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Mise au point
Le poumon est une cible de la dermatomyosite de l’enfant Lung is also involved in juvenile dermatomyositis G. Pouessel a,b , C. Thumerelle a , V. Nève c , T. Santangelo d , S. Flammarion a,b , I. Pruvot e , I. Tillie-Leblond f , A. Deschildre a,∗ a
Unité de pneumologie et allergologie pédiatriques, pôle enfant, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, avenue Avinée, 59037 Lille, France Service de pédiatrie, hôpital Victor-Provo, 59100 Roubaix, France Unité d’exploration fonctionnelle respiratoire pédiatrique, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, avenue Avinée, 59037 Lille, France d Service d’imagerie thoracique, hôpital Calmette, CHRU, 59037 Lille cedex, France e Unité de rhumatologie pédiatrique, pôle enfant, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, avenue Avinée, 59037 Lille cedex, France f Service de pneumologie et d’immuno-allergologie, hôpital Calmette, CHRU, 59037 Lille cedex, France b c
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Dermatomyosite Pneumopathie infiltrante diffuse Diaphragme Enfant
r é s u m é La dermatomyosite juvénile est la première cause de myopathie inflammatoire idiopathique chronique d’origine auto-immune chez l’enfant. Chez l’adulte, l’atteinte pulmonaire des myopathies inflammatoires comporte surtout la pneumopathie infiltrante diffuse, les pneumopathies d’inhalation et l’hypoventilation alvéolaire. Nous proposons de décrire les spécificités pédiatriques de l’atteinte pulmonaire de la dermatomyosite. L’atteinte pulmonaire peut être asymptomatique et doit donc être recherchée systématiquement. En cas d’anomalie respiratoire clinique ou fonctionnelle, l’évaluation doit être complétée par une tomodensitométrie thoracique. Chez l’enfant, la diminution de la force des muscles respiratoires paraît fréquente et doit être recherchée systématiquement, de fac¸on spécifique par des tests non invasifs et reproductibles (sniff test). La pneumopathie infiltrante diffuse associe habituellement une atteinte fonctionnelle restrictive avec altération de la diffusion du monoxyde de carbone et une atteinte interstitielle sur la tomodensitométrie. Comme chez l’adulte, le traitement de première intention de la dermatomyosite juvénile repose sur les corticoïdes. Les formes évolutives ou corticorésistantes relèvent des bolus de corticoïdes ou de l’association aux immunosuppresseurs (méthotrexate ou ciclosporine en première intention). Les modalités du traitement de la pneumopathie infiltrante diffuse ne sont pas consensuelles en pédiatrie. Les complications des traitements, notamment de la corticothérapie prolongée sont fréquentes et justifient donc une évaluation du rapport bénéfice-risque des traitements, particulièrement chez l’enfant en croissance. © 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
a b s t r a c t Keywords: Dermatomyositis Interstitial lung disease Diaphragm Child
Juvenile dermatomyositis is the leading cause of chronic idiopathic inflammatory myopathy of autoimmune origin in children. Lung involvement in inflammatory myopathies is well described in adults, involving mostly interstitial lung disease, aspiration pneumonia and alveolar hypoventilation. We propose to describe its specificities in children. Pulmonary involvement may be asymptomatic and therefore must be systematically screened for. In case of clinical or functional respiratory abnormality, a chest computed tomographic (CT) scan is necessary. In children, a decrease of respiratory muscle strength seems common and should be systematically and specifically searched for by non-invasive and reproducible tests (sniff test). Interstitial lung disease usually associates restrictive functional defect, impairment of carbon monoxide diffusion and interstitial lung disease on CT scan. As in adults, the first-line treatment of juvenile dermatomyositis is based on corticosteroids. Corticosteroid resistant forms require corticosteroid bolus or adjuvant immunosuppressive drugs (methotrexate or cyclosporine). There is no consensus
∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Deschildre). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.005 0248-8663/© 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
Pour citer cet article : Pouessel G, et al. Le poumon est une cible de la dermatomyosite de l’enfant. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.005
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in pediatrics for the treatment of diffuse interstitial lung disease. Complications of treatment, including prolonged steroid therapy, are frequent and therefore a careful assessment of the treatments risk-benefit ratio is necessary, especially in growing children. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).
1. Introduction La dermatomyosite juvénile (DMJ) est la plus fréquente des myopathies inflammatoires idiopathiques chroniques d’origine auto-immune chez l’enfant. Son incidence varie de 2 à 4 par million d’enfants âgés de moins de 17 ans et l’âge moyen d’apparition de la DMJ habituellement rapporté est de 7 ans [1]. Le sexratio fille/garc¸on varie de 5/1 à 2–3/1 entre les États-Unis et le Royaume-Uni [2]. Chez l’adulte, la dermatomyosite (DM) est aussi la plus fréquente des myosites, tout âge confondu, et touche préférentiellement la femme. Les autres myopathies inflammatoires les plus fréquentes sont les suivantes : myosite à inclusions plus fréquente chez l’homme de plus de 50 ans et polymyosite fréquemment associée à de nombreuses maladies virales ou inflammatoires. Le diagnostic des myopathies inflammatoires repose sur un ensemble de critères cliniques, biologiques, électromyographiques et histologiques, historiquement ceux de Bohan et Peter en 1975, puis ceux proposés par Dalakas en 2003 [3]. En complément de l’analyse histologique musculaire, la détection d’auto-anticorps spécifiques ou associés aux myosites (antisynthétases, anti-Mi-2, anti-TIF1-␥, anti-SRP, anti-HMGCR, etc.) est maintenant cruciale pour le diagnostic, permettant de préciser certains phénotypes mais également pour le pronostic [4–6]. L’atteinte pulmonaire des myopathies inflammatoires comporte la pneumopathie infiltrante diffuse (PID), les pneumopathies d’inhalation liées aux troubles moteurs pharyngo-œsophagiens et l’hypoventilation alvéolaire secondaire à l’atteinte des muscles respiratoires. L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) isolée, le pneumothorax et le pneumomédiastin spontanés, les pneumopathies interstitielles iatrogènes (surtout liées au méthotrexate) sont plus rares [7]. La PID constitue une complication grave de la maladie et représente l’une des premières causes de morbi-mortalité (30 à 66 % des cas adultes) [8–10]. Il existe peu de données décrivant l’atteinte respiratoire associée à la DM à l’âge pédiatrique. Récemment, nous avons publié une étude colligeant 21 patients suivis pour une DMJ et qui ont eu une évaluation respiratoire (clinique, fonctionnelle avec mesure de la force musculaire diaphragmatique et tomodensitométrique) [11]. À partir des données de la littérature, nous proposons de décrire les spécificités pédiatriques de l’atteinte pulmonaire de la DMJ.
Chez l’enfant, les effectifs des séries sont restreints et les modalités d’exploration de l’atteinte pulmonaire sont hétérogènes ne permettant pas de comparer rigoureusement les études entre elles. Dans notre étude, 76 % des 21 enfants, âgés de 20 mois à 18 ans, avaient une atteinte respiratoire. Parmi eux, 33 % avaient une atteinte musculaire diaphragmatique, 14 % une pathologie d’inhalation aiguë ou chronique et 14 % une PID [11]. 3. Atteintes respiratoires associées à la dermatomyosite de l’enfant 3.1. Pneumopathie infiltrante diffuse : manifestation respiratoire grave à rechercher La pneumopathie infiltrante diffuse (PID) est une atteinte inflammatoire touchant le poumon, responsable d’une pneumopathie interstitielle diffuse avec un syndrome restrictif. Chez l’adulte, la PID est la manifestation respiratoire la plus fréquente des myopathies inflammatoires. Dans notre étude, 3 des 21 (14 %) enfants avaient une PID [11]. Les mécanismes physiopathologiques qui concourent à la survenue de la PID sont multifactoriels, associant des facteurs immunologiques, infectieux, génétiques et toxiques [8,9,13]. L’immunité cellulaire comme humorale interviennent dans la pathogénèse. Le rôle de l’immunité innée est fortement suspecté [1]. Le mode d’installation de la PID est variable, aigu ou progressif. La PID peut également être asymptomatique, découverte dans le suivi d’une myopathie inflammatoire par des examens réalisés de fac¸on systématique (tomodensitométrie thoracique haute résolution : TDM-HR, EFR). Les signes fonctionnels pulmonaires sont variés et non spécifiques : dyspnée, le plus souvent à l’effort et toux sèche surtout. Il peut exister une altération de l’état général et une fièvre. L’auscultation montre habituellement des crépitants des bases et l’hippocratisme digital est rare. La radiographie thoracique est insuffisante pour le diagnostic d’une atteinte débutante de la PID. Les examens complémentaires habituellement recommandés pour l’évaluation initiale et le suivi de l’atteinte respiratoire d’une myopathie inflammatoire sont les EFR et la TDM-HR.
2. Présentation générale Chez l’adulte, la fréquence de l’atteinte respiratoire dans les myopathies inflammatoires est diversement appréciée selon les études et les moyens diagnostiques mis en œuvre (cliniques, radiologiques, fonctionnels ou autopsiques). Elle varie de 5 à 45 % sur l’ensemble des myopathies inflammatoires [8,9]. La PID est une complication ou une aggravation de la DM pour 65 % des 17 patients dans l’étude prospective de Fathi et al. [12]. L’atteinte pulmonaire est inaugurale, dans 30 à 50 % des cas, et peut précéder les signes musculaires, de plusieurs mois voire de plusieurs années. La PID peut être révélatrice des DM/polymyosites dans 19 à 46 % des cas [9]. Elle est découverte lors du diagnostic dans 21 à 59 % des cas ou lors de l’évolution dans 18 à 39 % des cas [5,8]. Cet aspect n’a pas été observé dans notre série ; l’atteinte musculaire et cutanée existait avant l’atteinte respiratoire.
3.2. Atteinte de la musculature respiratoire et pneumopathie d’inhalation La prévalence de l’atteinte diaphragmatique dans les séries adultes est faible, environ 5 % des patients [14]. Elle est probablement sous-estimée car son évaluation repose sur des tests spécifiques non réalisés de fac¸on systématique [12]. La seule évaluation clinique est insuffisante pour dépister cette atteinte. Il n’existe pas d’étude évaluant conjointement la musculature diaphragmatique et la musculature périphérique. L’étude de Teixeira et al. a évalué l’atteinte de la musculature diaphragmatique par mesure des pressions inspiratoire et expiratoire et stimulation phrénique chez 23 adultes suivis pour une myopathie inflammatoire (dont cinq dermatomyosites) [15]. Une diminution de la force musculaire diaphragmatique était identifiée chez 78 % des
Pour citer cet article : Pouessel G, et al. Le poumon est une cible de la dermatomyosite de l’enfant. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.005
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23 patients [15]. Dans notre étude, l’atteinte du diaphragme constituait la complication respiratoire la plus fréquemment identifiée, 6 des 21 (29 %) patients ayant au moins un test d’évaluation de la force musculaire diaphragmatique anormal (sniff-test, débit de pointe à la toux, pression inspiratoire maximale, pression expiratoire maximale) [11]. L’atteinte musculaire respiratoire est le plus souvent rencontrée au début de la maladie et s’associe parfois à une pathologie d’inhalation. Dans notre étude, 3 des 21 (14 %) patients avaient une pathologie d’inhalation au début de leur prise en charge [11]. La pathologie d’inhalation est sensiblement plus fréquente chez les adultes suivis pour une myopathie inflammatoire, décrite dans 15 à 20 % des cas [14,16].
4.2. Tomodensitométrie thoracique
4. Explorations complémentaires dans les atteintes pulmonaires associées à la dermatomyosite
5. Pronostic
4.1. Évaluation fonctionnelle respiratoire L’évaluation fonctionnelle respiratoire est indispensable au diagnostic de l’atteinte pulmonaire de la DM. Elle repose sur les EFR de repos, l’étude de la force musculaire diaphragmatique, la mesure de la capacité de transfert du CO complétée éventuellement par les tests d’effort. Dans la PID, l’atteinte fonctionnelle habituelle est un syndrome restrictif avec altération de la capacité de diffusion du CO (DLCO). Un effondrement de la DLCO doit faire rechercher une HTAP. Le trouble ventilatoire restrictif est précoce mais variable et non spécifique. Un syndrome obstructif est décrit chez 14 à 25 % des patients adultes ou pédiatriques atteints de myopathies inflammatoires [9]. Les explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) standard ne suffisent pas à démasquer l’atteinte musculaire respiratoire. L’exploration par des tests non volontaires de la force des muscles respiratoires repose sur la stimulation phrénique voire abdominale et des tests volontaires qui nécessitent la collaboration et la compréhension du sujet [17]. L’étude de la force des muscles respiratoires par des manœuvres volontaires comporte l’étude de la pression maximale statique inspiratoire (PI-max), des reniflements maximaux (sniff-test) et la mesure de la pression expiratoire lors des efforts de toux (PE-max). La mesure de la pression nasale (snifftest) lors d’un effort de reniflement maximal (sniff) est un outil utile et non invasif de mesure de la force inspiratoire, validé chez les malades neuromusculaires et facilement utilisable, y compris en pédiatrie à partir de 6 ou 7 ans, en raison de sa simplicité, sa rapidité et son innocuité. En outre, nous disposons de valeurs de référence chez l’enfant. La faiblesse du diaphragme entraîne une toux peu efficace, des troubles de ventilation prédominants aux bases favorisant la survenue d’infections, et d’une hypoventilation alvéolaire notamment nocturne responsable d’une désorganisation de l’architecture du sommeil. Les patients avec une atteinte musculaire diaphragmatique devraient bénéficier d’une exploration du sommeil, dans l’idéal par polysomnographie, au minimum par oxymétrie, afin de dépister une hypoventilation nocturne souvent asymptomatique. La place des tests de marche de terrain (test de marche 6 minutes, test de marche en navette) doit être évaluée. L’EFR peut montrer un syndrome restrictif, lié à l’atteinte musculaire respiratoire ou à la pathologie interstitielle dans le cadre de la PID. Trapani et al. ont montré que 5 des 12 enfants suivis pour une DMJ avaient, à l’inclusion, un syndrome restrictif [18]. Dans la même étude, le suivi longitudinal sur deux années n’a pas montré d’aggravation significative des anomalies fonctionnelles de repos. Cette étude ne comportait ni évaluation de la force musculaire diaphragmatique ni évaluation de l’effort ; il n’existait pas de données radiologiques.
Dans la PID, la TDM-HR permet de reconnaître les signes d’une atteinte interstitielle : condensation, opacités linéaires ou réticulaires, nodules, micronodules, verre dépoli, bronchectasies, opacités « en rayon de miel » ou signes de fibrose évoluée (Fig. 1). La fréquence de ces anomalies varie selon les études. Elles sont localisées préférentiellement dans les lobes inférieurs et les régions postérieures, chez l’adulte comme chez l’enfant (Tableau 1) [8,9,11]. S’il existe un certain degré de corrélation entre lésions radiologiques et les lésions histologiques, ceci nécessiterait cependant d’être précisé par des études complémentaires [9].
La survenue d’une PID lors d’une DMJ n’est pas corrélée à la sévérité de la myosite mais est un élément pronostique majeur [19,20]. La réalisation d’une biopsie pulmonaire à but pronostique doit prendre en compte le rapport bénéfice-risque de cet examen pour chaque patient. La pneumonie interstitielle non spécifique (« PINS ») est la forme la plus fréquente ; la pneumonie cryptogénique organisée (« COP ») et la pneumonie interstitielle usuelle (« UIP ») sont les formes plus rares [20]. Chez l’enfant, il n’existe pas d’étude sur la répartition des différents types histologiques de PID. L’évolution péjorative de la PID serait associée à certains facteurs : âge avancé, phénomène de Raynaud, dysphagie, pneumonie d’inhalation, cardiopathie, forme amyopathique, absence d’élévation des CPK sériques, élévation du rapport des lymphocytes CD4/CD8 sériques, présence d’anticorps antisynthétases, alvéolite avec prédominance de neutrophiles ou capacité de
Fig. 1. Tomodensitométrie thoracique en coupes fines (fenêtre parenchymateuse) d’un patient de 16 ans suivi pour une pneumopathie infiltrante diffuse compliquant une dermatomyosite juvénile : destruction kystique du poumon cortical avec lésions de fibrose prédominant à gauche, verre dépoli et rétraction du lobe inférieur gauche avec désorientation scissurale. Tableau 1 Tomodensitométrie thoracique : prévalence des différents signes radiologiques de l’atteinte interstitielle au cours de la dermatomyosite.
Opacités linéaires Foyers de condensation Verre dépoli Épaississement bronchique Bronchectasies Fibrose
Enfant [11] (%)
Adulte [8] (%)
38 5 14 14 5 5
29–92 52–100 29 71–79 37–43 14–16
Pour citer cet article : Pouessel G, et al. Le poumon est une cible de la dermatomyosite de l’enfant. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.005
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transfert du CO inférieure à 45 % de la valeur théorique [8,9]. Au contraire, les éléments prédictifs d’une bonne réponse à la corticothérapie dans les PID seraient les suivants : caractère aigu de la présentation initiale de la PID, alvéolite lymphocytaire prédominante sur le lavage broncho-alvéolaire, élévation sérique des CPK, certaines lésions histologiques (pneumonie organisée, PINS et fibrose collagène débutante) [8,9]. Plus récemment, les études incluant l’analyse des auto-anticorps ont permis d’identifier des corrélations clinico-sérologiques [5,6]. Ainsi, les patients adultes avec des auto-anticorps anti-PL7 ou -PL12 auraient une expression pulmonaire préférentielle et un moins bon pronostic que les patients avec des auto-anticorps anti-Jo1 [5]. Toutefois, les facteurs associés au pronostic et à la réponse du traitement doivent faire l’objet d’études plus larges, en incluant un suivi longitudinal des DM diagnostiquées à l’âge pédiatrique. Il est donc difficile de prédire l’évolution lors de la prise en charge initiale.
6. Traitement Le traitement de la DM repose classiquement sur les corticoïdes par voie orale. La nécessité d’une épargne cortisonique, la survenue de formes corticorésistantes ou dépendantes et des difficultés d’absorption orale par vasculopathie intestinale ont justifié l’utilisation d’autres immunosuppresseurs (méthotrexate, ciclosporine), de bolus de corticoïdes par voie intraveineuse, d’immunoglobulines intraveineuses (atteinte musculaire), voire d’autres traitements (tacrolimus, azathioprine, mycophénolate mofétil, cyclophosphamide, rituximab, etc.) [13,21]. Il n’existe cependant pas d’étude pédiatrique randomisée et contrôlée précisant la stratégie d’utilisation de ces traitements [1]. Une réunion de consensus d’experts de la « Childhood Arthritis and Rheumatology Research Alliance » (CARRA), tenue à Chicago en 2010, a précisé la place des traitements des formes modérées de dermatomyosite juvénile utilisant les corticoïdes par voie orale ou en bolus intraveineux, le méthotrexate et les immunoglobulines par voie intraveineuse [22]. Une revue systématique de la littérature a évalué les effets comparés des différents traitements immunosuppresseurs et immunomodulateurs dans les myosites inflammatoires [23]. Quatorze essais contrôlés randomisés pertinents ont été sélectionnés mais les auteurs ont souligné le manque d’essais de grande qualité évaluant l’efficacité et la toxicité des traitements immunosuppresseurs dans les myosites inflammatoires. La survenue d’une atteinte respiratoire compliquant la DM modifie le plus souvent la stratégie thérapeutique initiale. Dans les formes aiguës de PID avec insuffisance respiratoire, l’association de corticoïdes, de cyclophosphamide et de perfusions d’immunoglobulines peut se justifier. Dans les formes progressives avec des images en verre dépoli sur la tomodensitométrie, l’utilisation de bolus de cyclophosphamide associés à la corticothérapie est plus efficace que la corticothérapie seule, avec notamment moins de rechute après une année de traitement [13]. L’efficacité du cyclophosphamide est meilleure au stade précoce de la pneumopathie interstitielle. Chez l’adulte comme l’enfant, le niveau de preuve d’efficacité des traitements proposés dans la PID associée à la DM est cependant faible. Des recommandations d’experts pour le choix des thérapeutiques de deuxième intention semblent souhaitables [24]. Des études complémentaires avec des analyses prospectives sont nécessaires. Plusieurs études soulignent par ailleurs le risque des complications iatrogènes dans la DM. Trente-huit pour cent des patients de notre étude avaient au moins une complication iatrogène parmi lesquelles : ostéoporose, fractures pathologiques, infections, hémorragie digestive, encéphalite sous ciclosporine, insuffisance rénale aiguë [11]. Chez l’adulte, des complications infectieuses étaient identifiées chez 37 % des patients avec une polymyosite/dermatomyosite parmi lesquelles
des infections à pyogènes et opportunistes [25]. Enfin, l’intérêt de la réhabilitation respiratoire et musculaire dans la prise en charge de la DM reste à évaluer même si certaines études montrent un impact favorable sur la qualité de vie, l’activité de la maladie et la fonction musculaire [26]. 7. Conclusion Chez l’enfant comme à l’âge l’adulte, la DM peut se compliquer d’une atteinte respiratoire. L’atteinte de la musculature respiratoire est fréquente et doit être recherchée systématiquement et de fac¸on spécifique. Chez l’enfant, des tests simples, non invasifs et reproductibles (sniff-test) permettent d’identifier une atteinte de la musculature diaphragmatique, parfois asymptomatique. En cas d’anomalie respiratoire clinique ou fonctionnelle, l’évaluation est complétée par la tomodensitométrie thoracique. La pneumopathie infiltrante diffuse (PID) est une complication et/ou un mode d’expression de la dermatomyosite particulièrement grave et constitue un élément pronostic important. À l’âge pédiatrique, une atteinte respiratoire au cours de la DM justifie l’évaluation par une équipe spécialisée, pluridisciplinaire, dans un centre de référence, car les modalités des traitements ne sont pas consensuelles. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Feldman BM, Rider LG, Reed AM, Pachman LM. Juvenile dermatomyositis and other idiopathic inflammatory myopathies of childhood. Lancet 2008;371:2201–12. [2] Symmons DP, Sills JA, Davis SM. The incidence of juvenile dermatomyositis, 1995-1998: results from the National Institute of arthritis and musculoskeletal and skin diseases Registry. Arthritis Rheum 2003;49:300–5. [3] Dalakas MC. Muscle biopsy findings in inflammatory myopathies. Rheum Dis Clin N Am 2002;28:779–98. [4] Troyanov Y, Targoff IN, Tremblay JL, Goulet JR, Raymond Y, Senécal JL. Novel classification of idiopathic inflammatory myopathies based on overlap syndrome features and autoantibodies: analysis of 100 French Canadian patients. Medicine (Baltimore) 2005;84:231–49. [5] Hervier B, Devilliers H, Stanciu R, Meyer A, Uzunhan Y, Masseau A, et al. Hierarchical cluster and survival analyses of antisynthetase syndrome: phenotype and outcome are correlated with anti-tRNA synthetase antibody specificity. Autoimmun Rev 2012;12:210–7. [6] Allenbach Y, Benveniste O. Auto-anticorps au cours des myosites. Rev Med Interne 2013, http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2013.12.006. [7] Bull TM, Fagan KA, Badesch DB. Pulmonary vascular manifestations of mixed connective tissue disease. Rheum Dis Clin North Am 2005;31:451–64. [8] Marie I, Dominique S, Rémy-Jardin M, Hatron PY, Hachulla E. Pneumopathie interstitielle au cours des polymyosites et des dermatomyosites. Rev Med Interne 2001;22:1083–96. [9] Marie I, Dominique S. Pulmonary damage during polymyositis and dermatomyositis: interstitial lung disease. Presse Med 2006;35:683–95. [10] Stanciu R, Guiguet M, Musset L, Touitou D, Beigelman C, Rigolet A, et al. Antisynthetase syndrome with anti-Jo1 antibodies in 48 patients: pulmonary involvement predicts disease-modifying antirheumatic drug use. J Rhematol 2012;39:1835–9. [11] Pouessel G, Deschildre A, Le Bourgeois M, Cuisset JM, Karila C, Nève V, et al. The lung is involved in juvenile dermatomyositis. Pediatr Pulmonol 2012, http://dx.doi.org/10.1002/ppul.22742. [12] Fathi M, Dastmalchi M, Rasmussen E, Lundberg IE, Tornling G. Interstitial lung disease, a common manifestation of newly diagnosed polymyositis and dermatomyositis. Ann Rheum Dis 2004;63:297–301. [13] Nistala K, Wedderburn LR. Update in juvenile myositis. Curr Opin Rheumatol 2013;25:742–6. [14] Tillie-Leblond I, Colin G, Lelong J, Cadranel J. Atteintes pulmonaires des polymyosites et dermatomyosites. Rev Mal Respir 2006;23:671–80. [15] Teixeira A, Cherin P, Demoule A, Levy-Soussan M, Strauss C, Verin E, et al. Diaphragmatic dysfunction in patients with idiopathic inflammatory myopathies. Neuromusc Dis 2005;15:32–9. [16] Marie I, Hachulla E, Cherin P, Dominique S, Hatron PY, Hellot MF, et al. Interstitial lung disease in polymyositis and dermatomyositis. Arthritis Rheum 2002;47:614–22.
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Pour citer cet article : Pouessel G, et al. Le poumon est une cible de la dermatomyosite de l’enfant. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.04.005