Progrès en urologie (2013) 23, 1511—1521

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REVUE DE LA LITTÉRATURE

Cognition et miction Micturition and cognition T. Thubert a,∗,b,c, M. Jousse b,c, X. Deffieux a,b, G. Amarenco b,c a

Service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, hôpital Antoine-Béclère, AP—HP, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92140 Clamart, France b GREEN, groupe de recherche clinique en neuro-urologie, GRCUPMC01, 75020 Paris, France c Service de neuro-urologie et explorations périnéales, hôpital Tenon, groupe hospitalier EST, AP—HP, 75020 Paris, France Rec ¸u le 20 juin 2013 ; accepté le 3 juillet 2013

MOTS CLÉS Cognition ; Incontinence urinaire ; Neuroimagerie ; Urgenturie ; Facteur cognitif ; Thérapie cognitive



Résumé But. — La physiopathologie des troubles de la miction et de la continence urinaire a fait l’objet de nombreuses recherches sans que l’on puisse trouver une cause uniciste aux pathologies mictionnelles. La notion de miction cognitive apporte de nouvelles pistes de recherche pour montrer le rôle fondamental du cortex et du sous-cortex dans ces pathologies. Matériel et méthodes. — Il s’agit d’une revue de la littérature réalisée à partir d’une recherche bibliographique sur Pubmed, Medline, Embase et Cochrane. Les termes utilisés étaient cognition, urinary tract, urinary continence, neuroimaging, IRMf, micturition, urge, brain factor, cognitive therapy. Nous avons sélectionné les 72 articles se rapportant réellement à la problématique de la miction et de la cognition. Résultats. — L’émergence des nouvelles techniques d’imageries a permis de montrer l’interconnexion de zones corticales dans le contrôle mictionnel tels que la substance grise périacqueductale, l’hypothalamus, l’insula, le gyrus cingulaire antérieur et le cortex préfrontal. Ces mêmes régions cérébrales sont impliquées dans les différentes facettes de la cognition. Une altération du comportement mictionnel implique une modification d’activation de ces aires corticales. Conclusion. — Une meilleure compréhension de la partie cognitive de la miction et de la continence urinaire permettra d’améliorer la prise en charge des pathologies associées. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Thubert).

1166-7087/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.07.010

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KEYWORDS Cognition; Urinary continence; Neuroimaging; Urge; Brain factor; Cognitive therapy

T. Thubert et al.

Summary Purpose. — The physiopathology of the voiding and urinary continence was one of the hot topic of research these last few years. Unfortunately, anyone have already found a unique cause which could explain urinary incontinence (urge or stress). The concept of cognitive function highlights new ways of research to show the fundamental role of the cortex and the sub-cortex in these diseases. Methods. — A comprehensive literature review using Pubmed, Medline, Embase and Cochrane: ‘‘cognition, urinary tract, urinary continence, neuroimaging, IRMf, micturition, urge, brain factor and cognitive therapy’’. In all the articles, 72 really dealt with micturition and cognition. Results. — New imaging techniques allowed to show the relationship between the different brain area involved in the bladder control such as the periaqueductal gray, the hypothalamus, the insula, the anterior cingulated cortex and the prefrontal cortex. These cortical area are equally involved in cognition. An alteration of urinary continence implies a modification of activation of these cortical areas. Conclusion. — A better knowledge of the cognitive side of micturition and urinary continence will allow to improve the treatment of their associated diseases. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Uriner est un besoin physiologique, basé sur une succession de boucles réflexes. Son contrôle est avant tout un comportement acquis permettant aux individus de se conformer aux normes sociales, faisant intervenir une intégration corticale de la sensation de besoin d’uriner et une analyse des conditions environnementales afin de déterminer si la miction immédiate est socialement acceptable ou doit être différée. Le mécanisme physiologique de la miction bien que largement exploré n’est pourtant à ce jour que partiellement compris. Alors que les boucles reflexes faisant intervenir l’urothélium, le système nerveux périphérique et médullaire ont fait depuis longtemps l’objet d’une recherche approfondie, ce n’est que plus récemment, grâce à l’avènement des nouvelles techniques d’imagerie, que les rôles du cortex et du sous-cortex ont été étudiés. Le système nerveux central est l’élément clef permettant à chaque individu d’acquérir un contrôle de sa miction avec une phase de continence et de miction volontaire. En effet, déclencher volontairement une miction dans un lieu et à un moment adapté fait l’objet d’un apprentissage impliquant la cognition chez de nombreux animaux et bien sur chez l’enfant. La cognition est la résultante d’une interaction neuronale complexe entre les différentes régions du cerveau. Elle permet de surpasser les mécanismes automatiques, de modifier et de retarder un automatisme mécanique prédéterminé en le transformant en un acte volontaire. Celle-ci est composée des différentes facettes que sont entre autres l’attention, l’inhibition et la mémoire [1,2]. L’attention résultant du maintien d’une activité neuronale permet de réaliser une tâche précise. L’inhibition vient compléter l’attention en supprimant une activité neuronale antagoniste, et finalement, la mémoire permet aux individus de différer un mécanisme en retardant le délai entre un stimulus et une réponse. De multiples tests neuropsychologiques existent afin d’évaluer les différents compartiments de la cognition [3] et les nouvelles techniques d’imagerie fonctionnelles cérébrales permettent de mieux définir les aires cérébrales impliquées à la fois dans le contrôle mictionnel et différents domaines cognitifs. Les processus cognitifs jouent un rôle capital dans le contrôle

périnéal et urinaire, mais peu d’études jusqu’à ce jour se sont penchées sur l’importance de leurs implications dans les troubles mictionnels tel que l’incontinence urinaire à l’effort ou par urgenturie. Nous proposons dans cette revue de la littérature de recenser l’ensemble des données concernant la cognition et la miction.

Matériels et méthodes Nous avons réalisé une revue de la littérature sur Pubmed, Medline, Embase et Cochrane en utilisant les termes cognition, urinary tract, urinary continence, neuroimaging, IRMf, micturition, urge, brain factor, cognitive therapy. La recherche bibliographique porte sur l’ensemble des articles publiés jusqu’à juin 2013. Parmi les articles trouvés, nous en avons retenu 72 s’intéressant à l’interaction entre la miction et la cognition.

Résultats Le concept de miction cognitive Le concept de miction cognitive a été introduite en 2012 par l’équipe de Gillespie et Harvey [4,5]. Cette notion est le fruit d’une réflexion tournant autour de la difficulté à définir une cause uniciste aux pathologies mictionnelles telle que l’hyperactivité vésicale (HAV). Parmi les hypothèses expliquant l’HAV, figure l’hyperactivité détrusorienne, or seules 46 % des patientes souffrant d’HAV présente une hyperactivité détrusorienne [6]. De plus, seules 50 % des patientes chez lesquelles il est effectué un remplissage vésicale avec visualisation d’hyperactivité détrusorienne, rapportent les ressentir [7]. L’action des thérapeutiques utilisées (anticholinergiques et agoniste ␤3) n’est elle-même non clairement identifié. Selon Finney et al., aux concentrations présentes dans la circulation sanguine (située entre 1 et 30 nM), ces thérapeutiques ne pourraient pas avoir d’action sur la jonction neuromusculaire ou la relaxation directe du détrusor [8]. Une action sensitive directe est supposée d’autant

Cognition et miction plus que, ces traitements ont un effet bénéfique chez des patientes atteintes d’HAV sans hyperactivité détrusorienne. Finalement, le concept récent d’« afferent noise » selon lequel l’influx nerveux continu provenant de la vessie et de l’urètre devient de plus en plus intense au fur et à mesure du remplissage vésicale est en contradiction avec la définition clinique de l’HAV qui correspond à des sensations épisodiques de besoin d’uriner [9]. Les termes utilisés par les praticiens pour décrire une envie d’uriner, une sensation de réplétion vésicale, l’évolution de ces sensations, les facteurs provoquant le déclenchement mictionnel sont multiples et souvent différents de ceux utilisés par les patients, ce qui peut ainsi prêter à confusion. Harvey et al. ont décidé d’étudier le comportement mictionnel normal, en interrogeant des patientes indemnes de problèmes urinaires sur les « motifs poussant une patiente à aller uriner ». Cette étude a permis de définir cinq principaux cadres dans lesquels s’inscrivent la miction : le temps (les patientes urinent à des moments donnés dans la journée sans forcément tenir compte de leur sensation vésicale), le schéma cognitif (adaptation de l’individu à la présence ou non de toilette, saisir l’opportunité d’aller aux toilettes si il y en a), éviter le risque de fuite, l’habitude et l’appréciation du degré de remplissage vésical (sensation difficile à décrire par les patientes relevant avant tout de l’intéroception). Au final, la sensation de remplissage vésicale et la sensation de besoin d’uriner ne sont qu’un des paramètres non obligatoires poussant l’individu à aller uriner. La décision d’aller uriner correspondant à un comportement cognitif complexe relatif à une sensation vésicale consciente et inconsciente s’inscrivant dans un environnement spatial et temporel [5]. Afin de mieux comprendre l’aspect cognitif de la miction, il semble important d’en décrire les mécanismes physiologiques. Les récentes techniques d’imagerie nous ont permis de mieux explorer la participation corticale au contrôle de la miction.

Contrôle mictionnel et imagerie du système nerveux central Le fonctionnement des structures du bas appareil urinaire impose l’intégrité du système nerveux central et périphérique, somatique et neurovégétatif qui assure à la fois l’innervation des différentes structures anatomiques et leur régulation. C’est à cette seule condition que la motricité vésico-sphinctérienne peut assurer l’alternance des phases de remplissage (continence) et de vidange (miction), par des phénomènes d’activation et de désactivation de fibres musculaires lisses ou striées, présentes dans les différentes structures anatomiques [10]. Les centres médullaires permettant l’équilibre réflexe des phases mictionnelles et de réplétion vésicale sont sympathiques et parasympathiques. Le centre médullaire sympathique situé entre T10 et L2 permet de maintenir la continence passive grâce à une médiation adrénergique provoquant un relâchement du detrusor (effet ␤-) et une contraction du sphincter (effet ␣+). Le noyau parasympathique, également appelé centre de Budge (S2-S4), à médiation cholinergique favorise la contraction détrusorienne. Finalement, le noyau somatique également appelé noyau d’ONUF situé en S2-S4 permet d’assurer la continence active en cas de

1513 stimulation et la miction active en cas d’inhibition. Ces différents centres sont sous la dépendance de centre nerveux situé au niveau du tronc cérébral. Il s’agit notamment du centre de Barrington initialement découvert chez le chat dans les années 1925 et plus récemment chez l’homme. Les premières expériences permettant de comprendre le fonctionnement du déclenchement mictionnel reposaient sur des observations cliniques confirmées par des expériences animales. Holstege et al. [11,12] ont montré qu’une stimulation électrique au niveau de la région médial dorsal pontique actuellement dénommée « centre M » était à l’origine d’une diminution de la pression urétrale, une absence d’activité EMG des muscles releveurs de l’anus et une augmentation de la contraction détrusorienne. Cette même équipe a pu montrer qu’il existait des connexions neuronales excitatrices entre le centre M et le centre parasympathique de Budge et des interconnexions inhibitrices avec le noyau d’ONUF. Ainsi, une stimulation du « centre M » était à l’origine d’une contraction détrusorienne et d’une relaxation du muscle urétral aboutissant à une miction. De même, grâce à l’injection de Leucine radio marquée, ils ont pu mettre en évidence que la région latérale pontique également appelée « centre L » était à l’origine d’une activation du noyau d’ONUF permettant une continence passive. Griffiths et al. ont ainsi proposé en 1990 que le centre M soit considéré comme le centre mictionnel [13]. L’inconvénient principal de cette hypothèse reposait sur le fait que peu de fibres nerveuses afférentes sensitives ne rejoignent le centre pontique mictionnel. Après avoir mis en évidence la présence de quelques interconnexions neuronales sensitives provenant des centres sacrés, Block et al. ainsi que d’autres équipes ont pu montrer que la majorité des afférences sensitives allaient directement se connecter à une région plus en amont dénommée substance grise périaqueducale (PAG) elle-même en relation étroite avec les « centres L et M »[14—17]. Une des premières hypothèses concernant la phase de continence était que l’information concernant le degré de remplissage vésicale était transmise à la PAG qui activait le « centre L » et inhibait le « centre M ». En cas de remplissage vésical maximal, la PAG inhibait alors le « centre L » et activait le « centre M ». L’observation clinique de patients atteints de lésions cérébrales des lobes frontaux (traumatisme, tumeurs, anévrysmes) a permis de mettre en évidence que ces patients présentaient des troubles de l’initiation ou de l’inhibition de la miction avec une vidange vésicale normale [18,19]. L’avènement des nouvelles techniques d’imagerie fonctionnelle telles que le SPECT, le PET et l’IRM ont permis de mieux comprendre les interactions entre les différentes régions corticales et sous-corticale dans le processus mictionnel. Ces avancés technologiques permettent ainsi de séparer en deux parties le schéma mictionnel : une partie périphérique et médullaire réflexe permettant d’assurer automatiquement les mécanismes de continence et de miction (Fig. 1) et une partie cérébrale cognitive permettant d’intégrer et d’adapter la miction selon l’environnement et les conditions sociales dans lesquelles se trouvent l’individu. Dans la littérature, on recense au total 24 articles portant sur le control mictionnel et l’imagerie cérébrale fonctionnelle (11 PET, 2 SPECT et 11 IRM fonctionnelle) [20]. L’analyse de ces données a permis à Fowler et son équipe d’établir un schéma mictionnel impliquant différentes structures

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Figure 1.

T. Thubert et al.

Schéma des voies et des centres nerveux périphériques impliqués dans le fonctionnement du bas appareil urinaire.

cérébrales (Fig. 2). Les afférences sensitives acheminant le message provenant de la vessie sont connectées à la PAG qui relaye à son tour l’information à la partie dorsale du gyrus cingulaire antérieur, à l’insula droite et à la partie latérale du cortex préfrontal via le thalamus et l’hypothalamus (l’hypothalamus permet d’informer la patiente qu’elle se trouve en sécurité pour uriner). En cas de phase de continence, l’information est transmise à la partie médiale du cortex préfrontal qui va inhiber l’activation de la PAG et du même coup l’action du « centre M » pontique. En phase de miction, l’inhibition exercée par la partie médiale du cortex préfrontal sur la PAG est levée entraînant alors une activation du « centre M ». L’analyse des différentes régions du cerveau impliquées dans ce schéma mictionnel permet de mieux comprendre l’impact de la cognition sur la miction [20]. La substance grise périacqueducale (PAG), structure primordiale du contrôle mictionnel, est le carrefour des informations provenant du cortex et de la vessie. La PAG rec ¸oit des afférences en provenance de la vessie et du sphincter urétral lui permettant d’évaluer le degré de remplissage vésical. Ces afférences vésicales convergent uniquement vers cette dernière sans donner de projection vers le thalamus empêchant ainsi l’individu de prendre conscience de cette information. Directement en contact avec les centres pontiques L et M, par des efférences sympathiques, elle est également en rapport étroit avec le système nerveux émotionnel décrit par Holstege en 1992 [21,22]. Le rôle du système nerveux moteur émotionnel (SNME) est de suppléer le système nerveux moteur classique. Les neurones le composant, fortement intriqués avec le système limbique ne sont pas impliqués dans une action motrice spécifique mais serviraient davantage à juguler le niveau d’activation des neurones situés au niveau du tronc cérébral et de la moelle épinière pour permettre de réguler l’homéostasie corporelle. Le rôle de la PAG dans la sensation subconsciente du remplissage vésical est renforcé par l’expérience d’Athwal et al. [23]. Il s’agissait d’une étude prospective expérimentale incluant 11 patients de sexe

masculin dont le but était d’évaluer à l’aide d’un TEP scan cérébral le retentissement d’un remplissage vésical passif sur l’activité cérébrale. Le protocole expérimental consistait à évaluer six niveaux de remplissage vésical. À chaque niveau de remplissage, le patient devait définir leur perception de besoin d’uriner avant et après la réalisation du scanner. La limite principale de cette étude concerne le cathétérisme urétral qui à lui seule entraîne un besoin d’uriner bien que les auteurs ne rapporte pas de différence en termes d’activité cérébrale avec ou sans cathéter. Alors qu’une augmentation du remplissage vésical était entre autre corrélée à une augmentation de l’activité de la substance grise périaqueducale, la sensation de besoin d’uriner n’était pas corrélée à une augmentation d’activation de la PAG. L’expérience réalisée permet d’appuyer l’hypothèse du rôle de régulation subconsciente de la PAG dans le contrôle mictionnel [23]. L’insula joue également un rôle primordial dans le contrôle mictionnel. Située dans le sillon moyen entre le cortex pariétal et cortex pariéto-frontal, elle joue un rôle important dans l’homéostasie corporelle en permettant le décodage de notre état viscéral et plus globalement l’intéroception. Elle fait partie du système para limbique et est en étroite relation avec le SNME. Griffiths et al. ont pu montrer grâce à l’IRM fonctionnel [24] qu’au cours du remplissage vésical, il existait une modification dans la cartographie des zones activées du cortex mais surtout qu’il y avait une nette augmentation de l’activation de l’insula à volume vésical important. L’insula a à la fois un rôle d’intéroception de l’ensemble des sensations viscérales (distension gastrique, colique, rythme cardiaque. . .) [25,26] mais est également impliquée dans les émotions (vidéo à teneur émotionnelle) [27] et anxiété [28]. Cette région est également en relation étroite avec la région du gyrus cingulaire antérieur. Le gyrus cingulaire antérieur, considéré comme le cortex limbique moteur, pourrait être à l’origine d’une activation motrice en réponse à l’homéostasie perc ¸ue par l’insula [29,30]. Il serait également impliqué dans les choix à des réponses équivalentes, les choix à des réponses

Cognition et miction

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Figure 2. Schéma des interconnexions des différentes régions corticales au cours des phases de continence et de miction. D’après Fowler, Neuro Urol 2010.

avec erreur potentielle [29,30]. Il comporte deux parties : une région plus antérieure et ventrale impliquée dans les phénomènes affectifs et émotionnels et une région plus postérieure et dorsale impliquée dans la cognition et l’attention [31]. Une étude expérimentale réalisée par Tana et al. [32] chez huit volontaires sains, mettait en évidence une activation majeure du gyrus cingulaire antérieur à l’IRM fonctionnelle au cours d’un test de performance continu (Conner’s Performance test) impliquant l’attention. Une synthèse des zones d’activation du gyrus cingulaire antérieur a été effectuée par Griffiths en 2008 [33]. Selon les expériences effectuées chez des patients volontaires sains, certaines équipes ont pu montrer que les zones d’activation variaient. Par exemple, dans l’étude de Matsuura et al. [34], dans laquelle il était uniquement demandé au patient de dire lorsque leur vessie était pleine, seule la partie antérieur du gyrus cingulaire antérieur était activé. Cette tâche ne faisait pas intervenir la cognition mais uniquement le ressenti. Alors que dans l’expérience de Athwal et al. [23] au cours de laquelle il était demandé aux patients

de définir le ratio de remplissage vésical impliquant ainsi une certaine réflexion, seule la partie postérieure du gyrus cingulaire antérieur était activée. Au final, le gyrus cingulaire antérieur semble plus impliqué dans la perception du changement de réplétion vésicale que dans l’action de la miction. Il existerait un gradient postéro-antérieur d’activation du gyrus cingulaire avec le besoin croissant d’uriner pouvant témoigner de l’évolution de ce besoin de type factuel à l’émotion engendrée par un fort besoin d’uriner avec sensation désagréable voir peur de la survenue d’une fuite urinaire. La dernière structure décrite par Fowler est le cortex préfrontal. Celui-ci est composé de trois zones ayant chacune des caractéristiques spécifiques : le cortex orbito-frontal permet de réprimer certaines émotions, le cortex préfrontal latéral permet à l’individu de choisir un comportement et le cortex ventro-médian est impliqué dans le ressenti des émotions et le sens des choses expérimentées. Son implication dans le contrôle mictionnel avait initialement été mise en évidence par les publications de Ueki [19]. Ses observations portant sur 462 cas de

1516 neurochirurgie concluaient sur le rôle majeur du cortex préfrontal dans l’inhibition de la miction. En effet, les patients atteints de lésions de la substance blanche du cortex préfrontal devenaient pour la plupart incontinents. De même, Andrew et al. montraient un important retentissement mictionnel chez les patients présentant un AVC de la région medio frontal [18]. En 1997, Blok et al. [35] ont analysé au PET scanner la relation entre le déclenchement mictionnel et la modification d’activation des régions corticales chez 17 patients volontaires sains de sexe masculin. Parmi les patients sélectionnés, certains n’avaient pas réussi à uriner. Contrairement aux patients aptes à uriner, chez ces derniers la zone du cortex préfrontal n’était pas activée appuyant ainsi l’hypothèse que le cortex préfrontal permettrait d’autoriser ou non la miction selon les lieux et les moments dans lesquels se trouve l’individu. De nombreuses études retrouvent également une implication importante du cortex préfrontal dans les phénomènes attentionnels [36,37].

Cognition et troubles mictionnels Interrelations entre processus cognitifs et contrôle mictionnel L’acquisition du contrôle mictionnel avec une phase de continence et de miction volontaire est un comportement acquis tant chez l’animal que chez l’homme. Lors de l’apprentissage du contrôle mictionnel, qui varie selon les cultures et qui fait toujours l’objet de nombreuses études, l’enfant va intégrer peu à peu grâce à un conditionnement de type II si la miction à cet instant est adaptée ou non [38—42]. Cet apprentissage, de survenue tardive après la marche et la parole, est réalisé par le biais de l’association d’un renforcement positif/négatif (procédures par lesquelles la probabilité de fréquence d’apparition d’un comportement tend à augmenter suite à l’ajout ou au retrait d’un stimulus appétitif/ou aversif contingent à la réponse : e.g., ajout d’une récompense, félicitations/retrait d’une obligation, d’une douleur. . .) et de punition positive/négative (procédures par lesquelles la probabilité de fréquence d’apparition d’un comportement tend à diminuer suite à l’ajout ou au retrait d’un stimulus appétitif/aversif, ajout d’une obligation, d’une douleur/retrait d’un privilège, d’un droit. . .). Cet apprentissage est donc réalisé dans un certain contexte émotionnel faisant également appel aux capacités cognitives de l’enfant [39]. Certaines études retrouvent une association fréquente entre l’énurésie primaire et l’HAV dans l’enfance et l’apparition ou la réapparition [43] ou la persistance de l’HAV à l’âge adulte, faisant suspecter des facteurs génétiques mais aussi des éléments comportementaux/environnementaux [44]. Cet apprentissage fragile et complexe est un des premiers à disparaître avec le vieillissement. En effet, chez des sujets âgés avec hypersignaux de la substance blanche (leucoariose), l’incontinence urinaire apparaît plus précocement et pour une charge lésionnelle plus faible que les troubles de la marche et les troubles cognitifs [45]. En IRMf, Tadic et al. [46,47] retrouvent une activation cérébrale lors du remplissage vésicale différente en fonction de l’âge, avec une connectivité des aires cérébrales également différentes. Témoignant que le vieillissement physiologique

T. Thubert et al. mais aussi pathologique en modifiant les connections entre aires cérébrales peuvent modifier les capacités de contrôle mictionnel. Lorsque des femmes sans troubles vésico-sphinctériens sont interrogées sur leur comportement mictionnel, elles décrivent très peu de mictions en lien direct avec leurs sensations vésicales. Leurs motifs pour aller uriner reposent sur une analyse temporelle basée sur l’expérience du sujet entre les volumes des apports hydriques, le délai supposé d’apparition d’un besoin d’uriner, les activités prévues, la disponibilité des toilettes et leur « qualité ». La majorité de leurs mictions serait des mictions par opportunité, (présence de toilettes) et une minorité sur l’appréciation de la capacité vésicale/sensation de besoin témoignant de la composante cognitive du comportement mictionnel normal [5]. Très peu d’études se sont intéressées aux relations entre capacités cognitives et fonctionnement vésicosphinctérien. Lewis en 2011 [48] étudiait chez huit adultes âge moyen 34 ans (deux femmes, six hommes) leurs performances à une batterie de tests neuropsychologiques (tâche de détection : appuyer sur lettre D dès que la carte sur l’écran est retourné tâche d’identification : la carte est elle rouge ? et une tâche de mémoire One back : la carte retournée est elle la même que la précédente ?) vessie vide puis toutes les heures jusqu’à un fort besoin d’uriner après ingestion de 250 mL d’eau toutes les 15 minutes jusqu’ à envie d’uriner irrépressible. À fort besoin d’uriner, la vitesse d’exécution des tests d’identification et de mémoire de travail est plus lente, témoignant de l’effet du besoin d’uriner sur les capacités cognitives. Récemment, une étude portant sur 21 volontaires sains étudiait à la fois l’effet d’un besoin d’uriner sur les capacités attentionnelles sur un test de performance continue et la PASAT et réciproquement l’effet d’un test attentionnel sur le besoin d’uriner [49]. Trois groupes se distinguaient. Dans le premier groupe (8/21), la passation des tests (soit 18 minutes) était suivie d’une augmentation de la sensation de besoin, tandis qu’elle était suivie d’une diminution de la sensation de besoin pour trois sujets sur 21 et d’une absence de modification de la sensation de besoin chez dix sujets sur 21. Le score d’erreur total du test de performance continu était augmenté à fort besoin d’uriner avec un temps de réaction diminué et un plus grand nombre d’erreurs de commission témoignant d’une précipitation. Il existe donc une interaction entre capacités attentionnelles et besoin d’uriner. De même, Booth et al., dans une récente étude chez 36 volontaires saines analysaient la relation entre la démarche et le besoin d’uriner. Ils retrouvaient une modification de la démarche (rythmicité et rapidité) en cas de fort besoin d’uriner. Une des hypothèse soulevées par les auteurs était qu’un fort besoin d’uriner serait à l’origine d’un détournement d’attention empêchant l’individu d’effectuer correctement d’autres tâches telles que marcher [50].

Hyperactivité vésicale L’HAV est un trouble du contrôle mictionnel aux multiples étiologies parmi lesquelles figurent entres autres les atteintes de la sensibilité et de la motricité vésicale. Une composante à la fois cognitive et psycho-émotionnelle peut également être suspectée dans l’apparition d’une HAV. En effet, vu les liens entre processus cognitifs et le

Cognition et miction contrôle mictionnel normal, plusieurs éléments plaident en faveur de cette composante. Morris comparait chez 100 patientes souffrant d’incontinence urinaire par urgenturie et 100 patientes continentes les calendriers mictionnels, les scores de sensation vésicale, des questionnaires d’autoévaluation attentionnelle (mesure de l’attention dans les quatre domaines que sont l’environnement physique, les informations données, le comportement et l’affectif) et les test neuropsychologiques (Operation and Reading Span test, test de Wisconsin, Test de Stroop, lecture de carte, labyrinthe). Ils ne retrouvaient aucune différence concernant les résultats aux tests neuropsychologiques [51]. Il n’existe, à notre connaissance, aucune étude spécifique portant sur les capacités attentionnelles et cognitives des sujets souffrant d’HAV vessie pleine lors d’une forte sensation de besoin d’uriner. Il serait intéressant de vérifier chez les patients présentant une HAV, s’il n’existe pas de perturbation attentionnelle à minima avec une prédominance de l’attention portée aux signaux intéroceptifs (besoin d’uriner) par rapport aux signaux environnementaux. En effet, le concept d’« afferent noise » selon lequel le système nerveux central cerveau serait continuellement informé par une multitude de signaux afférents de l’état de réplétion vésical en bruit de fond et les informations vésicales seraient prises en compte en fonction des conditions environnementales et autres afférences, a récemment émergé [9]. L’HAV pourrait alors résulter d’une trop grande sensibilité à ce bruit de fond (signaux intéroceptifs), ou d’un déficit d’allégations des ressources. Les études sur la perception intéroceptive se développent dans plusieurs pathologies notamment les troubles fonctionnels intestinaux mais manquent chez les patients atteints d’HAV. Quelques études de neuroimagerie ont étudié la cartographie cérébrale de patientes souffrant d’HAV. Celles-ci appuient d’autant plus le rôle de la cognition dans l’éthiopathogénie de l’HAV. Griffiths et al. [24] montrent chez les sujets atteints d’HAV sans hyperactivité détrusorienne, une moindre activation de l’insula et du gyrus cingulaire lors d’un faible volume vésical (désactivation des régions limbiques), et une activation plus importante en intensité et en nombre de zones cérébrales à volume vésical important par rapport aux sujets sains. En cas d’hyperactivité détrusorienne, ils retrouvaient une diminution d’activation du cortex préfrontal droit et gauche, d’une partie du système limbique et du centre pontique de la miction. Komesu et al. retrouvaient également une activation plus importante chez les sujets d’HAV du système limbique notamment du gyrus cingulaire antérieur et de l’insula lors du remplissage vésicale et de la sensation de besoin d’uriner [52]. Ainsi, les patientes souffrant d’HAV présentent une activation cérébrale différente de la population saine quel que soit le volume de remplissage vésical : à faible volume, le système limbique (lié au réaction émotionnelle) semble désactivé comme si la personne voulait faire abstraction des réactions émotionnelles en rapport avec le remplissage vésical. Plus la réplétion vésicale augmente, plus les régions corticales sont activées et cela de manière disproportionnée avec une forte implication du système limbique (gyrus cingulaire antérieur). Griffiths et Taddic font l’hypothèse que l’individu tente de réquisitionner l’ensemble de ses aires cérébrales pour maintenir le contrôle mictionnel. Finalement, en cas de fuite ou d’hyperactivité détrusorienne, il apparaît une désactivation du système préfrontal et du

1517 centre pontique mictionnel indiquant l’incapacité du système nerveux central à éviter cette miction et une possible résurgence de la boucle reflexe mictionnel sacrée [33]. En cas de traitement par neuromodulation sacrée, les études de Blok et al. en 2006 montraient une modification des zones activées avec une diminution de l’activation du système limbique dans le contrôle mictionnel (neuroplasticité importante) [53]. Dans un premier temps, la neurostimulation avait une action sur les régions cérébrales sensorimotrices. En cas de neurostimulation prolongée, la thérapie semblait avoir une action sur les zones corticale impliquées dans le processus mictionnel à part entière et sur le système limbique. Ainsi, le traitement de l’HAV idiopathique pourrait résulter d’une diminution de l’implication de la cognition et de sa part émotionnelle dans le contrôle mictionnel. Certaines études se sont également intéressées à l’impact des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) focalisant leur action sur l’intégration cognitive du besoin mictionnel. Des essais randomisés ont montré que les TCC étaient plus efficaces que l’absence de traitement, entraînant une amélioration des symptômes de pollakiurie (augmentation de la capacité vésicale fonctionnelle), nycturie et urgenturie [54—57]. L’efficacité des TCC n’était pas significativement différente de celle des techniques de rééducation comportant des exercices de contraction musculaire du plancher pelvien et des anticholinergiques [56,58,59]. La réapparition des symptômes à l’arrêt du traitement serait peut-être même moins fréquente après TCC. Dans l’ensemble de ces études, le traitement consistait à réaliser des exercices de rééducation comportementale vésicale (espacement des mictions, régulation des mictions, incitation à la miction et modification des habitudes) et de contraction musculaire périnéale sans réelle description de la prise en charge cognitive. Les mécanismes d’action des TCC ont été assez peu étudiés de fac ¸on objective car jusqu’à présent, les outils manquaient pour les évaluer [60,61]. Le peu d’études focalisant sur les thérapies cognitives présentent à la fois des techniques cognitives non systématisées, et évaluent leur efficacité sur des données variables : score globale de qualité de vie, score d’anxiété, nombre de fuites. . . Parmi les rares études décrivant avec attention la part cognitive de la rééducation, figure l’étude de Dowd et al. [62]. Son but était d’évaluer l’impact d’une stratégie cognitive en sus d’un programme comportementaliste pour améliorer les fuites urinaires et/ou les épisodes d’urgenturie ainsi que le confort global du patient. Le groupe A composé de 21 patients bénéficiait d’une thérapie cognitive (enregistrement sur une cassette audio combinant parole de réassurance (axée sur le sociale, le psychospirituel, le physique et l’environnement du patient) et musique relaxante) associée à un programme comportemental standard. Le groupe B composé de 19 patients ne bénéficiait pas de thérapie cognitive. Toutes les trois semaines, chaque patient devait noter sur un calendrier mictionnel les épisodes de fuites ou d’urgenturie et remplir un questionnaire de symptômes : Urinary incontinence and frequency comfort Questionnaire (UFICQ). À partir de la sixième semaine, le groupe B bénéficiait lui aussi d’une thérapie cognitive. Les auteurs montraient un bénéfice significatif de la thérapie cognitive en termes de confort à trois et six semaines de traitement (p = 0,02), en termes de réduction du nombre de fuite d’urine (89,5 % des patientes rapportaient moins de fuites dans le groupe

1518 thérapie cognitive vs 52,4 % dans le groupe témoin [p = 0,01]). Finalement, lorsque le groupe B bénéficiait de la thérapie cognitive, après trois semaines de traitement les résultats étaient similaires dans les deux groupes. Les auteurs ne rapportaient pas de variations d’efficacité de la thérapie selon l’âge et le sexe. De même, Garley et Unwin [63] dans une étude type « case-series » incluant dix patientes souffrant d’urgenturie ou d’incontinence urinaire mixte évaluaient l’impact d’une thérapie cognitive sur le stress et l’anxiété relatifs à la pathologie, la qualité de vie et la fréquence des fuites. Il s’agit d’une des rares études décrivant avec précision le protocole utilisé. Celuici était composé de plusieurs étapes incluant une éducation sur l’anatomie du périnée et son action dans la continence urinaire, une éducation concernant le comportement des patientes incluant une rééducation des muscles périnéaux, une rééducation vésicale, de la relaxation et une approche du rôle du stress et de l’anxiété, une psychothérapie axée sur les émotions associées aux événements de fuites, une reconnaissance et réorganisation des pensées et schémas automatiques. . . Au final les auteurs montraient une amélioration de la qualité de vie à trois mois sans diminution des fuites et de la composante anxieuse [63]. Persuadés de la part importante du subconscient dans la genèse de l’HAV, Komesu et al. [64] ont voulu évaluer à l’aide d’un essai randomisé portant sur 20 patientes l’impact d’une hypnothérapie (dont le but est de faire s’exprimer le subconscient) en association avec une TCC versus une TCC seule dans le traitement de l’urgenturie. Ils montraient que l’apport de l’hypnothérapie en sus de la TCC permettait une amélioration significative du ressenti globale du patient sans pour autant montrer une supériorité sur le nombre de miction et le questionnaire de symptôme de l’HAV par rapport à la TCC seule [64].

Incontinence urinaire à l’effort Jusqu’à ce jour, aucune étude ne s’est focalisée précisément sur l’impact de la cognition sur l’incontinence urinaire à l’effort. Par l’altération de la force de contraction périnéale, l’âge est en soi un facteur de risque d’incontinence urinaire à l’effort. Les causes d’altération de la force de contraction périnéale lié à l’âge sont doubles : soit liée à l’altération même du tissu musculaire, soit liée à une diminution du signal nerveux efférent par atteinte neurologique périphérique, (neuropathie pudendale d’étirement), médullaire (pathologies rachidiennes associées) ou encéphalique (pathologie neurologique « vraie » ou déclin cognitif). Plusieurs études se sont intéressées à l’impact du vieillissement sur la force de contraction périnéale. Les résultats divergent. Deux études ne retrouvaient pas d’altération de la contraction des muscles releveurs de l’anus avec l’âge [65,66]. Une étude plus récente montrait à l’inverse une altération de la contraction périnéale avec l’âge chez des patientes continentes [67]. Les résultats divergents de ces études peuvent s’expliquer par la difficulté qu’ont les femmes à contracter volontairement leur périnée. Cela est mis en évidence par les expériences de Madill et McLean [65] qui retrouvaient chez des volontaires saines une contraction périnéale plus importante lors d’effort de toux que lors de contraction volontaires. Une récente étude expérimentale [68] portant sur 20 patientes volontaires

T. Thubert et al. saines, évaluait l’impact d’une épreuve de charge cognitive (PASAT) sur la contraction périnéale volontaire. Les auteurs montraient qu’une épreuve de charge cognitive entraînait un retard à la contraction périnéale. En effet, le temps de réaction entre l’ordre de contraction et la contraction périnéale était multiplié par 3,98 en cas de détournement d’attention (p < 0,001). Par extrapolation, cette expérience permettrait de montrer l’implication majeure de l’attention et de la cognition dans le maintient de la continence urinaire par contraction des muscles périnéaux. Dans la vie quotidienne, nombreuses sont les patientes se plaignant de fuites d’urine à l’effort sans pouvoir pour autant objectiver de fuites à l’examen clinique. En reprenant avec minutie l’interrogatoire de ces même patientes, il est intéressant de noter que les fuites surviennent dans les situations ou les patientes sont distraites sans pouvoir être concentrée sur leur périnée. Si ces résultats se confirmaient chez les patientes présentant une IUE, une rééducation cognitive associée à la rééducation périnéale classique pourrait avoir un effet bénéfique significatif pour ces patientes. L’une des thérapies de l’incontinence urinaire à l’effort repose sur la rééducation périnéale par contraction des muscles releveurs de l’anus. Différentes études d’IRM fonctionnelles ou de PET scan ont étudiée le retentissement d’une contraction périnéale sur l’activité corticale chez des patientes indemnes de pathologies mictionnelles. Au final, elles mettaient en évidence une activation de la partie supérieure médiale du gyrus précentral, du GCA, du cervelet, de l’aire motrice supplémentaire (AMS) et du thalamus en cas de contraction périnéale [35,69]. Zhang et al. [70] montraient en cas d’inhibition de la miction à vessie pleine par contraction des muscles périnéaux une activation de l’AMS, du putamen, du cortex pariétal droit, du système limbique droit et du cervelet droit. En 2006, une étude réalisée par Di Gangi Herms et al. [71], a étudié la modification des zones d’activation cérébrale à l’IRM fonctionnelle avant et après rééducation pelvipérinéale (12 semaines) chez des patientes souffrant d’incontinence urinaire à l’effort. Les auteurs montraient un changement d’activation des aires motrices corticales. En effet, avant la mise en place de la rééducation périnéale, les aires motrices primaires, sensorimotrices et les aires motrices supplémentaires et prémotrices étaient activées. Après rééducation, une disparition d’activité des aires motrices supplémentaires et prémotrices était observée témoignant d’une automatisation de la contraction périnéale acquise grâce à la rééducation. En revanche, les auteurs observaient une focalisation de l’activité des aires motrices et sensorimotrices témoin d’une meilleure représentation de l’aire périnéale par l’individu. Gunnarsson et al. montraient également après rééducation un meilleur contrôle cortical de la contraction périnéale [72]. Cette modification de l’activation des aires motrices n’est pas retrouvée chez les patients continents. Les auteurs émettaient l’hypothèse que les patients ne souffrant pas d’IUE n’avaient pas besoin de prendre conscience de leur périnée. Concernant l’insula droite, les auteurs ne retrouvaient pas de modification d’activation avant et après rééducation. Son activation en pré rééducation pourrait en partie être expliqué par le fait qu’elle soit étroitement liée avec l’émotionnel et le ressenti. En post-rééducation, son activation pourrait être reliée au fait que l’insula soit impliquée dans les

Cognition et miction mécanismes de miction (réplétion ou déclenchement mictionnel) et le fait même de la rééducation, une contraction périnéale soit associée au déclenchement ou à l’inhibition d’un processus mictionnel. Après rééducation, la partie rostrale du GCA est activée témoignant de l’implication émotionnelle de l’individu à contracter son périnée. Après une prolongation de cette rééducation, la partie dorsale (cognitive) du GCA devient inactive témoignant selon les auteurs d’une automatisation de la contraction périnéale [71]. Les auteurs montraient ainsi qu’une rééducation musculaire simple modifie l’organisation et l’implication des différentes régions corticales augmentant ou diminuant la prise de conscience de contraction périnéale par l’individu.

Conclusion Le terme de miction cognitive récemment introduit par Harvey et al. [5] doit dorénavant être pleinement pris en compte par les cliniciens lors de l’évaluation des troubles fonctionnels urinaires afin d’envisager d’autres approches thérapeutiques. Si les relations entre les différentes aires cérébrales et le contrôle mictionnel normal sont mieux connues, leur implications dans les différents troubles fonctionnels urinaires nécessitent de poursuivre les études aussi bien cliniques, neuropsychologiques, d’imagerie fonctionnelle et pharmacologique (rôle des neurotransmetteurs ?) afin de pouvoir développer à terme des thérapeutiques spécifiques quelles soient médicamenteuses ou rééducatives.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent aucun conflits d’intérêts.

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[Micturition and cognition].

The physiopathology of the voiding and urinary continence was one of the hot topic of research these last few years. Unfortunately, anyone have alread...
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