Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, 206—210

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CAS CLINIQUE

Xanthogranulome juvénile éruptif localisé Localized eruptive juvenile xanthogranuloma S. Vanotti a,b, C. Chiaverini a,∗,b, G. Rostain c, N. Cardot-Leccia d, J.-P. Lacour a,e a

Service de dermatologie, hôpital Archet-2, CHU de Nice, BP 3079, 06202 Nice, France Service de pédiatrie, hôpital Fondation Lenval, CHU, 57, avenue de la Californie, 06200 Nice, France c Cabinet de dermatologie, 11, rue Chateauneuf, 06100 Nice, France d Laboratoire d’anatomie pathologique, hôpital Pasteur, CHU de Nice, 30, avenue de la Voie-Romaine, 06000 Nice, France e Faculté de médecine, université de Nice Sofia Antipolis, 28, avenue de Valombrose, 06107 Nice cedex 2, France b

Rec ¸u le 15 mai 2013 ; accepté le 29 octobre 2013 Disponible sur Internet le 4 d´ ecembre 2013

MOTS CLÉS Xanthogranulome juvénile ; Xanthogranulome en plaque ; Enfant



Résumé Introduction. — Le xanthogranulome juvénile (XGJ) est une histiocytose non langerhansienne se présentant classiquement sous la forme de nodules cutanés jaunâtres isolés ou multiples. Des formes cutanées atypiques, lichénoïdes, réticulées, maculopapuleuses, en plaque ou encore linéaires ont été décrites à partir d’observations isolées. Nous rapportons le cas d’un nourrisson ayant des XGJ éruptifs en plaque de la jambe gauche. Observation. — Une enfant de 13 mois avait depuis l’âge de 2 mois des lésions papuleuses rouge orangé asymptomatiques évoluant par poussées sur la face antérieure de la jambe gauche, sans placard sous-jacent. La recherche d’un signe de Darier était négative. L’examen histologique posait le diagnostic de XGJ. Discussion. — Notre cas se rapproche des XGJ en plaque plutôt que d’une forme multiple, dont la topographie est diffuse. Seuls sept cas semblables ont été rapportés dans la littérature, tous survenus avant cinq mois de vie. La lésion correspondait le plus souvent à une plaque érythémateuse asymptomatique surmontée de petites lésions jaunâtres, de topographie variable et d’apparition parfois progressive. La guérison spontanée était la règle. Il n’y avait pas d’atteinte systémique. Nous présentons ici un cas unique de xanthogranulomes multiples localisés, sans plaque infiltrée sous-jacente évidente, évoluant par poussées. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (C. Chiaverini).

0151-9638/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2013.10.045

Xanthogranulome juvénile éruptif localisé

KEYWORDS Juvenile xanthogranuloma; Xanthogranulome en plaque; Child

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Summary Background. — Juvenile xanthogranuloma (JXG) is a non-Langerhans histiocytosis of young children characterized by solitary or multiple yellowish cutaneous nodules. Atypical skin lesions such as lichenoid eruptions, and pedunculated, maculopapular, plaque-like or linear lesions have been described. We report a case of eruptive XGJ en plaque in the left leg in an infant. Patients and methods. — A 13-month-old child presented asymptomatic eruptive, yellowish papules of the leg measuring 5 to 10 mm since the age of 2 months. There was no cutaneous infiltration between the lesions. Darier’s sign was negative. Histological examination confirmed the diagnosis of JXG. The course of the disease comprised a gradual decrease in the number of active lesions with slight residual pigmentation. Discussion. — Our case was suggestive of JXG en plaque. Only 7 cases have been reported in the literature, all appearing before the age of 5 months. The lesions corresponded mostly to an asymptomatic erythematous plaque studded with small yellowish/red nodules of variable localisation. Spontaneous involvement was noted in all cases. No systemic involvement was found. Herein we present a unique case of localised multiple JXG without evident clinical infiltrating plaque progressing with self-resolving flares. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le xanthogranulome juvénile (XGJ) est une histiocytose non langerhansienne bénigne, spontanément régressive, caractérisée par une accumulation de macrophages chargés en lipides, sans désordre lipidique associé. Parfois congénital (5 à 17 %), il apparaît le plus souvent dans les premiers mois de vie (40 à 70 %) sous la forme d’une papule rose orangé [1,2]. Le XGJ est unique dans plus de 60 % des cas mais des formes multiples généralisées ont été décrites. Nous rapportons l’observation d’un nourrisson présentant des xanthogranulomes multiples éruptifs localisés à la face antérieure de la jambe gauche, compatibles avec un XGJ en plaque. Figure 2. Régression progressive des lésions vers 18 mois et pigmentation séquellaire.

Observation Un nourrisson de 13 mois sans antécédent particulier était amené en consultation pour des lésions papuleuses rouge orangé asymptomatiques, apparues à l’âge de 2 mois sur la face antérieure de la jambe gauche (Fig. 1). Plusieurs

Figure 1. Xanthogranulome juvénile en plaque formé de multiples lésions papuleuses rouge orangé, regroupées au niveau de la jambe gauche.

papules, chacune mesurant 5 à 10 mm de grand axe, siégeaient en permanence sur cette zone mais certaines lésions apparaissaient, sans facteur déclenchant évident, tandis que d’autres disparaissaient sans traitement, en laissant parfois une pigmentation résiduelle (Fig. 2). Il n’existait pas de signe de Darier et la palpation ne décelait pas d’infiltration cutanée entre les papules. Aucune tache café au lait ni aucune autre lésion cutanée n’était présente à l’examen, et il n’y avait pas d’adénopathie palpable. L’examen en dermoscopie était peu contributif, montrant une pigmentation orangée homogène sans vascularisation spécifique. L’examen histologique d’une papule révélait une prolifération d’histiocytes d’aspect fusiforme au sein du derme superficiel et profond, s’agenc ¸ant en faisceaux enchevêtrés associés à des cellules multinucléées tantôt de type Langerhans, tantôt de type Touton (Fig. 3). Il n’y avait pas d’atypie nucléaire ni de figure mitotique. Cette prolifération siégeait au sein d’une discrète fibrose collagène et l’on trouvait de très rares polynucléaires éosinophiles. L’étude immuno-histochimique montrait des histiocytes exprimant le CD68 (KP1) (Fig. 4) mais pas la PS-100, le CD1a ni la langerine. L’ensemble évoquait le diagnostic de XGJ.

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Tableau 1

Résumé des caractéristiques cliniques des cas de xanthogranulome juvénile (XGJ) en plaque publiés dans la littérature.

Articles

Âge de survenue

Sexe

Topographie

Taille (mm)

Aspect clinique

Évolution

Mowbray et al. [7]

1 semaine

Fille

Milieu dos

40—45

Une grande plaque surmontée de plaques jaunâtres < 5 mm

Papules puis plaque érythémateuse surmontée de lésions rose-saumon à 8 mois, puis jaunâtres

Caputo et al. [8]

5 mois

Garc ¸on

Nuque

2—20

Plusieurs petites lésions asymptomatiques

NR

Gass et al. [9]

3 semaines

NR

Rétro-auriculaire et épaule

NR

2 plaques isolées formées de plusieurs petites lésions coalescentes

Perte de relief dans les 4 mois

Chang et al. [6]

Congénital

NR

Cuisse

NR

Une plaque isolée

Violacée à la naissance puis érythrosique et atrophique à 9 mois, avec perte de relief

Clayton et al. [10]

Congénital

Fille

Thorax

35—20

Une plaque « géante » surmontée de gros nodules jaunes < 1 cm

Perte de couleur et molle au toucher

Messeguer et al. [11]

Congénital

Garc ¸on

Dos

30—40

Une plaque gris-brunâtre mal limitée parsemée de lésions nodulo-papuleuses en grappe

Violacées à la naissance puis nodulaires, érythémateuses et jaunâtres, perte de relief

Kaur et al. [12]

3 mois

Fille

Chef, tronc, membres

< 10

8 lésions nodulaires brun rosé

En grappe ou coalescentes, perte de relief

Notre cas

2 mois

Fille

Jambe

5—10

Nodules rouge orangé

Évolution par poussée, diminution du nombre de lésions actives avec pigmentation séquellaire

NR : non renseigné.

S. Vanotti et al.

Xanthogranulome juvénile éruptif localisé

Figure 3. Présence de cellules géantes de type Touton au sein de la prolifération fibrohistiocytaire.

L’évolution à 18 mois était marquée par une diminution progressive du nombre de lésions actives, avec une petite pigmentation séquellaire. L’examen du fond d’œil était normal à 9 et 18 mois.

Discussion Le XGJ se présente le plus souvent sous la forme d’une papule rose orangé asymptomatique, de taille variable (de quelques millimètres à plusieurs centimètres), apparaissant typiquement avant l’âge d’un an, aussi bien chez la fille que chez le garc ¸on. L’extrémité céphalique et la nuque sont préférentiellement touchées mais les lésions peuvent survenir également sur le tronc et les faces d’extension des extrémités. L’évolution naturelle est marquée par une croissance possible pendant les premiers mois de vie puis une régression spontanée entre 6 mois et 3 ans [3—9], avec parfois une hyperpigmentation, une atrophie cutanée ou une cicatrice anétodermique résiduelle

209 [4]. Les XGJ peuvent être isolés (60 %) ou multiples. Dans ce cas, des atteintes extra-cutanées ont été décrites, en particulier oculaires, qui font toute la gravité du pronostic. Des variantes cutanées atypiques ont également été rapportées sous forme d’observations isolées, telles que des éruptions lichénoïdes [5], réticulées, maculopapuleuses, linéaires ou encore en plaque. Dans le cas du XGJ localisé en plaque, la multiplicité des appellations, « en plaque », « en cluster » ou « agminé » est à l’origine d’une certaine confusion, le faible nombre de cas ne permettant pas de justifier d’une telle profusion de dénominations. Bien que constitué de XGJ apparemment isolés les uns des autres, nous avons conclu chez notre patiente à un XGJ en plaque. Seuls sept cas de XGJ en plaque ont été décrits dans la littérature (Tableau 1). Tous étaient survenus avant cinq mois de vie, dont trois cas congénitaux et deux apparus dans les trois premières semaines de vie. Leur topographie était variable, les lésions étant situées aussi bien sur le tronc que sur les membres ou la tête. Leurs dimensions variaient de 2 à 40 mm. L’aspect clinique était le plus souvent celui d’une plaque érythémateuse asymptomatique, surmontée de petites lésions jaunâtres. Dans un cas, les auteurs signalaient deux lésions contiguës « en grain de café » pour lesquelles le diagnostic de XGJ en plaque est discutable. Le reste de l’examen était normal chez tous les enfants (un cas non renseigné) et l’évolution était marquée par une perte de relief et une atténuation de la coloration avant l’âge de 1 an. Notre observation est donc unique à plusieurs égards. Tout d’abord du fait du caractère éruptif des lésions, apparaissant puis disparaissant sans cesse selon un schéma classique dans les formes multiples de XGJ, mais jamais rapporté à notre connaissance dans les formes en plaque ; d’autre part, par l’absence de plaque sous-jacente cliniquement identifiable. Une infiltration infraclinique ne peut cependant être écartée, en l’absence de biopsie en peau saine inter-lésionnelle. Le groupement très atypique des lésions nous a fait réaliser une biopsie cutanée pour confirmer le diagnostic. De même, nous avons fait pratiquer un examen ophtalmologique devant l’absence de série comparative sérieuse permettant de différencier les XGJ localisés des XGJ éruptifs généralisés quant au risque d’atteinte extra-cutanée, et donc du bilan à réaliser. L’examen était motivé également par le caractère éruptif des lésions chez notre patient, plus fréquent dans les formes généralisées. D’après l’étude menée récemment par Chang et al. [6] auprès de 431 dermatologues et 481 ophtalmologistes, en cas de XGJ multiples, l’atteinte viscérale la plus fréquente est oculaire (estimée à 0,3 %), à type d’hyphéma le plus souvent. La normalité de l’examen clinique nous a conduits à ne pas faire d’autre exploration. En dehors des complications rares liées à une atteinte viscérale, le pronostic est habituellement bon, avec résolution spontanée des lésions en quelques mois ou années.

Déclaration d’intérêts Figure 4. Présence d’histiocytes exprimant le marqueur CD68 en immuno-histochimie.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Références [1] Kupfer-Bessaguet I, Staroz F, Plantin P, la Société franc ¸aise de dermatologie pédiatrique. Xanthogranulome juvénile. Ann Dermatol Venereol 2009;136:70—3. [2] Hernandez-Martin A, Baselga E, Drolet BA, Esterly NB. Juvenile xanthogranuloma. J Am Acad Dermatol 1997;36:355—67. [3] Ang P, Tay YK. Anetoderma in a patient with juvenile xanthogranuloma. Br J Dermatol 1999;140:541—2. [4] Sannier K, Dompmartin A, Gallet B, Comoz F, Labbé D, Penven K, et al. Involution atrophique de xanthogranulome juvénile. Ann Dermatol Venereol 2003;130:1047—50. [5] Yoneda Y, Demitsu T, Kubota Y. Juvenile xanthogranuloma with lichenoid appearance. J Dermatol 2012;39:462—5. [6] Chang MW, Frieden IJ, Good W. The risk of intra-ocular juvenile xanthogranuloma: survey of current practices and assessment of risk. J Am Acad Dermatol 1996;34:445—9.

S. Vanotti et al. [7] Mowbray M, Schofield OM. Juvenile xanthogranuloma en plaque. Pediatr Dermatol 2007;24:670—1. [8] Caputo R, Grimalt R, Gelmetti C, Cottoni F. Unusual aspects of juvenile xanthogranuloma. J Am Acad Dermatol 1993;29:868—70. [9] Gass J, Burrows N. Papular juvenile xanthogranuloma en plaque in an infant. Pediatr Dermatol 2008;25:415. [10] Clayton TH, Mitra A, Holder J, Clark SM. Congenital plaque on the chest. Clin Exp Dermatol 2007;32:613—4. [11] Messeguer F, Agustí-Mejias A, Colmenero I, Hernández-Martin A, Torrelo A. Clustered juvenile xanthogranuloma. Pediatr 2012, http://dx.doi.org/10.1111/j.1525-1470. Dermatol 2012.01851.x. [12] Kaur MR, Brundler MA, Stevenson O, Moss C. Disseminated clustered juvenile xanthogranuloma: an unusual morphological variant of a common condition. Clin Exp Dermatol 2008;33:575—7.

[Localized eruptive juvenile xanthogranuloma].

Juvenile xanthogranuloma (JXG) is a non-Langerhans histiocytosis of young children characterized by solitary or multiple yellowish cutaneous nodules. ...
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