Revue de Pneumologie clinique (2014) 70, 322—328

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ARTICLE ORIGINAL

Un traitement antifongique périopératoire influence-t-il la morbidité postopératoire et la survie à long terme après une résection pulmonaire pour aspergillome ? Does antifungal therapy influence postoperative morbidity or long-term survival after surgical resection for pulmonary aspergilloma? P.-B. Pagès a,b, R. Grima a, P. Mordant a, B. Grand a, A. Badia a, F. Le Pimpec-Barthes a, A. Bernard b, M. Riquet a,∗ a

Service de chirurgie thoracique, hôpital européen Georges-Pompidou, université Paris Descartes, 20-40, rue Leblanc, 75015 Paris, France b Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, CHU Bocage, université de Bourgogne, 21000 Dijon, France Disponible sur Internet le 20 novembre 2014

MOTS CLÉS Aspergillome ; Résection chirurgicale ; Pronostic ; Traitement antifungique ; Survie ; Morbidité



Résumé Objectifs. — Le traitement chirurgical des aspergillomes pulmonaires permet de contrôler les symptômes, de prévenir les complications et d’améliorer la survie. Dans les formes accessibles à la chirurgie, l’impact d’un traitement antifongique demeure controversé. L’objectif de cette étude est d’analyser l’impact d’un traitement antifongique sur la morbidité postopératoire et la survie globale des patients opérés pour un aspergillome pulmonaire. Méthodes. — De janvier 1989 à décembre 2010, 113 patients ont été opérés pour un aspergillome pulmonaire. Parmi eux, 64 patients ont rec ¸u un traitement antifongique dans la période périopératoire et ont été inclus dans le groupe 1, 49 patients n’ont pas rec ¸u de traitement antifongique et ont été inclus dans le groupe 2.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Riquet).

http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2014.08.002 0761-8417/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Aspergillome : traitement antifongique périopératoire

323

Résultats. — Le taux de complications postopératoires était de 31,2 % dans le groupe 1 et de 20,4 % dans le groupe 2 (p = 0,30). En analyse univariée, l’immunodépression (p < 0,001), les antécédents de cancers (p = 0,050), les expectorations purulentes préopératoires (p = 0,024) et la pneumonectomie (p < 0,001) étaient significativement associés aux complications postopératoires. Le taux de survie globale à 5 ans et à 10 ans était respectivement de 78,3 % et de 57,8 % pour le groupe 1 vs 85,9 % et 65,7 % pour le groupe 2 (p = 0,23). En analyse multivariée, l’âge supérieur à 50 ans, l’immunodépression et la pneumonectomie étaient des facteurs de mauvais pronostic (␹2 = 6,59, df = 5, p < 0,001). Conclusions. — La résection chirurgicale des aspergillomes pulmonaires est associée à une morbidité postopératoire et à une survie à long terme acceptables. Le traitement antifongique périopératoire n’influence en aucun cas la morbidité postopératoire ou la survie à long terme. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Aspergilloma; Lung resection; Prognosis; Antifungal therapy; Survival; Morbidity

Summary Background. — Surgical resection of pulmonary aspergilloma is associated with symptoms control, complications prevention, and improved survival, given that the disease is localized and the patient fit enough to undergo surgery. In these operable forms, the impact of perioperative antifungal therapy remains controversial. The purpose of this study was to analyze the impact of antifungal therapy on postoperative morbidity and overall survival in patients with operable pulmonary aspergilloma. Methods. — The clinical records of 113 patients who underwent thoracic surgery for aspergilloma in our institution from January 1989 to December 2010 were retrospectively reviewed. Of these, 64 patients received antifungal therapy in the perioperative period and were included in group 1, and 49 patients did not receive antifungal therapy and were included in group 2. Results. — Postoperative complication rates were 31.2% in group 1 and 20.4% in group 2 (P = 0.30). Univariable analysis showed that immunocompromised status (P < 0.001), past history of cancer (P = 0.50), preoperative purulent sputum (P = 0.024), and pneumonectomy (P < 0.001) were significantly associated with postoperative complications, but that antifungal therapy was not. Five- and 10-year overall survival rates were respectively 78.3% and 57.8% in group 1 vs. 85.9% and 65.7% in group 2 (P = 0.23). Multivariate analysis revealed that age higher than 50, immunocompromised status and pneumonectomy were significantly associated with adverse long-term survival (␹2 = 6.59, df = 5, P < 0.001), but that antifungal therapy was not. Conclusion. — Antifungal therapy has no significant impact on postoperative morbidity or long-term survival following surgical resection of pulmonary aspergilloma. Such procedure is associated with acceptable postoperative morbidity and long-term survival. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Aspergillus fumigatus est le champignon le plus fréquemment rencontré dans l’aspergillome chez l’homme. L’aspergillome pulmonaire se développe à partir de la colonisation saprophyte d’une cavité pulmonaire préexistante, produisant un grelot ou mycétome [1,2]. La résection chirurgicale des aspergillomes pulmonaires a été décrite dans le but de contrôler les symptômes et d’améliorer la survie globale des patients, de ce fait elle doit être envisagée pour tout patient présentant un aspergillome localisé et des capacités pulmonaires acceptables [3,4]. Dans les formes opérables, la place du traitement antifongique demeure controversée. Certains auteurs recommandent l’utilisation d’un traitement antifongique périopératoire comme traitement adjuvant afin de limiter les complications postopératoires, alors que d’autres ni voit pas d’intérêt [5]. L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact du traitement antifongique périopératoire sur les risques de

complications postopératoires et sur la survie à long terme des patients présentant un aspergillome pulmonaire opérable.

Patients et méthodes Critères d’inclusion De janvier 1989 à décembre 2010, 113 patients ont été opérés d’un aspergillome pulmonaire dans le service de chirurgie thoracique de l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris, France). Leurs données cliniques ont été revues. Nous avons collecté l’ensemble des données concernant les caractéristiques démographiques, le traitement médical, la prise en charge chirurgicale et les suites opératoires. Les patients ayant rec ¸u un traitement antifongique dans les 30 jours précédents ou suivants la chirurgie ont été inclus dans le groupe 1, alors que ceux n’ayant pas de rec ¸u de traitement

324 antifongique durant la même période ont été inclus dans le groupe 2.

Bilan préopératoire Le bilan préopératoire comprenait une radiographie du thorax, une tomodensitométrie thoracique, une fibroscopie bronchique, des épreuves fonctionnelles respiratoires et une scintigraphie de ventilation-perfusion. Les aspergillomes étaient classés en forme simple ou complexe selon les critères rapportés par Daly et al. [6] et Belcheret Plummer [7]. L’aspergillome simple était défini par la présence d’un grelot siégeant à l’intérieur d’une cavité à parois fines au sein d’un parenchyme pulmonaire sain, alors que la forme complexe était définie par la présence d’une cavité à parois épaisses au sein d’un parenchyme altéré associée parfois à des séquelles pleurales [7]. Tous les patients ont bénéficié d’un bilan à la recherche d’un état d’immunodépression, qui comprenait une chimiothérapie ou une corticothérapie préalable, la coexistence d’un syndrome d’immunodéficience humaine acquise ou une hépatite virale.

P.-B. Pagès et al. L’analyse multivariée sur la survie globale fut réalisée en utilisant un test de Cox. Toutes les analyses furent conduites en utilisant des tests bilatéraux : la valeur de p < .05 fut considérée comme statistiquement significative. Les analyses statistiques furent menées en utilisant le logiciel de statistiques STATA 12 (StataCorp, College Station, États-Unis).

Résultats Caractéristiques démographiques Les principales caractéristiques démographiques sont résumées dans le Tableau 1. L’étude incluait 113 patients (80 hommes, 71 %), dont l’âge moyen était de 49,4 ± 1,3 ans. Il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes concernant l’âge, le sexe ou les symptômes. Au total, 13 patients avaient des antécédents de cancer, incluant le cancer du poumon (n = 3), le cancer du col utérin (n = 3), les hémopathies malignes (n = 3) et non précisé (n = 4). Un antécédent de cancer était plus fréquemment retrouvé dans le groupe 1 que dans le groupe 2.

Procédure chirurgicale

Caractéristiques des aspergillomes

Les procédures chirurgicales étaient réalisées sous anesthésie générale, avec intubation sélective par une sonde à double lumière. La résection pulmonaire était conduite à travers une thoracotomie postéro-latérale. En fin d’intervention, deux drains thoraciques étaient mis en place. Le diagnostic d’aspergillome était confirmé par l’examen histologique des pièces opératoires pour tous les patients.

Les principales caractéristiques des aspergillomes sont retrouvées dans le Tableau 2. L’hémoptysie était le principal symptôme chez 68 patients (60,2 %), et était significativement plus fréquemment retrouvé chez les patients ayant un antécédent de tuberculose (n = 41, 70,7 % de patients aux antécédents de tuberculose) que chez les autres patients (n = 27, 49 % de patients sans antécédent de tuberculose, p = .025). Onze patients (9,7 % de l’ensemble des patients) ont présenté une hémoptysie massive nécessitant une embolisation des artères bronchiques et une chirurgie en urgence. Les aspergillomes étaient simples chez 30 patients et complexes chez 83 patients, il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes. La sérologie préopératoire était plus fréquemment positive dans le groupe 1 que dans le groupe 2 (p = .013). Les aspergillomes étaient plus fréquemment localisés dans les lobes supérieurs (80 patients) que dans les lobes inférieurs (29 patients) mais sans différence significative entre les deux groupes (p = .30).

Suites opératoires et suivi à long terme Les fuites aériennes prolongées étaient définies comme des fuites au-delà du 7e jour postopératoire. Les hémorragies postopératoires étaient définies comme des saignements dans les drains excédant 1000 mL dans les 24 premières heures postopératoires. Les informations concernant le suivi à long terme provenaient des consultations postopératoires, de questionnaire remplis par les pneumologues et les médecins généralistes, et des certificats de décès. La durée moyenne de suivi était de 65,5 ± 57 mois (allant de 1 à 237 mois). Trente-deux patients ont été perdus de vue.

Analyse statistique Les variables continues étaient décrites comme des moyennes avec leur écart-type, et comparées en utilisant un test de student. Les variables catégorielles étaient rapportées comme des taux ou des proportions et étaient comparées par un test de Chi2 . L’objectif principal était la survie globale définie comme l’intervalle de temps entre la date de l’intervention et la date de décès ou de la dernière consultation pour les patients perdus de vue. Les courbes de survie actuarielles ont été évaluées selon la méthode de Kaplan-Meier. Les comparaisons statistiques entre les courbes de survie furent réalisées en utilisant un test du log-rank.

Traitement antifongique Les modalités du traitement antifongique sont détaillées dans le Tableau 3. Le traitement antifongique comprenait de l’itraconazole (200 mg deux fois par jour, en intraveineux pendant 8 jours, puis per os pendant 7 à 15 semaines) chez 39 patients, du voriconazole (200 mg/12 h un jour, puis 100 mg deux fois par jour pendant 10 à 19 semaines) chez 21 patients et de l’amphotéricine B (1 mg/kg/jour en intraveineux pendant 3 à 6 semaines) chez 4 patients.

Procédures chirurgicales, morbi-mortalité postopératoire Les procédures chirurgicales sont résumées dans le Tableau 3 et les complications postopératoires dans le Tableau 4. La

Aspergillome : traitement antifongique périopératoire Tableau 1

325

Caractéristiques démographiques. Groupe 1 (n = 64)

Groupe 2 (n = 49)

Valeur du p

50,03 ± 15,28

50,02 ± 11,75

0,99

43 (67,1 %)

37 (75,5 %)

0,33

Symptômes Hémoptysie Toux Dyspnée Expectorations purulentes

40 (62,5 %) 15 (23,4 %) 3 (4,7 %) 16 (25 %)

28 (57,1 %) 7 (14,3 %) 3 (6,1 %) 7 (14,3 %)

0,70 0,25 0,70 0,18

Antécédents Tuberculose Cancer Résection pulmonaire Immunodépression

26 11 14 18

(40,6 %) (17,2 %) (21,8 %) (28,1 %)

32 (65,3 %) 2 (4 %) 7 (14,3 %) 8 (16,3 %)

0,627 0,03 0,34 0,35

Âge (années) Genre Masculin

Tableau 2

Caractéristiques des aspergillomes. Groupe 1 (n = 64)

Groupe 2 (n = 49)

Type d’aspergillome Simple Complexe

16 (25 %) 48 (75 %)

14 (28,5 %) 35 (71,5 %)

Sérologie préopératoire Positive Négative

36 (56,2 %) 10 (15,6 %)

14 (28,5 %) 8 (16,3 %)

Localisation Lobe supérieur droit Lobe moyen Lobe inférieur droit Lobe supérieur gauche Lobe inférieur gauche

22 3 12 24 3

17 1 11 17 3

0,82

0,013

0,36 (34,3 %) (4,7 %) (18,8 %) (37,5 %) (4,7 %)

lobectomie était la résection la plus fréquemment pratiquée, et était plus fréquemment réalisée dans le groupe 1 que dans le groupe 2, alors que la pneumonectomie était plus fréquemment réalisée dans le groupe 2 que dans le groupe 1. Des complications postopératoires survinrent chez 30 patients (26,5 %), soit 20 patients du groupe 1 (31,2 %) et 10 patients du groupe 2 (20,4 %, p = .30). En analyse

Tableau 3

Valeur du p

(34,8 %) (2 %) (22,4 %) (34,8 %) (6 %)

univariée, l’immunodépression (p = .001), les antécédents de cancer (p = .050), des expectorations préopératoires purulentes (p = .024) et l’étendue de la résection (p < .001) étaient significativement associés à une augmentation de la morbidité postopératoire, mais l’absence de traitement antifongique périopératoire ne l’était pas, comme décrit dans le Tableau 5. Trois patients décédèrent en postopératoire, de fistule bronchopleurale dans 2 cas, de

Traitement médical et chirurgical. Groupe 1 (n = 64)

Groupe 2 (n = 49)

Traitement antifungique Itraconazole Voriconazole Amphotéricine B

39 (60,9 %) 21 (32,8 %) 4 (6,3 %)

0 0 0

Procédures chirurgicales Pneumonectomie Lobectomie Segmentectomie Thoracomyoplastie

4 48 5 7

7 (14,3 %) 33 (67,3 %) 9 (18,4 %) 0 (0 %)

Valeur du p

0,017 (6,2 %) (75 %) (7,8 %) (11 %)

326 Tableau 4

P.-B. Pagès et al. Suites opératoires.

Complications postopératoires

Groupe 1 (n = 64)

Groupe 2 (n = 49)

Valeur du p

Saignement Fuites aériennes prolongées Empyème Pneumopathie Fistule bronchopleurale Chylothorax

3 10 3 2 2 0

1 1 4 3 1 0

0,30

(4,6 %) (15,6 %) (4,6 %) (3,1 %) (3,1 %) (0 %)

pneumopathie dans un cas, sans différence significative entre les deux groupes.

Survie globale Une seule récidive fut notée 32 mois après une lobectomie supérieure droite et fut traitée par une lobectomie moyenne. Vingt-quatre patients décédèrent au cours du suivi. Les taux de survie à 5 ans et 10 ans étaient respectivement de 81,9 % et 60,9 % pour l’ensemble de la série ; 78,3 % et 57,8 % dans le groupe 1 ; et 85,9 % et 65,7 % dans le groupe 2 (p = .23, Fig. 1). L’analyse multivariée utilisant le modèle de Cox met en évidence que l’âge supérieur Tableau 5

(2 %) (2 %) (8 %) (6 %) (2 %) (0 %)

à 50 ans, l’immunodépression et la pneumonectomie sont des facteurs prédictifs indépendants de mauvais pronostic (␹2 = 6,59, df = 5, p < .001, Tableau 6). Le traitement antifongique périopératoire n’a pas d’impact sur la survie à long terme (p = .099).

Discussion En analysant les suites opératoires des résections chirurgicales pour un aspergillome, nous n’avons pas trouvé d’impact du traitement antifongique périopératoire sur la morbidité postopératoire ni sur la survie globale.

Analyse univariée des facteurs associés à la morbidité postopératoire.

Variables Âge (années) < 40 40—50 > 50 Genre Masculin Féminin Tabagisme Oui Non Complications postopératoires Oui Non Expectorations purulentes préopératoires Oui Non Type d’aspergillome Simple Complexe Traitement antifungique Oui Non Étendue de la résection Pneumonectomie Lobectomie Autre Immunodépression Oui Non Antécédents de cancer Oui Non

Nombre de patients

Survie à 5 ans %

Survie à 10 ans %

26 30 57

94,87 73,27 81,64

94,87 73,27 46,09

80 33

82,83 79,06

58,18 79,06

48 65

78,51 84,54

48,77 72,05

53 60

74,93 88,54

51,03 71,83

23 90

76,09 83,01

31,13 66,97

30 83

93,33 78,31

93,33 57,86

64 49

78,31 85,92

57,82 65,76

Valeur du p 0,08

0,64

0,09

0,21

0,024

0,32

0,23

< 10−3 11 83 21

57,78 81,56 94,12

38,52 62,66 70,59 < 10−3

26 87

89,74 86,50

24,20 70,05

13 100

52,78 84,19

17,59 68,85

0,050

Aspergillome : traitement antifongique périopératoire

Figure 1.

327

Survie globale des patients selon la présence ou non d’un traitement antifongique.

Les aspergillomes pulmonaires sont une des formes d’infection saprophytes les plus fréquentes dues à Aspergillus se développant dans une cavité préexistante causée par une pathologie sous-jacente, telle que la tuberculose, les kystes bronchogéniques et les emphysèmes bulleux [1,2,8]. La tuberculose est de loin la plus fréquente des pathologies sous-jacentes, et dans des études rétrospectives, plus de 11 % des patients présentant des cavités pulmonaires post-tuberculeuses ont des signes radiologiques évidents d’aspergillome [9—11]. D’autre part, la moitié des patients opérés pour un aspergillome pulmonaire avaient un antécédent de tuberculose, confirmant l’association bien connue caverne résiduelle et aspergillome pulmonaire. L’hémoptysie, symptôme classiquement associé à l’aspergillome, semble avoir une signification différente lorsqu’elle survient dans un contexte d’antécédent de tuberculose. L’embolisation des artères bronchiques est à l’heure actuelle reconnue comme un traitement de première ligne pour le contrôle de l’hémoptysie liée à un aspergillome pulmonaire [12,13]. En effet, les patients porteurs d’un aspergillome ont développé à la fois une circulation collatérale majeure provenant de plusieurs sources mais également une vascularite touchant les vaisseaux de la paroi du mycétome [14,15]. De ce fait, l’embolisation des artères bronchiques permet un rapide contrôle de l’hémorragie [16]. Dans notre série, la moitié des patients opérés pour un aspergillome pulmonaire présentait une hémoptysie et 19 % d’entre eux ont eu recours à une embolisation du fait de l’importance du saignement. Cependant, l’efficacité de l’embolisation des artères bronchiques est transitoire et une résection

Tableau 6

chirurgicale reste le seul traitement permettant de prévenir le risque de récidive. Les suites opératoires se sont grandement améliorées au cours des dernières décennies. Des études récentes rapportent des taux de mortalité postopératoire allant de 1 % à 5 % [3,4,22—24] et une morbidité postopératoire allant de 23 % à 30 % [3,22—25], dans la lignée de nos résultats. De ce fait, la résection chirurgicale des formes localisées d’aspergillome pulmonaire est à l’heure actuelle associée à une morbidité et une mortalité acceptable. Il n’existe pas de consensus concernant le traitement médical des aspergillomes [18]. Le seul traitement radical des aspergillomes reste la chirurgie [8] et la place du traitement antifongique demeure controversée, à la fois pour les formes non chirurgicales (traitement médical définitif) mais également dans les formes chirurgicales (traitement périopératoire). Le traitement médical seul est restreint aux patients présentant une altération de l’état général ou une altération des capacités respiratoires incompatibles avec une résection chirurgicale [17]. En effet l’administration systémique de la plupart des molécules antifongiques, telles que l’amphotéricine B, est associée à une faible pénétration du médicament dans le mycétome [20,21], différentes techniques d’instillation intra-cavitaire ont été proposées, incluant l’abord percutané transthoracique ou l’endoscopie [18]. Cependant, ces techniques ont été rapportées chez de faibles effectifs dans des études rétrospectives, rendant difficile l’établissement de conclusion. De ce fait, aucune recommandation n’a été établie concernant la prise en charge des patients inopérables [19].

Analyse multivariée des facteurs associés à la survie à long terme.

Variables

Hazard Ratio

Intervalle de confiance à 95 %

Valeur du p

Âge > 50 ans Traitement antifungique Immunodépression Pneumonectomie

1,97 2,34 3,98 6,16

1,61—104,51 0,85—6,43 1,49—10,61 1,76—21,47

0,016 0,099 0,006 0,004

328 Dans la période périopératoire, le rôle du traitement antifongique n’est toujours pas résolu. En pratique clinique, les chirurgiens sont conscient du fait qu’une fungémie périopératoire, qu’une brèche accidentelle du mycétome, ou qu’un espace pleural résiduel post-chirurgical puissent être associées à une récidive de l’aspergillome pulmonaire ou à son extension à la cavité pleurale. Le traitement antifongique périopératoire est censé diminuer ce risque, mais les preuves appuyant cette affirmation sont manquantes. Dans une récente publication, Sagan et al. ont étudié la morbidité et la mortalité de la chirurgie de l’aspergillome pulmonaire et n’ont pas trouvé d’impact significatif du traitement antifongique périopératoire sur les suites opératoires [5]. Pour notre part, nous n’avons pas non plus trouvé de bénéfice à un traitement antifongique à la fois sur la morbidité postopératoire mais également sur la survie à long terme. Ainsi, le traitement antifongique par voie systémique étant responsable de dépenses de santé importantes et pouvant occasionner des complications rénales, sa prescription systématique dans la période périopératoire ne peut pas être recommandée. Notre étude présente des limites, dont le caractère rétrospectif et monocentrique. Tenant compte de ces limites, nous pouvons conclure que le traitement antifongique périopératoire n’a pas d’impact significatif sur la morbidité postopératoire ou sur la survie à long terme des aspergillomes pulmonaires localisés traités chirurgicalement. La résection chirurgicale est associée à une morbidité postopératoire et une survie à long terme acceptable et demeure la pierre angulaire de la prise en charge des aspergillomes pulmonaires localisés.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Does antifungal therapy influence postoperative morbidity or long-term survival after surgical resection for pulmonary aspergilloma?].

Surgical resection of pulmonary aspergilloma is associated with symptoms control, complications prevention, and improved survival, given that the dise...
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