Article original

Me´decine et Sante´ Tropicales 2014 ; 24 : 183-188

Les intoxications mortelles au Mali Fatal poisoning in Mali Diallo T.1, Maı¨ga D.2, Maı¨ga A.1, Sangho H.3, Coulibaly B.4, Hami H.5, Mokthari A.5, Soulaymani R.6, Soulaymani A.5 1 2 3 4 5 6

Faculte´ de pharmacie, Universite´ des sciences, des techniques et des technologies, Bamako, Mali Direction de la pharmacie et du me´dicament, Bamako, Mali Faculte´ de me´decine et d’odontostomatologie, Universite´ des sciences, des techniques et des technologies, Bamako, Mali Pharmacie de la Coˆte, Bamako, Mali Laboratoire de ge´ne´tique et biome´trie, faculte´ des sciences, universite´ Ibn Tofail, Ke´nitra, Maroc Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc, Rabat, Maroc

Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 11/03/2017.

Article accepte´ le 11/02/2014

Re´sume´. But : la pre´sente e´tude vise a` de´crire les caracte´ristiques e´pide´miologiques et cliniques lie´es aux de´ce`s par intoxication au Mali. Me´thodes : il s’agit d’une e´tude re´trospective des intoxications mortelles, qui s’est de´roule´e dans les six centres de sante´ de re´fe´rence du district de Bamako, les six hoˆpitaux re´gionaux et dans trois centres hospitaliers universitaires durant la pe´riode 2000-2010. Re´sultats : durant la pe´riode d’e´tude, 146 cas d’intoxications mortelles ont e´te´ collecte´s, soit 4,6 % de l’ensemble des intoxications enregistre´es durant la meˆme pe´riode. Les victimes e´taient aˆge´es en moyenne de 24,0  17,7 ans avec un sex-ratio (F/H) de 1,05. D’apre`s les donne´es de cette e´tude, les moins de 20 ans ont constitue´ 43 % des victimes. L’intoxication e´tait volontaire dans 66,4 % des cas. Les causes principales e´taient les tentatives de suicide (47 %) et les erreurs the´rapeutiques (19 %). La prise en charge the´rapeutique a eu lieu en moyenne 8 h apre`s l’intoxication, avec des signes cliniques multiples et varie´s. Conclusions : la diminution des taux de mortalite´ lie´s aux intoxications ne´cessite la sensibilisation de la population sur la proble´matique des intoxications, ainsi que l’e´quipement des services d’urgences et la formation des personnels sanitaires.

Abstract. Aims. The aim of this study was to determine the epidemiological characteristics of the cases of fatal poisoning in Mali. Methods. This retrospective study examined the cases of fatal poisoning recorded between 2000 and 2010 in six Health Reference centers, six regional hospitals and three university hospitals in the district of Bamako. Results. During the study period, 146 cases of fatal poisoning were recorded, accounting for 4.6% of all poisoning cases during this period. The average age of patients who died was 24  17.7 years with a female-male ratio of 1.05. Nearly half (43%) were younger than 20 years. The ingestion was intentional in 66.4% of cases, mainly suicide attempts (47%) and therapeutic errors (19%). The median time until arrival at hospital was 8 hours after poisoning with multiple and varied clinical signs. Conclusions. Decreasing the mortality rate from poison ingestion requires increasing public awareness about poisons and improving emergency service equipment and health personnel training. Key words: poisoning, mortality, Mali.

Mots cle´s : intoxication, mortalite´, Mali.

doi: 10.1684/mst.2014.0324

Correspondance : Diallo T

L

es intoxications, qu’elles soient accidentelles (alimentaire, erreur the´rapeutique. . .) ou volontaires (criminelle, suicide, tentative de suicide, toxicomanie. . .) sont des e´ve`nements brutaux qui causent des dommages corporels pouvant conduire a` la mort. L’e´tude des de´ce`s par intoxication est d’une importance capitale pour les responsables de sante´. Elle permettra de fournir des renseignements sur les caracte´ristiques des victimes, du toxique et de l’intoxication, en vue d’une meilleure prise

de de´cisions dans les processus de planification de la sante´ (pre´ventive et curative). Contrairement a` la lutte conventionnelle contre les maladies infectieuses et les maladies chroniques comme le paludisme ou le diabe`te, ou` le sche´ma the´rapeutique est connu de tous, la prise en charge des intoxications reveˆt un caracte`re particulier du fait de la diversite´ des toxiques et leurs e´volutions. Au Mali, les soins d’empoisonnement sont dans la plupart des cas symptomatiques.

Pour citer cet article : Diallo T, Maı¨ga D, Maı¨ga A, Sangho H, Coulibaly B, Hami H, Mokthari A, Soulaymani R, Soulaymani A. Les intoxications mortelles au Mali. Med Sante Trop 2014 ; 24 : 183-188. doi : 10.1684/mst.2014.0324

183

Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 11/03/2017.

T. DIALLO, ET AL.

Les chiffres exacts des intoxications au Mali sont mal connus, notamment en raison du manque de donne´es statistiques exhaustives et de structures spe´cialise´es de toxicologie (centre antipoison et laboratoires). La plupart des e´tudes sur les empoisonnements au Mali sont limite´es au niveau d’un hoˆpital. Ces e´tudes sont ge´ne´ralement base´es soit sur les manifestations cliniques, soit sur la distribution d’agents toxiques, et ne refle`tent pas la tendance nationale. Au Mali, comme dans le reste du monde, les intoxications constituent une cause importante d’admission dans les services d’urgence et de re´animation. Ainsi, en 2011, 1 743 cas d’intoxications, dont soixante de´ce`s, ont e´te´ collecte´s a` Bamako pour la pe´riode allant de 2000 a` 2010 [1]. Au Maroc, en 2006, le Centre antipoison et de pharmacovigilance a recense´ 5 991 cas d’intoxications, dont soixante-dix-huit de´ce`s [2]. En 2006, plus de 2 369 personnes ont e´te´ intoxique´es a` Abidjan (Re´publique de Coˆte d’Ivoire) suite au de´versement de de´chets toxiques dans divers endroits de la ville [3]. Une e´tude effectue´e sur les aspects e´pide´miologiques des intoxications aigue¨s chez les adultes, au centre hospitalier universitaire de Yopougon, a` Abidjan, de 1994 a` 2003, a montre´ que 80 % des cas d’intoxication – sur les 367 cas enregistre´s – e´taient volontaires [4]. L’objectif de cette e´tude, la premie`re du genre au Mali, e´tait de de´crire les caracte´ristiques e´pide´miologiques et cliniques lie´es aux de´ce`s par intoxication au Mali, de 2000 a` 2010, en vue de diminuer cette mortalite´.

Me´thodes Il s’agit d’une e´tude re´trospective des cas de de´ce`s par intoxication survenus au Mali durant la pe´riode allant du 1er janvier 2000 au 31 de´cembre 2010. Durant la pe´riode d’e´tude, nous avons effectue´ la collecte successive des donne´es dans les trois centres hospitaliers universitaires (CHU) Gabriel-Toure´, Point G et Kati, les six centres de sante´ de re´fe´rence (CSRe´f) du district de Bamako ainsi que dans les hoˆpitaux re´gionaux de Kayes, Sikasso, Se´gou, Mopti, Tombouctou et Gao. Les donne´es ont e´te´ collecte´es dans les structures sanitaires a` l’aide des dossiers me´dicaux et des registres de consultation. Nous avons inclus dans notre e´tude tous les cas de de´ce`s par intoxication, qu’ils soient accidentels ou volontaires, que le toxique soit connu ou non. Les de´ce`s par intoxication due aux envenimations n’ont pas e´te´ inclus dans l’e´tude. Les donne´es analyse´es ont concerne´ 3 158 cas d’intoxication. Les analyses statistiques ont porte´ sur les fre´quences, la re´partition dans le temps (anne´es, saisons et mois), la distribution dans l’espace (milieu, re´gions, provenance et services), les caracte´ristiques du patient intoxique´ (sexe, aˆge), celles du toxique (famille, toxique lui-meˆme) et celles de l’intoxication (unique ou re´pe´te´e, isole´e ou collective, circonstances, lieu de l’intoxication, symptomatologie, traitement, gradation selon le poisoning severity score (PSS) [5] et e´volution). L’analyse a concerne´ e´galement les indicateurs de sante´ (le´talite´, mortalite´ et anne´es potentielles de vie perdues) : – la le´talite´ est le rapport entre le nombre de de´ce`s observe´s durant une pe´riode de´termine´e et le nombre de cas d’intoxications durant la meˆme pe´riode,

184

– la mortalite´ est le rapport entre le nombre de de´ce`s parmi les intoxique´s durant une pe´riode de´termine´e et la taille totale de la population globale de re´fe´rence (en ge´ne´ral pendant une anne´e). On l’exprime habituellement en nombre annuel de de´ce`s pour 100 000 habitants, – les anne´es potentielles de vie perdues (APVP) par les victimes : les APVP sont le nombre d’anne´es de vie perdues lorsqu’une personne meurt pre´mature´ment d’une cause quelconque, c’est-a`-dire avant l’aˆge de 65 ans [6]. APVP ¼

X 65 ½ð65  i Þ  d i ¼0

Ou` : d est le nombre de de´ce`s dans chaque classe d’aˆge et i est l’aˆge moyen de l’intervalle. Apre`s la collecte des donne´es a` l’aide d’une fiche technique qui a e´te´ valide´e par des me´decins traitants en vue de controˆler les biais e´ventuels a` toutes les e´tapes de l’e´tude, les donne´es ont e´te´ analyse´es en utilisant le logiciel Epi-Info. Nous avons obtenu l’avis favorable du Comite´ national d’e´thique pour la sante´ et les sciences de la vie pour la re´alisation de l’e´tude.

Re´sultats Durant la pe´riode d’e´tude (2000-2010), nous avons collecte´ 3 158 cas d’intoxication, dont 146 cas de de´ce`s (soit 4,6 %). L’aˆge me´dian des personnes intoxique´es e´tait de 21 ans, 25 % des patients avaient moins de 16 ans (Q1 = 15-75) et 75 % moins de 35 ans (Q3 = 35) ; 51,4 % des cas e´taient de sexe fe´minin. Sur les 138 victimes de´ce´de´es dont l’aˆge e´tait connu, les moins de 20 ans repre´sentaient 43 % des cas (tableau 1). Tableau 1. Re´partition des patients selon les caracte´ristiques sociode´mographiques, Mali 2000-2010 Table 1. Distribution of patients according to sociodemographic characteristics, Mali 2000-2010 Caracte´ristiques (n = 146) Aˆge en anne´es [0-10[ [10-20[ [20-30[ [30-40[ [40-50[ 50 ans ou plus Inconnu Sexe Fe´minin Masculin Situation matrimoniale Ce´libataire Marie´(e) Veuf (ve) Villes Bamako Sikasso Se´gou Kayes Mopti Gao Kati

Nombre de cas (%) 31 (21,2) 29 (19,9) 35 (24,0) 17 (11,6) 13 (8,9) 13 (8,9) 8 (5,5) 75(51,4) 71(48,6) 93 (66,4) 45 (32,1) 2 (1,5) 60 (41,1) 45 (30,8) 14 (9,6) 12 (8,2) 8 (5,5) 6 (4,1) 1 (0,7)

Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014

Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 11/03/2017.

Les intoxications mortelles au Mali

L’intoxication e´tait survenue a` domicile dans 89 % des cas, et le produit e´tait inge´re´ par la voie orale dans 98 % des cas. La re´partition saisonnie`re des intoxications e´tait celle-ci : les plus hautes fre´quences ont e´te´ obtenues aux mois de mars (dixhuit cas), d’avril (dix-sept cas) et de mai (vingt cas), ce qui correspond a` la saison se`che. Le de´lai me´dian de consultation (temps e´coule´ entre le contact de la victime avec le toxique et son admission dans une structure sanitaire) e´tait de 5 h ; 25 % des patients e´taient pris en charge avant 3 h de temps (Q1 = 3) et 75 % moins de 8 h apre`s ingestion de la substance toxique (Q3 = 8). Les intoxications e´taient dues principalement aux produits suivants : me´dicaments (45,2 %), aliments (7,5 %), produits caustiques (7,5 %), drogues (regroupe l’ensemble des produits capables d’alte´rer une ou plusieurs activite´s neuronales et/ou de perturber les communications : le cannabis, l’he´roı¨ne, l’alcool et le tabac) (6,8 %). L’analyse des circonstances des intoxications montre qu’elles e´taient volontaires dans 66,4 % des cas (tableau 2). Les signes cliniques e´taient domine´s par des troubles he´patodigestifs (56 %), respiratoires (40 %), neurologiques (33 %) et cardio-vasculaires (28 %). La prise en charge the´rapeutique des patients consistait, entre autres, en des traitements symptomatiques, e´vacuateurs et/ou des antidotiques (tableau 3). Ces traitements e´taient accompagne´s d’examens comple´mentaires et d’analyses biologiques. Le tableau 4 pre´sente l’analyse de la le´talite´ spe´cifique en fonction du sexe, de l’aˆge, du type de produit, des structures sanitaires et des circonstances. Les victimes ont se´journe´ en moyenne 24 h dans les structures sanitaires. La le´talite´ a e´te´ forte en 2007, avec un taux de 6,9 %, tandis qu’elle a e´te´ faible en 2006 : 2,6 %. Le taux de mortalite´ a atteint sa valeur la plus e´leve´e en 2007, avec 0,164 pour 100 000 habitants, et la plus faible en 2009 : 0,014 pour 100 000 habitants (figure 1). La mortalite´ a e´te´ e´leve´e a` Bamako et a` Sikasso, moyenne a` Gao, faible a` Kayes, a` Se´gou et a` Mopti, et tre`s faible a` Tombouctou (figure 2). Sur la base du dernier recensement ge´ne´ral de la population et de l’habitat au Mali, en 2009, la projection de population en 2012 montre que 15 369 809 des habitants avaient moins de 65 ans, soit 97 % de la population [7]. Les APVP e´taient de 37,42 pour 100 000 habitants, pour l’ensemble des victimes et quelles que soient les causes de de´ce`s.

Discussion Notre e´tude a e´te´ re´alise´e dans les e´tablissements de soins de re´fe´rences : les CSRe´f des six communes du district de Bamako correspondant a` des hoˆpitaux de districts, les hoˆpitaux re´gionaux (hoˆpitaux de 2e re´fe´rence) et les CHU nationaux (hoˆpitaux de 3e re´fe´rence). Le choix de ces structures sanitaires se justifie par leur fonction primordiale dans la prise en charge des patients au Mali. Dans cette e´tude, nous avons collecte´ 146 cas d’intoxications mortelles sur une pe´riode de onze ans, soit un taux de le´talite´ de 4,6 %. Ce nombre peut eˆtre conside´re´ comme largement sousMe´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014

Tableau 2. Distribution des cas selon les circonstances d’intoxications, Mali 2000-2010 Table 2. Distribution of cases according to the circumstances of poison intake, Mali 2000-2010 Circonstances Volontaires (n = 85) Avortement Criminelle Suicidaire Toxicomanie Total Accidentelles (n = 43) Accident classique Erreur the´rapeutique Total Total

Nombre de cas (%) 14 (10,9) 2 (1,6) 61 (47,7) 8 (6,3) 85 (66,4) 18 (14,1) 25 (19,5) 43 (33,6) 128 (100)

estime´, conside´rant le taux de fre´quentation des structures sanitaires au Mali, estime´ a` seulement 5,5 % [8]. Cette sousestimation est encore accrue du fait du caracte`re re´trospectif de l’e´tude (perte e´ventuelle de donne´es, informations incomple`tes sur les patients). Notre e´tude a montre´ que la mortalite´ annuelle moyenne des intoxications au Mali e´tait de 0,087 pour 100 000 habitants, ce qui est relativement e´leve´ par rapport a` d’autres pays. Ainsi en 2004, l’Organisation mondiale de la sante´ (OMS) a enregistre´ 345 814 cas de de´ce`s par intoxications dans le monde, soit 5,4 de´ce`s pour 100 000 habitants [9]. Au Maroc, le Centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc (CAPM) a collecte´ 5 991 cas d’intoxications en 2006, soit une incidence de 0,2 cas pour 1 000 habitants, dont soixante-dix-huit de´ce`s – soit un taux de le´talite´ de 1,3 % [2]. On enregistre une pre´dominance des enfants et des adolescents (43 %). Cette situation est e´galement observe´e dans plusieurs pays d’Afrique comme le Maroc ou` 49,3 % des intoxique´s e´taient aˆge´s de moins de 20 ans [2]. Au Mali, dans le district de Bamako (2006) les patients aˆge´s de 0 a` 20 ans repre´sentaient 46,58 % des cas [10], en Coˆte d’Ivoire dans la ville d’Abidjan, les sujets de 20 a` 29 ans repre´sentaient 47 % des patients [4], au Togo, au centre hospitalier universitaire de Lome´, 87,5 % des patients intoxique´s avaient un aˆge compris entre 15 et 34 ans [11]. Ces re´sultats peuvent s’expliquer par les changements physiques et psychologiques que subissent les adolescents, qui conduisent certains d’entre eux a` des pratiques et des comportements (avortement clandestin, suicide et Tableau 3. Re´partition des patients selon le type de traitements, Mali 2000-2010 Table 3. Distribution of patients according to treatment modalities, Mali 2000-2010 Type de traitement Symptomatique E´vacuateur Lavage gastrique Diure`se force´e Vomissements provoque´s Antidote et che´lateurs Autres traitements Surveillance me´dicale Bilan biologique Examen comple´mentaire

Nombre de cas (%) 144 (98,6) 32 38 12 2

(40,5) (45,2) (14,3) (1,4)

96 (74,4) 22 (17,1) 11 (8,5)

185

T. DIALLO, ET AL. Tableau 4. La le´talite´ spe´cifique en fonction de l’hoˆpital, type de produit, de´lai d’admission, et circonstances, Mali 2000-2010 Table 4. Specific lethality according to hospital, type of product, time to admission, and circumstances, Mali 2000-2010

Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 11/03/2017.

Caracte´ristiques

Nombre de de´ce`s

Nombre de cas d’intoxication

Le´talite´ spe´cifique %

50 45 14 12 8 7 6 2 1 1

1 015 444 198 284 151 53 245 158 205 41

4,9 10,1 7,1 4,2 5,3 13,2 2,4 1,3 0,5 2,4

66 20 11 10 10 9 8 5

1 064 244 1 268 47 105 116 56 122

6,2 8,2 0,9 21,3 9,5 7,8 14,3 4,1

48 21

1 030 151

4,6 13,9

85 61

873 2 285

9,7 2,7

Hoˆpitaux CHU Gabriel Toure Hoˆpital de Sikasso Hoˆpital Nianakoro Fomba de Se´gou Hoˆpital Fousseiny Daou de Kayes Somino DOLO de Mopti CHU Point G Hoˆpital de Gao CSRe´f Commune I CSRe´f Commune V CHU Kati Type de produit Me´dicament Produit chimique Aliment Drogue Pesticide Plante me´dicinale Monoxyde de carbone Hydrocarbure De´lai d’admission du patient 6h >6h Circonstances Volontaires Accidentelles

tentative de suicide, toxicomanie) mettant leur vie en pe´ril, consciemment ou non. Une pre´dominance du sexe fe´minin a e´te´ note´e (51 %). Cette situation a e´te´ observe´e a` Bamako (55 % et 62 %) [1, 10], a` Abidjan (70 %) [4], a` Cotonou (68 %) [12] et au Maroc (55 %) [2]. Ces exemples montrent que les sujets fe´minins sont les victimes potentielles des intoxications.

8

Létalité%

La re´partition ge´ographique des victimes montre que les villes de Sikasso, de Se´gou et de Mopti e´taient les plus touche´es, avec une le´talite´ respective de 10,1 %, 7,1 % et 5,3 %. En revanche, Bamako a enregistre´ plus de de´ce`s mais une le´talite´ faible (3,4 %) ; la raison en est que cette ville, qui est la capitale, compte a` elle seule huit structures sanitaires sur les quinze dans lesquelles l’e´tude a e´te´ re´alise´e, ce qui rend l’acce`s plus facile

0,180

Mortalité (100 000 ha)

0,160

7

0,140

6

0,120

5

0,100 4 0,080 3

0,060

2

0,040

1

0,020 0,000

0 2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Figure 1. Re´partition de la le´talite´ et de la mortalite´ en fonction de l’anne´e de l’intoxication, Mali 2000-2010. Figure 1. Distribution of lethality and mortality rates from poisoning by year, Mali 2000-2010.

186

Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014

Les intoxications mortelles au Mali

N

Villes 1-Kayes 2-Bamako-Koulikoro 3-Sikasso 4-Ségou 6

5-Mopti

8

6-Tombouctou 7-Gao

Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 11/03/2017.

8-Kidal

7

5 1

2

Mortalité (100.000hab) 0,00

4

0,01-0,6 0,7-1,1

3

1,2-1,71

Figure 2. Cartographie des taux de mortalite´ lie´s aux intoxications au Mali, 2000-2010. Figure 2. Map of mortality from poisoning in Mali, 2000-2010.

aux patients pour une prise en charge rapide et ade´quate. Les re´sultats observe´s a` Sikasso, a` Se´gou et a` Mopti peuvent s’expliquer par le fait que ces trois re´gions sont des zones rizicoles et de culture du coton au Mali ; aussi les paysans y posse`dent-ils des stocks de pesticides, dont la gestion peut conduire souvent a` des intoxications parfois mortelles (avec 9,5 % de le´talite´). Au Mali, les pesticides sont parfois abandonne´s en plein air ou garde´s dans des magasins inadapte´s, pre`s de zones habite´es ou de points d’eau. La population s’intoxique par l’utilisation des anciens re´cipients des pesticides pour des travaux domestiques (re´servoir d’eau, ustensiles de cuisine. . .) et/ou par la consommation d’aliments mal traite´s par les pesticides. Les cultivateurs l’utilisent souvent dans des conditions (absence de mesure de protection) exposant a` l’intoxication. Au Burkina Faso, une e´tude sur les intoxications dues aux pesticides agricoles re´alise´e conjointement en 2010 par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et les Autorite´s nationales de´signe´es de la Convention de Rotterdam du Burkina Faso, a montre´ que les circonstances de de´ce`s lie´es aux intoxications dues aux pesticides e´taient : la manipulation de l’emballage ou la consommation d’aliments ayant e´te´ introduits dans un emballage vide de pesticide, suicide, confusion du pesticide avec une poudre alimentaire ou me´dicamenteuse ou, s’il s’agit d’une formulation liquide, avec une boisson (y compris l’eau) [13] ; cette e´tude confirme ainsi nos re´sultats. La re´partition des intoxications selon le type de toxique montre que les me´dicaments, les aliments, les produits caustiques et les drogues e´taient les plus incrimine´s. Ceci peut eˆtre duˆ au fait que les victimes, leur entourage et les Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014

professionnels de sante´ ne citent que le produit qui leur semble le plus susceptible d’eˆtre responsable de l’intoxication. Il faut signaler que la nature du produit responsable d’une intoxication ne peut eˆtre prouve´e que par la confrontation de la clinique, du re´sultat de l’analyse de toxicologie et d’une e´tude tre`s pousse´e de l’anamne`se de l’intoxication. Les produits cite´s dans les de´clarations sont donc ceux qui sont suspecte´s d’eˆtre responsables de l’intoxication – leur implication reste a` de´montrer. Longtemps conside´re´e comme un proble`me dans les pays de´veloppe´s et comme un tabou dans notre socie´te´, la toxicomanie fait, depuis quelques anne´es, des victimes au Mali. Notre e´tude te´moigne de cet e´tat de fait, car les drogues ont enregistre´ la plus forte le´talite´ (21,3 %) parmi les produits incrimine´s. Ceci peut eˆtre explique´ par les nombreux effets directs lie´s a` leur consommation : accidents, suicide, de´linquance, contamination par le virus du sida et/ou de l’he´patite, etc. Ces conse´quences peuvent entraıˆner des tableaux cliniques graves avec de´tresses vitales, voire de´ce`s. Ces drogues consistent en des produits pharmaceutiques, des plantes hallucinoge`nes (Datura stramonium, chanvre indien. . .) et des compose´s organiques (alcool moderne ou traditionnel, solvants organiques. . .). Parmi les raisons e´voque´es au Mali pour expliquer la consommation de ces substances – e´galement observe´es dans d’autre pays comme le Be´nin [14] ou Madagascar [15] –, on trouve la curiosite´, la pression du groupe, les mauvaises fre´quentations, les difficulte´s scolaires et l’ennui. Une e´tude sur les intoxications aigue¨s accidentelles en milieu hospitalier pe´diatrique au centre hospitalier universitaire de Kara (Togo) a re´ve´le´ que, contrairement a` ce qui e´tait

187

Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Downloaded by an anonymous user on 11/03/2017.

T. DIALLO, ET AL.

observe´dans notre e´tude, les intoxications alimentaires (manioc) et me´dicamenteuses e´taient les plus le´tales [16]. L’analyse des circonstances montre que les intoxications e´taient, de fac¸on pre´dominante, volontaires – avec quatrevingt-cinq cas, et une le´talite´ de 9,7 %. Ce taux de le´talite´ est duˆ a` la pre´dominance des circonstances suicidaires (47,7 % des cas), dont les origines sont multiples et varie´es : les proble`mes personnels et socio-e´conomiques (de´ception amoureuse, conflits familiaux, absence de communication et carence affective parentale) et les troubles psychiques. La fre´quence des suicides et des tentatives de suicide e´tait de 75 % dans la capitale – a` 69 % des sujets fe´minins. Ces re´sultats sont confirme´s par une e´tude re´alise´e par Agossou et al. (1998) au Centre national hospitalier universitaire de Cotonou sur les tentatives de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes, qui a montre´ que les victimes e´taient dans 68 % des cas de sexe fe´minin, et que les raisons invoque´es e´taient les meˆmes [12]. Le traitement e´tait en majeure partie symptomatique (98 %). Nous avons, durant notre e´tude, constate´ un faible taux de recours aux traitements antidotiques (1,4 %), aux examens comple´mentaires (7,5 %) ou aux analyses biologiques (15 %). Ces insuffisances peuvent eˆtre sources de difficulte´s dans la prise en charge des intoxications. Les proble`mes de prise en charge sont une carence en antidotes, ainsi qu’une insuffisance des personnels de sante´ et du plateau technique pour re´aliser certaines techniques comme le lavage gastrique dans les structures sanitaires. A` cela s’ajoute l’absence de laboratoire spe´cialise´ et de centre antipoison. Les analyses de laboratoires sont le moyen le plus efficace pour confirmer l’introduction d’un toxique dans l’organisme. Il est tre`s important de cre´er en urgence des laboratoires de toxicologie me´dicale et d’e´largir la gamme des analyses effectue´es. Un centre antipoison ame´liore conside´rablement la sante´ de la population par la diminution de la morbidite´, de la mortalite´ et des de´penses e´conomiques lie´es aux intoxications a` travers ses services rendus a` la population.

Conclusion Au terme de cette e´tude, il ressort que les de´terminants de l’e´volution des intoxications au Mali sont multiples et varie´s. Les adolescents et les jeunes adultes de sexe fe´minin sont les plus repre´sente´s parmi les victimes des intoxications. Les drogues, le monoxyde de carbone, les pesticides, les produits chimiques et les me´dicaments sont les produits les plus incrimine´s dans la le´talite´ et la mortalite´ des patients intoxique´s. Les circonstances les plus fre´quentes e´taient une intoxication volontaire avec des motivations suicidaires. Des cas accidentels ont e´te´ enregistre´s, avec une pre´dominance des erreurs the´rapeutiques. Le traitement e´tait symptomatique avec un faible taux de traitement toxicologique. La prise en charge des intoxications ne´cessite des soins me´dicaux d’urgence guide´s par des connaissances toxicologiques fiables. L’ame´lioration des

188

compe´tences humaines et mate´rielles dans les diffe´rentes structures sanitaires permettra de maıˆtriser les connaissances concernant les caracte´ristiques relatives aux intoxications au Mali. La solution ide´ale pour diminuer la morbidite´ et la mortalite´ lie´es aux intoxications est d’e´laborer et de mettre en place une strate´gie nationale inte´gre´e de lutte antitoxique par l’ensemble des responsables sanitaires. Conflits d’inte´reˆt : aucun.

Re´fe´rences 1. Diallo T, Hami H, Maı¨ga A, Mokhtari A, Soulaymani A. Etude de la prise en charge the´rapeutique des intoxications aigue¨s dans la ville de Bamako au Mali de 2000 a` 2010. Antropo 2012 ; 26 : 11-8. 2. Ouammi L, Rhalem N, Aghandous R, et al. Profil e´pide´miologique des intoxications au Maroc de 1980 a` 2007. Toxicologie Maroc 2009 ; 1 : 8-13. 3. Issaka T, Blaise A K, Kouassi D, et al. Aspects e´pide´miologiques et cliniques de ´lintoxication par les de´chets toxiques dans le district d’Abidjan. Editions John Libbey Eurotext 2006; 1-1. Consultable sur le site http://www.jle.com/e-docs/resume.phtml?cle_doc = 00045628 4. Tchicaya AF, Wognin SB, Kouassi YM, et al. Aspects e´pide´miologiques des intoxications aigues chez les adultes au Centre Hospitalier Universitaire de Yopougon de 1994 A 2003. Med Afr Noire 2007 ; 54 : 613-8. 5. Person HE, Sjo¨berg GK, Haines JA, et al. Poisoning Severity Score. Grading of Acute. Poisoning. Clin Toxicol 1998 ; 36 : 205-13. 6. Dranger E, Remington P. YPLL. A Summary Measure of Premature Mortality Used in Measuring the Health of Communities. Issue brief. 2004 ; 5 (7):1-2. http://uwphi.pophealth.wisc.edu/publications/issue-briefs/issueBriefv05n07.pdf. 7. Banque Mondiale. Population totale : indicateurs du de´veloppement dans le monde. Consulte´ le 20/05/2013 sur http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL 8. Samake´ S, Diop M, Coulibaly SY, Berthe IB, Keita S, Keita DG. Annuaire Statistique des Hoˆpitaux du Mali. Syste`me d’Information Hospitalier 2008 2008 ; ; 18-43. 9. Peden M, Oyegbite K, Ozanne-Smith J, Hyder A, Branche C, Rahman AKM F, et al. Organisation Mondiale de la Sante´, Fonds des Nations unies pour l’enfance sur la pre´vention des traumatismes chez l’enfant. Edition de l’OMS, 2008 : 123-44. 10. Samake´ BM, Coulibaly Y, Diani N, Drame AI, Cisse MA, Doumbia MZ, et al. Profil e´pide´miologique des intoxications aigue¨s au Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Toure´. Mali Me´dical 2011 ; XXVI : 34-6. 11. Djibril MA, Ouro-Bang’na Maman AF, Agbetra N, Redah D. Aspects e´pide´miologique et pronostique des intoxications aigue¨s de l’adulte au Centre Hospitalier Universitaire de Lome´ Togo. A propos de 56 cas. Med Afr Noire 2008 ; 5509 : 437-40. 12. Agossou T, Boccovi-Sokpoh H, Gandaho P, Houngbe J, Ahyi RG. La tentative de suicide comme re´ponse a` la souffrance psychique de l’adolescent et du jeune a` propos de 66 cas rec¸us dans le service de psychiatrie du Centre National Hospitalier et Universitaire de Cotonou. Be´nin Me´dical 1998 ; 10 : 103-5. 13. Adama M. T. E´tude pilote des intoxications dues aux pesticides agricoles au Burkina Faso. Rapport 2010. In collaboration with Designated National Authorities (DNA) Agriculture et Environnement de la Convention de Rotterdam du Burkina Faso. 14. Gandaho P, Houngbe-Ezin J, Agossou Th, Ahyi RG. Evolution des conduites toxicomaniaques a` Cotonou. Be´nin Me´dical 1998 ; 10 : 107-8. 15. J.B. Rakotondrabe, H.Y.H Rantomalala, HBR Randriarimanga. Les causes de de´ce`s d’apre`s une e´tude thanatologique au Centre Hospitalier Universitaire HJRA – Madagascar. 16. Azoumah KD, Djadou KE, Douti K, et al. Les intoxications aigue¨s accidentelles en milieu hospitalier pe´diatrique au Centre Hospitalier Universitaire de Kara (Togo) : Elsevier Masson SAS. Arch Pediatr 2008 ; 15 : 1707-10.

Me´decine et Sante´ Tropicales, Vol. 24, N8 2 - avril-mai-juin 2014

[Fatal poisoning in Mali].

The aim of this study was to determine the epidemiological characteristics of the cases of fatal poisoning in Mali...
282KB Sizes 5 Downloads 3 Views