Table ronde

Actualités en dermatologie pédiatrique (Dermato)

Les éruptions toxidermiques L. Martin Service de Dermatologie, ChU d’Angers, 4 rue Larrey, 49933 Angers Cedex 9, France

L

e diagnostic étiologique d’une éruption aiguë est un exercice dermatologique raisonné, parfois complexe, chez l’adulte comme chez l’enfant. Les causes d’éruption aiguë sont en effet variées, et quelquefois associées : infectieuses, inflammatoires, génétiquement déterminées, néoplasiques etc… et ne se résument pas (même si cela peut être tentant…) à des toxidermies définies comme des éruptions attribuables à une prise médicamenteuse, habituellement administrée par voie générale. Pour raisonner correctement devant une éruption aiguë en pédiatrie il faut : • Garder à l’esprit que toutes les éruptions cutanées ou cutanéomuqueuses aiguës ne sont pas médicamenteuses. • Savoir qu’un médicament n’est pas responsable de n’importe quel type d’éruption sur la peau dans n’importe quel délai : le mécanisme physiopathologique et le délai d’imputabilité intrinsèque du médicament responsable diffèrent pour chaque type de toxidermie (cf. infra) : ce sont des maladies différentes… • Bannir le terme d’ « allergie cutanée » (beaucoup trop imprécis) et raisonner en termes de lésions élémentaires permettant de placer l’éruption du jeune patient dans un cadre nosologique syndromique précis. Discuter la nature toxidermique d’une éruption aiguë impose donc de bien (re)connaître les différentes présentations cliniques de toxidermies, au moins les plus fréquentes et les plus graves. Celles-ci sont au nombre de 5. • L’urticaire aiguë (avec ou sans angio-œdème), entrant dans le cadre d’une hypersensibilité immédiate, est la seule toxidermie médiée par des IgE spécifiques. Elle survient dans un délai de l’ordre de quelques minutes (parfois moins) après le contact avec le médicament responsable. L’éruption est faite de maculo-papules dermiques, érythémateuses, mobiles et fugaces, avec un éventuel œdème sous-muqueux ORL et une hypotension qui font la sévérité de cette toxidermie. L’état général est conservé. Il n’existe habituellement pas de fièvre. Attention : une prise médicamenteuse n’est pas la seule cause d’urticaire aiguë… Toutes les autres toxidermies sont des manifestations d’hypersensibilité retardée. • L’exanthème maculo-papuleux (EMP) est défini par un érythème volontiers confluent sur la partie haute du tronc et

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194 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):194-195

la racine des membres. Il n’existe pas d’atteinte muqueuse et la fièvre ne dépasse pas 38,5 °C. Le délai d’imputabilité d’un médicament dans la survenue d’un EMP est de 5 à 15 jours. Mais il existe là encore de nombreux cas d’EMP non médicamenteux. • La pustulose exanthématique aiguë généralisée (PEAG) est une éruption aiguë caractérisée par un érythème intense surmonté de pustules non folliculaires superficielles et amicrobiennes. L’éruption peut être limitée aux grands plis, mais elle est parfois diffuse à l’ensemble du tégument, voire aux muqueuses accessibles à l’examen dermatologique. Le patient est très fébrile (39-40 °C), et son état général est parfois altéré. Le délai d’imputabilité médicamenteuse est dans la grande majorité des cas compris entre 1 et 4 jours. Il peut être plus long pour certaines classes médicamenteuses comme les cardiotropes, mais cette situation est très rare en pédiatrie. La très grande majorité des cas de PEAG est d’origine médicamenteuse. • Le syndrome d’hypersensibilité médicamenteuse (ou DRESS pour Drug Rash with hyperEosinophilia and Systemic Symptoms) est une toxidermie sévère systémique. L’éruption cutanée est habituellement un exanthème intense, mais des lésions élémentaires autres que des maculopapules érythémateuses peuvent occasionnellement être présentes (bulles, pustules…) ainsi qu’une atteinte muqueuse. Un œdème du visage est classique mais inconstant. La fièvre est habituellement élevée et l’état général altéré. Les manifestations systémiques sont très variables : anomalies sanguines (hyperéosinophilie, hyperlymphocytose, syndrome mononucléosique, anémie, thrombopénie), hépatite, insuffisance rénale, pancréatite, pneumopathie d’hypersensibilité etc. Le délai d’imputabilité est long, de 2 à 8 semaines. Le DRESS est déclenché par une prise médicamenteuse mais s’accompagne d’une réactivation virale. • Les nécrolyses épidermiques toxiques (NET) sont marquées par une nécrose et des décollements épithéliaux (cutanés et muqueux). Elles sont séparées en 3 entités cliniques : le syndrome de Stevens-Johnson (moins de 10 % de peau décollée ou décollable), le syndrome de Lyell (plus de 30 %) et le syndrome de chevauchement (avec un décollement de 10 à 30 %). Ce sont les toxidermies les plus graves, avec un risque de décès non négligeable et croissant en fonction du pourcentage de peau décollée. L’état général est habituellement profondément altéré, la fièvre élevée à plus de 39 °C. Les lésions muqueuses sont constantes. Des manifestations viscérales sont possibles. Le délai d’imputabilité médicamenteuse est de 7 à 21 jours.

Les éruptions toxidermiques

Là encore, la grande majorité des cas est associée à une prise médicamenteuse. En pratique clinique, le raisonnement à tenir devant une éruption aiguë se décline comme suit. • De quel type d’éruption cutanée ou cutanéomuqueuse s’agit-il (caractérisation syndromique)  ? Cette question peut être reformulée de façon pragmatique par « l’éruption que j’ai sous les yeux correspond-elle à l’une de celles listées dans le paragraphe précédent ? »… • Un médicament peut-il être responsable de ce type d’éruption ? • Si oui (et uniquement dans ce cas), quel est le délai d’imputabilité pour ce type d’éruption ? (il faut donc apprendre par cœur les délais d’imputabilité…).

• Quels sont les médicaments pris (c’est-à-dire commencés, mais parfois déjà terminés) par l’enfant dans ce délai  ? Eux seuls peuvent être responsables. • Éventuellement se pose alors la question de tests diagnostiques à distance de l’éruption.

Références Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprès de l’auteur.

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[Drug eruptions].

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