans le domaine biomédical correspondent à une situation de CoI (partenariat de recherche avec l’industrie pharmaceutique par exemple) illustrent la notion de CoI inévitable ou inhérent [9] décrite dans d’autres domaines comme l’aviation civile où les experts techniques sont peu nombreux et ont nécessairement acquis leur expertise en travaillant pour l’industrie qu’ils sont appelés à évaluer. Deux points sont importants à souligner dans de telles situations de CoI inévitables (inhérents). Premièrement, le risque (l’existence du CoI) ne signifie pas sa réalisation, c’est-à-dire le dévoiement effectif et systématique

G. Karsenty et al. Tableau 1 Principales situations de conflits d’intérêts personnels financiers dans le domaine biomédical. Possession d’actions dans une entreprise pharmaceutiquea Détention de brevet utilisé dans l’industrie pharmaceutiquea Contrat d’expertise sous toute forme (conseil, construction d’une étude) Honoraires (y compris ponctuels) pour participation en tant qu’expérimentateur à une étude Honoraires (y compris ponctuels) en qualité d’orateur a

Peut s’appliquer au conjoint ou aux parents.

de la pratique de soins, d’expertise, de recherche volontairement ou involontairement, au bénéfice d’un groupe d’intérêt particulier et au détriment de l’intérêt général. Deuxièmement, la prévention ne concerne pas l’existence du CoI (le risque existe déjà, il est inhérent à la situation) mais la réalisation du risque. Les mesures de « régulation » apparaissent ainsi souhaitables et visent (par la transparence, la collégialité, la pluralité des points de vue ou des intérêts en présence et parfois la restriction) à s’assurer de l’impartialité des choix afin que ceux-ci soient conformes à l’intérêt général et ne reposent que sur des considérations objectives et rigoureusement établies. Dans le domaine biomédical on distingue généralement les CoIs d’ordre financier des CoIs intellectuels/non financiers (cette distinction peut s’appliquer à d’autres domaines). Les CoIs d’ordre financier font l’objet de l’essentiel des travaux de recherche et des mesures de régulation, probablement parce qu’ils sont plus faciles à identifier et qu’ils sont générateurs d’une plus forte réprobation dans l’opinion publique [1]. Les CoIs financiers peuvent être personnels (Tableau 1) ou institutionnels concernant une organisation médicale (société savante, université, hôpital, agence de régulation). Les CoIs financiers personnels, plus étudiés que les conflits financiers institutionnels. Ils concernent deux situations principales : des médecins qui réfèrent leur patients vers des structures dans lesquelles ils ont un intérêt financier et des relations financières entre médecin et industrie pharmaceutique. La première situation connaît une forte progression en urologie aux États-Unis qui fait l’objet d’une attention particulière du fait de son impact sur le coût de la santé [10—12]. La seconde est fréquente en médecine en général puisqu’on estimait déjà, il y a 10 ans, qu’un tiers des investigateurs universitaires nord-américains avaient des liens financiers personnels avec des sponsors industriels [13].

Impact des conflits d’intérêts dans le domaine biomédical Les effets sur les pratiques cliniques et la recherche des CoIs liés aux cadeaux (objets, repas, transport ou hébergement etc.) offerts dans le cadre de la promotion pharmaceutique ou liés aux rétributions (honoraires et financement de recherche) distribuées dans le cadre de la promotion ou de la recherche et développement sont, de loin, les plus étudiés

Le conflit d’intérêts parmi les différentes formes de CoIs du domaine biomédical. Cela est dû, au moins en partie, à l’importance des sommes investies par les firmes pharmaceutiques pour la visite médicale (5 milliards de dollars/an, 9000 dollars/an/médecin aux États-Unis) et dans le marketing ( > 10 milliards de dollars/an) vers les médecins et les patients. L’impact de ce type de CoI sur les pratiques cliniques a été moins étudié que celui sur la recherche et les publications. Il n’y a, ni dans un cas ni dans l’autre, d’étude spécifique à l’urologie. L’impact de la pratique des cadeaux et rétributions distribués par les firmes pharmaceutiques sous quelques formes que ce soit est une augmentation de prescription des drogues des compagnies donataires [1,14]. Pourtant, les praticiens bénéficiaires, en particulier les chirurgiens, sont majoritairement convaincus que ces interactions ne changent pas leur pratique [15,16]. Les mêmes observations ont été faites chez les médecins en formation (internes et assistants) [17]. L’impact de la participation de l’industrie à la formation médicale (initiale ou continue) en dehors de la promotion est peu évalué. Dans le contexte du CoI il pose la question de l’influence du partenariat avec l’industrie sur le contenu des enseignements et sur les pratiques post-enseignements. On peut citer l’enseignement du collège d’urologie dont l’indépendance des contenus et des débats ne fait pas question comme un exemple de situation porteuse d’un bénéfice mesurable (au moins en terme de temps d’enseignement rec ¸u) pour la communauté urologique et pour les patients (spécialistes mieux formés) bien que correspondant à une situation de CoI. L’impact du CoI lié aux RMIP sur la production scientifique, et en particulier la conception et l’interprétation des études sponsorisées par l’industrie n’est pas univoque. Les études promues par l’industrie pourraient globalement être de meilleure qualité méthodologique que les études financées par d’autres sources bien que le choix des objectifs, du critère principal d’évaluation et du design puissent être influencés en particulier par la volonté d’observer un résultat favorable. Leurs analyses des données et leurs conclusions seraient, en revanche, plus souvent favorables sans pour autant que le lien financier avec les médecins conduisant l’étude ou interprétant les résultats soient en cause de manière exclusive [13]. La diffusion des résultats d’une étude pourrait être négativement influencée (retardée lorsque les résultats sont moins favorables qu’attendu ou le temps de déposer un brevet) [18]. Les recommandations de pratique clinique (RPC) basées sur l’analyse de la littérature par des collèges d’experts représentent l’aboutissement essentiel de l’evidence based medicine. L’influence des CoIs, en particulier des liens avec l’industrie pharmaceutique, et de leur influence dans l’établissement de RPC n’a été que récemment envisagée. Ainsi une revue de la littérature de 2011 rapportait une fréquence de 56 à 87 % des CoIs liés à l’industrie chez les membres de groupes d’experts de toutes spécialités chargés d’établir des recommandations [19]. Cette observation illustre bien la problématique du CoI et de l’expertise médicale au sein des sociétés savantes ou des instances de contrôle du médicament. Les experts d’un domaine étant bien souvent, du fait de leur position de leader d’opinion, ceux-là mêmes qui conc ¸oivent et analysent les études avec l’industrie qu’ils devront juger en réunion d’experts. L’influence de ces CoIs inhérents sur la qualité des

1221 recommandations est, en revanche, très peu documentée et devrait faire l’objet de recherches supplémentaires.

Comment limiter l’influence des CoIs Dans la mesure où une influence négative des CoIs liés aux RMIP a été montrée sur certaines pratiques cliniques, des aspects de l’enseignement ou de la production de recherche et possiblement sur l’établissement des RPC, des moyens de limiter cette influence sont nécessaires (on peut noter ici qu’aucun travail [récent], à notre connaissance n’a eu pour objectif de mesurer l’impact positif des RMIP sur ces domaines de l’activité biomédicale). Trois axes principaux existent : la déclaration publique (ou transparence), la régulation (qui mobilise des outils d’éthiques tel que la parité des groupes d’experts, la création de comité de gestion des CoIs) et la restriction (de la limitation ciblée à l’interdiction). La déclaration publique des liens financiers avec l’industrie pharmaceutique par l’industrie elle même est à la base des deux dispositions légales visant à limiter l’impact des CoIs financiers dans les RMIP : Sunshine Act de 2010 aux États-Unis et décret No 2013-414 du 21 mai 2013 relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises commercialisant des produits à finalité sanitaire. Ce décret actualise la loi No 2011-2012 de décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament en France et la loi No 93-121 de janvier 1993 dite loi « anticadeaux ») [20]. Ces deux dispositifs ciblent particulièrement les avantages perc ¸u par les médecins de la part des entreprises pharmaceutiques dans le cadre de la promotion des produits. Si l’impact des « cadeaux » et de la visite médicale sur les modifications de prescription est connu, l’effet de ces déclarations publiques effectuées par le donateur n’a pour le moment pas été évalué. On peut remarquer plusieurs limites à ces dispositions : les liens financiers les plus forts et donc les plus susceptibles d’avoir une influence sur les pratiques ou la production scientifique (selon la classification des CoIs de l’ANSM : honoraires ponctuels répétés ou contrats permanents, détention d’action, de brevet, participation au capital) ne font pas partie des sommes publiquement déclarées, seule l’existence des contrats ou des honoraires est mentionnée sans leur montant. Il n’y a pas d’agrégation des données pour un médecin donné ce qui limite la portée de la mesure. Enfin et surtout d’autres « cibles » de la promotion pharmaceutique elles aussi en situation de CoIs ne sont pas concernées par ces dispositions : les autres professionnels de santé (pharmaciens, dentistes, paramédicaux), les sociétés savantes, les associations de patients, les personnels d’administration publique ou d’assurances privées, les décideurs politiques. La déclaration publique volontaire des CoIs par les médecins eux-mêmes est mise en œuvre depuis quelques années déjà dans le domaine de la recherche (communication en congrès, publication dans des revues indexées) et commence à l’être dans le domaine des sociétés savantes. Cependant l’appréciation de la probabilité d’un biais induit par les CoIs révélés par ces déclarations n’est pas standardisée, elle est laissée à l’appréciation de l’auditeur, du lecteur ou de l’éditeur. Les politiques de déclaration varient sensiblement d’une revue à l’autre ou d’une société

1222 à l’autre (contraste entre le restrictif American Board of Internal Medicine et le permissif American College of Surgeons [1]). Enfin la déclaration par le médecin lui même est à la base du décret No 2013-413 portant l’approbation de la charte d’expertise sanitaire (l’expertise y est définie par la norme Afnor NF X 50-110, comme un ensemble d’activités ayant pour objet de fournir à un commanditaire, en réponse à la question posée, une interprétation, un avis ou une recommandation aussi objectivement fondés que possible, élaborés à partir des connaissances disponibles et de démonstrations, accompagnées d’un jugement professionnel). Cette charte précise 4 étapes du processus d’expertise : les modalités de choix des experts (I), le processus d’expertise et ses rapports avec le pouvoir de décision (II), la notion de lien d’intérêts, les cas de conflits d’intérêts et les modalités de gestion d’éventuels conflits (III) et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d’intérêt (IV). Elle pourrait être appliquée à l’établissement des RPC. La limitation de l’impact des CoIs par la régulation revêt de multiples aspects et concerne principalement la recherche et l’expertise. On peut citer : l’exigences de l’enregistrement des études pour suivre la publication de leur résultats (pousser à publier aussi les résultats négatifs), le suivi des études cliniques promues par l’industrie par des auditeurs indépendants, la création de comité de gestion des CoIs en particulier dans les sociétés savantes mais aussi au sein des structure de soin, de recherche ou des organismes de tutelle. Enfin les mesure limitatives à l’attention des médecins sont encore peu nombreuses en France à l’exception du domaine de l’expertise publique où l’excès inverse a pu prévaloir un temps excluant systématiquement les leaders d’opinion liés à l’industrie pharmaceutique de commissions d’évaluation à l’HAS et à l’ANSM. La charte des organismes comme le National Institue of Health revoient les politiques de limitation en les précisant : gradation du niveau de CoI dans une situation donnée, abaissement des montants financiers, seuils au-delà desquels un expert ne sera pas retenu pour participer à un groupe d’expert. Une approche de classification comparable est en cours à l’ANSM. Dans le domaine de la formation initiale et continue les structures d’enseignement en France (faculté de médecine) n’ont pour l’heure pas limité de manière uniforme le contact entre étudiants, médecin en formation initiale ou continue et industrie pharmaceutique contrairement à certain centre universitaire nord-américains ayant adopté des politiques très restrictives.

Conclusion Les RMIP sont inévitables. Elles revêtent au moins quatre aspects : la promotion pharmaceutique, la participation à la formation médicale, le partenariat de recherche et l’expertise. Elles sont, au moins dans le cas des partenariats de recherche, indispensables au développement de nouveaux traitements efficaces et en principe bénéfiques à l’objet premier de l’activité médicale qu’est l’amélioration de la santé à l’échelle individuelle et collective.

G. Karsenty et al. Ces relations engendrent des situations de risque inhérent de CoI. Pour autant ces situations ne débouchent pas systématiquement sur un dévoiement inconscient (influence) ou conscient (corruption) de la prise en charge thérapeutique, des contenus enseignés, de l’activité de recherche, ou du contenu des recommandations et avis d’experts. Des dispositifs de régulation sont indispensables. Une approche exclusivement prohibitionniste serait inadaptée. Des actions conjointes d’éducation des médecins, de plus grande transparence, de régulation éthique et de limitations ciblées mises en œuvre avec les sociétés savantes pourraient répondre à la problématique du CoI lié aux RMIP.

Déclaration d’intérêts GK a été investigateur pour des études, orateurs ou consultant pour les laboratoires Allergan, Astellas, Bouchara Recordati, Coloplast, IPSEN, Laborie, Medtronic, Pierre Fabre, Steba.

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[Conflicts of interest].

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