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ANNPAT-970; No. of Pages 7 Annales de pathologie (2014) xxx, xxx—xxx

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Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Molecular biology for sarcoma: Useful or necessary? Agnès Neuville a,∗,b, Jean-Michel Coindre a,b, Frédéric Chibon a a

Inserm U916 génétique et biologie des sarcomes, département de biopathologie, institut Bergonié, 229, cours de l’Argonne, 33076 Bordeaux, France b Université de Bordeaux, 146, rue Léo-Saignat, 33000 Bordeaux, France Accepté pour publication le 13 novembre 2014

MOTS CLÉS Sarcomes ; Biologie moléculaire ; Diagnostic ; Routine

KEYWORDS Sarcoma; Molecular biology; Diagnosis; Daily practice



Résumé Les sarcomes sont un groupe hétérogène de tumeurs dont le diagnostic repose sur la morphologie et le profil immunohistochimique, avec des catégories de tumeurs en fonction du tissu dont elles semblent dériver. Cependant, pour de nombreuses tumeurs, l’origine cellulaire est inconnue. Les analyses moléculaires réalisées ces dernières années ont permis, en alliant l’histophénotype et la génomique, de mieux classer certains sarcomes, d’individualiser de nouvelles entités et de regrouper plusieurs tumeurs. Des anomalies génétiques simples et récurrentes, de type translocation, mutation, amplification, sont détectées dans un sarcome sur deux et apparaissent comme des nouveaux marqueurs diagnostiques. Leur identification dans des laboratoires expérimentés en pathologie moléculaire des sarcomes est souvent utile, et parfois nécessaire pour porter un diagnostic de certitude, engendrant une séquence thérapeutique lourde et multidisciplinaire. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary Sarcomas are a heterogeneous group of tumors. Their diagnosis is based on morphology and immunohistochemical profile, with categories of tumors according to the type of tissue that they resemble. Nevertheless, for several tumors, cellular origin is unknown. Molecular analysis performed in recent years allowed, combining histophenotype and genomics, better classifying such sarcomas, individualizing new entities and grouping some tumors. Simple and recurrent genetic alterations, such as translocation, mutation, amplification, can be identified

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Neuville).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.004 0242-6498/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Neuville A, et al. Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.004

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A. Neuville et al. in one of two sarcomas and appear as new diagnostic markers. Their identification in specialized laboratories in molecular pathology of sarcomas is often useful and sometimes necessary for a good diagnosis, leading to a heavy and multidisciplinary multi-step treatment. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Les sarcomes représentent un groupe hétérogène de tumeurs rares correspondant à environ 1 % des cancers chez l’adulte. Ils sont constitués de plus de 50 sous-types histologiques [1], avec depuis une décennie une évolution permanente et/ou une apparition de nouvelles entités, rendant la pratique diagnostique difficile pour des pathologistes non spécialisés. Cette difficulté s’est intensifiée avec la diffusion de l’utilisation des microbiopsies, actuellement le gold standard pour le diagnostic initial des sarcomes [2]. Compte tenu des implications thérapeutiques lourdes avec le plus souvent une séquence chirurgie-radiothérapiechimiothérapie, le diagnostic initial doit être le plus fiable possible. La classification des sarcomes, initialement basée sur des critères histologiques et immunohistochimiques, comprend maintenant des critères moléculaires pour certaines entités. Depuis l’identification de la translocation du sarcome d’Ewing [3], de nombreuses anomalies génétiques simples ou complexes ont été décrites dans les sarcomes et sont utilisées au quotidien [4].

Anomalies génétiques utiles au diagnostic Les sarcomes et les tumeurs bénignes et à malignité intermédiaire des tissus mous comportent deux grandes catégories d’anomalies moléculaires : des anomalies moléculaires simples récurrentes (environ 50 % des sarcomes), faciles à détecter et pouvant constituer des marqueurs diagnostiques, pronostiques ou thérapeutiques, et des anomalies moléculaires complexes, non récurrentes. Les anomalies moléculaires simples sont de quatre ordres : les mutations activatrices (20 %), les translocations réciproques (15 %), les amplifications simples (15 %) et les mutations inactivatrices (< 1 %). Les mutations activatrices sont les plus fréquentes bien que présentes dans un faible nombre de tumeurs : les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), les tumeurs desmoïdes, les myxomes et les polypes fibroïdes inflammatoires (Tableau 1). La recherche de mutation des gènes KIT ou PDGFRa a un faible intérêt diagnostique pour les GIST, la sensibilité et la spécificité de la co-expression immunohistochimique de KIT et DOG1 étant excellente [5]. Leur valeur est avant tout pronostique et thérapeutique. Par contre, la recherche d’une mutation du gène CTNNB1 peut aider à porter un diagnostic de tumeur desmoïde [6], en particulier dans les formes histologiques atypiques, les formes intra-abdominales ou sur microbiopsie. De plus, la présence d’une mutation de CTNNB1 dans une forme intra-abdominale de tumeur desmoïde oriente vers une forme sporadique. Les translocations concernent le plus grand nombre d’entités, avec actuellement au moins 35 tumeurs pour lesquelles une ou plusieurs translocations ont été décrites (Tableau 1). Les sarcomes les plus fréquemment réarrangés

sont le dermatofibrosarcome de Darier et Ferrand, le liposarcome myxoïde, le sarcome d’Ewing/PNET et le synovialosarcome. Les translocations aboutissent à un gène chimérique qui code pour une protéine de fusion spécifique de tumeur qui a un rôle central dans la transformation tumorale. Ces gènes de fusion peuvent correspondre à des facteurs de transcription chimériques (ex : EWSR1-FLI1 dans le sarcome d’Ewing), à des protéines de fusion de type tyrosine kinase (ex : ETV6-NTRK dans le fibrosarcome infantile) ou à des facteurs de croissance autocrines (ex : COL1APDGFB dans le dermatofibrosarcome de Darier et Ferrand). De nombreuses translocations ont été identifiées ces dernières années, que ce soit pour des tumeurs connues comme la tumeur fibreuse solitaire où deux équipes ont mis en évidence un réarrangement NAB2-STAT6 [7,8] ; pour des sarcomes à cellules rondes ressemblant à un sarcome d’Ewing mais négatifs pour le réarrangement du gène EWSR1, avec des réarrangements CIC-DUX4 [9], BECOR-CCNB3 [10] ou CIC-FOXOA4 [11] ; ou pour des nouvelles entités comme l’hémangioendothéliome épithélioïde pseudomyogénique avec le réarrangement SERPINE1-FOSB [12]. Ces translocations sont le plus souvent spécifiques d’une tumeur. Il existe de rares réarrangements communs à différentes entités, comme TPM3-ALK dans la tumeur myofibroblastique inflammatoire et le lymphome anaplasique, ASLP-TFE3 dans le sarcome alvéolaire des parties molles et le carcinome rénal avec translocation, EWSR1-ATF1 ou EWSR1-CREB1 dans le sarcome à cellules claires et l’histiocytofibrome angiomatoïde. Une seconde anomalie moléculaire peut expliquer cette divergence, où plus probablement l’anomalie moléculaire survient au niveau de deux cellules précurseur différentes conduisant à deux tumeurs différentes. Les amplifications simples concernent essentiellement les tumeurs adipeuses atypiques/liposarcomes bien différenciés et liposarcomes dédifférenciés, avec un ou plusieurs amplicons de la région q13-q15 du chromosome 12. Le gène le plus fréquemment amplifié est MDM2. La présence de cette amplification permet de porter un diagnostic de certitude de liposarcome bien différencié lipoma-like, en particulier sur microbiopsies [13], et de liposarcome dédifférencié en l’absence de composante bien différencié [14]. Cette amplification de MDM2 est également présente dans le sarcome cardiaque intimal [15], mais le profil génomique de cette tumeur est plus complexe et son intérêt serait plutôt à visée thérapeutique. Enfin, l’identification d’une amplification du gène MYC dans une lésion vasculaire en territoire irradié est un argument parfois très utile pour diagnostiquer un angiosarcome très bien différencié versus une hyperplasie vasculaire atypique [16]. Les mutations inactivatrices de SMARCB1 sont rares, présentes de fac ¸on quasi systématique dans les tumeurs rhabdoïdes avec souvent une mutation germinale préexistante, et beaucoup plus inconstantes dans les sarcomes épithélioïdes, bien que les deux sarcomes comportent une perte d’expression immunohistochimique de INI1.

Pour citer cet article : Neuville A, et al. Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.004

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Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Tableau 1

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Anomalies moléculaires décrites dans les tumeurs des tissus mous.

Molecular alterations reported in soft tissue tumors.

Translocations Sarcomes Ewing/PNET

Sarcome à cellules rondes EWSR1—

Synovialosarcome

Liposarcome myxoïde Rhabdomyosarcome alvéolaire

Sarcome à cellules claires Chondrosarcome myxoïde extra-squelettique

T desmoplastique à petites cellules rondes Sarcome alvéolaire des parties molles Sarcome endométrial de bas grade

Sarcome endométrial de haut grade Hémangioendothéliome épithélioïde Chondrosarcome mésenchymateux Sarcome fibromyxoïde de bas grade Fibrosarcome épith. sclérosant

Chromosomes impliqués

Gènes impliqués

Prévalence

Détection

t(11;22) (q24;q12) t(21;22) (q22;q12) t(7;22) (p22;q12) t(17;22) (q12;q12) t(2;22) (q33;q12) t(1;22) (p36;q12) t(16;21) (p11;q22) t(4;22) (q31;q12) t(4;19) (q35;q13) t(X;19) (q13;q13) t(X;X) (p11;p11)

EWSR1-FLI1 EWSR1-ERG EWSR1-ETV1 EWSR1-ETV4 EWSR1-FEV EWSR1-ZSG FUS-ERG EWSR1-SMARCA5 CIC-DUX4 CIC-FOXO4 BCOR-CCNB3

85—95 % 5—10 % 90 % Rare 75 % 25 % Rare Rare > 90 % Rare > 90 %

t(7;17)(p15;q21) t(6;7)(p21;p15) t(6;10)(p21;p11) t(1;6)(p34;p21) t(X;22)(p11;q13) t(X;17)(p11,2;q21,3) t(10;17)(q22;p13)

JAZF1-SUZ12 JAZF1-PHF1 EPC1-PHF1 MEAF6-PHF1 ZC3H7-BCOR MBTD1-CXorf67 YWHAE-FAM22

> 50 %

< 50 %

t(1;3)(p36,23;q25,1) t(11;X)(q13;p12,2) del(8)(q13,3q21,1) t(1;5)(q42;q32) t(7;16) (q33;p11) t(11;16) (p11;p11)

WWTR1-CAMTA1 YAP1-TFE3 HEY1-NCOA2 IRF2BP2-CDX1 FUS-CREB3L2 FUS-CREB3L1

95 % 5% > 80 % Rare 90 % 10 %

t(11;22)(p11,2;q12,2)

EWSR1-CREB3L2

ND

FISH EWS RT-PCR

COL1A1-PDGFB

> 90 %

FISH

Tumeurs à malignité intermédiaire Dermatofibrosarcome t(17;22) de Darier et Ferrand (q22;q13) Fibroblastome à cellules géantes

RT-PCR RT-PCR RT-PCR IHC CCNB3 FISH SS18 RT-PCR IHC TLE1 FISH FUS/EWS RT-PCR FISH FOXO1A RT-PCR FISH NCOA

FISH EWS RT-PCR FISH EWS RT-PCR

FISH EWS RT-PCR IHC TFE3 RT-PCR, FISH FISH RT-PCR

FISH RT-PCR FISH RT-PCR FISH RT-PCR FISH FUS RT-PCR

Pour citer cet article : Neuville A, et al. Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.004

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A. Neuville et al. Tableau 1

(Suite )

Fibrosarcome infantile Tumeur fibreuse solitaire Tumeur myofibroblastique inflammatoire

Hémangioendothéliome épithélioïde pseudomyogénique Histiocytofibrome angiomatoïde

Chromosomes impliqués

Gènes impliqués

Prévalence

Détection

t(12;15) (p13;q25)

ETV6-NTRK3

80—90 %

FISH RT-PCR

inv(12q13)

NAB2-STAT6

> 95 %

t(2;19) (q23;q13) t(1;2) (q25;q23) t(2;17) (p23;q23) t(2;11) (q23;q23) t(2;2) (p23;q13) t(7;19) (q22;q13)

TPM4-ALK TPM3-ALK CLTC-ALK CARS-ALK RANBP2-ALK SERPINE1-FOSB

> 50 %

IHC STAT6 RT-PCR IHC ALK FISH ALK RT-PCR

ND

RT-PCR

EWSR1-CREB1 EWSR1-ATF1 ATF1-FUS EP400-PHF1 MEAF6-PHF1 ZC3H7B-BCOR EPC1-PHF1 EWSR1-POU5F1 EWSR1-PBX1 EWSR1-ZNF444 FUS TGFBR3- MGEA5

90 % 10 % Rare 44 % Rare Rare Rare 45 %

FISH EWS/FUS

ND

FISH RT-PCR

t(1;10) (p22:q24)

TGFBR3- MGEA5

ND

FISH RT-PCR

t(12) (q15)

HMGA2

ND

FISH HMGA2

t(5;8) (p15;q13)

AHRR-NCOA2

ND

t(8;8) (q12;q24) t(8;7) (q12;q22) t(1;2) (q13;q35)

PLAG1-HAS2 PLAG1- COL1A CSF1-COL6A3

> 80 %

FISH NCOA2 RT-PCR FISH PLAG1

t(17;22) (p13;q12,3-q13)

MYH9-USP6

> 90 %

t(11;16) (q13;p13) t(3;12) (q28;q14,3) t(1;12) (p32;q14) t(19;19) (q13;q13)

C11orf95-MKL2 LPP-HMGA2 PPAP2B-HMGA2 ZFP36-FOSB

> 80 %

4q12 4q12 1p36 7q 11p

KIT PDGFRa SDH BRAF MYOD1

80 % 10 % Rare Rare > 40 %

5q21 3p21 20q13 4q12

APC CTNNB1 GNAS1 PDGFRa

85 % 50 % > 50 %

t(2;22) (q34;q12) t(12;22) (q13;q12) t(12;16) (q13;q11) Tumeur fibromyxoïde t(6;12) (p21;q24,3) t(1;6) (p34;p21) ossifiante t(X;22) (p11;q13) t(6;10) (p21;p11) t(22;1) Myoépithéliome t(22;6) t(22;19) t(16) Sarcome fibroblastique t(1;10) (p22:q24) myxo-inflammatoire Tumeur fibrolipomateuse hémosidérotique Tumeurs bénignes Tumeur pléomorphe hyalinisante angiectasique Angiomyxome profond Angiofibrome des tissus mous Lipoblastome T ténosynoviale à cellules géantes Fasciite nodulaire Lipome chondroïde Lipome Hémangiome épith. Mutations activatrices GIST

Rhabdomyosarcome à cellules fusiformes Tumeur desmoïde Myxome Polype fibroïde inflam.

> 90 %

FISH RT-PCR

FISH EWS FISH FUS

RT-PCR IHC CSF1 FISH RT-PCR RT-PCR FISH HMGA2 RT-PCR RT-PCR

IHC KIT/DOG1 Séquenc ¸age IHC SDH Séquenc ¸age Séquenc ¸age Séquenc ¸age Séquenc ¸age

Pour citer cet article : Neuville A, et al. Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.004

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Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Tableau 1

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(Suite )

Mutations inactivatrices Tumeur rhabdoïde Sarcome épithélioïde Amplification Liposarcome bien-dé/différencié Sarcome intimal Angiosarcome sur tissus irradiés

Chromosomes impliqués

Gènes impliqués

Prévalence

Détection

22q11 19q 22q11

SMARCB1 SMARCA4 SMARCB1

> 90 % Rare < 50 %

IHC/FISH INI1 IHC IHC/FISH INI1

12q13-15 12q15

MDM2 CDK4

95—100 % 90—95 %

8q24

MYC

> 50 %

FISH qPCR CGH-array FISH MYC IHC MYC

Techniques identifiant les anomalies génétiques L’amplification en chaîne par polymérase après transcription inverse (RT-PCR) est la méthode standard pour détecter des transcrits de fusion, résultat d’une translocation. Elle est réalisée au mieux à partir d’ARN extrait de tissu congelé, mais aussi de plus en plus à partir d’ARN extrait de tissu fixé et inclus en paraffine si les fragments à amplifier font moins de 150 paires de bases. Il est recommandé d’utiliser une RT-PCR quantitative, qui est plus adaptée au diagnostic de routine que la RT-PCR conventionnelle. Cette technique est sensible et spécifique mais doit être pratiquée dans des laboratoires expérimentés afin de maîtriser la qualité des extractions d’ARN et le choix des amorces permettant l’amplification des fragments, et de minimiser le risque de contamination. Utilisée dans des conditions adéquates, le taux de résultat interprétable est de 90 %. L’hybridation in situ en fluorescence (FISH) détecte un segment d’ADN situé dans les noyaux de cellules en interphase et permet de mettre en évidence un réarrangement génique comme une translocation. Des sondes Break Apart sont disponibles dans le commerce pour identifier des réarrangements des gènes EWSR1, SS18, DDIT3, FOXO1A, TLS, ETV6, ALK. . . Une même sonde va pouvoir être utilisée pour identifier plusieurs types de tumeurs, car elle n’est pas spécifique de la translocation, elle ne détecte qu’un des partenaires réarrangés. Par exemple, la sonde pour EWSR1 peut être utilisée pour le sarcome d’Ewing, le sarcome à cellules claires, la tumeur desmoplastique à cellules rondes, le chondrosarcome myxoïde extra-squelettique et l’histiocytofibrome angiomatoïde. Par contre, une sonde de fusion va être spécifique car elle identifie le transcrit de fusion, résultat du réarrangement des deux gènes. Par exemple, la sonde non commerciale COL1A-PDGFB est utilisée pour le dermatofibrosarcome de Darier et Ferrand. La FISH a plusieurs avantages : elle peut être réalisée sur du matériel frais, des empreintes de tissu congelé ou des lames de tissu fixé et inclus en paraffine. Néanmoins, tous les types de fixation ne sont pas compatibles avec cette technique, au mieux sur tissu fixé en formol. Elle est performante sur peu de matériel, en particulier les microbiopsies. Elle est rapide (incubation de nuit). Sa sensibilité est de 90—95 % dans des laboratoires entraînés. La FISH est également la technique de référence pour détecter des amplifications de gènes, comme MDM2 dans les liposarcomes bien/dé-différenciés ou MYC dans les angiosarcomes en tissu irradié. Néanmoins, dans certains cas difficiles à interpréter en FISH, l’hybridation génomique

comparative (CGH) est utilisée en seconde intention. La CGH, basée sur l’hybridation simultanée d’ADN tumoral et d’ADN normal (témoin) sur une lame incrustée des séquences d’un génome normal (array), détecte les gains et les pertes de gènes ou de régions chromosomiques, ainsi que les réarrangements chromosomiques déséquilibrés. Initialement réservée au tissu congelé, elle est maintenant applicable au tissu fixé en formol et inclus en paraffine [17]. Dans un laboratoire expérimenté, elle peut être réalisée en moins d’une semaine pour un coût proche de celui d’un examen par FISH. De plus, il a été montré récemment que la complexité chromosomique, évaluée par la CGH, est un marqueur pronostique dans les synovialosarcomes [18] et les GIST [19]. Un autre type d’altération génomique recherchée dans les sarcomes est la mutation ponctuelle, comme la mutation activatrice de KIT ou PDGRa dans les GIST. La technique de référence est le séquenc ¸age Sanger qui incorpore par synthèse enzymatique à de l’ADN simple brin des nucléotides complémentaires selon la séquence. Cette technique va progressivement être remplacée par le séquenc ¸age de nouvelle génération (NGS). Des panels de séquences cibles pour des gènes fréquemment mutés sont actuellement disponibles pour les carcinomes. Lorsque les programmes de recherche de grand séquenc ¸age des sarcomes seront achevés, il est raisonnable d’envisager qu’un tel panel puisse être construit pour les sarcomes. Comme cette technologie à haut débit peut aussi détecter les translocations, les amplifications, les gains et pertes chromosomiques, soit en une seule manipulation réaliser les analyses faites par séquenc ¸age conventionnel, CGH, FISH et RT-PCR, elle pourrait constituer la technique de choix pour la recherche d’une anomalie moléculaire.

Impacts diagnostiques de la biologie moléculaire Certaines anomalies moléculaires se sont révélées être des marqueurs diagnostiques spécifiques, permettant leur intégration dans la définition d’une entité. L’utilisation systématique de la biologie moléculaire dans des groupes spécialisés en pathologie sarcomateuse a permis de faire évoluer la classification. Ainsi, des entités histologiques distinctes ont été regroupées, comme le sarcome d’Ewing et le neuroépithéliome, l’histiocytofibrome malin inflammatoire et le liposarcome dédifférencié [20], la tumeur rhabdoïde et le carcinome à petites cellules de l’ovaire [21]. À l’inverse, des entités comportant une certaine similitude

Pour citer cet article : Neuville A, et al. Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.004

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A. Neuville et al.

histologique ont été séparées, comme le rhabdomyosarcome embryonnaire peu différencié et le rhabdomyosarcome alvéolaire [22], le liposarcome bien différencié sclérosant d’aspect myxoïde et le liposarcome myxoïde, le sarcome d’Ewing et le neuroblastome olfactif. La biologie moléculaire a permis d’identifier des formes inhabituelles de sarcomes en fonction de l’âge du patient, de la localisation tumorale ou du profil immunohistochimique, comme le sarcome d’Ewing, le synovialosarcome ou le liposarcome dédifférencié. Ainsi, les sarcomes indifférenciés et les rhabdomyosarcomes pléomorphes profonds, en particulier du rétropéritoine, comportant une amplification du gène MDM2 sont des liposarcomes dédifférenciés [20]. Dans la pratique diagnostique actuelle des sarcomes, la biologie moléculaire est un outil indispensable utilisé en routine. Elle permet de trancher entre tumeur bénigne et maligne. C’est souvent le cas pour les tumeurs adipeuses bien différenciées profondes, où l’identification d’une amplification du gène MDM2 par FISH permet de distinguer une tumeur adipeuse atypique/liposarcome bien différencié lipoma-like d’un lipome [23]. Elle permet une meilleure classification des sarcomes. En effet, son utilisation est incontournable dans le diagnostic des tumeurs malignes à cellules rondes, en particulier en pathologie pédiatrique, pour identifier un sarcome d’Ewing, une tumeur desmoplastique à cellules rondes, un rhabdomyosarcome alvéolaire ou un synovialosarcome peu différencié. En l’absence de profil immunohistochimique spécifique, son utilisation pour le diagnostic du sarcome d’Ewing est indispensable. Elle permet de poser un diagnostic inattendu de sarcome comme un synovialosarcome pulmonaire, un sarcome d’Ewing chez un patient âgé ou du fait d’un profil immunohistochimique inapproprié. Elle permet de porter un diagnostic même en l’absence de tous les critères morphologiques, comme un liposarcome dédifférencié sans contingent de liposarcome bien différencié. Dans une étude épidémiologique réalisée dans le cadre du réseau d’excellence européen Conticanet [24], l’analyse moléculaire systématique pour toute suspicion de sarcome avec anomalie génétique spécifique a montré qu’elle était utile, c’est-à-dire qu’elle venait confirmer un diagnostic probable, dans 4 % des GIST, 26 % des sarcomes avec suspicion de translocation et 31 % des tumeurs adipeuses atypiques/liposarcomes bien différenciés et liposarcomes dédifférenciés, et qu’elle était nécessaire, c’est-à-dire qu’elle permettait d’établir un diagnostic possible, dans 1 % des GIST, 12 % des sarcomes avec suspicion de translocation et 9 % des tumeurs adipeuses atypiques/liposarcomes bien différenciés et liposarcomes dédifférenciés.

Indications de la biologie moléculaire La détection d’anomalies moléculaires spécifiques étant techniquement possible en routine et utile, voire indispensable, en termes diagnostiques et pronostiques, de nombreux pathologistes et cliniciens ont recours à cette technique complémentaire de fac ¸on de plus en plus systématique. La biologie moléculaire est en passe de devenir un standard et offre plusieurs avantages : la présence d’une anomalie moléculaire permet de poser un diagnostic définitif et reproductible, en particulier sur microbiopsie ; certaines anomalies génétiques constituent des critères d’inclusion pour des thérapies ciblées ; la détection systématique d’anomalies génétiques permet de mieux classer les sarcomes et d’améliorer la sélection des patients pour

un traitement donné ; la confrontation histologie/biologie moléculaire augmente les compétences des pathologistes. Cependant, des inconvénients tels que le coût, le faible nombre d’analyses par laboratoire et l’absence d’assurance qualité des analyses ont pour l’instant limité leur utilisation à grande échelle. Mais compte tenu de l’importance que vont prendre ces anomalies génétiques pour la prise en charge thérapeutique et du différentiel entre le coût des thérapies et celui de ces techniques, leur utilisation est hautement recommandée chaque fois que cela est possible. De plus, la mise en place d’un réseau national de laboratoires spécialisés en pathologie moléculaire des sarcomes permet d’améliorer les problèmes de flux et de développer des programmes d’assurance qualité. Lors de l’établissement d’un diagnostic de sarcome, le pathologiste doit se rappeler que l’histologie et la génomique sont liées, la morphologie étant le reflet des modifications génétiques et épigénétiques. L’histologie est le plus souvent la clé pour orienter le type d’analyses moléculaires à rechercher. Même si certains cas difficiles, dont l’histologie n’est pas spécifique ou est trompeuse, requièrent des techniques complémentaires pour aboutir au diagnostic, les analyses moléculaires seules ne peuvent pas différencier deux tumeurs caractérisées par la même translocation, comme un sarcome à cellules claires et un histiocytofibrome angiomatoïde. Le contexte clinique et l’histologie resteront toujours le gold standard pour le diagnostic.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Neuville A, et al. Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ? Annales de pathologie (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2014.11.004

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Biologie moléculaire en pathologie des tissus mous : utile ou nécessaire ?

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[Molecular biology for sarcoma: useful or necessary?].

Sarcomas are a heterogeneous group of tumors. Their diagnosis is based on morphology and immunohistochemical profile, with categories of tumors accord...
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