Article original

Me´decine et Sante´ Tropicales 2014 ; 24 : 68-72

Épidémiologie et pronostic des cancers pédiatriques au CHU Gabriel-Touré de Bamako (Mali) Epidemiology and prognosis of childhood cancers at Gabriel-Touré Teaching Hospital (Bamako, Mali) Togo B.1, Traore´ F.1, Togo A.P.1, Togo P.1, Diakite´ A.A.1, Traore´ B.1, Toure´ A.1, Coulibaly Y.1, Traore´ C.B.2, Fenneteau O.3, Sylla F.4, Dumke H.5, Diallo M.1, Diallo G.1, Sidibe´ T.1 1 2 3

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CHU Gabriel-Toure´, BP 267, Bamako, Mali Anatomopathologie, CHU Point G, Bamako, Mali He´matologie-biologie, hoˆpital Robert-Debre´, Paris Ophtalmologie, institut d’ophtalmologie tropicale d’Afrique, Bamako, Mali Anatomopathologie, universite´ Munster, Munster, Germany

Article accepte´ le 29/10/2013

Re´sume´. Longtemps conside´re´s comme non prioritaires en Afrique subsaharienne, les cancers tendent a` devenir un proble`me de sante´ publique sur le continent, a` l’instar des pays de´veloppe´s. Objectif : e´valuer, apre`s six ans de recul, l’e´pide´miologie et les re´sultats de la prise en charge des enfants atteints de cancer a` l’unite´ d’oncologie pe´diatrique du CHU Gabriel-Toure´ de Bamako (Mali). Me´thodologie : tous les enfants d’aˆge infe´rieur ou e´gal a` 15 ans atteints de cancer et ayant rec¸u une chimiothe´rapie entre le 1er janvier 2005 et le 31 de´cembre 2010 ont e´te´ inclus dans l’e´valuation. Re´sultats : 690 enfants ont e´te´ ainsi inclus. L’aˆge moyen e´tait de 24 mois (extreˆmes : 6 mois-15 ans). Le de´lai de consultation e´tait infe´rieur a` trois mois dans 200 cas (29 %), compris entre trois et dix mois dans 256 cas (37,1 %), et supe´rieur a` dix mois dans 234 cas (33,9 %). Les cinq premiers cancers pe´diatriques e´taient, par ordre de fre´quence de´croissante, les lymphomes malins non hodgkiniens : 231 cas (33,5 %), le re´tinoblastome : 170 cas (24,6 %), le ne´phroblastome : 102 cas (14,8 %) : les leuce´mies aigue¨s lymphoblastiques : 54 cas (7 %) et la maladie de Hodgkin : 34 cas (4 %). L’he´patoblastome et les tumeurs germinales malignes e´taient les moins repre´sente´s. Apre`s six ans d’activite´ de notre unite´, et un suivi moyen de trente-six mois (extreˆmes 3-70), nous avons enregistre´ 272 de´ce`s (39,4 %) ; 238 patients e´taient vivants (34,5 %) et 180 e´taient perdus de vue (26,1 %). Conclusion : le taux de survie des enfants atteints de cancer au Mali reste encore faible avec un nombre tre`s e´leve´ de perdus de vue.

Abstract. Cancer today is being treated as a public health problem in Africa, as in developed countries. Objective: The aim of this retrospective study was to evaluate the epidemiology and outcome of children treated in the Pediatric Oncology Unit of Gabriel Toure´ Teaching Hospital in Bamako (Mali), six years after it opened. Methods: Retrospective study of the files of all children aged 15 and younger diagnosed with cancer and treated by chemotherapy between January 1, 2005, and December 31, 2010. Results: The study included 690 children. Their mean age was 24 months. The time from observation of first symptoms to consultation was less than 3 months in 200 cases (29%), from 3 to 10 months in 256 (37.1%), and more than 10 months in 234 (33.9%). The five most common childhood cancers were malignant non-Hodgkin’s lymphoma (NHL) (n=231, 33.5%), retinoblastoma (n=170, 24.6%), nephroblastoma (n=102, 14.8%), acute lymphoblastic leukemia (n=54, 7%), and Hodgkin’s disease (n=34, 4%). Six years after the unit opened and after a mean follow-up of 3 years, we recorded 272 deaths (39.4%); at least 238 children are still alive (34.5%), with 180 cases (26.1%) lost to followup. Conclusion: Childhood cancer survival is still low in Mali, and the rate of loss to follow-up quite high. Key words: children, cancer, chemotherapy, Mali.

Correspondance : Togo B

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Pour citer cet article : Togo B, Traore´ F, Togo AP, Togo P, Diakite´ AA, Traore´ B, Toure´ A, Coulibaly Y, Traore´ CB, Fenneteau O, Sylla F, Dumke H, Diallo M, Diallo G, Sidibe´ T. E´pide´miologie et pronostic des cancers pe´diatriques au CHU Gabriel-Toure´ de Bamako (Mali). Med Sante Trop 2014 ; 24 : 68-72. doi : 10.1684/mst.2014.0291

doi: 10.1684/mst.2014.0291

Mots cle´s : cancer, enfant, chimiothe´rapie, Mali.

Cancers pe´diatriques a` Bamako

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L

es cancers pe´diatriques, bien que relativement rares, constituent la deuxie`me cause de mortalite´ de l’enfant dans les pays de´veloppe´s, apre`s les accidents [1]. Ils sont e´galement en progression dans les pays en de´veloppement, ou` ils vont de plus en plus s’imposer comme un proble`me majeur de sante´ publique, alors que 80 % des enfants du globe y vivent [2, 3]. Si le taux de survie a` cinq ans d’un enfant atteint de cancer s’est progressivement ame´liore´ dans les pays de´veloppe´s graˆce aux progre`s diagnostiques et the´rapeutiques, passant de 56 % en 1974 a` plus de 81 % en 2000 aux E´tats-Unis, il n’en est pas de meˆme en Afrique subsaharienne, ou` le diagnostic de cancer e´tait jusqu’a` re´cemment synonyme d’une sentence de mort programme´e [4]. En mars 2005, est ne´e a` Bamako, avec le concours du Groupe franco-africain d’oncologie pe´diatrique (GFAOP), puis du programme My Child Matters (MCM) de Sanofi-Aventis, la premie`re unite´ d’oncologie pe´diatrique du Mali [5, 6]. Le but de ce travail e´tait de de´terminer, apre`s six ans d’activite´ de notre unite´, l’e´pide´miologie des cancers chez les enfants traite´s de janvier 2005 a` de´cembre 2010, et d’e´valuer les re´sultats des traitements.

Patients et me´thodes Cadre de l’e´tude Notre e´tude a e´te´ effectue´e dans l’unite´ d’oncologie du de´partement de pe´diatrie du CHU Gabriel-Toure´ de Bamako (dix lits). Ce service est le seul centre de prise en charge des cancers pe´diatriques du pays. Le personnel comprend deux oncope´diatres, quatre infirmie`res forme´es a` l’oncologie et des me´decins stagiaires. Tout enfant aˆge´ de 0 a` 15 ans ayant un diagnostic de cancer a e´te´ inclus dans cette e´tude re´trospective allant du 1er janvier 2005 au 31 de´cembre 2010.

Prise en charge des malades Le diagnostic de cancer e´tait base´ sur les donne´es des examens comple´mentaires suivants : anatomopathologie, imagerie et cytologie. La cytologie des leuce´mies et du lymphome de Burkitt e´tait lue par nous-meˆmes, puis confirme´e par le

laboratoire d’he´matologie biologique (Dr Fenneteau et son e´quipe) de l’hoˆpital Robert-Debre´ a` Paris. Les techniques de biologie mole´culaire, de cytoge´ne´tique et d’immunohistochimie n’e´taient pas effectue´es. En ce qui concerne les autres types de lymphome, les biopsies e´taient adresse´es au laboratoire d’anatomopathologie (Dr Dumke) de l’universite´ de Mu¨nster, en Allemagne. Le diagnostic histologique des ne´phroblastomes e´tait assure´ par le service d’anatomopathologie de CHU Point G, le seul service d’anatomopathologie du Mali. Pour des raisons e´conomiques, tous nos patients n’avaient pas pu be´ne´ficier d’une se´rologie VIH. Les protocoles utilise´s pour la prise en charge des leuce´mies aigue¨s lymphoblastiques, des ne´phroblastomes, des lymphomes de Burkitt et des lymphomes de Hodgkin e´taient ceux du GFAOP, qui fournit gracieusement les me´dicaments ne´cessaires au traitement de tous nos cas. Les re´tinoblastomes e´taient traite´s par deux cures pre´ope´ratoires de CAdO (cyclophosphamide, adriamycine et vincristine), puis par e´nucle´ation faite a` l’Institut d’ophtalmologie tropicale d’Afrique (Iota), suivie de deux cures supple´mentaires par les meˆmes drogues. Les autres types de cancer e´taient traite´s selon des protocoles moins standardise´s. Aucun de nos patients n’a be´ne´ficie´ de radiothe´rapie, cette modalite´ the´rapeutique e´tant encore non ope´rationnelle au Mali, malgre´ la disponibilite´ du service et de l’e´quipement. Les donne´es concernant les caracte´ristiques sociode´mographiques, les diffe´rents types de cancer, le de´lai du diagnostic, la toxicite´ des drogues, le suivi et la survie ont e´te´ enregistre´es et analyse´es sur le logiciel SPSS-12.

Re´sultats Durant la pe´riode d’e´tude, nous avons enregistre´ 690 cancers pe´diatriques traite´s par chimiothe´rapie et/ou chirurgie, avec un recrutement progressivement croissant au fil des anne´es depuis l’ouverture de l’unite´ d’oncologie (figure 1). L’aˆge moyen e´tait de 24 mois (extreˆmes : 2 mois-15 ans). Deux cent soixante-cinq patients avaient entre 0 et 4 ans, 235 avaient de 5 a` 9 ans et 190 de 10 a` 15 ans. Le sex-ratio M/F e´tait de 1,56. Vingt et un pour cent des malades venaient de la re´gion de Sikasso, 19 % de Koulikoro, 17 % du district de

Incidence

149

157

124 111 98

51

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Figure 1. Evolution de l’incidence annuelle des cancers chez les enfants admis au CHU Gabriel Toure´ Bamako, Mali de 2005 a` 2010. Figure 1. Trends in incidence of childhood cancer at Gabriel Toure´ Teaching Hospital Bamako Mali 2005-2010. Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 1 - janvier-fe´vrier-mars 2014

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B. TOGO, ET AL.

(39,4 %), 238 (34,5 %) patients e´taient vivants et 180 (26,1 %) e´taient perdus de vue. Parmi les patients en vie au moment de l’e´tude, 119 (50 %) e´taient gue´ris, quatre-vingt-seize (40 %) en re´mission et vingttrois (9 %) e´taient toujours en cours traitement (tableau 1). Les meilleurs taux de survie concernaient la MDH (44 %), le ne´phroblastome (43 %), le re´tinoblastome (41 %) et les LMNH (32 %). Les moins bons re´sultats concernaient les rhabdomyosarcomes (25 %), les LAL (15 %) et les tumeurs ce´re´brales (0 %).

Discussion

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Figure 2. Stade avance´ d’une leuce´mie aigue¨ lymphoblastique. Figure 2. Late stage, acute lymphoblastic leukemia.

Bamako, 14 % de la re´gion de Kayes, 9 % de Se´gou, 8 % de Mopti, 3 % de Kidal, 2 % de Gao et 4 % de l’e´tranger. Quatre cent soixante-deux pe`res (67 %) n’e´taient pas scolarise´s. Parmi les pe`res scolarise´s, 120 (17,4 %) avaient fait des e´tudes primaires, trente-neuf (5,7 %) des e´tudes coraniques, quarante (5,8 %) des e´tudes secondaires et vingt-neuf (4,2 %) des e´tudes supe´rieures. Cinq cent neuf me`res (73,8 %) n’avaient rec¸u aucune instruction. Parmi celles qui avaient e´te´ scolarise´es, 132 (19,1 %) avaient fait des e´tudes primaires, vingt-neuf (4,2 %) des e´tudes secondaires, quatorze (2 %) des e´tudes coraniques et vingt (2,9 %) des e´tudes supe´rieures. Le de´lai moyen de consultation e´tait de six mois (extreˆmes 212 mois). Les stades avance´s constituaient la re`gle dans tous les types de cancers (figures 2-3). La re´partition selon les diffe´rents types de cancer est indique´e dans le tableau 1. Les cinq premiers cancers pe´diatriques e´taient, par ordre de fre´quence de´croissante : les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) (231 cas, 33,5 %), le re´tinoblastome (170 cas, 24,6 %), le ne´phroblastome (102 cas, 14,8 %), les leuce´mies aigue¨s lymphoblastiques (LAL) (54 cas, 7,8 %) et la maladie de Hodgkin (MDH) (34 cas, 4,9 %). Parmi 393 patients teste´s, cinq (0,7 %) e´taient infecte´s par le VIH. Apre`s six ans d’activite´ de notre unite´ et un suivi moyen de trente-six mois (extreˆmes 3-70), nous avons enregistre´ 272 de´ce`s

E´pide´miologie Cette e´tude nous a permis de de´crire l’e´pide´miologie globale des cancers pe´diatriques dans notre service, seules des donne´es partielles ayant e´te´ rapporte´es ante´rieurement [7, 8]. Les 690 cas enregistre´s durant notre pe´riode d’e´tude, soit une incidence annuelle moyenne de 115 cas, sont certainement au-dessous de la re´alite´ : l’absence de couverture sociale, l’immensite´ du territoire nationale (1 240 000 km2), les difficulte´s d’acce`s aux services de sante´ des populations des zones recule´es, la pauvrete´ et le recours a` la me´decine traditionnelle font que beaucoup d’enfants maliens atteints de cancer ne sont pas diagnostique´s [8]. Pourtant, cette incidence annuelle est nettement supe´rieure a` celle de la pe´riode 1996-2003 (48 cas/ an) enregistre´e dans le CHU voisin du Point G [9]. Cette diffe´rence s’explique probablement en grande partie par l’ouverture du service d’oncologie pe´diatrique, ou` est pratique´e la gratuite´ des soins. D’ailleurs, notre cohorte est e´galement plus importante que celle d’autres services de pe´diatrie africains non inclus dans le re´seau du GFAOP [10]. Nous avons constate´ une augmentation graduelle du nombre de cas au fil des anne´es (figure 1). Cela est duˆ probablement a` nos campagnes de sensibilisation, mais aussi a` l’augmentation re´elle de l’incidence des cancers tant dans les pays en de´veloppement que dans les pays industrialise´s [11, 12]. La pre´dominance masculine dans les cancers pe´diatriques, trouve´e dans notre se´rie est signale´e dans toutes les e´tudes, africaines ou autres [9, 10, 13]. Il n’y a pas d’explication pre´cise a` cette constatation.

Clinique

Figure 3. Stade avance´ d’un lymphome de Hodgkin. Figure 3. Late stage, Hodgkin’s lymphoma.

L’e´tude de la re´partition des affections malignes dans notre unite´ re´ve`le la pre´dominance des LMNH, comme c’est le cas dans d’autres se´ries africaines [14, 15]. Parmi eux, la place du lymphome de Burkitt est volontiers pre´ponde´rante en Afrique subsaharienne [16]. Cela s’expliquerait par la combinaison de deux facteurs : l’infection pre´coce a` virus d’Epstein-Barr (EBV) et le paludisme a` P. falciparum. Une charge virale d’EBV e´leve´e a e´te´ note´e chez des enfants kenyans aˆge´s de 1 a` 4 ans vivant en zone holoende´mique palustre. L’infection a` P. falciparum entraıˆnerait chez eux une suppression de l’activite´ lymphocytaire T, favorisant ainsi une expansion virale de l’EBV [17]. Cependant, la transformation lymphomateuse de ces cellules B infecte´es par EBV reste encore e´nigmatique. L’infection a` EBV provoquerait, de plus, la translocation du ge`ne c-myc a` l’origine de la prolife´ration maligne [18]. Les fre´quences du re´tinoblastome, du ne´phroblastome, des leuce´mies aigue¨s et de la MDH e´taient e´galement e´leve´es, bien

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Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 1 - janvier-fe´vrier-mars 2014

Cancers pe´diatriques a` Bamako Tableau 1. Re´partition et devenir des cancers de l’enfant au CHU Gabriel de Bamako, Mali, de 2005 a` 2010 Table 1. Distribution and outcome of childhood cancers by type at Gabriel Toure´ Teaching Hospital, Bamako, Mali, 2005-2010

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Type LMNH Re´tinoblastome Ne´phroblastome LAL MDH Neuroblastome Te´ratome LAM Oste´osarcome Rhabdomyosarcome Tumeurs ce´re´brales He´patoblastome Tumeurs germinales Total

Devenir De´ce´de´s

Perdus de vue

95 53 40 26 12 10 6 9 6 2 8 2 3 272

62 47 18 19 7 5 7 2 2 7 2 1 1 180

Gue´ris 40 42 14 6 11 2 2 0 0 1 0 0 1 119

Total Vivants En re´mission 25 28 23 3 2 5 2 1 3 1 0 2 1 96

En traitement 9 0 7 0 2 0 0 1 1 1 0 2 0 23

231 170 102 54 34 22 17 13 12 12 10 7 6 690

que moindres que celle des LMNH, comme dans d’autres se´ries africaines [19]. Par ailleurs, au sein des leuce´mies aigue¨s, la proportion relative des deux types (80 % de LAL et 20 % de LAM) trouve´e dans notre se´rie est habituelle. La fre´quence faible des leuce´mies aigue¨s et des tumeurs ce´re´brales, respectivement 9 % et 1 % des cancers de notre se´rie, contraste avec celle retrouve´e dans les pays industrialise´s. Dans ces pays, sont rapporte´s 40 % de leuce´mies aigue¨s, 30 % de tumeurs ce´re´brales, 10 % de tumeurs embryonnaires et 10 % de sarcomes [20, 21]. La pre´dominance des leuce´mies dans les cancers de l’enfant est note´e aussi dans certaines e´tudes africaines [10, 22], ou` les leuce´mies aigue¨s et les LNH constituent respectivement les premiers et deuxie`mes affections malignes de l’enfant [1, 23]. Ces diffe´rences entre e´tudes re´alise´es en Afrique font e´voquer diffe´rents facteurs : – des particularite´s lie´es au mode de recrutement des patients [10], – la difficulte´ du diagnostic cytologique de leuce´mie dans certaines re´gions, ce qui n’e´tait pas le cas dans notre unite´, – des diffe´rences ge´ne´tiques plus qu’environnementales, comme par exemple les diffe´rences de re´ponse immunitaire aux infections [24] ; ainsi, ce facteur ge´ne´tique expliquerait la diffe´rence d’incidence des LAL entre enfants blancs et enfants noirs aux E´tats-Unis [25]. Nos cas de leuce´mie e´taient plus fre´quents apre`s l’aˆge de 5 ans, contrairement a` ce qui est observe´ en Occident ou` le pic de fre´quence des LAL se situe autour de cet aˆge [26]. La fre´quence respective des affections malignes varie e´galement avec l’aˆge dans notre se´rie. Les tumeurs dites embryonnaires (re´tinoblastome, ne´phroblastome, he´patoblastome) e´taient plus fre´quentes avant 5 ans. Ce constat est conforme aux donne´es de la litte´rature internationale [27-30]. L’aˆge de pre´dilection de survenue (supe´rieur a` 5 ans) des tumeurs me´senchymateuses (oste´osarcome et rhabdomyosarcome) observe´ dans notre e´tude est en accord avec les donne´es de la litte´rature concernant ces affections, relativement rares tant en Afrique que dans la population noire des E´tats-Unis [31]. Les tumeurs ce´re´brales, qui constituent en Occident les affections malignes les plus fre´quentes apre`s les leuce´mies, ne constituent que 1 % de notre se´rie. La moitie´ de ces tumeurs

Les mauvais re´sultats de la prise en charge des cancers dans les pays en de´veloppement et particulie`rement en Afrique subsaharienne sont lie´s a` plusieurs facteurs : stades souvent avance´s, difficulte´s diagnostiques lie´es a` la pauvrete´ du plateau technique, insuffisance en personnel qualifie´, difficulte´s d’approvisionnement en me´dicaments anticance´reux, de´ficit en soins de support, indisponibilite´ de la radiothe´rapie, difficulte´s de suivi des malades et pre´carite´ de la population. Ces difficulte´s expliquent un taux de survie globale me´diocre (30,6 % apre`s un suivi moyen de trois ans), un taux de perdus de vue e´leve´ (26,1 %) et un taux de rechutes a` 3,9 %. Notre taux de survie globale se rapproche de celui retrouve´ dans d’autres pays a` ressources limite´es [6, 33]. Les perdus de vue demeurent un proble`me majeur dans les services de traitement des cancers de l’enfant en Afrique et dans tous les pays en de´veloppement [10]. Ne´anmoins, ces re´sultats globaux sont encourageants, puisqu’a` l’exclusion des LAM, tumeurs ce´re´brales et oste´osarcomes pour qui les taux de survie e´taient bas, les taux de survie des lymphomes de Burkitt, du ne´phroblastome et de la MDH sont satisfaisants par rapport a` ce qui est de´crit dans les pays a` bas niveau de revenu [34]. Ils nous prouvent que le traitement des affections malignes de l’enfant est possible en Afrique subsaharienne quand la gratuite´ des soins est disponible. L’ame´lioration des re´sultats the´rapeutiques passera par une approche multidisciplinaire de la prise en charge, la mise en place d’infrastructures hospitalie`res adapte´es, l’ame´lioration du plateau technique, la formation et le recrutement de personnel me´dical et parame´dical qualifie´ et l’assurance d’un soutien psychologique et e´conomique aux familles.

Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 1 - janvier-fe´vrier-mars 2014

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ce´re´brales survenait entre 5 et 9 ans. Leur faible incidence pourrait eˆtre lie´e, en premier lieu, au sous-diagnostic, ensuite a` la faible industrialisation de notre pays, comme ailleurs en Afrique subsaharienne, et enfin a` la rarete´ des facteurs ge´ne´tiques pre´disposant a` ces cancers [32]. Enfin, les tumeurs germinales e´taient les plus rares (0,08 %), comme c’est le cas habituellement.

Pronostic

B. TOGO, ET AL.

L’ame´lioration des re´sultats the´rapeutiques doit e´galement passer par une prise de conscience et un engagement des autorite´s sanitaires et des politiques des pays subsahariens. Les cancers pourraient devenir un des grands enjeux de sante´ publique au cours des prochaines de´cennies du fait de la transition sanitaire, avec re´duction du poids des maladies infectieuses. [5, 35, 36].

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Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 1 - janvier-fe´vrier-mars 2014

Remerciements : Les auteurs remercient le Groupe franco-africain d’oncologie pe´diatrique (GFAOP) et son comite´ de soutien. Conflits d’inte´reˆt : aucun.

Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un utilisateur anonyme le 18/04/2017.

Re´fe´rences

[Epidemiology and prognosis of childhood cancers at Gabriel-Touré Teaching Hospital (Bamako, Mali)].

Cancer today is being treated as a public health problem in Africa, as in developed countries...
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