Annales de dermatologie et de vénéréologie (2013) 140, 793—796

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CAS CLINIQUE

Pemphigus à IgA : efficacité de l’acitrétine Efficacy of acitretin IgA in pemphigus A. Bellissen a,∗, D. Lebas a, M. Wantz a, P. Gosset b, A. Lasek a, P. Modiano a a

Service de dermatologie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, université catholique de Lille, boulevard Belfort, BP 387, 59020 Lille cedex, France b Service d’anatomopathologie, hôpital Saint-Vincent-de-Paul, université catholique de Lille, boulevard Belfort, BP 387, 59020 Lille cedex, France Rec ¸u le 18 janvier 2013 ; accepté le 6 septembre 2013 Disponible sur Internet le 23 octobre 2013

MOTS CLÉS Pemphigus à IgA ; Dermatose neutrophilique à IgA ; Dépôt d’ IgA basale



Résumé Introduction. — Le pemphigus à IgA est une entité particulière au sein des dermatoses bulleuses auto-immunes intra-épidermiques. On en distingue deux sous-types : l’un est appelé dermatose neutrophilique intra-épidermique à IgA et l’autre pustulose sous-cornée à IgA. Observation. — Nous rapportons l’observation d’une dermatose neutrophilique à IgA associée à une gammapathie à IgA chez une malade de 82 ans. Le tableau histopathologique avait pour particularités la présence de nombreuses et volumineuses pustules sous-cornées avec quelques pustules dans le corps muqueux, ainsi qu’un dépôt d’IgA limité aux couches basales de l’épiderme. L’évolution était favorable sous acitrétine. Discussion. — L’intérêt de cette observation réside dans la rareté du pemphigus à IgA et dans sa présentation particulière chez notre patiente, avec signes systémiques associés et atypies histologiques. Cela souligne les difficultés de la classification des pemphigus à IgA, qui repose actuellement sur la clinique et l’histopathologie. Il n’existe pas, à ce jour, d’attitude thérapeutique consensuelle mais un ensemble de données empiriques. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Bellissen).

0151-9638/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2013.09.166

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KEYWORDS IgA pemphigus; Intraepidermal neutrophilic IgA pemphigus; Basal IgA deposits

A. Bellissen et al.

Summary Background. — IgA pemphigus is a particular entity among autoimmune blistering intraepidermal diseases. IgA pemphigus is subdivided into two types: intraepidermal neutrophilic IgA dermatosis and subcorneal pustular dermatosis. Patients and methods. — We report the case of an 82-year-old woman with intraepidermal neutrophilic IgA pemphigus associated with IgA gammopathy. The histopathological findings were unusual, with numerous large subcorneal pustules, a few pustules in the stratum spinosum, and basal IgA deposition. A favourable outcome was achieved with acitretin. Discussion. — This observation is significant in that it highlights the difficulty of classification of IgA pemphigus, which is currently based on clinical and histopathological findings. There is currently no therapeutic consensus attitude but simply a set of empirical data. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Parmi les dermatoses bulleuses auto-immunes intraépidermiques, une entité particulière a été isolée en 1982 par Wallach et al. : le pemphigus à IgA [1]. Il se caractérise par la présence d’anticorps de type IgA dirigés contre la surface des kératinocytes. Il existe deux sous-types de pemphigus à IgA : la dermatose neutrophilique intraépidermique à IgA (intraepidermal neutrophilic dermatosis [IEN]) et la pustulose sous-cornée à IgA (subcorneal pustular dermatosis [SPD]). La première (IEN) correspond aux cas où la pustule et le dépôt d’IgA se situent dans tout l’épiderme ; la cible antigénique n’est pas connue mais il s’agit probablement d’une protéine de surface non desmosomale. Au cours de la seconde (SPD), la pustule est sous-cornée et le dépôt d’IgA superficiel ; la cible antigénique est la desmocolline 1 [2]. Nous rapportons l’observation d’un pemphigus à IgA associé à une gammapathie à IgA.

Observation Une femme de 82 ans consultait pour une dermatose évoluant par poussées depuis deux ans. Elle avait pour antécédents une gammapathie monoclonale à IgA sans myélome découverte six mois plus tôt, une arythmie complète par fibrillation auriculaire, une démence mixte modérée et une hypothyroïdie. Son traitement associait fluindione, digoxine et lévothyroxine. On ne notait pas de changement médicamenteux récent. La malade était fébrile et son état général était altéré ; elle ne rapportait pas de prurit. L’examen cutané révélait de nombreuses lésions pustuleuses, dont certaines de grande taille avec un hypopion. Ces pustules avaient une disposition arciforme et une évolution squamo-croûteuse. L’éruption était diffuse, touchant le tronc, les racines des membres, les régions péri-auriculaires et le cuir chevelu (Fig. 1 et 2). Il existait une atteinte muqueuse à type de chéilite sèche. Le signe de Nikolsky était absent. Les prélèvements bactériologique et mycologique d’une pustule étaient stériles. Il existait un syndrome inflammatoire biologique avec un taux de CRP à 119 mg/L mais un dosage de procalcitonine normal. L’hémogramme montrait

Figure 1. Exanthème vésiculopustuleux avec des pustules flaccides blanc laiteux et présence d’hypopion.

une polynucléose neutrophile à 19 000 éléments/mm3 . La recherche d’une origine infectieuse ou néoplasique, par la réalisation de prélèvements microbiologiques multiples et d’un examen tomodensitométrique thoracoabdominopelvien, était négative. La biopsie cutanée montrait de volumineuses pustules en situation sous-cornée et parfois au sein du corps

Figure 2. Aspect « en fleur de tournesol » lésions arciformes croûteuses au centre entourées de vésicules périphériques.

Pemphigus à IgA : efficacité de l’acitrétine

795 permettait une résolution rapide. La malade décédait cinq mois plus tard de troubles du rythme cardiaque ; elle était toujours sous acitrétine.

Discussion

Figure 3. Dépôts d’IgA inter-kératinocytaires dans les couches basales de l’épiderme.

muqueux. Le revêtement épidermique était discrètement acanthosique, le derme superficiel légèrement œdémateux avec un important infiltrat inflammatoire riche en neutrophiles associés à quelques éosinophiles. Il n’était pas mis en évidence d’effet cytopathogène viral de type herpès. L’immunofluorescence directe (IFD) en peau périlésionnelle montrait des dépôts intra-épidermiques d’IgA en mailles, limités aux couches basales de l’épiderme (Fig. 3). Les recherches d’anticorps antiépiderme circulants par immunofluorescence indirecte sur peau clivée et immunoempreinte étaient négatives. Les recherches d’anticorps de pemphigus anti-desmogléine 1 et 3 et d’anticorps de pemphigoïde anti-BPAg1 et 2 étaient négatives en Elisa. La recherche d’anticorps anti-desmocolline 1 n’a pas été effectuée. L’électrophorèse et l’immunoélectrophorèse des protéines sériques retrouvaient le pic monoclonal de type IgA kappa déjà connu et stable depuis deux ans. Le dosage pondéral des IgA était à 10 g/L (N = 0,8 à 2,6). Le diagnostic retenu était celui de pemphigus à IgA de type dermatose neutrophilique intra-épidermique à IgA (IEN), associée à une gammapathie monoclonale à IgA de signification indeterminée. La malade était traitée initialement par bêtaméthasone topique associée à de la dapsone à raison de 100 mg/j per os. L’évolution était initialement favorable en une quinzaine de jours, les lésions laissant place à une pigmentation postinflammatoire, mais une récidive survenait un mois plus tard. L’acitrétine était alors introduite à la posologie de 25 mg/j en remplacement de la dapsone, permettant une régression de l’éruption en dix jours. Une récidive précoce était constatée à l’interruption de l’acitrétine par la malade, deux mois après son instauration ; la réintroduction du traitement à la même posologie

Le pemphigus à IgA a été une entité nosologique controversée. Les nouvelles techniques d’explorations immunologiques ont permis de l’individualiser et de le différencier de la pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson [2]. Actuellement, 70 cas de pemphigus à IgA sont décrits dans la littérature. Notre observation présente l’aspect clinique classique de la maladie, avec des vésicules et pustules qui tendent à se grouper en formes annulaires ou circinées, prenant un aspect « en fleurs de tournesol », avec un centre croûteux et une périphérie vésiculeuse [3]. Par ailleurs, l’association à une gammapathie à IgA est décrite [4]. À notre connaissance, en revanche, il n’a jamais été rapporté dans la littérature de signes généraux associés au pemphigus à IgA. L’ensemble du bilan réalisé chez notre patiente ne mettait pas en évidence de cause ni infectieuse ni néoplasique à l’altération de son état général. La sévérité des lésions cutanées plaidait également pour la responsabilité de la dermatose dans les signes généraux qu’elle présentait. Histologiquement, le pemphigus à IgA est caractérisé par une pustule neutrophilique, à la différence des autres sous-types de pemphigus. Cette pustule est associée à une discrète acantholyse et une infiltration neutrophilique de l’épiderme [5]. Le diagnostic est affirmé par l’IFD, l’examen histologique seul ne permettant pas de distinguer le pemphigus à IgA de la pustulose sous-cornée de Sneddon-Wilkinson. Les deux sous-types de pemphigus à IgA se différencient en histologie selon le niveau de la pustule : sous-cornée pour la SPD et dans tout l’épiderme pour l’IEN [2]. Cette distinction est un peu arbitraire puisque des pustules ont pu être décrites à tous les niveaux chez un même malade. La répétition de biopsies d’IEN suggère que les pustules peuvent se développer dans différentes couches de l’épiderme au fil du temps [6,7]. Dans notre cas, il existait de nombreuses et volumineuses pustules sous-cornées, mais aussi quelques pustules présentes dans le corps muqueux. En immunofluorescence directe, le dépôt d’IgA à la surface des kératinocytes est situé dans la partie superficielle de l’épiderme pour la SPD. En revanche, il peut concerner toute la hauteur de l’épiderme au cours de l’IEN [8]. L’une des particularités de notre observation est que le dépôt d’IgA était limité aux cellules basales de l’épiderme, ce qui a déjà été décrit dans l’IEN [9]. Les antigènes cibles de l’IEN restent inconnus à ce jour, même si des observations de positivité de tests Elisa aux desmogleines 1 et 3 d’isotype IgA sont décrites [10]. La recherche d’auto-anticorps anti-desmogléine 1 et 3 était négative chez notre malade. Dans la SPD, l’antigène cible est la desmocolline 1 [11]. La technique Elisa pour la détection des anticorps anti-desmocollines (Dsc) n’est cependant pas très sensible ni spécifique [10]. Cette recherche n’a pas été réalisée pour notre patiente. Le double marquage par immuno-microscopie électronique (IME) est un test performant pour déterminer la localisation des antigènes cibles. La fixation des anticorps au niveau des espaces extracellulaires des aires desmosomales correspond à la localisation

796 de la Dsc 1 pour la SPD, alors que pour l’IEN la réaction se situe au niveau des aires non desmosomales des espaces extracellulaires. Cela suggère que la cible des autoanticorps du pemphigus à IgA de type IEN est localisée dans l’espace extracellulaire des zones de jonction des cellules de l’épiderme [2,10,11]. Cet examen n’a pas été réalisé chez notre malade. En définitive, cette observation illustre la difficulté de classification des pemphigus à IgA. C’est vraisemblablement plus l’identification des cibles antigéniques impliquées que l’aspect clinique et histopathologique qui permettra de clarifier le spectre des pemphigus à IgA. Dans notre observation, le contrôle de la maladie a pu être obtenu grâce à l’association de dermocorticoïdes et d’acitrétine orale. Il n’existe pas d’attitude thérapeutique bien définie dans la littérature médicale. Le traitement repose sur des données empiriques issues de cas rapportés, et sur la physiopathologie. La maladie est rarement contrôlée par la corticothérapie seule [2]. Le traitement de choix est la dapsone (50 à 100 mg/j), ce qui est également le cas dans l’erythema elevatum diutinum, qui associe une vasculite à un infiltrat neutrophilique du derme [12]. L’action de la dapsone s’explique par son effet inhibiteur sur le chimiotactisme, l’adhérence et la migration des polynucléaires neutrophiles dans les tissus. Dans la plupart des cas rapportés, elle est utilisée en première intention [13]. En cas d’échec, de nombreuses thérapeutiques ont été proposées : colchicine, rétinoïdes (étretinate et acitrétine), cyclophosphamide, plasmaphérèses [14], mycophenolate mofétil, adalimumab [15], méthotrexate, azathioprine et PUVAthérapie [16,17]. Plus récemment, le traitement d’un myélome multiple à IgA par lénalidomide et bortézomide a été efficace sur le myélome mais également sur le pemphigus à IgA [18]. Pour notre malade, nous avons opté initialement pour le traitement de référence, la dapsone aux doses classiques (100 mg/j), avec une efficacité très transitoire. Seule l’utilisation du rétinoïde a permis le contrôle de la maladie. L’association de la dapsone et du rétinoïde a également été employée ; elle permettrait d’améliorer la réponse au traitement lorsqu’aucune des deux molécules n’a été suffisamment efficace en monothérapie [19]. Cette association n’a pas été nécessaire pour notre malade.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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[Efficacy of acitretin in IgA pemphigus].

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