Table ronde Asthme grave (GFRUP)

Traitements médicamenteux de l’asthme aigu grave S. Daugera*, N. Lachausséea, F. Angoulvantb, S. Jullianda, S. Prot-Labarthec aService de Réanimation et Surveillance Continue Pédiatriques, hôpital Robert-Debré, AP-hP, Université Paris Diderot, Paris 7, France bService des Urgences Pédiatriques Médico-chirurgicales, hôpital Necker-Enfants Malades, AP-hP, Université René Descartes, Paris 5, France cService de Pharmacie, hôpital Robert-Debré, AP-hP, INSERM U1123, ECEVE, France

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a prévalence de l’asthme de l’enfant est en nette augmentation à travers le monde, et particulièrement dans les pays émergents. Malgré une baisse de la mortalité depuis plusieurs décennies, l’Institut National de Veille Sanitaire dénombrait encore une soixantaine de décès par asthme chez l’enfant et l’adulte jeune en France en 2012. Alors que le traitement de fond de l’asthme semble bien codifié, les traitements de l’asthme aigu grave (AAG), défini comme une crise résistant à un traitement par agonistes bêta-2 (b2(+)) inhalés bien conduit en milieu d’urgence ou dont l’intensité est inhabituelle dans son évolution ou sa symptomatologie, sont extrêmement variables tant aux urgences qu’en unité de réanimation pédiatrique (URP). Nous détaillons ici les principaux médicaments de l’AAG. L’assistance ventilatoire ou les traitements à n’utiliser qu’en URP ne seront pas discutés.

1. Oxygénothérapie L’oxygénothérapie (O2) humidifiée est le traitement immédiat de toute insuffisance respiratoire (IR) aiguë hypoxémiante sans IR chronique hypercapnique sous-jacente. Les lunettes nasales permettent des débits allant jusqu’à 4 L/min. Les masques à haute concentration (MHC) avec des débits d’O2 minimaux obligatoires permettent d’atteindre des fractions inhalées proches de 0,8 en évitant la réinhalation du CO2 exhalé (petit MHC: 6 à 8  L/min, grand MHC: 10 à 15 L/min). L’objectif est de maintenir une saturation transcutanée en O2 supérieure à 92 %. L’oxygénothérapie à haut-débit semblerait avoir un intérêt mais génère une pression expiratoire positive qui nécessite une surveillance rigoureuse. Des études spécifiques sont nécessaires avant d’en généraliser l’utilisation.

*Correspondance : [email protected]

2. Les agonistes bêta-2 (b2(+)) et les anticholinergiques Les b2(+) sont des agonistes sélectifs des récepteurs adrénergiques b2. Ils stimulent l’adénylate cyclase (ADC) membranaire en présence de magnésium, augmentant ainsi le taux d’adénosine monophosphate cyclique (AMPc), qui diminue la concentration intracellulaire du calcium (Ca++) et donc la contraction du muscle lisse. Le haut niveau d’AMPc dans les mastocytes pourrait aussi inhiber la libération d’histamine. L’administration continue d’aérosols de b2(+) de courte durée d’action (salbutamol) est recommandée en cas d’AAG. Celle-ci se fera au mieux par un dispositif dédié mais peut être réalisée par le remplacement immédiat de l’aérosol dès qu’il est terminé (soit 3 aérosols horaires avec 2,5 ou 5 mg dans 10 ml de sérum physiologique (SP) à 6 à 8 L/min d’O2), en visant des doses de 7,5 mg/h pour 5 à 10 kg, 11,5 mg/h pour 10 à 20 kg et 15 mg/h si > 20 kg. La disparition du nuage de gaz inhalé à l’inspiration et l’augmentation de celui-ci à l’expiration est un signe d’amélioration de l’état ventilatoire. L’adjonction d’aérosols d’anticholinergique réduit le nombre de transferts en URP (ipratropium, 0,25 à 0,5 mg/dose toutes les 2 heures avec 6 à 8 L/min d’O2). La forme sous-cutanée de b2(+) (terbutaline, 5 à 10 µg/kg, dose maximale : 0,4 mg), voire d’adrénaline aux mêmes doses, peut être une alternative lorsque l’aérosolthérapie est mal tolérée, sans voie veineuse (IV) rapidement accessible. Bien qu’il n’y ait pas de preuve de la supériorité de l’administration IV des b2(+) (salbutamol, 0,5 à 4 µg/kg/min), cette voie reste recommandée en cas d’échec de l’aérosolthérapie continue. Le recours à la voie IV, témoignant de l’évolutivité de la crise, justifie une hospitalisation au minimum en unité de surveillance continue (USC). Plusieurs auteurs recommandent de maintenir l’aérosolthérapie durant l’administration IV. Les b2(+) peuvent provoquer une vasodilatation, un tremblement, une hyperglycémie, une hypokaliémie, une hypophosphorémie et une hypomagnésémie. Malgré leur spécificité, ils stimulent aussi les récepteurs b1 provoquant une tachycardie souvent marquée chez l’enfant. Ces effets indésirables sont en général bien tolérés et facilement compensés. Les b2(+) peuvent aussi aggraver momentanément les anomalies des rapports ventilation/perfusion et donc l’hypoxémie en augmentant le débit sanguin dans les zones mal ventilées. Enfin, certains patients

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exposés à de fortes doses de b2(+) peuvent présenter une acidose métabolique avec hyperlactatémie. Il faudra l’évoquer en cas de modification de la dyspnée (type Kussmaul) avec réapparition des sibilants. Le traitement est la réduction des doses de b2(+).

3. Le sulfate de magnésium (SMg++) Le SMg++ a une action bronchodilatatrice directe en inhibant l’influx de Ca++ intracellulaire dans le muscle lisse par blocage des canaux calciques voltage dépendants via l’activation de l’ADC et la synthèse d’AMPc. Il déprime aussi l’excitabilité des fibres musculaires en diminuant la libération d’acétylcholine vers l’axone terminal. Il diminue la production de radicaux libres de l’oxygène, stabilise les cellules T et inhibe la dégranulation des mastocytes conduisant à une réduction des médiateurs de l’inflammation (histamine, thromboxane, leucotriènes). Son intérêt par voie IV chez l’enfant a été démontré avec une réduction du nombre de passages en USC/URP, de recours à l’assistance ventilatoire, de la durée de séjour en USC/URP et à l’hôpital. Il est habituellement utilisé à la dose de 40  mg/kg (dose maximale : 2 g et concentration maximale : 200 mg/ml) dilués dans 100  ml de SP sur 30 minutes. La voie inhalée n’a pas modifié le pronostic des crises d’AAG dans une large étude multicentrique prospective. Le SMg++ peut provoquer une sensation de brûlure au point d’injection et de bouffée de chaleur, des nausées et des vomissements, des crampes musculaires, une dépression du système nerveux central ou une hypotension artérielle par vasodilatation. En pratique, aucun de ses effets n’a nécessité l’arrêt d’un traitement prolongé par SMg++ à fortes doses (40 mg/kg/h sur 4  heures après 60  mg/kg en dose de charge) dans une étude pédiatrique prospective récente.

4. Les corticoïdes Les corticoïdes ont un effet anti-inflammatoire (diminution de l’œdème et des sécrétions) et diminuent l’internalisation et la perte d’affinité des récepteurs b2 bronchiques. Leur action débute environ 4 à 6 heures après la prise. Une administration systémique précoce est donc nécessaire en cas d’AAG. La voie inhalée n’a pas sa place dans l’AAG. La voie IV ne semble pas plus efficace que la voie orale, néanmoins elle doit être préférée au moins durant les premières heures dans les formes graves pour s’assurer d’une bonne absorption. La dose recommandée est de 2 mg/kg/j de méthylprédnisolone (maximum : 60 mg/j) en 2 fois pour une durée totale habituelle de 5 jours. Il n’existe pas d’effet indésirable notable dans ce contexte chez l’enfant pour cette dose et cette durée de traitement. Un traitement de fond incluant une corticothérapie inhalée sera discutée dès l’amélioration.

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5. L’hydratation et l’expansion volumique L’enfant en AAG est très souvent déshydraté en raison de faibles apports hydriques et de l’augmentation des pertes insensibles. Une bonne hydratation, initialement par voie parentérale, pourrait fluidifier les sécrétions bronchiques et limiter les atélectasies causant parfois une hypoxémie marquée et prolongée. Les variations de pression intra-thoracique et la ventilation à haut volume pulmonaire ont un retentissement hémodynamique important dans l’AAG. Les postcharges des ventricules droit (VD) et gauche (VG) sont augmentées. La précharge du VG est gênée durant l’inspiration par la diminution du retour veineux pulmonaire liée à l’écrasement capillaire, la diminution de l’éjection (interdépendance en série) et la dilatation du VD (interdépendance en parallèle). La précharge du VD, en général élevée, peut s’effondrer en cas de dépression pleurale inspiratoire importante, entraînant un collapsus de la veine cave inférieure, encore plus marqué en cas d’hypovolémie Ceci est à l’origine du pouls paradoxal correspondant à une diminution inspiratoire de la pression artérielle. Ce retentissement hémodynamique est encore majoré lors de la mise en place d’une ventilation invasive (VI) : l’hypotension artérielle est la complication la plus fréquente lors de l’intubation d’un enfant en AAG. Pour toutes ces raisons, nous réalisons très facilement un remplissage vasculaire de 20 ml/kg de SP sur 30 minutes chez les patients en AAG devant être hospitalisés en USC/URP. Cette mesure ne fait l’objet d’aucune recommandation consensuelle à ce jour.

6. Conclusion En cas d’AAG, le risque vital est engagé. L’objectif est d’éviter le recours à la VI pourvoyeuse de nombreuses complications. L’optimisation du traitement médicamenteux est fondamentale. L’efficacité sera jugée sur l’amélioration de l’état de conscience, le retour de la parole, la réapparition des sibilants, la diminution des signes de lutte. La coordination doit être parfaite entre les différents intervenants tout au long de la prise en charge. En URP, où la ventilation non-invasive fait déjà partie de l’arsenal thérapeutique, le réanimateur pourra alors évaluer l’intérêt de traitements adjuvants.

Références Les références complètes peuvent être obtenues sur demande auprès de l’auteur.

[Management of acute asthma].

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