Revue de Pneumologie clinique (2014) 70, 32—37

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

REVUE GÉNÉRALE

Lymphatiques et transplantation pulmonaire : revue Lymphatics and lung transplantation. A review F. Le Pimpec-Barthes a,∗, P. Mordant a, C. Pricopi a, L. Gibaud b, A. Arame a, A. Cazes b, A. Badia a, A. Hernigou c, M. Riquet a a

Service de chirurgie thoracique, oncologique et générale, transplantation pulmonaire, faculté Paris Descartes, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France b Service de d’anatomie pathologique, faculté Paris Descartes, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France c Service de radiologie, faculté Paris Descartes, hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908 Paris cedex 15, France Disponible sur Internet le 31 octobre 2013

MOTS CLÉS Vaisseaux lymphatiques ; Transplantation pulmonaire ; Œdème pulmonaire ; Défaillance primaire du greffon ; Modèles animaux



Résumé Le rôle de la circulation lymphatique en transplantation pulmonaire (TPx) a été peu analysé depuis les premiers modèles animaux ayant permis l’essor des transplantations d’organes solides. Pourtant, les phénomènes œdémateux observés dans les greffons au décours immédiats d’une TPx demeurent souvent imprévisibles et inexpliqués alors qu’ils font partie intégrante de l’entité appelée « défaillance primaire du greffon ». Si leurs caractères multifactoriels rend difficile leur interprétation, l’hypothèse d’un bouleversement du circuit de la lymphe intervenant dans la genèse de ces phénomènes œdémateux est avancée. L’analyse du bouleversement de ces voies lymphatiques a essentiellement été faite sur des modèles animaux de transplantation d’intestin grêle présentant des similitudes intéressantes avec la TxP. Les points analysés ont été les conséquences de l’interruption des canaux lymphatiques ainsi que leurs modalités de régénération après transplantation. Le rôle immunologique des lymphatiques dans la médiation du rejet, la réponse immunitaire locale du poumon et dans la survenue de la bronchiolite oblitérante ont également été évalués dans la TPx. Cette revue a permis de faire la synthèse des études ayant abordé la problématique des courants lymphatiques en transplantation. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (F. Le Pimpec-Barthes).

0761-8417/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pneumo.2013.06.002

Lymphatiques et transplantation pulmonaire. Revue

KEYWORDS Lymphatic vessels; Lung transplantation; Pulmonary oedema; Primary graft dysfunction; Animal models

33

Summary The role of lymph circulation in lung transplantation (LTx) has not really been studied since the first animal models, which allowed the development of solid organ transplantations. However, the oedema observed in the grafts immediately after LTx often remains unpredictable and unexplained. Although it is an integral part of the entity called ‘‘primary graft failure’’. Despite its multifactor aspects making the interpretation difficult, the possibility of a change in the lymph circulation is proposed to explain an oedema occurrence. The animal models focusing on this point were mainly developed in small bowel transplantation because of interesting similarities with LTx. The analysed criteria were the consequences of lymphatic vessels interruption as well as their regeneration modalities after LTx. These studies also analysed the role of lymphatic vessels in the rejection induction, the local immune response and the occurrence of obliterative bronchiolitis. This review allowed analysing the studies, which approached the lymphatic vessel issue in transplantation © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Parmi les différentes transplantations (Tx) d’organes solides, la transplantation pulmonaire (TPx) demeure la plus délicate essentiellement en raison de 2 particularités : un système immunitaire local très riche et une connexion directe du greffon avec le milieu extérieur particulièrement septique en cas de mucoviscidose. Cela se traduit par une mortalité à court et long termes supérieure à celle observée en Tx rénale, hépatique et cardiaque. Habituellement, la lymphe du poumon rejoint le canal thoracique grâce à un véritable maillage complexe de vaisseaux lymphatiques au sein du parenchyme pulmonaire rejoignant les ganglions interlobaires et péribronchiques puis médiastinaux [1]. En Tx, les vaisseaux lymphatiques sont interrompus et parfois même oblitérés au moment du prélèvement chez le donneur [2]. Chez le receveur, les volumineuses adénopathies du carrefour péritrachéobronchique doivent parfois être réséquées pour pouvoir réaliser l’anastomose bronchique. Cette interruption complète des courants lymphatiques locaux est le plus souvent méconnue ou ignorée et ses conséquences ont été peu analysées. Après plus de 20 ans de TPx effectuées dans le monde entier par des équipes spécialisées, les phénomènes d’œdèmes pulmonaires le plus souvent attribués à une défaillance primaire du greffon (DPG) demeurent imprévisibles et incomplètement expliqués. La première hypothèse est l’existence d’un phénomène d’ischémie reperfusion [3]. Il est cependant possible qu’il s’agisse d’un processus multifactoriel au sein duquel le bouleversement du circuit de la lymphe pourrait intervenir. La forte mortalité, entre 40 et 60 %, survenant dans les formes sévères de DPG continue à justifier des travaux de recherche et des publications dans ce domaine car certains mécanismes demeurent obscurs [4]. L’hypothèse du rôle de la circulation lymphatique est faite compte tenu des connaissances que nous avons sur la topographie intrapulmonaire et péribronchique des canaux lymphatiques. Peu de données existent dans la littérature sur l’état des circuits lymphatiques et les mécanismes de régénération après TPx. Ces points d’interrogations sont identiques à ceux rencontrés en Tx d’intestin grêle compte tenu de la similarité de l’anatomie lymphatique et de la connexion directe avec le milieu extérieur septique. C’est

dans ce dernier modèle de Tx que la plupart des études animales et humaines ont été faites afin d’observer les conséquences et les modalités de la régénération des circuits lymphatiques. Cette revue de la littérature a eu pour objectifs de préciser les modalités de régénération des lymphatiques péribronchiques après TPx en tentant d’établir un lien avec les phénomènes d’œdème pulmonaire précoce (Fig. 1) et d’analyser l’impact de l’interruption des canaux lymphatiques sur la réponse immune, les mécanismes de rejet et de bronchiolite oblitérante.

Modes de régénération des vaisseaux lymphatiques après transplantation d’organe solide Expérience en transplantation intestinale Les premières analyses de régénération des canaux lymphatiques ont été faites en 1959 par Lillehei et al. de Minneapolis lors d’auto-transplantations d’intestin grêle chez des chiens [5]. Après l’ablation complète de l’intestin conditionné de fac ¸on identique à une Tx par refroidissement de plus de 5 heures à 5◦ , celui-ci était réintégré chez le même animal. La haute mortalité initiale était liée à des erreurs techniques ou à des complications infectieuses banales. L’amélioration de la technique chirurgicale et de la prise en charge globale a permis à cette équipe d’obtenir des survies prolongées chez des animaux alimentés normalement. Ce dernier point a permis de faire l’hypothèse de l’existence d’un processus assez rapide de reconnexion des lymphatiques entre l’organe réimplanté et le système lymphatique proximal de l’animal [6]. Cela a été confirmé par l’analyse faite après euthanasie systématique des animaux entre une semaine et 12 mois après Tx. Une régénération lymphatique à cheval sur la ligne de section mésentérique a été mise en évidence 2 semaines après la Tx mais jamais avant ce délai. Ces nouveaux lymphatiques étaient parfaitement fonctionnels avec une absorption des graisses permettant aux animaux de rester en bonne condition physique avec un poids stable. Les auteurs ont aussi tenté d’analyser cette régénération en cas d’homogreffe. Tous les

34

Figure 1. Reconstruction coronale de la tomodensitométrie thoracique à J4 d’une transplantation bipulmonaire pour mucoviscidose au stade d’insuffisance respiratoire terminale. Image d’œdème périhilaire prédominant à droite avec œdème interstitiel droit compatible avec une stase lymphatique. Bonne fonction cardiaque et pas de surcharge, veines pulmonaires perméables.

animaux étant morts d’un rejet à j8 et il n’a été observé aucune lymphangiogenèse avant j8. En 1963, Popesco-Urlueni [7] confirmait cette régénération des conduits lymphatiques trans-anastomotiques en utilisant des injections lymphatiques selon la technique de Gerota-Bartels sur 15 chiens. En 1966, Lillehei a poursuivi ses essais d’autotransplantation digestive sur le chien [8]. Il a mis en évidence que la régénération lymphatique débutait à partir du 20e jour postopératoire pour s’achever entre la 6e et la 8e semaine. La desquamation initiale et transitoire de la muqueuse intestinale constamment observée était imputée à l’interruption temporaires des courants lymphatiques et l’absence d’innervation du greffon. D’autres études de Tx d’intestin grêle ont confirmé cette néolymphagiogenèse dans des délais plus ou moins similaires. Ainsi, Kocandrle [9] en 1966 a rapporté ses résultats après auto- et homotransplantation d’intestin grêle. La régénération lymphatique croisant la ligne de suture mésentérique débutait dès le 14e jour avec une majoration de taille de ces néo-vaisseaux jusqu’au 20e jour. La morphologie stable et définitive de ces néo-vaisseaux était observée dès la fin de la 4e semaine. Dans l’étude de Goott [10], après homogreffe d’intestin et en l’absence de traitement immunosuppresseur, aucun animal n’a survécu plus de 10 jours (décès par rejet massif) et aucune régénération lymphatique n’a été mise en évidence avant ce terme. Cependant une hypertrophie importante des ganglions transplantés avec le greffon était mise en évidence dans ce groupe. Ces études ont permis de montrer l’existence d’un passage essentiellement par voie sanguine des médiateurs impliqués dans ce processus de rejet, en l’absence de connexion entre le système lymphatique du greffon et celui du receveur. En 1969, Grenier a réalisé des homotransplantations hétérotopiques d’anses intestinales mis dans le tissu sous-cutané [11]. Le développement de connexions entre les lymphatiques de la paroi digestive et les lymphatiques

F. Le Pimpec-Barthes et al. sous-cutanés est mis en évidence. Ceci n’est observé que chez les greffons survivants plus de 1 mois. À la suite de ces travaux expérimentaux, la même année, Olivier [12] a rapporté un cas humain d’homotransplantation totale de grêle. Des réinterventions faites à j14 et une nécropsie à j26 ont permis d’avoir une description précise de l’état local. Pour éviter les fuites chyleuses sous la forme de chylopéritoine pouvant mettre en jeu le pronostic vital du patient à cette époque, les auteurs avaient volontairement lié préventivement et sélectivement les lymphatiques dans le mésentère du receveur et dans le mésentère du greffon. Aucune fuite chyleuse majeure n’a été observée en dehors d’une légère extravasation de lymphe mais une stase lymphatique majeure a été observée dans la sousmuqueuse intestinale se traduisant par un œdème de toute la paroi du greffon. Lors du décès du patient à j26, la nécropsie a permis de constater un œdème lymphangiectasique considérable de la paroi intestinale. L’infiltration œdémateuse et hémorragique du mésentère était associée à des travées de fibrose s’arrêtant de fac ¸on nette au niveau de la suture mésentérique. D’importantes lymphangiectasies étaient mises en évidence avec des ganglions apoplectiques. Aucune ouverture d’anastomose lymphoveineuse ni régénération lymphatique spontanée n’avaient été mise en évidence dans ce cas humain, comme si la lymphostase méticuleuse de l’organe avait interrompu tout phénomène de lymphangiogenèse. En 1991, Schier a utilisé un procédé d’imagerie innovant pour analyser les connexions lymphatiques de rats Lewis allotransplantés d’intestin [13]. Il s’agissait d’une imagerie directe des lymphatiques par microlymphographie couplée à un examen au microscope électronique. Cet examen a permis d’observer la formation spontanée d’anastomoses lymphatiques parallèlement au procédé de cicatrisation des anastomoses digestives. Les différentes étapes de l’évolution des flux lymphatiques ont pu ainsi être décrites : durant les 4 premiers jours post-transplantation, la lymphe reste à l’intérieur des vaisseaux lymphatiques de l’organe ; ensuite des connexions lymphovasculaires s’établissent suivies à j8 de l’apparition de larges vaisseaux lymphatiques se connectant aux lymphatiques du receveur. Toutes ces études en Tx intestinales ont montré l’importance de l’interruption des courants lymphatiques sur l’organe transplanté et sur le l’état nutritionnel de l’animal. La régénération des circuits lymphatiques est apparue essentielle pour la survie après Tx. Les études faites en Tx pulmonaire ont débuté peu après les premières études sur l’intestin et ont révélé des problématiques similaires tout à fait intéressantes.

Expérience en transplantation pulmonaire Il y a très peu d’études analysant la régénération des vaisseaux lymphatiques après Tx pulmonaire mais les points d’interrogation sont les mêmes que lors de la Tx intestinale. En 1964 Eraslan a rapporté la première étude chez le chien montrant l’existence d’une régénération lymphatique après réimplantation d’un poumon explanté sur le même animal [14]. L’étude consistait à injecter un colorant dans le poumon réimplanté, à détecter son passage dans les lymphatiques intra pulmonaires puis dans les ganglions et enfin dans le réseau lymphatique médiastino-hilaire. Un flux

Lymphatiques et transplantation pulmonaire. Revue de lymphe en provenance des poumons était visible dès le 7e jour post-réimplantation. Une néoformation de vaisseaux lymphatiques croisant l’anastomose était détectée en moins de 12 jours et le maillage lymphatique se poursuivait dans les semaines suivantes. En 1980, Rabinowitsch a rapporté 180 autotransplantations de lobes pulmonaires chez le chien [15]. Grâce à plusieurs prélèvements faits à des temps successifs en postopératoire la régénération des vaisseaux lymphatiques pulmonaires et périanastomotiques a pu être observée plus précocement que celle au niveau digestif. En périanastomotique bronchique, la régénération débutait 8 à 9 jours après l’autotransplantation pour s’achever le 14e jour. À noter que la régénération des artères bronchiques débutait dès le 6e ou 7e jour pour être totalement terminée le 14e jour. En résumé l’ensemble de ces études animales en Tx intestinale et pulmonaire a permis de valider les mécanismes de repousse des vaisseaux lymphatiques permettant une reconnexion du réseau lymphatique du greffon vers les canaux centraux des receveurs. Le délai d’apparition de ces néovaisseaux apparaît variable selon les modèles animaux et le type de Tx mais il paraît plus rapide en TPx. L’obstruction à l’écoulement de la lymphe du greffon intestinal entraîne un œdème pouvant compromettre sa survie de l’organe et il est possible qu’un tel phénomène existe en TxP.

Influence de l’interruption lymphatique après transplantation pulmonaire dans la réponse immunitaire locale du poumon Afin d’analyser les conséquences de l’interruption du drainage lymphatique lors de la TPx, Wang a réalisé en 1992 un stripping lymphatique complet au niveau du hile pulmonaire sur des rats Wistar [16]. Il a ensuite analysé le mode de régénération des lymphatiques du hile par détection visuelle en chromolymphographie, le mode de transport de particules de carbone depuis le poumon vers les ganglions lymphatiques et le changement de la réponse anticorps après immunisation par des antigènes présentés dans les poumons. Une régénération lymphatique a été observée à partir de j7—j10 après l’interruption, ne se modifiant plus après j28. Ces délais de régénérations n’étaient parfaitement corrélés au retard d’apparition des particules inhalées dans les ganglions hilaires et au retard des anticorps détectables qu’à partir de j28. Ces résultats ont permis de montrer l’influence de l’interruption des flux lymphatiques, ici isolée mais reproduisant les conditions d’une TPx, sur la réponse immunitaire. Cette réponse est dépendante de la régénération des flux lymphatiques et ne se normalise environ qu’un mois après l’interruption lymphatique. Ces résultats sont concordants avec ceux des travaux faits par Eraslan en 1964, analysant la régénération lymphatique au niveau des hiles pulmonaires après TPx chez le chien [14]. En 1993 Winter et al. [17] ont analysé la réponse immune à un antigène inhalé en comparant 4 groupes de rats : dans le premier les rats avaient leurs poumons natifs intègres (Gp1), dans le deuxième les rats avaient eu un stripping lymphatique hilaire (Gp2), dans le troisième les rats avaient

35 eu des TPx syngéniques (Gp3) et dans le quatreième les rats avaient eu des TPx allogéniques (Gp4). Tous les rats ont été traités par cyclosporine à j2 et j3 postopératoire puis immunisés par injection sélective de globules rouges de mouton dans la bronche souche gauche à j7, j10, j14, j21, j28 et 6 mois. Les anticorps circulants ont été régulièrement recherchés. À j7 aucune réponse anticorps n’a été détectée dans les groupes strippés et transplantés alors que la réponse était présente dans le groupe Gp1. À j14 la réponse était redevenue normale chez les rats du Gp2 mais restait anormale chez les rats transplantés Gp3 et Gp4. À j28, tous les groupes avaient une réponse normale qui allait persister jusqu’à 6 mois. Ce retard à la production d’anticorps en réponse à l’inhalation de particules après TPx a également été retrouvé dans l’étude de Dal et al. [18]. Dans cette étude ayant analysé le transfert de particules instillées en TxP de chiens, aucun transport de particule n’a été observé durant les 14 premiers jours post-TxP. Le lien rapporté dans les travaux d’Eraslan [14] entre la disparition de l’œdème pulmonaire observé après TPx et la régénération de canaux lymphatiques au niveau du hile n’a pas été retrouvé par les travaux de Wang [16]. Ce dernier rapporte une disparition de l’œdème dès j4 après la transplantation, soit bien avant le moment de la régénération lymphatique [16]. L’hypothèse d’une vidange spontanée vers la cavité pleurale, des vaisseaux lymphatiques saturés de lymphe responsables de l’œdème peut être faite compte tenu de l’ensemble des travaux analysés.

Rôle des lymphatiques dans la médiation du rejet et de la bronchiolite oblitérante En 1959, les premiers travaux effectués par Stark sur des homotransplantations de peau de lapin ont montré l’importance du système lymphatique régional du receveur comme premier médiateur dans les phénomènes de rejet [19]. En 1961, Weatherley-White appartenant à la même équipe, a montré l’importance de la régénération des connexions lymphatiques entre le greffon et le système lymphatique du receveur indispensable pour le développement de telles réponses immunitaires [20]. Ces régénérations lymphatiques avaient lieu en moins de 4 à 6 jours après la greffe. En 2002, Yamagami [21] a montré l’inhibition du rejet après Tx de cornée chez la souris, en interrompant le réseau lymphatique de la cornée par un curage lymphatique cervical bilatéral. Dans le modèle murin de Tx cornéenne rapporté par Dietrich [22], plusieurs groupes de receveurs ont été comparés : un environnement avasculaire inflammatoire ou non, un environnement seulement vascularisé et un environnement vascularisé associé à un réseau lymphatique. La préexistence de vaisseaux lymphatiques chez les receveurs détériorait significativement la survie du greffon (p < 0,001) confirmant leur rôle significatif dans le rejet précoce du greffon cornéen. En 2011, Zheng et al. ont évalué le lien entre la lymphangio/angiogenèse et la survenue d’un rejet de greffe cornéenne [23]. Dans cette étude portant sur 23 patients ayant nécessité une reTx cornéenne, un lien statistique entre la survie du greffon et la lymphangio/angiogenèse

36

F. Le Pimpec-Barthes et al.

Conclusion

Figure 2. Immunomarquage avec l’anticorps anti-D240 soulignant le réseau lymphatique de la musculeuse et de la sous-muqueuse (grandissement × 200).

présente a été identifié. Cependant seule la lymphangiogenèse représentait un facteur de mauvais pronostic pour une nouvelle greffe de cornée. L’analyse du mécanisme de rejet chronique en Tx d’organes solides, autres que pulmonaires, a permis d’établir des similitudes dans la topographie des lésions de rejet qui suivent les vaisseaux et les canaux : en Tx cardiaque, les lésions de rejet siègent le long des coronaires réalisant un tableau équivalent de coronarite. En Tx hépatique, cela siège le long des voies biliaires réalisant une cholangite. Or dans ces différents organes, il n’y a aucun ganglion situé à l’intérieur de l’organe et ces lésions siègent sur les trajets de drainage lymphatique qui confluent vers le hile ou la base de l’organe [24]. En TPx, le rejet chronique se manifeste par une bronchiolite oblitérante (BO) qui est la cause principale des défaillances tardives du greffon pulmonaire survenant chez 70 % des transplantés dans les 5 années après leur transplantation. La BO dont la définition est anatomopathologique désigne la présence de bourgeons tissulaires conjonctifs dans la lumière des bronchioles. L’évolution dans le temps de ces bourgeons peut se faire soit vers la régression par résorption des lésions, soit vers la formation de zones de densification de l’acini suivi d’un remodelage architectural et d’une fibrose bronchiolaire et péribronchiolaire [25]. Le terme plus adapté de « bronchiolite constrictive » employé et défendu par Capron en 1993 [25] traduit parfaitement le mécanisme de fibrose constrictive des bronchioles responsable de la survenue de lésions d’emphysème au-delà de la lésion aérienne. Pourrait-on établir un lien entre ce phénomène exubérant endobronchique et le processus de bourgeonnement lymphatique péribronchique comme celui décrit en Tx intestinale ? La place exacte de ce mécanisme de lymphangiogenèse dans la BO reste encore mal définie car aucun travail scientifique n’a permis à ce jour de préciser le rôle exact des néolymphatiques péribronchiques comme potentiel substrat anatomique à la fibrose pariétale. La disposition péribronchique des lymphatiques pulmonaires (Fig. 2) renforce l’hypothèse du rôle probablement important des lymphatiques dans la survenue d’une BO.

Cette revue de la littérature a permis de colliger des travaux faits dans 2 types de Tx, intestinale et pulmonaire, présentant des problématiques assez similaires en termes d’interruption du retour lymphatique en provenance de l’organe, de conséquences immunologiques et de rejet. Ces différentes études sur modèle animal concourent aux conclusions suivantes : La TPx interrompt complètement et au moins temporairement le flux lymphatiques au niveau du hile, comme cela peut être observé de fac ¸on partielle lors d’un stripping radical des canaux lymphatiques. Cette interruption lymphatique joue certainement un rôle dans la survenue de l’œdème pulmonaire après TPx, mais elle n’en représente pas l’unique cause. Aucune étude animale ne permet de conclure de fac ¸on formelle sur ce point. Il est cependant fort probable qu’en cas de greffon fonctionnellement « limite » associé à un temps d’ischémie un peu long, qu’un œdème « mécanique » de cause lymphatique surajouté représente un risque accru de DPG. Le traumatisme chirurgical que représente l’interruption lymphatique lors de la TPx ne supprime pas la réponse immune locale mais elle la retarde dans le temps. Il faut ainsi attendre la régénération des connexions lymphatiques au niveau du hile pour observer cette réponse. Cela signifie que durant toute la période où les connexions sont interrompues, le greffon pulmonaire est plus sensible aux infections pulmonaires expliquant leur fréquence accrue durant les premières semaines immédiatement après la TPx. Enfin en cas de rejet chronique, il est intéressant de remarquer qu’une part des lésions fibrosantes s’observe le long des vaisseaux lymphatiques, notamment péribronchiques et bronchiolaires. Au total le rôle de la circulation lymphatique en TPx est probablement sous-estimé et globalement méconnu en clinique justifiant de nouvelles études.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Rouviere H, Valette G. Physiologie du système lymphatique « formation de la lymphe, circulation lymphatique normale et pathologique ». Paris: Ed Masson et cie; 1937 [159 pages]. [2] Le Pimpec-Barthes F, Berna P, Badia A, Petkova B, Zegdi R, Boussaud V. Préservation et conservation du greffon pulmonaire dans le cadre d’un prélèvement multiorgane. EMC; 2008, 42440-A. [3] Diamond JM, Christie JD. The contribution of airway and lung tissue ischemia to primary graft dysfunction. Curr Opin Organ Transplant 2010;15:552—7. [4] Christie JD, Sager JS, Kimmel SE, Ahya VN, Gaughan C, Blumenthal NP, et al. Impact of primary graft failure on outcomes following lung transplantation. Chest 2005;127:161—5. [5] LilleheiRC, Goott B, Miller FA. The physiological response of the small bowel of the dog to ischemia including prolonged in vitro preservation of the bowel with successful replacement and survival. Ann Surg 1959;150:543—60.

Lymphatiques et transplantation pulmonaire. Revue [6] Goott B, Lillehei RC, Miller FA. Mesenteric lymphatic regeneration following autografts of small bowel in dogs. Surgery 1960;48:571—5. [7] Popesco-Urlueni M, Gilorteanu M. Newly-formed lymphatics at the level of digestive anastomoses. J Chir (Paris) 1963;86:465—9. [8] Lillehei RC, Manax WG, Lyons GW, Dietzman RH. Transplantation of gastrointestinal organs including small intestine and stomach. Gastroenterology 1966;51:936. [9] Kocandrle V, Hauttuin E, Prohaska JV. Regeneration of the lymphatics after autotransplantation and homotransplantation of the entire small intestine. Surg Gynec Obstet 1966;132:587—92. [10] Goott B, Lillehei RC, Miller FA. Homografts of the small bowel. S Forum 1959;10:193. [11] Grenier JF, Adriansen D, Santizo-Lepe G, Michel L, Kachelhoffer J, Wong P, et al. Homologous transplantation of the small intestine. Surgical techniques and functional explorations in dogs. Bull Soc Int Chir 1969;28:195—205. [12] Olivier Ch, Olivier Cl, Rettori R. Les consequences de l’interruption lymphatique et de l’énervation lors de l’homotransplantation totale du grêle chez l’homme. J Chir 1969;98:397. [13] Schier F, Uner A, Waldschmidt. Microlymphography of spontaneous lymph vessel anastomosis in small bower transplantation in the rat. J Pediat Surg 1991;26:1239—42. [14] Eraslan S, Turner MD, Hardy JD. Lymphatic regeneration following lung reimplantation in dogs. Surgery 1964;56:970—3. [15] Rabinowitsch JJ, Rassochina-wolchowa LI, Sapin MR, Bulanowa GB, Rübakowa LI. Lymphatic vessels and blood vessels of the lung and of the bronchial anastomosis after autotransplantation-an experimental study. Z Exp Chir 1980;13:318—38.

37 [16] Wang F, Winter JB, Dam M, Wildevuur CRH, Prop J. Influence of interrupted pulmonary lymph drainage on antibody responses in hilar-stripped lungs. J Heart Lung Transplant 1992;11:S215—20. [17] Winter JB, Groen M, Petersen AH, Wildevuur CR, Prop J. Reduced antibody responses after immunization in rat lung transplants. Am Rev Respir Dis 1993;147:664—8. [18] Dal Col RH, Herlan DB, Paradis IL, Grurich W, Griffith BP. Translocation of potentially infectious antigen to tracheobronchial lymph nodes is impaired in the transplanted lung. Surg Forum 1988;39:406—8. [19] Stark RB, Dwyer EB, de Forest M. Effect of surgical ablation of regional lymph nodes on survival of skin homografts. Ann N York Acad Sci 1960;87:104. [20] Weatherley-white RC, Stark RD, De Forest M. Physiologic evidence of lymphatic repair after skin homotransplantations. Surgery 1961;50:784—8. [21] Yamagami S, Dana MR, Tsuru T. Draining lymph nodes play an essential role in alloimmunity generated in response to highrisk corneal transplantation. Cornea 2002;21:405—9. [22] Dietrich T, Bock F, Yen D, Hos D, Bachmann BO, Zahn G, et al. Cutting edge: lymphatic vessels, not blood vessels, primary mediate immune rejections after transplantation. J Immunol 2010;184:535—9. [23] Zheng Y, Lin H, Ling S. Clinicopathological correlation analysis of (lymph) angiogenesis and corneal graft rejection. Mol Vis 2011;17:1694—700. [24] Riquet M, Brière J, Dupont P, Pennhouat G, Hidden G. The embryonic and early fetal development of the lymphatics of the heart and lungs in humans. Surg Radiol Anat 1993;15:369—70. [25] Capron F. À propos de « bronchiolites oblitérantes ». Ann Pathol 1993;13:6—7.

[Lymphatics and lung transplantation. A review].

The role of lymph circulation in lung transplantation (LTx) has not really been studied since the first animal models, which allowed the development o...
920KB Sizes 0 Downloads 0 Views