Article
Controverses sur l’antibiothérapie des infections courantes à streptocoque du groupe A Controversies on antibiotics for common group A streptococcus infections E. Grimprel1,3,5,*, R. Cohen2,3,4,5 1Service de pédiatrie, hôpital Armand-Trousseau, université Pierre-et-Marie-Curie – Paris 6, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France 2Unité court séjour, petits nourrissons, service de néonatologie, CHI de Créteil, 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil, France 3ACTIV (Association clinique et thérapeutique infantile du Val-de-Marne), 27, rue Inkermann, 94100 Saint-Maur-des-Fossés, France 4Centre de recherche clinique (CRC) et Centre hospitalier intercommunal (CHI), 40, avenue de Verdun, 94010 Créteil, France 5Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) de la Société française de pédiatrie, CHU Lenval, 57, avenue de la Californie, 06200 Nice, France
Résumé La prise en charge des infections courantes à streptocoque du groupe A fait encore aujourd’hui l’objet de controverses. Les recommandations françaises prônent le traitement systématique des angines streptococciques après confirmation par test de diagnostic rapide. Le traitement de choix de première intention est l’amoxicilline en deux prises par jour pendant 6 jours. L’antibioprophylaxie autour des cas est réservée aux sujets à risque au contact d’infections invasives. Ces recommandations prennent en considération la prévention des complications même si elles sont rares, la réduction de la contagiosité des sujets malades et la réduction des symptômes dans leur durée. Des recommandations différentes, voire opposées, ont pu être élaborées dans d’autres pays, particulièrement en Europe, et reposent sur des différences d’analyse. Ces différences trouvent leur origine non pas dans l’absence d’études scientifiques démonstratives mais dans des considérations sociétales, ellesmêmes guidées par l’histoire de chacun des différents systèmes de santé (voire également des systèmes judiciaires). Ceci est sans doute nécessaire pour obtenir l’adhésion des médecins et de la population aux recommandations. L’attitude française reflète ces considérations. Son insuffisante application doit toutefois faire réfléchir quant à ses origines. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary Management of common group A streptococcus (GAS) infections remains controversial. French recommendations advocate systematic treatment of streptococcal tonsillitis after confirmation by rapid diagnostic test. Oral amoxicillin twice daily for 6 days is the first-line treatment. Antibiotic prophylaxis is restricted to at-risk patients after contact with invasive GAS case. These recommendations take into consideration the prevention of complications, even if they are rare, the reduction of infectiousness and the reduction of the duration of symptoms. Different recommendations have been issued in other countries, particularly in Europe and are based on different considerations. These differences do not originate in the absence of demonstrative scientific studies but rather in societal considerations, themselves guided by the history of each different health system (and also judicial system). This is probably necessary to obtain physicians and public support. The French attitude reflects these considerations. However, its lack of enforcement needs to question about its origins. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
*Auteur correspondant. e-mail :
[email protected] (E. Grimprel).
S107 © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2014;21:s107-s112
E. Grimprel et al.
1. Introduction
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sur des symptômes mineurs ; en particulier, aucun de ces patients n’était atteint de cardite. Au total, l’incidence du RAA est devenue
Le streptocoque du groupe A (SGA) est responsable occasionnelle-
extrêmement faible dans les pays industrialisés (0,5 % pour mille
ment d’infections bactériennes sévères invasives. Il est également
selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de
impliqué dans des pathologies non invasives qualifiées d’indirectes
1988) et le risque quasi nul actuellement en France chez l’enfant [4].
mais sévères, comme le rhumatisme articulaire aigu (RAA). Les
Par comparaison, des études plus anciennes montraient que le
infections courantes à SGA comme les angines ont la réputation
risque de RAA après angine streptococcique était élevé, environ
d’être le plus souvent bénignes avec un fort potentiel de guérison
2 à 3 %, en population générale avant l’ère de l’antibiothérapie.
spontanée. Pourtant, nous recommandons en France comme dans
Ce risque, non négligeable en population générale, augmentait
la majorité des pays de traiter systématiquement les infections
de façon très importante ( jusqu’à 50 %) lorsque le sujet avait un
courantes à SGA en milieu communautaire. Cette attitude n’est pas
antécédent de poussée de RAA [5].
uniforme dans le monde. La question n’est donc probablement pas
Les complications suppuratives par contre n’ont pas disparu, même
si simple et l’objet de cet article est d’analyser différents points qui
si elles restent relativement rares, et leur survenue n’est pas toujours
peuvent être encore controversés comme :
secondaire à un épisode identifié cliniquement d’infection à SGA. Si
• la nécessité ou non de prescrire un antibiotique dans une infection
le phlegmon de l’amygdale peut être dans certains cas relativement
bénigne à SGA ;
« bénin » et pris en charge en ambulatoire, quelques patients ont
• la place des tests de diagnostic rapide (TDR) ;
des tableaux plus sévères et nécessitent une hospitalisation et un
• le choix de l’antibiotique et la durée du traitement ;
traitement intraveineux (plus exceptionnellement aujourd’hui, un
• enfin, la nécessité éventuelle d’une chimioprophylaxie antibio-
abord chirurgical). Les otites purulentes à SGA sont plus sévères que
tique dans l’entourage d’un cas.
celles dues aux autres germes comme le pneumocoque et Haemophilus influenzae : le risque de perforation spontanée est augmenté (5 à 11 % vs 1 à 3 %) ainsi que le risque de mastoïdite [6,7]. Cette
2. Faut-il prescrire des antibiotiques dans les infections bénignes à SGA ?
spécificité justifie le traitement systématique des otites moyennes aiguës suppurées à SGA. Un bénéfice est également observé concernant l’amélioration des symptômes cliniques sous traitement anti-
La littérature est riche en études démontrant le bénéfice obtenu
biotique, comme les douleurs de gorge à J3 (RR = 0,72 [IC 95 % :
par le traitement antibiotique des angines à SGA. Les études les
0,68-0,72]) ou la fièvre (RR = 0,29 [IC 95 % : 0,06-1,51]). Ce bénéfice
mieux conduites (randomisées, double aveugle, contre placebo)
peut ici encore être considéré comme modeste, car si l’antibiothéra-
ont été reprises en 2013 dans une revue COCHRANE montrant un
pie permet de réduire ces symptômes dans leur durée, la réduction
bénéfice en termes de réduction du risque relatif (RR) de survenue
est limitée à environ une journée par rapport au groupe placebo [1].
de diverses complications :
Le dernier élément à prendre en considération est la réduction de
• RAA : RR = 0,29 [IC 95 % : 0,16-0,44] ;
la contagiosité sous traitement antibiotique. Cet impact est difficile
• glomérulonéphrite aiguë (GNA) : RR = 0,22 [IC 95 % : 0,07-1,32] ;
à mesurer en pratique et nous ne disposons pour cela que d’études
• phlegmon de l’amygdale : RR = 0,14 [IC 95 % : 0,05-0,39] ;
ayant mesuré le taux d’éradication du SGA de la gorge sous trai-
• otite moyenne aiguë : RR = 0,28 [IC 95 % : 0,15-0,52] [1].
tement. Alors que chez les enfants présentant une angine à SGA
Toutefois, les auteurs de cette méta-analyse reconnaissent que,
non traitée le portage de cette bactérie se prolonge sur plusieurs
compte tenu du faible risque de base de survenue des différentes
semaines, ces études montrent des taux d’éradication élevés à H24
complications, l’effet protecteur de l’antibiothérapie doit être
et encore plus à H48 sous pénicilline orale [8] mais également sous
considéré comme modeste et impose, en conséquence, de traiter un
macrolide [9].
nombre élevé de sujets pour éviter une seule de ces complications.
Au total, on comprend bien que l’analyse critique de ces différentes
En effet, la prévention du RAA, raison historique essentielle de
études et le choix de placer en exergue tel ou tel argument puissent
l’antibiothérapie des angines à SGA, a quasiment disparu des pays
aboutir, selon les critères culturaux propres à chaque pays, à des
développés. Ainsi, dans la dernière étude publiée sur l’enfant en
recommandations différentes. Ainsi, les recommandations euro-
France, la majorité des cas était en réalité « importée », c’est-à-
péennes les plus récentes (2012) plaident en faveur de la limitation
dire survenant chez des sujets migrants ayant déjà souffert de RAA
du traitement aux sujets dont la présentation clinique est jugée
dans leurs pays d’origine [2]. Récemment, une étude américaine a
sévère (score de Centor > 2) et après réalisation d’un TDR (s’il est
rapporté deux cas de RAA chez des sujets traités par macrolide, ce
disponible). En fait, la quasi-totalité des enfants présentant une
qui en soi pourrait constituer une alerte [3]. La lecture attentive de
angine a un score de Centor > 2, nous y reviendrons [10]. Les auteurs
l’article montre que ces deux cas ont été diagnostiqués uniquement
de ces recommandations appuient leur décision sur le bénéfice
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Controverses sur l’antibiothérapie des infections courantes à streptocoque du groupe A
modeste du traitement au regard du risque d’effets secondaires des
L’explication de cette différence ne peut être mise sur le compte des
antibiotiques chez le patient et sur sa flore intestinale, ainsi que la
différents TDR utilisés ou de l’épidémiologie des angines et de leurs
problématique de la résistance bactérienne et des coûts de santé.
complications sur ces deux continents, et c’est sans doute ailleurs
À l’opposé, les recommandations américaines tout aussi récentes
que l’on doit chercher une explication. Chacune des recommanda-
plaident en faveur du traitement systématique des pharyngites à
tions a fait l’objet d’une revue exhaustive de la littérature, réunis-
streptocoque A de l’enfant et mettent en avant la prévention des
sant un nombre important d’articles de bonne qualité. Toutefois,
complications, l’amélioration des symptômes et la réduction de la
la part relative des références américaines et européennes citées
contagiosité et de la transmission à l’entourage [11].
dans ces recommandations est étonnamment variable. En effet,
Les recommandations françaises de l’ex-AFSSAPS, récemment
les recommandations américaines ont cité 87 % de publications
actualisées par le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique
américaines vs 48 % dans les recommandations européennes [14].
(GPIP) et la Société de pathologie infectieuse de langue française
Ceci tend à montrer que ces recommandations ne reposent pas
(SPILF) en 2011, sont très proches des recommandations américaines
uniquement sur des preuves scientifiques de type evidence-based
et utilisent les mêmes arguments [12].
medicine, mais également sur des considérations sociétales guidées par la conception et l’histoire de chacun des différents systèmes de santé mais aussi sans doute des systèmes judiciaires.
3. Faut-il utiliser les TDR ? Nous n’aborderons pas ici la discussion concernant les performances diagnostiques des TDR et les facteurs influençant leurs
4. Quel choix pour l’antibiotique et quelle durée du traitement ?
performances, leur positionnement au sein d’une règle de décision clinique ou leur impact sur la consommation d’antibiotiques. La
La pénicilline V (forme orale de la pénicilline G injectable) a long-
discussion de ces points a été largement détaillée dans l’article de
temps été le traitement de référence des angines streptococciques.
J. Cohen au sein de ce numéro [13].
Ce choix reposait sur la démonstration historique de l’efficacité du
Il est cependant intéressant de pointer à nouveau des différences
traitement injectable par la pénicilline G dans la prévention du
de points de vue entre les recommandations européennes et améri-
RAA [15]. L’extrapolation a été faite ensuite vers la forme orale de
caines quant à l’utilisation des TDR dans une démarche de décision
cet antibiotique. Les autres avantages concernant le choix de cette
clinique.
molécule étaient son spectre étroit avec un potentiel de sélection
Les recommandations européennes conditionnent l’utilisation des
plus bas que les autres antibiotiques, une excellente tolérance
TDR à l’obtention d’un score clinique (score de Centor 2004) permet-
clinique et un faible coût. Les inconvénients par contre étaient la
tant d’identifier les patients avec une probabilité élevée d’infection
durée incompressible du traitement (10 jours) et une répartition de
streptococcique [10]. Ce score comporte différents items, tous
la posologie en trois prises journalières, ce qui aboutissait souvent
valorisés d’un point, comme la fièvre supérieure à 38°C, l’absence de
à une mauvaise compliance en fin de traitement. La réduction de
toux, les adénopathies cervicales sensibles, des amygdales œdéma-
la durée du traitement par pénicilline V aboutit en effet à une
tiées ou pultacées, et l’âge (3 à 14 ans). Ce choix d’inclure un score
baisse du taux d’éradication qui passe de 90 % en moyenne, avec
supérieur à 2 dans la décision traduit la conception européenne
un traitement de 10 jours, à 50 à 80 % avec un traitement de durée
que, s’il est considéré comme utile de traiter les angines sévères à
plus réduite. Dans la majorité des pays du monde, la pénicilline V a
SGA, ne pas diagnostiquer la totalité des angines ne porte pas à
été remplacée par l’amoxicilline pour plusieurs raisons. La première
conséquence, en particulier lorsqu’elles sont bénignes sur le plan
est que la pharmacocinétique plus favorable de l’amoxicilline auto-
clinique.
rise des traitements permettant une meilleure compliance : deux
Cette position est à l’opposé de celle des Américains qui vont plus
prises par jour pour 6 jours ou une seule prise journalière pour
loin que les recommandations françaises, puisque s’ils recomman-
10 jours [16-18]. La deuxième raison est que la pénicilline V n’est
dent également la pratique du TDR systématique sous prétexte
plus disponible dans de nombreux pays, et lorsqu’elle l’est, elle est
que les symptômes cliniques ne permettent pas de faire la discri-
plus coûteuse que l’amoxicilline. Enfin, la palatabilité et la tolérance
mination entre pharyngites virale et bactérienne, ils recommandent
de l’amoxicilline sont excellentes et comparables à la pénicilline V.
également de compléter le TDR par une culture lorsque son résultat
Cependant, ce passage à l’amoxicilline s’accompagne d’un élargisse-
est négatif [11]. Cette attitude repose sur la considération que les
ment inutile du spectre de la pénicilline avec le risque d’un impact
angines à SGA non traitées peuvent aboutir à des complications
écologique plus marqué. D’autres antibiotiques peuvent présenter
graves, même si cela est rare.
une alternative aux pénicillines : les macrolides qui, s’ils exposent pour certains d’entre eux à un taux d’échec plus faible lorsque la S109
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souche est sensible, ont, en contrepartie, un taux de résistance de
CSHPF et comportent l’âge supérieur à 65 ans, une varicelle évolu-
base plus élevé vis-à-vis des streptocoques (taux qui peut varier
tive, des lésions cutanées étendues, la toxicomanie intraveineuse,
selon les pays et dans le temps) avec un impact écologique net-
certaines maladies chroniques comme le diabète et l’insuffisance
tement plus marqué (en particulier pour l’azithromycine) [19,20].
cardiaque, et des maladies avec immunosuppression comme les
Les céphalosporines ont également démontré leur supériorité par
maladies onco-hématologiques, l’infection par le VIH et la cortico-
comparaison à la pénicilline V [21,22] avec des traitements courts de
thérapie générale.
4 à 5 jours, mais posent le problème d’une moins bonne tolérance
Ces recommandations diffèrent des recommandations anglaises
clinique, d’un spectre large et d’un impact écologique majeur dans
qui restreignent l’indication de l’antibioprophylaxie à la mère et au
un contexte d’émergence des entérobactéries productrices de ß-lac-
nouveau-né si l’un des deux développe une infection invasive à SGA
tamases à spectre étendu.
et aux contacts rapprochés d’un cas d’infection invasive à SGA qui
La question est différente en cas d’infections récidivantes à SGA.
développeraient des symptômes d’infection streptococcique [30].
Dans cette situation, les céphalosporines prescrites pendant 10 jours
L’indication s’étend à l’ensemble de la maisonnée lorsque deux
ont démontré leur supériorité par une meilleure éradication bacté-
cas ou plus surviennent dans un délai de 30 jours. L’argumentaire
rienne et un taux d’échec réduit par rapport à la pénicilline [23,24].
pour une telle limitation de traitement repose principalement sur
D’autres antibiotiques ont également une meilleure capacité d’éra-
l’absence d’étude clinique démonstrative, le faible niveau de risque
dication que la pénicilline V, comme l’association amoxicilline-acide
de cas secondaire et la nécessité de traiter un nombre élevé de
clavulanique, mais dont la tolérance digestive est moins bonne. La
contacts (2 000) pour prévenir un seul cas d’infection secondaire.
clindamycine et l’azithromycine ont également une meilleure capa-
Cette basse évaluation du risque d’infection secondaire est
cité d’éradication que la pénicilline V mais des taux de résistance au
contredite par une étude australienne où l’estimation du risque de
streptocoque plus élevés. En cas d’infections récidivantes liées à une
survenue d’un cas secondaire dans les 8 jours qui suivent le contact
absence d’éradication du germe par un traitement conventionnel,
infectant apparaît beaucoup plus élevée (1 sur 220) et justifie pour
l’association de l’amoxicilline avec la rifampicine pendant les 4 der-
les auteurs la mise en place d’une chimioprophylaxie systématique
niers jours du traitement a montré un taux d’éradication supérieur
chez tous les sujets contacts, y compris lorsqu’il s’agit d’un cas
au traitement conventionnel par amoxicilline seule [25,26].
isolé [31].
Enfin, le choix de la molécule n’est pas le seul paramètre influant
La question de la chimioprophylaxie peut également se poser pour
sur le taux d’éradication après traitement antibiotique, car les deux
les angines streptococciques avec scarlatine. Une étude intéressante
principales causes d’échec d’éradication du SGA dans les angines
de 2011 montre l’inefficacité des mesures de contrôle au cours d’une
chez l’enfant restent le jeune âge des patients et la précocité du
épidémie survenue dans une école primaire [32]. Ces mesures de
traitement au cours de la maladie [27,28].
contrôle comportaient les mesures d’hygiène et de nettoyage des surfaces, mais également l’exclusion des cas et leur traitement par pénicilline orale pendant 10 jours.
5. Faut-il prescrire une chimioprophylaxie antibiotique dans l’entourage d’un cas d’infection invasive à SGA ?
Enfin, compte tenu de la proximité et de la durée prolongée du
La prophylaxie des sujets contacts de cas d’infection invasive à SGA
comparant trois groupes, un premier traité par céphalosporine, un
(septicémie, dermohypodermite nécrosante, fasciite nécrosante
deuxième par pénicilline (les deux groupes recevant un traitement
et syndrome de choc toxique streptococcique) est également
court de 3 à 5 jours) et un dernier groupe non traité [33]. La fré-
controversée. En France, le Conseil supérieur d’hygiène publique de
quence de survenue de cas secondaires intrafamiliaux d’angine à
France (CSHPF) a recommandé en 2005 la prophylaxie antibiotique
SGA était clairement diminuée dans le groupe traité par céphalos-
des sujets contacts d’un cas isolé d’infection invasive à SGA, avec
porine (1,8 %) par comparaison avec le groupe traité par pénicilline
toutefois quelques restrictions [29]. Le contact doit être rapproché
(4,3 %) et avec le groupe non traité (5,3 %). Toutefois, cette étude
(personne vivant au domicile et situation reproduisant des contacts
montre que le risque global d’infection secondaire est en réalité
de type intrafamilial, crèche, institution, sport de contact) et parmi
faible. Cette étude conforte donc la position française qui prône
ces sujets contact, seuls ceux présentant un facteur de risque
l’absence d’antibioprophylaxie au contact d’une angine streptococ-
d’infection invasive justifient le recours à cette antibioprophylaxie
cique ou de scarlatine en population générale, y compris au sein du
par voie générale. Les facteurs de risque sont détaillés dans l’avis du
milieu familial [34].
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contact au sein du milieu familial, la question de la prophylaxie antibiotique des infections à SGA peut sembler légitime. Une étude a testé l’efficacité de la prophylaxie dans ce type de situation en
Controverses sur l’antibiothérapie des infections courantes à streptocoque du groupe A
6. Conclusions La prise en charge des infections communautaires à SGA comme les angines fait toujours l’objet de « controverses » qui trouvent leur origine non pas dans l’absence d’études scientifiques démonstratives, mais dans des analyses différentes du rapport bénéfices/risques en fonction du contexte. Selon les pays, ce sont les considérations sociétales, elles-mêmes guidées par l’histoire de chacun des différents systèmes de santé (voire également des systèmes judiciaires), qui orientent les recommandations vers un traitement systématique et « sécuritaire » ou non des angines à SGA. Ceci est sans doute nécessaire pour obtenir l’adhésion des médecins et de la population. L’attitude française qui recommande le traitement systématique des angines à SGA après confirmation par TDR reflète ces considérations. Son insuffisante application doit toutefois faire réfléchir quant à ses origines.
Liens d’intérêts Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts relatif à cet article.
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