Pour citer cet article : Escamilla R, La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.05.018. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com

BRONCHOPNEUMOPATHIE CHRONIQUE OBSTRUCTIVE

Dossier thématique

Mise au point

Presse Med. 2014; //: /// ß 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire [TD$FIRSNAME]Roger[TD$FIRSNAME.] [TD$SURNAME]Escamilla[TD$SURNAME.]

Hôpital Larrey, pôle respiratoire, 24, chemin de Pouvourville, 31059 Toulouse cedex 9, France Disponible sur internet le : [email protected]

COPD: Beyond the respiratory system COPD is a respiratory disease associated with multiple extrapulmonary comorbidities: cardiovascular diseases, osteoporosis, depression and psychological disorders are the most prevalent. Comorbidities, especially ischemic heart disease, represent a major cause of morbidity and mortality in COPD patients. The putative link between COPD and comorbidities could be the low-grade systemic inflammation, which is common in COPD. The presence of multiple comorbidities has a strong impact on the management of COPD patients.

L

a bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire mais aussi générale avec de nombreuses comorbidités [1]. La relation physiopathologique entre la BPCO et ses comorbidités, outre le rôle du tabagisme, repose sur l’existence d’une inflammation systémique [2,3]. C’est aussi au-delà du poumon que se jouent la qualité de vie et le pronostic des patients [4]. En effet, l’existence de comorbidités comme les maladies cardiovasculaires complique la prise en charge des patients et majore la morbi-mortalité. Si les comorbidités doivent être recherchées de principe dans le bilan d’une BPCO, elles sont souvent au premier plan occultant la maladie respiratoire. Or, chez ces patients, la BPCO doit être diagnostiquée précocement car elle a un impact négatif sur ses

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Points essentiels La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie respiratoire associée à de multiples comorbidités extra-thoraciques : maladies cardiovasculaires, ostéoporose, dépression et désordres psychologiques sont les plus fréquents. Les comorbidités, en particulier les cardiopathies ischémiques, sont une cause majeure de morbidité et de mortalité. Le lien supposé entre BPCO et comorbidités pourrait être l’inflammation systémique de bas grade qui est commune dans la BPCO. L’existence de comorbidités multiples a un fort impact sur la prise en charge des patients ayant une BPCO.

comorbidités. Connaître les comorbidités est donc essentiel pour la prise en charge d’un patient atteint de BPCO. Nous envisagerons les principales comorbidités associées à la BPCO et leurs conséquences sur la pratique en médecine générale. Nous n’envisagerons pas le cas du cancer bronchique qui pose des problèmes différents, ni celui de l’atteinte musculaire et de la dénutrition.

Une maladie inflammatoire pulmonaire et systémique La BPCO est définie en partie comme une maladie inflammatoire du poumon associée à une inflammation systémique, avec de nombreuses comorbidités. Indépendamment de la sévérité de l’obstruction bronchique, les taux plasmatiques de marqueurs

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Key points

LPM-2584

Pour citer cet article : Escamilla R, La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.05.018.

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de l’inflammation comme le TNFa, le fibrinogène, l’IL6 et la CRP sont plus élevés que chez les sujets fumeurs sans BPCO. Lors des exacerbations aiguës, l’inflammation est majorée [3]. L’inflammation systémique à l’état stable n’est pas constante, elle est observée chez environ 60 % des patients [3]. Son mécanisme est multifactoriel mais n’est pas totalement éclairci : l’hypothèse évoquée est celle d’un « débordement » (spill-over) de l’inflammation pulmonaire avec passage des médiateurs de l’inflammation dans la circulation sanguine ; d’autres mécanismes seraient en cause dont un effet direct de la fumée de tabac sur l’activation des polynucléaires neutrophiles ou un passage dans la circulation des gaz ou particules toxiques inhalés. Le stress oxydatif joue un rôle important dans la pathogénie de l’athérosclérose et explique en grande partie la résistance de l’inflammation de la BPCO aux corticostéroïdes. Certaines comorbidités comme les cardiopathies ischémiques ou le diabète sont-elles mêmes associées à une inflammation systémique à l’origine d’un cercle vicieux : l’inflammation génère la comorbidité qui elle-même est source d’inflammation. Si les comorbidités peuvent être présentes dans les formes peu sévères de la BPCO, elles sont plus fréquentes lorsque l’obstruction bronchique est sévère. Chez les patients ayant une obstruction bronchique légère à modérée, les maladies cardiovasculaires et le cancer bronchique sont les principales causes de mortalité [4]. L’âge du patient est également un facteur de risque élevé d’avoir de multiples comorbidités [2]. Au total, plus la BPCO est sévère et le patient âgé, plus le nombre de comorbidités est élevé. [(Figure_1)TD$IG]

Comorbidités cardiovasculaires Elles sont fréquentes chez les patients atteints de BPCO et à l’origine d’une lourde morbi-mortalité [1,5]. Dans une étude portant sur environ 6000 patients suivis sur 3 ans, chez 27 % des patients la mort était due à une affection cardiovasculaire [6]. La prévalence des maladies cardiovasculaires est de 20 à 22 % chez les patients ayant une BPCO contre seulement 9 % chez les non-BPCO [7]. L’association cardiopathies ischémiques-BPCO est particulièrement fréquente [8]. Plusieurs mécanismes physiopathologiques sont impliqués et imbriqués : inflammation, stress oxydatif, état pro-thrombogène conduisant à l’athérothrombose (figure 1). L’artériosclérose, avec rigidité artérielle et augmentation du rapport intima/média au niveau des carotides, est retrouvée même chez les patients ayant une obstruction bronchique modérée. Dans l’année qui suit le diagnostic de BPCO, le risque relatif d’avoir un angor est de 1,67 et celui d’avoir un infarctus du myocarde (IDM) de 1,75 [1]. Une étude menée sur la population britannique a montré que chez les patients ayant une BPCO, le risque d’IDM était multiplié par 5,5 [9]. Les exacerbations aiguës majorent le risque vasculaire et de thrombose. Ainsi, dans les 5 jours qui suivent une exacerbation, le risque d’avoir un IDM est multiplié par deux [5]. L’insuffisance cardiaque systolique, d’origine ischémique et/ou hypertensive, est également fréquente ; sa prévalence était de 7 % dans une étude longitudinale britannique sur 3 ans, portant sur 2138 patients [1]. La relation étiopathogénique avec la BPCO est moins claire que celle avec les cardiopathies ischémiques.

TABAC

BPCO

Acvaon plaqueaire

Inflammaon systémique (stress oxydaf)

Comorbidités

Rigidité artérielle Dysfoncon endothéliale

Hypercoagulabilité

Athérothrombose

Figure 1 Mécanismes physiopathologiques de la relation entre BPCO et cardiopathies ischémiques

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BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive.

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Pour citer cet article : Escamilla R, La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.05.018. La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire

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statines, par leur effet pléiotrope, ont un effet bénéfique en réduisant la morbi-mortalité, en particulier chez les patients hospitalisés pour une exacerbation aiguë sévère. Les bêtabloquants cardiosélectifs, qui étaient sous prescrits en raison du trouble ventilatoire obstructif, ne doivent plus être contre-indiqués chez les patients ayant une BPCO ; ils n’ont habituellement pas d’impact significatif sur la fonction respiratoire et, au contraire, réduisent le nombre d’exacerbations et la mortalité. Seule une dégradation régulière de la fonction respiratoire et/ou des exacerbations aiguës répétées doivent faire envisager l’arrêt du traitement en accord avec le cardiologue.

Accidents vasculaires cérébraux La prévalence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) semble plus élevée chez les patients ayant une BPCO : dans la population britannique, elle est de 9,9 % chez les patients atteints de BPCO contre 3,2 % dans la population générale. Lors du suivi longitudinal, l’incidence des AVC était multipliée par 2,8. Au décours d’une exacerbation aiguë, le risque d’AVC est majoré de 30 %. Les patients les plus jeunes (moins de 45 ans) sont les plus menacés [9]. La physiopathologie des AVC et les facteurs de risque sont similaires à ceux des cardiopathies ischémiques. La fibrillation auriculaire avec la possibilité d’embolie cérébrale représente un risque supplémentaire [1].

Ostéoporose La prévalence de l’ostéoporose dans la BPCO varie de 9 à 59 %, en fonction des séries et de la sévérité de la maladie [17]. L’ostéoporose est observée chez 30 % des femmes mais aussi chez 18 % des hommes de l’étude TORCH [18]. Ostéoporose et ostéopénie seraient au minimum deux fois plus fréquentes dans la BPCO que dans la population témoin. Il existe un lien entre ostéoporose et sévérité de l’obstruction bronchique et de l’emphysème évalué par TDM [19]. Les fractures tassements vertébraux (FTV) sont courants avec une prévalence variant entre 24 et 41 % selon les études. Ils altèrent la condition respiratoire des patients et limitent leur qualité de vie. L’inflammation systémique représente le mécanisme physiopathologique principal des troubles osseux : les cytokines proinflammatoires favorisent la résorption osseuse. Un déficit en vitamine D (dosage de 25-OHD < 20 ng/L) est constaté chez plus de 60 % des patients ayant une BPCO sévère (le déficit en vitamine D est une cause classique d’anomalies du métabolisme osseux) [17]. Les corticoïdes oraux administrés chez les patients les plus graves ou exacerbateurs fréquents sont un facteur majeur de risque de FTV ; par contre, le risque des corticostéroïdes inhalés à forte posologie n’est pas démontré [18].

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L’insuffisance cardiaque (diastolique) à fraction d’éjection préservée et les dysfonctions ventriculaires gauches sont également courantes (17 % dans une étude récente [10]). La présence d’un emphysème et d’une distension pulmonaire entraîne une hyperpression intra-thoracique comprimant le coeur, réalisant une véritable « tamponnade aérique » : la taille des cavités cardiaques est réduite et le retour veineux diminué par compression des vaisseaux intrapulmonaires. Un traitement diurétique intensif aura des effets néfastes en aggravant le défaut de remplissage du ventricule gauche [11]. Les troubles du rythme cardiaque supraventriculaire, essentiellement la fibrillation auriculaire, sont retrouvés chez 12 à 14 % des patients [1]. Ils semblent plus fréquents dans les BPCO sévères et au cours des exacerbations : l’hypoxémie est le mécanisme le plus souvent avancé mais elle n’est pas obligatoire ; un effet des bronchodilatateurs administrés à forte dose a également été évoqué mais non retrouvé dans les grandes études cliniques [5,12]. BPCO et cardiopathies forment une association délétère, souvent méconnue. Chez les patients ayant une BPCO de sévérité modérée à légère, ce sont les affections cardiovasculaires qui représentent la principale cause de mortalité et, à l’inverse, chez un patient coronarien ou insuffisant cardiaque, l’existence d’une BPCO est un facteur de mortalité et de morbidité qui aggrave le pronostic de la cardiopathie. Dans l’année suivant un IDM, les patients souffrant de BPCO ont une mortalité deux fois plus élevée, sont plus souvent hospitalisés (+ 22 %), souffrent plus souvent d’angor résiduel (+ 22 %) et ont donc une moins bonne qualité de vie que les patients sans BPCO [13]. Or, chez les patients qui ont des troubles cardiaques, la BPCO est souvent non diagnostiquée [14] : ainsi, dans l’insuffisance cardiaque systolique, un trouble ventilatoire obstructif, méconnu dans plus de 80 % des cas, serait présent chez 37,9 % des patients [15]. L’association insuffisance cardiaque et BPCO peut poser des problèmes au quotidien car ces deux affections partagent le même symptôme majeur, la dyspnée [16]. Le diagnostic différentiel entre dyspnée d’origine cardiaque ou pulmonaire peut être difficile : sur le cliché thoracique, le rapport cardio-thoracique peut être faussé du fait de l’emphysème, des anomalies de l’ECG peuvent être observées dans les deux pathologies, le dosage du BNP perd de sa valeur en situation chronique, et chez un patient BPCO a fortiori âgé, le trouble ventilatoire obstructif peut aussi résulter d’un oedème bronchiolaire secondaire à l’insuffisance cardiaque. Or, reconnaître l’origine de la dyspnée est essentiel car l’incertitude diagnostique peut conduire à un traitement inadapté comme à une majoration inutile voire délétère du traitement diurétique. La prise en charge des facteurs de risques et des comorbidités cardiovasculaires peut avoir un effet bénéfique sur l’évolution de la BPCO : cet effet est observé aussi bien avec les statines qu’avec les bêtabloquants [2,5]. Les

Mise au point

Bronchopneumopathie chronique obstructive

Pour citer cet article : Escamilla R, La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.05.018.

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Les facteurs de risque classiques de l’ostéoporose sont également retrouvés chez les patients ayant une BPCO : dénutrition, traitement par corticoïdes, âge (> 55 ans), sexe féminin. De plus, chez ces patient, la réduction de l’activité physique est précoce et la sédentarité ainsi que la réduction d’exposition solaire qui lui est associée, représentent des facteurs supplémentaires favorisant la perte osseuse. En pratique, cette forte prévalence de l’ostéoporose justifie la réalisation d’une ostéodensitométrie dans le bilan de la BPCO. La corticothérapie orale doit être évitée y compris lors d’une exacerbation aiguë, en dehors d’un bronchospasme ou d’un échec des autres traitements (bronchodilatateurs et, si indiqués, antibiotiques) car son bénéfice n’est pas démontré. La pratique d’une activité physique régulière est recommandée à tous les patients BPCO ; la réhabilitation respiratoire avec réentraînement à l’effort fait partie des recommandations de la prise en charge de la BPCO dès le stade de sévérité modérée. La prise en charge médicamenteuse de l’ostéoporose dans la BPCO n’a pas de spécificité tant dans ses indications reposant sur les données de l’ostéodensitométrie que dans ses modalités : apport et supplémentation en calcium et vitamine D, biphosphonates dans leurs indications habituelles [17].

Comorbidités métaboliques

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Dénutrition et atteinte musculaire périphérique sont fréquentes et précoces dans la BPCO, à l’origine d’une limitation de l’activité physique dès les premiers stades de la maladie. Le diabète de type 2 est plus fréquent chez les patients ayant une BPCO de sévérité modérée à sévère que dans la population générale : sa prévalence est de l’ordre de 12 % [8] et le risque relatif d’avoir un diabète est de 1,8 chez la femme [20]. L’existence d’un diabète est un facteur de mauvais pronostic à l’origine d’une plus forte mortalité et d’hospitalisations plus nombreuses [8]. De même, chez les patients hospitalisés pour une exacerbation, l’existence d’une hyperglycémie est associée à une hospitalisation prolongée et à une évolution souvent péjorative [1]. L’origine de l’hyperglycémie est multiple : inflammation systémique, manque d’activité physique et aussi probablement cures de corticoïdes systémiques répétées chez les patients les plus sévères ou exacerbateurs fréquents. Limiter la corticothérapie systémique doit être un des objectifs à atteindre dans la prise en charge du patient BPCO. Le syndrome métabolique semble également fréquent dans la BPCO, constaté chez plus de 40 % des patients dans une étude [21] : c’est un état complexe associant une obésité centrale abdominale avec augmentation du tour de taille ( 94 cm chez l’homme,  90 cm chez la femme), une hypertriglycéridémie, une diminution du HDL-cholestérol, une hypertension artérielle systémique, un diabète de type 2 ou une résistance à l’insuline. Les patients avec un syndrome métabolique ont une inflammation systémique majorée et sont à haut risque

cardiovasculaire. L’obésité abdominale, quel que soit le sexe, semble significativement corrélée aux anomalies de la fonction respiratoire [22]. La mesure du tour de taille, un bilan lipidique et une glycémie à jeun doivent faire partie du bilan initial chez un patient ayant une BPCO, surtout s’il est obèse.

Polyglobulie et anémie La polyglobulie est classique dans la BPCO et les insuffisances respiratoires ; elle est le plus souvent secondaire, conséquence de l’hypoxémie mais aussi de l’élévation du taux sanguin de carboxyhémoglobine chez le fumeur. Depuis la correction précoce de l’hypoxémie par l’oxygénothérapie de longue durée, la polyglobulie est moins fréquente avec une prévalence autour de 6 % et n’a pas de signification pronostique. Les polyglobulies sévères (avec un hématocrite [Hte]  55 %) sont rares et relèvent d’un traitement par saignées pour maintenir un Hte à 50–52 % [23]. À l’opposé, une anémie est observée chez 17 % des patients ayant une BPCO modérée à sévère et chez plus de 20 % des patients hospitalisés. Habituellement modérée (Hb > 10 dg/L, ou Hte > 30 %), elle aggrave les symptômes en particulier la dyspnée, altère la qualité de vie et représente un facteur de mauvais pronostic. Son origine est vraisemblablement extrarespiratoire et elle doit être considérée comme une comorbidité. Elle s’apparente aux anémies observées dans les insuffisances chroniques d’organe comme l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, le diabète. Dans la BPCO, les comorbidités et/ou leur traitement peuvent expliquer l’anémie : c’est le cas de l’insuffisance cardiaque et des traitements par inhibiteur de l’enzyme de conversion. La correction de l’anémie semble une solution séduisante pour améliorer le statut fonctionnel des patients : l’objectif et les modalités de la transfusion sanguine doivent cependant être précisés ; de même, il n’y a pas d’arguments pour l’utilisation de l’EPO [23].

Anxiété et dépression Environ 50 % des patients souffrant de BPCO ont un trouble anxieux et 33 % une dépression. Cette prévalence est supérieure à celle observée dans d’autres pathologies chroniques [24]. Le mécanisme n’est pas univoque et incomplètement élucidé. On évoque toujours le rôle de l’inflammation systémique, de désordres neurobiologiques et celui de l’hypoxie bien que les troubles de l’humeur soient observés à tous les stades de sévérité de la BPCO ; la notion de maladie chronique irréversible, de handicap respiratoire lié à la dyspnée et la vision future de « l’insuffisant respiratoire avec sa bouteille d’oxygène » sont des facteurs sous-tendant anxiété et dépression. L’anxiété est deux fois plus fréquente chez la femme que chez l’homme. Son intensité n’est pas corrélée à la sévérité de la tome // > n8/ > /

Pour citer cet article : Escamilla R, La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.05.018. La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire

BPCO. Son devenir au long cours reste mal précisé. La dépression, sévère à modérée, est présente également chez l’homme et la femme : elle est particulièrement fréquente chez les exacerbateurs fréquents, observée dans 58 % des cas. Anxiété et dépression ont un impact négatif sur la qualité de vie du patient : elles amplifient la perception de la dyspnée, sont un facteur de limitation précoce de l’activité physique, augmentent la fréquence des exacerbations et des hospitalisations ainsi que leur durée ; au même stade de sévérité, les femmes ayant une BPCO ont, par rapport aux hommes, une dyspnée plus intense, une dépression plus fréquente et une qualité de vie plus altérée. La mortalité à 3 ans des patients BPCO dépressifs est majorée. La dépression retentit sur la qualité de vie du patient mais aussi celle du couple ; près de 75 % des patients ont des problèmes avec leur sexualité [25]. La dépression est sous-estimée et sous-diagnostiquée : seuls 31 % des patients BPCO déprimés sont traités pour leur dépression [26] ; elle doit être recherchée chez tout patient, en particulier de sexe féminin, gardant un tabagisme actif, ayant un handicap respiratoire important, avec des comorbidités et des

conditions sociales difficiles (précarité, isolement). L’analyse des symptômes et l’utilisation d’un auto-questionnaire simple, comme l’hospitalization anxiety depression (HAD) doivent permettre un dépistage lors de la consultation. Les symptômes anxieux et dépressifs modérés ne doivent pas être négligés. La réhabilitation respiratoire et l’éducation thérapeutiques associées à un soutien psychologique personnalisé représentent une prise en charge souvent efficace. Devant une dépression sévère, un avis spécialisé est indispensable [24,27]. Il n’y a pas d’étude solide sur les bénéfices des antidépresseurs qui sont habituellement prescrits chez ces patients [28].

Mise au point

Bronchopneumopathie chronique obstructive

BPCO en médecine générale La prise en charge de la BPCO est souvent complexe du fait des nombreuses comorbidités (tableau I). Le bilan initial doit comporter une évaluation de la maladie et de sa sévérité mais aussi la recherche de comorbidités : ainsi, la BPCO doit être considérée comme un nouveau facteur de risque cardiovasculaire et, inversement, tout bilan cardiovasculaire chez un sujet fumeur doit comporter une spirométrie, car trop souvent la BPCO est oubliée derrière ses comorbidités.

Tableau I Prévalence des principales comorbidités associées à la BPCO et leur impact en médecine générale Comorbidité

Prévalence dans la BPCO (%)

Impact en médecine générale

Ostéoporose/ostéopénie

50–70

Ostéodensitométrie surtout si sujet dénutri, sexe féminin, BPCO sévère, corticothérapie orale (exacerbateurs fréquents) Pas de corticothérapie systématique lors des exacerbations

Cardiopathies ischémiques

5–20

Bilan cardiovasculaire systématique avec évaluation des facteurs de risque classiques, échocardiographie et épreuve d’effort Cardiopathie ischémique traitée par bétabloquants : spirométrie de principe

Insuffisance cardiaque

5–10

Insuffisance cardiaque diastolique et emphysème Éviter les diurétiques à fortes doses Pas de contre-indications aux bêtabloquants : choisir les bétabloquants cardiosélectifs

Troubles du rythme cardiaque (fibrillation auriculaire)

12–14

Cardiopathie ischémique ? Hypoxémie : mesure de la SpO2 (oxymètre de « poche » en médecine générale) Rechercher une surconsommation de bronchodilatateurs

AVC

10–14

Ausculter les carotides Écho-doppler carotidien (systématique ?)

Dépression

25

Rechercher les signes d’anxiété et dépression Évaluer le retentissement sur la vie de couple (sexualité) Se servir d’échelle d’utilisation simple comme l’HAD lors de la consultation Soutien psychologique, intérêt de la réhabilitation, antidépresseurs ?

Anémie

17

EPO non indiquée

Dénutrition Diabète, syndrome métabolique

Peser le patient lors de la consultation, suivi de l’IMC 40 (?)

Mesurer le tour de taille, bilan lipidique, glycémie

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D’après [1]. BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive ; EPO : érythropoïétine ; IMC : indice de masse corporelle ; P/A : paquets/année ; SpO2 : saturation périphérique en O2.

Pour citer cet article : Escamilla R, La BPCO au-delà de l’appareil respiratoire, Presse Med (2014), http://dx.doi.org/10.1016/ j.lpm.2014.05.018.

R Escamilla

La prise en charge de la BPCO peut avoir un impact bénéfique sur les comorbidités ; à titre d’exemple, une étude récente a montré que la vaccination anti-grippale associée à la vaccination anti-pneumococcique réduisait significativement le nombre des hospitalisations pour infarctus du myocarde [29].

charge de ces patients ayant de multiples comorbidités doit être multidisciplinaire. Le médecin généraliste doit s’appuyer sur les autres acteurs de santé concernés par cette pathologie, identifiés par le parcours de soin décrit par l’HAS, mais il doit toujours rester l’élément central de la prise en charge du patient pour la BPCO et les comorbidités.

Conclusion La BPCO affecte la qualité de vie du patient par le handicap respiratoire et par ses nombreuses comorbidités. La prise en

Déclaration d’intérêts : participation à board d’experts, congrès, conférences avec les laboratoires : Allmiral, Astra-Zeneca, Boehringer-Ingelheim, Chiesi, GSK, MSD, Novartis, Zambon.

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[COPD: beyond the respiratory system].

COPD is a respiratory disease associated with multiple extrapulmonary comorbidities: cardiovascular diseases, osteoporosis, depression and psychologic...
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