Table ronde

Actualités sur les arboviroses et virus des fièvres hémorragiques chez l’enfant (GPTrop)

Introduction sur les arboviroses et les fièvres hémorragiques virales chez l’enfant P. Imbert Service maternité - pédiatrie, hôpital d’instruction des armées Bégin, 69 avenue de Paris, 94163 Saint-Mandé Cedex, France

L

es arboviroses et les fièvres hémorragiques virales (FHV) sont des infections émergentes  [1,2]. Elles représentent une menace de santé publique à l’échelon non seulement régional, mais aussi mondial comme l’illustrent en 2014 plusieurs épidémies dans la France d’outremer (dengue, chikungunya et infection à virus Zika), et surtout celle à virus Ebola en Afrique de l’Ouest, qui a connu une ampleur inédite avec un début de pandémie. Chez l’enfant, leurs spécificités concernent surtout le nouveau-né et le nourrisson. Ces infections méritent d’être connues des praticiens exerçant non seulement outremer, mais également en métropole car pouvant être importées, voire générer des cas autochtones.

1. Les arboviroses [1] 1.1. Épidémiologie Les arbovirus (arthropod-borne virus) sont des virus à ARN transmis par des arthropodes hématophages (moustiques, tiques, phlébotomes, culicoïdes). Ils ont une répartition très large, pas seulement tropicale. Parmi plus de 500 identifiés, environ 50 sont pathogènes pour l’homme (Tableau I). En effet, la plupart des arboviroses sont des zoonoses, l’homme n’étant infecté qu’accidentellement. L’incidence des infections humaines est en nette augmentation depuis 20 ans, pour plusieurs raisons : modification écologique des cycles virus-vecteur-hôte, accroissement de la population, augmentation des voyages, des migrations et des réfugiés, mais aussi diminution des programmes de lutte.

1.2. Clinique Les arboviroses ont un spectre clinique étendu, allant des formes asymptomatiques aux formes létales. Il s’agit le plus souvent d’infections aiguës de courte durée, réalisant un syndrome infectieux non spécifique, pouvant se compliquer au bout de quelques jours. Trois grands tableaux dominent, selon les virus : fièvre algique, fièvre hémorragique et méningo-encéphalite. Les complications sont pourvoyeuses d’une létalité élevée et de séquelles, notamment les encéphalites.

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200 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Archives de Pédiatrie 2015;22(HS2):200-201

Toute arbovirose survenant pendant la grossesse peut se transmettre au fœtus, avec des conséquences variables selon le terme de la grossesse et selon le virus  [3,4]. Mais les connaissances dans ce domaine sont récentes et encore très fragmentaires, sauf pour le chikungunya qui a bénéficié d’études approfondies à la Réunion. L’immunité résiduelle protectrice est définitive. Elle est spécifique du virus, voire du sérotype, ne protégeant dans ce cas que vis-à-vis du sérotype responsable de l’infection récente (dengue).

1.3. Diagnostic L’isolement du virus est rarement possible : virémie brève, fragilité du virus, nécessité de laboratoires sécurisés, d’où l’intérêt de la biologie moléculaire (polymerase-chain reaction en temps réel ou RT-PCR), et du sérodiagnostic (apparition rapide des IgM, puis ascension des IgG). Dans certains cas, la détection d’un antigène spécifique peut permettre un diagnostic rapide (dengue).

1.4.  Traitement La prise en charge est essentiellement symptomatique, en l’absence de thérapeutique antivirale spécifique. Dans certaines arboviroses (fièvre de la vallée du Rift, fièvre hémorragique de Crimée-Congo), la ribavirine a été proposée, mais son efficacité est discutée [1]. La favipiravir a récemment montré son intérêt dans des modèles animaux de fièvre de la vallée du Rift [5,6].

1.5. Prophylaxie Peu d’arboviroses (fièvre jaune, encéphalite à tiques, encéphalite japonaise) sont accessibles à une vaccination. La prévention repose essentiellement sur la protection antivectorielle individuelle et collective [7].

2. Les fièvres hémorragiques virales [2,8] Sous ce terme sont regroupées plusieurs infections virales systémiques, pouvant comporter au cours de leur évolution un syndrome hémorragique potentiellement grave. Sont exclues de cette définition les autres infections, bactériennes, virales ou parasitaires, pouvant s’accompagner de manifestations hémorragiques. Ces infections sont très médiatisées en raison de leur létalité élevée et du risque d’importation. Seules seront évoquées ici les fièvres hémorragiques sévissant en Afrique.

Introduction sur les arboviroses et les fièvres hémorragiques virales chez l’enfant

Tableau I Principaux arbovirus responsables de maladie humaine et leurs vecteurs Famille

Genre

Espèce / Maladie

Vecteur

Flaviridae

Flavivirus

Togaviridae

Alphavirus

Bunyavridae

Bunyavirus Phlebovirus

Dengue 1, 2, 3, 4 Fièvre jaune Infection à virus du Nil occidental* Encéphalite japonaise* Encéphalite à tiques* Infection à virus Zika Chikungunya O’Nyong-Nyong Encéphalites équines* Encéphalite de Californie* Infection à virus Toscana* Fièvre de la vallée du Rift Fièvre hémorragique de Crimée-Congo*

Moustique (Aedes sp.) Moustique (Aedes sp.) Moustique (Culex sp.) Moustique (Culex sp.) Tique (Ixodes ricinus) Moustique (Aedes sp.) Moustique (Aedes sp.) Moustique (Anopheles sp.) Moustiques Moustique** Phlébotome Moustiques Tique (Ixodes sp.)

Nairovirus

* arbovirose des régions tempérées ** virus isolé dans le moustique, mais rôle vecteur non démontré

2.1. Épidémiologie Plusieurs familles de virus sont responsables de FHV africaine : Arenaviridae (fièvre de Lassa), Bunyaviridae (fièvre de la vallée du Rift, fièvre de Crimée-Congo) et Filoviridae (fièvre d’Ebola et fièvre de Marburg). Il s’agit, soit d’arboviroses transmises par des moustiques ou des tiques, soit de viroses à réservoir animal (rongeurs, chauve-souris) ou encore inconnu.

2.2. Clinique Après une incubation variable (3 à 21 jours), apparaît un syndrome infectieux non spécifique. Puis des complications peuvent survenir, parmi lesquelles un syndrome hémorragique inconstant (5 à 70  % des cas). L’évolution est fatale dans des proportions variables selon les maladies, 10 % pour la fièvre de Lassa jusqu’à 85 % pour l’infection à Ebola, selon les épidémies pour un même virus, et selon l’âge. Le décès est souvent multifactoriel (déshydratation, choc hypovolémique, défaillance multisystémique), les hémorragies expliquant rarement à elles seules le décès.

2.3. Diagnostic Il repose essentiellement sur la RT-PCR, à mettre en œuvre pour tout cas suspect en laboratoire de haute sécurité, de type P4 (Ebola, Marburg, Crimée-Congo) ou P3 pour les autres virus. Sa négativité permet de lever l’isolement prophylactique et de réaliser les autres explorations à visée diagnostique.

2.4.  Traitement Les FHV requièrent des mesures particulières d’isolement (chambres à pression négative en Occident) pour éviter tout risque de contamination. La prise en charge symptomatique a un impact majeur sur le pronostic, comme le suggère pour la fièvre d’Ebola la différence importante de létalité entre les cas importés (20  %) et les cas traités en zone d’endémie (60 %) lors de l’épidémie en cours en Afrique de l’Ouest. Plusieurs traitements antiviraux sont actuellement à l’étude, dont le favipiravir qui s’est montré actif en expérimentation ani-

male sur les Arenavirus [5] et sur les Filovirus [9]. Ce produit fait actuellement l’objet d’essais thérapeutiques dans des centres de traitement Ebola en Afrique de l’Ouest.

2.5. Prophylaxie Plusieurs candidats vaccins ont été proposés contre le virus Ebola. Des essais vaccinaux ont débuté en zone d’endémie début 2015, apportant une lueur d’espoir face à ce redoutable fléau [9]. Cette table ronde, motivée par l’actualité, va permettre de faire une mise au point sur les enjeux pédiatriques de 3 de ces maladies : dengue, chikungunya et fièvre d’Ebola.

Références [1] Tolou H. Arboviroses. In: Gentilini M, Caumes E, Danis M, et al. : Médecine Tropicale . Collection Médecine – Science, Lavoisier Ed., Paris, France, 2012, pp 711-736. [2] Tolou H. Fièvres hémorragiques virales. In: Gentilini M, Caumes E, Danis M, et al. :  Médecine Tropicale  . Collection Médecine – Science, Lavoisier Ed., Paris, France, 2012, pp 737-747. [3] Pouliot SH, Xiong X, Harville E, et al. Maternal dengue and pregnancy outcomes: a systematic review. Obstet Gynecol Surv 2010;65:107-18. [4] Gérardin P, Barau G, Michault A, et al. Multidisciplinary prospective study of mother-to-child Chikungunya virus infections on the island of La Reunion. PLoS Med 2014, 5:e60. [5] Gowen BB, Wong MH, Jung KH, et al. In vitro and in vivo activities of T-705 against arenavirus and bunyavirus infections. Antimicrob Agents Chemother 2007;51:3168-76. [6] Scharton D, Bailey KW, Vest Z, et al. Favipiravir (T-705) protects against peracute Rift Valley fever virus infection and reduces delayed-onset neurologic disease observed with ribavirin treatment. Antiviral Res 2014;104:84-92. [7] Recommandations de bonne pratique. Texte court. Protection antivectorielle personnelle ou protection contre les insectes piqueurs et les tiques, 2010. Disponible à : http://www.medecine-voyages.fr/download.php5?id=223 (accès le 27 janvier 2015). [8] Debord T, Imbert P, Rapp C. Fièvres hémorragiques virales africaines : risque d’importation et prise en charge des cas suspects. Rev Méd Interne 2003;24 Suppl 1:33s-7s. [9] Haas H. Virus Ebola. MT pédiatrie 2014;17: 242-7.

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