Cancer/Radiothérapie 18 (2014) 59–63

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Cas clinique

Sarcome à cellules folliculaires dendritiques de la région ORL Follicular dendritic cell sarcoma in head and neck region T. Cerda a,b,1 , X.S. Sun a,∗,b,1 , A. Cazorla c , C. Laurent d,e , F. Floret f , J. Haudebourg g , A. Thyss h , J. Thariat i a

Département de radiothérapie, centre hospitalier régional universitaire de Besanc¸on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France Département de radiothérapie, centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, boulevard du Maréchal-Juin, 25209 Montbéliard cedex, France Service d’anatomopathologie, centre hospitalier régional universitaire de Besanc¸on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France d Laboratoire d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU Purpan, place du Dr-Baylac, 31059 Toulouse, France e Université Paul-Sabatier, 31062 Toulouse cedex 9, France f Service d’ORL, centre hospitalier régional universitaire de Besanc¸on, hôpital Jean-Minjoz, 3, boulevard Fleming, 25030 Besanc¸on, France g Service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenue Valombrose, 06189 Nice, France h Service d’oncologie médicale, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenue Valombrose, 06189 Nice, France i Département de radiothérapie, centre Antoine-Lacassagne, institut universitaire de la face et du cou, université de Nice-Sophia-Antipolis, 33, avenue Valombrose, 06189 Nice, France b c

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 27 mai 2013 Rec¸u sous la forme révisée le 14 octobre 2013 Accepté le 22 octobre 2013 Mots clés : Sarcome à cellules folliculaires dendritiques Tumeur rare Parotide Adénopathie Chirurgie Chimiothérapie Radiothérapie

r é s u m é Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques sont une entité relativement récente, phénotypiquement mixte en histopathologie, la rendant difficile à classer entre une pathologie lymphomateuse et un sarcome. Le traitement est de fait peu consensuel dans la littérature. Nous rapportons deux cas de localisations de la tête et du cou, d’évolution favorable après chirurgie et radiothérapie. Une analyse histopathologique est fournie et une revue de la littérature proposée, permettant de discuter les stratégies thérapeutiques adaptées aux sarcomes à cellules folliculaires dendritiques. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

a b s t r a c t Keywords: Extranodal follicular dendritic cell sarcoma Rare tumour Parotid Lymph node Surgery Chemotherapy Radiation therapy

Follicular dendritic cell sarcomas are a recently described entity, with biphenotypic characteristics of lymphomas and sarcomas. The treatment is hardly consensual in the literature. We report two head and neck cases, of favorable outcome after surgery and radiotherapy. Histopathology and differential diagnoses are discussed as well as the therapeutic strategies used. © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (X.S. Sun). 1 Co-premiers auteurs.

Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques sont une entité nosologique de découverte relativement récente, appartenant, selon la classification 2008 de l’Organisation mondiale de la santé, au groupe des tumeurs à cellules histiocytaires et

1278-3218/$ – see front matter © 2013 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.canrad.2013.10.010

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dendritiques. En effet, ces tumeurs furent d’abord suspectées en 1978, et les premiers cas avec localisation ganglionnaire ont été caractérisés en 1986 [1]. Une centaine de cas cliniques sont rapportés dans la littérature avec des prises en charge radicalement différentes. La caractérisation de cette entité est difficile, ce qui pose la question d’une maladie de type hématologique (lymphome) ou de type sarcome même après études immunohistochimiques rapportant, par exemple, à la fois une expression de la anti-vimentine et des CD. De plus, il existe d’autres entités proches, comme les formes à cellules interdigitées, mais pour lesquelles il existe encore moins de données [2]. Des cas de maladie de Castleman localisée sous-jacente ont aussi été rapportés dans les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques. La présence de cette maladie associée n’est pas fortuite, mais le substratum physiopathologique est inconnu. Ces incertitudes posent des problèmes majeurs de stratégie thérapeutique. En effet, selon les convictions institutionnelles, certains sarcomes à cellules folliculaires dendritiques seront traités par cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, et prednisone (CHOP) ou après chirurgie le plus souvent, comme un lymphome. D’autres sarcomes à cellules folliculaires dendritiques auront une prise en charge de type sarcome par chirurgie suivie de radiothérapie. Les doses de radiothérapie sont très variables, la tendance étant néanmoins de diminuer la dose par rapport à celle délivrée dans les sarcomes. Dans la série la plus importante rapportée (74 cas), le traitement était essentiellement fondé sur la chirurgie et la radiothérapie, mais les auteurs se sont posé la question de la chimiothérapie pour laquelle il n’y avait pas de données [2]. Les localisations anatomiques sont très variables, de forme ganglionnaire ou extraganglionnaire. Ces maladies métastasent peu. Seuls deux cas de sarcome à cellules folliculaires dendritiques de la parotide ont été décrits à ce jour. Nous rapportons le cas de deux patientes ayant eu un sarcome à cellules folliculaires dendritiques de la sphère oto-rhinolaryngologie (ORL) et pour lesquelles la question d’une irradiation s’est posée. Notre but était de faire le point sur le comportement « hématologique » ou « sarcomateux » de cette maladie, proposer des recommandations de dose de radiothérapie adjuvante, le cas échéant, mais aussi de tenter de mieux caractériser cette entité sur le plan moléculaire à partir des données de la littérature. L’analyse des deux cas a été argumentée sur la base d’une recherche de la littérature franc¸aise et anglophone de 1986 à 2013 en utilisant les termes MeSH : sarcome à cellules

folliculaires dendritiques, tumeur rare, parotide, adénopathie, chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie. Nous avons examiné les approches thérapeutiques sur la période 2000–2013. 2. Cas cliniques 2.1. Observation 1 Le premier cas est celui d’une patiente de 80 ans consultant pour une tuméfaction parotidienne gauche apparue quatre mois auparavant, isolée, asymptomatique, en particulier sans paralysie faciale. Elle avait pour antécédents une hypertension artérielle, un adénocarcinome mammaire droit de stade T1N0M0, traité en 2004 par chirurgie conservatrice associée à une irradiation adjuvante du sein droit et de l’aire sus-claviculaire droite, et un carcinome basocellulaire du nez traité en 1989 par chirurgie seule, les deux cancers étant en rémission complète. Le bilan radiologique comportait une échographie du cou objectivant une masse de 25 × 19 mm du pôle inférieur de la parotide gauche et une IRM cervicoparotidienne objectivant une tumeur enchâssée dans la partie inférieure de la parotide, ovalaire, relativement homogène, accolée à sa partie antérieure à la veine jugulaire externe (Fig. 1). Cette lésion prenait le contraste de fac¸on intense et homogène en séquence de perfusion. La scanographie thoraco-abdominale et la tomographie par émission de positons (TEP)–scanographie étaient sans anomalie en dehors de la région parotidienne. La patiente était traitée par parotidectomie partielle avec dissection et conservation du nerf facial. L’examen macroscopique montrait une lésion ovoïde mesurant 2,8 cm de grand axe bien limitée en périphérie. À la coupe, cette lésion montrait un aspect homogène, beigeâtre et était de consistance molle. À l’examen microscopique, on observait un parenchyme ganglionnaire intraparotidien augmenté de volume, siège d’une prolifération tumorale indifférenciée de disposition péri- ou intrasinusoïdale, s’agenc¸ant en nappes ou de manière fasciculaire. Il persistait quelques follicules lymphoïdes entre les massifs tumoraux. En périphérie du ganglion, on observait un parenchyme parotidien d’aspect histologiquement normal mais dissocié par cette prolifération. Il n’y avait pas de nécrose. Les cellules tumorales étaient de taille moyenne à grande, au noyau irrégulier, à chromatine fine et fortement nucléolé, entourée d’un cytoplasme éosinophile abondant, leur conférant une allure histiocytaire. De rares cellules présentaient des atypies

Fig. 1. IRM en T1 spir avec injection de gadolinium montrant une tumeur enchâssée dans la partie inférieure de la parotide, ovalaire, accolée à sa partie antérieure à la veine jugulaire externe, prenant le contraste de fac¸on intense et homogène ; elle mesure 20 mm × 25 mm × 27 mm ; a : coupe coronale ; b : coupe axiale. Spir T1 gadolinium-enhanced MRI showing a tumour of the lower part of the parotid, contiguous to the anterior part of the external jugular vein, with intense homogeneous contrast enhancement, of 20 mm × 25 mm × 27 mm; a: coronal view; b: axial view.

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Fig. 2. Aspects microscopiques : prolifération tumorale diffuse mal limitée (astérisque noire) de cellules polygonales au cytoplasme abondant, éosinophile et au noyau rond ou ovalaire bien nucléolé et comportant une fine chromatine. Atypies modérées avec quelques mitoses atypiques (flèches blanches). Nombreux lymphocytes et neutrophiles isolés ou regroupés en amas (astérisque blanche) (coloration hématoxyline–éosine, × 200). Encart : expression d’un marqueur folliculaire dendritique par les cellules tumorales (immunohistochimie CNA42, × 200). Microscopic findings: diffuse, poorly defined tumour proliferation (dark asterisk) made of large cells with abundant and eosinophilic cytoplasm, oval or round nuclei, prominent nucleoli with a thin chromatin. Rare atypical abnormal mitoses (white arrows). Several isolated or clustered lymphocytes and neutrophils (white asterisk) (hematoxylin and eosin staining, × 200). Insert: expression of a follicular dendritic marker on tumour cells (CNA42 immunostaining, × 200).

cytonucléaires plus marquées avec un noyau volumineux parfois plurilobé. Quelques mitoses atypiques étaient présentes. L’infiltrat inflammatoire environnant était polymorphe, composé de plasmocytes, lymphocytes et polynucléaires neutrophiles, regroupés en amas. L’étude immunohistochimique montrait une expression de l’antigène CNA42 (marqueur folliculaire dendritique) et une expression variable des antigènes CD45, PS100 (marqueur dendritique) et de CD68 (marqueur histiocytaire). En revanche, les autres marqueurs dendritiques ou langheransiens n’étaient pas exprimés (CD1a, langerin). Les marqueurs hématopoïétiques MPO, CD20, CD79a, CD3, CD30, CD163 n’étaient aussi pas exprimés et il n’y avait pas d’expression des marqueurs épithéliaux (AE1/AE3, épithélial membrane antigène [EMA]) ou mélanocytaires (HMB45). L’indice de prolifération (Ki-67) était évalué à 10–15 %. L’hybridation in situ avec la sonde EBV encoded small RNAs (EBER) était négative. L’examen anatomopathologique conclut à un sarcome à cellules folliculaires dendritiques en exérèse incomplète microscopiquement (R1), la tranche de section arrivant au contact des branches nerveuses qui étaient refoulées mais non infiltrées (Fig. 2). Après avis de la réunion de concertation pluridisciplinaire locale et de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) nationale bimensuelle du Réseau d’expertise franc¸ais des cancers ORL rares (Refcor), une radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) rotationnelle a été délivrée à la dose de 40 Gy en 20 fractions et quatre semaines dans les niveaux Ib, II, III, IV, V homolatéraux gauches, avec complément dans le lit tumoral de 10 Gy en cinq fractions de 2 Gy et une semaine (avec marges d’un cm dans toutes les directions sur le lit tumoral) (Fig. 3). La patiente présentait une épidermite aiguë de grade 1 au décours immédiat de l’irradiation. La patiente est en situation de rémission sans séquelle avec 6 mois de recul après le diagnostic et trois mois après la fin de la radiothérapie. 2.2. Observation 2 La deuxième patiente était une patiente de 50 ans sans antécédent en dehors d’une thyroïdectomie partielle pour nodule

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Fig. 3. Distribution de dose en vue coronale en radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité rotationnelle pour le cas parotidien : 40 Gy dans la zone de faible risque correspondant aux ganglions des niveaux jugulocarotidiens en bleu et 50 Gy dans la zone de haut risque correspondant au lit parotide en orange (parotidectomie R1). Dose distribution on coronal rotational intensity-modulated radiotherapy for the parotid case: 40 Gy in low risk levels corresponding to the jugulocarotid nodal areas (in blue) and 50 Gy in the area of high risk corresponding to the parotid bed (in orange) (parotidectomy R1).

bénin. Elle consultait pour l’apparition d’une masse sus-claviculaire isolée notée depuis deux mois. L’échographie cervicale et le scanner révélaient une masse bien limitée de 50 mm de grand axe, isolée, à proximité de l’œsophage. La patiente était asymptomatique. Elle a bénéficié d’une résection de la masse sus-claviculaire et des ganglions jugulocarotidiens inférieurs et moyens droits. Les marges chirurgicales étaient inférieures à 5 mm (2 mm) mais la situation anatomique ne permettait pas une reprise au large, celle-ci étant jugée trop risquée sur le plexus brachial. Histologiquement, il s’agissait d’un sarcome à cellules folliculaires dendritiques ganglionnaires sur maladie de Castleman sous-jacente de novo. L’adénopathie comportait des nodules tumoraux entre des travées de refend. Les cellules, grandes, épithélioïdes, au cytoplasme éosinophile au noyau volumineux pléomorphe, étaient disposées en nappes. L’indice mitotique était élevé dans ces territoires. Les centres clairs apparaissaient remaniés sans nette couronne lymphocytaire, de morphologie fusiforme. Ces centres clairs étaient dotés d’un stroma fibrohyalin évocateur de lésions de Castleman. L’immunomarquage montrait une négativité des anticorps antiépithéliaux AE1/AE3, EMA et P63, de la PS100, de l’HMB45 et du Melan A, et de CD45, CD20, CD3, CD15, CD30, CD34 et CD31. Le marquage anti-CD23 était cytoplasmique intense. L’hybridation in situ avec sonde EBER à la recherche d’un virus d’Epstein-Barr était négative. Dans ce deuxième cas, les cellules tumorales n’exprimaient pas l’epidermal growth factor receptor (EGFR) en immunohistochimie. Une technique de biologie moléculaire par pyroséquenc¸age, à partir du bloc de paraffine, n’a pas mis en évidence de mutation de l’EGFR dans ses exons 18, 19, 20 et 21. Les berges d’exérèse étaient réduites : elles passaient en territoire non tumoral adipeux mais au contact de la capsule de l’adénopathie (et étaient donc considérées comme R1), avec trois autres ganglions d’architecture normale. La RCP spécialisée dans les tumeurs rares (centre rattaché au groupe sarcome franc¸ais GSF) n’a pas retenu d’indication de chimiothérapie mais d’irradiation. Celle-ci était délivrée à la dose de 40 Gy en 20 fractions et quatre semaines selon un mode conformationnel avec des marges de 3 cm crânio-caudalement et 1,5 cm latéralement et antéropostérieurement. La patiente a été atteinte

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d’une épidermite de grade 1 et une œsophagite de grade 1 pendant trois semaines après l’irradiation. Elle était en situation de rémission sans séquelle avec deux ans de recul par rapport à la date du diagnostic.

3. Discussion Nous rapportons deux cas de localisation de sarcome à cellules folliculaires dendritiques à la région ORL. Cette entité est encore mal connue. Nos deux cas ont été présentés dans une RCP spécialisée dans les tumeurs rares (GSF et Refcor) et ont fait l’objet d’une relecture centralisée de la pièce anatomopathologique. Deux formes de sarcomes dendritiques sont décrites, la forme dite à cellules folliculaires dendritiques et celle à cellules interdigitées dendritiques. La publication de Perkins et Shinohara du surveillance epidemiology and end results (SEER) distingue ces deux entités nosologiques [2]. Sur le plan macroscopique, le sarcome à cellules folliculaires dendritiques est généralement bien limité, de consistance solide, de teinte grisâtre avec dans certains cas, des foyers de nécrose et d’hémorragie. La tumeur mesure entre 1 à 20 cm de grand axe avec une moyenne de 5 cm. Sur le plan microscopique, la prolifération tumorale est faite de cellules fusiformes, polygonales ou ovoïdes, d’architecture variable (storiforme, fasciculaire, en nappes ou nodulaire, avec parfois des enroulements). Le noyau est allongé, à chromatine vésiculaire ou finement granulaire et renfermant un nucléole parfois proéminent. L’index mitotique est de 0 à dix mitoses/dix champs. Un tissu lymphoïde résiduel est parfois présent prenant l’aspect d’un centre germinatif résiduel ou d’un groupement de petits lymphocytes en périvasculaire. Sur le plan immunohistochimique, les cellules tumorales expriment au moins un des marqueurs des cellules folliculaires dendritiques (CD23, CD35, CD21, CNA42). Par ailleurs, les cellules tumorales expriment la vimentine, l’EMA dans 41 % des cas et la protéine S100 dans 31 % des cas et le CD68. Il n’y a pas d’immunoréactivité pour les marqueurs épithéliaux (cytokératines) et l’HMB45. Il existe une variante de tumeur pseudo-inflammatoire à cellules folliculaires dendritiques associée au virus d’Epstein-Barr (EBV). Le principal diagnostic différentiel du sarcome à cellules folliculaires dendritiques est une métastase d’un carcinome indifférencié ou d’un mélanome achromique. Cependant, l’absence d’expression de la cytokératine AE1–AE3, de l’HMB45 et du Melan A par les cellules tumorales permet d’éliminer ce diagnostic. Un autre diagnostic différentiel du sarcome à cellules folliculaires dendritiques est le sarcome à cellules interdigitées. Celui-ci, de présentation clinique et morphologique comparable à celle du sarcome à cellules folliculaires dendritiques, se distingue de ce dernier par l’absence d’expression des marqueurs des cellules folliculaires dendritiques. Le sarcome histiocytaire, tumeur très rare, de siège le plus souvent extraganglionnaire, se caractérise par une prolifération diffuse de cellules de grande taille, atypiques et exprimant les marqueurs des cellules dendritiques PS100 et histiocytaires comme le CD163 et le CD68. Les marqueurs des cellules folliculaires dendritiques ne sont pas exprimés. Enfin, l’histiocytose langheransienne se définit par une infiltration sinusoïdale ganglionnaire par des cellules de grande taille, au cytoplasme abondant et éosinophile n’exprimant pas les marqueurs des cellules folliculaires dendritiques. L’étude immunohistochimique est capitale afin de porter le diagnostic et d’écarter les diagnostics différentiels. Une étude a montré l’expression d’EGFR par les cellules tumorales [3]. Dans le cas parotidien, les cellules tumorales n’exprimaient par l’EGFR en immunohistochimie et ne présentaient pas de mutation EGFR en étude moléculaire par pyroséquenc¸age. Il semble exister une légère prédominance chez les hommes par rapport aux femmes [2]. L’âge en médiane supérieur à 40 ans

mais très variable, allant de 9 à 86 ans [2,4–6]. Une étiologie virale (EBV et herpès virus humain 8 [HHV-8]) a été évoquée dans le développement d’un sarcome à cellules folliculaires dendritiques [7,8]. Ce sarcome s’associe parfois (10 à 20 % des cas) à la maladie de Castleman de type vasculohyalin, pathologie lymphoproliférative atypique d’étiologie indéterminée, possiblement précurseur [7]. Une maladie de Castleman était notée chez un de nos deux cas. En termes de traitement, le phénotype mixte de ces sarcomes et leur comportement encore non complètement élucidé sont responsables de traitements très hétérogènes. Le phénotype sarcomateux suggèrerait plutôt une attitude chirurgicale radicale suivie de radiothérapie adjuvante tandis que le phénotype lymphomateux folliculaire pourrait suggérer une radiothérapie isolée en cas de stade I ou une attitude combinée de chimiothérapie de type CHOP (négativité du marquage anti-CD20 dans les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques) et radiothérapie locale. Les données de la littérature semblent suggérer une maladie ayant une bonne réponse au traitement mais des récidives surviennent dans environ un quart des cas, généralement tardivement et hors volume irradié (lorsqu’une radiothérapie a été délivrée) volontiers sur un mode métastatique pulmonaire. Ces récidives bénéficieraient d’un traitement de rattrapage volontiers local. La probabilité de survie dépasserait 75 % à cinq ans pour les localisations ORL dans la série de Li et al. et pour celle de Perkins et Shinohara pour le SEER [2,4]. La chirurgie est le traitement de référence dans toutes les localisations à double titre, diagnostique et thérapeutique (réalisée chez 94 % des patients dans la série de Perkins et Shinohara [2]). Il n’est pas possible de retenir de modalité spécifique pour la chirurgie. Le phénotype sarcomateux inciterait à une chirurgie locale large avec berges saines. L’histoire naturelle des sarcomes à cellules folliculaires dendritiques de la tête et du cou ne semble pas indiquer une propension à développer des métastases ganglionnaires dans plus de 10 % des cas. Un curage systématique ne saurait donc être recommandé en dehors, peut être, des formes initiales ganglionnaires. Dans la série la plus importante de la littérature, celle de Perkins et Shinohara, il n’y avait pas de données de chimiothérapie [2]. Lorsqu’elle est réalisée, elle l’est généralement en situation adjuvante [7], compte tenu des difficultés à faire le diagnostic de sarcome à cellules folliculaires dendritiques, le plus souvent établi sur pièce opératoire. De plus, dans les formes ORL, rares sont les patients qui ont rec¸u une chimiothérapie (10 %) [4]. Dans ces cas, celle-ci comportait majoritairement du CHOP. Assez souvent dans ces cas, le diagnostic de sarcome à cellules folliculaires dendritiques avait été redressé après un premier diagnostic de lymphome. Dans la série de Perkins et Shinohara [2], 30 % des patients ont été irradiés, dans celle de Li et al. 10 %, dans les formes ORL [2,4]. Une irradiation n’était pas alors systématiquement délivrée en situation adjuvante. La radiothérapie adjuvante semblerait pouvoir diminuer le taux de récidive par rapport à une chirurgie seule [9]. Les doses délivrées contrastent avec notre attitude consistant à délivrer une dose intermédiaire en raison du profil de récidives observé dans la littérature (plus volontiers à distance) et de la bonne réponse initiale aux traitements, de « type lymphome ». La dose dans la littérature variait de 59,4 à 70 Gy en fractionnement conventionnel sans précision sur les volumes cibles. Nous avons dans chacun de nos cas irradié un hémi-cou : pour le cas parotidien en incluant les aires ganglionnaires sous-jacentes en tenant compte de la présence d’un ganglion métastatique, et dans le cas ganglionnaire pur par l’ajout de marges de type sarcome [10]. De plus, dans notre cas parotidien, il a été délivré une RCMI pour mieux épargner les organes à risque [11]. Dans la littérature, la plupart des patients n’avaient pas rec¸u d’irradiation adjuvante des aires ganglionnaires.

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4. Conclusion

Références

Les sarcomes à cellules folliculaires dendritiques ORL sont une entité nosologique encore en cours de démembrement. Compte tenu des difficultés diagnostiques, des « phénotypes mixtes hémato-mésenchymateux » doivent faire demander une relecture histologique dans le cadre d’un réseau spécialisé. L’indication thérapeutique doit faire l’objet d’une RCP experte. La chirurgie carcinologique est réalisée dans un but diagnostique et thérapeutique. Une irradiation adjuvante du lit opératoire semble pouvoir être recommandée sous réserve d’un niveau de preuve qui reste très faible et nécessiterait de larges observations. La réalisation d’une chimiothérapie de type CHOP a pu être liée à une erreur diagnostique initiale ; il est difficile de proposer une recommandation en l’absence de données de chimiothérapie dans la plus grosse série du SEER. Une étude prospective est en cours au sein des réseaux franc¸ais de traitement des sarcomes et des lymphomes.

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Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Remerciements Nous remercions le Pr. Lawrence M. Weiss (Clarient Diagnostics, Aliso Viejo, CA 92656, États-Unis) pour sa relecture des lames.

[Follicular dendritic cell sarcoma in head and neck region].

Follicular dendritic cell sarcomas are a recently described entity, with biphenotypic characteristics of lymphomas and sarcomas. The treatment is hard...
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