Presse Med. 2015; 44: 1279–1289

Opposition to health care in dementia: Pregabalin can be useful to facilitate the management Observation Les troubles psycho-comportementaux marquent l'évolution des démences [1]. Parmi ceux-ci, les conduites régressives et notamment l'opposition aux soins engendrent très fréquemment des difficultés chez l'entourage des patients [1]. Cette opposition aux soins était présente chez un homme et chez une femme atteints de démence sénile peu évoluée que leurs familles souhaitaient maintenir à domicile ; elle était présente également chez 4 résidents de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de la localité et plus particulièrement chez une femme âgée de 78 ans ; celle-ci avait intégré la structure en fin d'année 2006, adressée par le centre hospitalier spécialisé du secteur où elle avait été admise pour des troubles du comportement ; le psychiatre évoquait dans ses transmissions des « troubles cognitifs majeurs liés à l'âge » qui ne permettaient pas le retour au domicile et des antécédents de « troubles de l'humeur anciens, alcoolisme chronique, thrombose veineuse profonde compliquée d'une embolie pulmonaire ». Dans le dossier médical de l'EHPAD, l'examen d'entrée mentionnait ces troubles mnésiques ainsi qu'un ralentissement psychomoteur et une désorientation temporo-spatiale sans autre pathologie organique notamment neurologique. Il ne comportait pas d'évaluation structurée des symptômes psycho-comportementaux. Au fil des années, ces troubles se sont aggravés : la déambulation est devenue quasi permanente et la patiente perturbait fortement la vie des autres pensionnaires ; ces troubles s'accompagnaient d'une opposition aux soins de plus en plus marquée ; ils ont motivé plusieurs consultations en géronto-psychiatrie ainsi que plusieurs hospitalisations dans ce service ; toutes ont donné lieu à la prescription de différents traitements médicamenteux utilisés traditionnellement dans cette situation : benzodiazépines, antidépresseurs, normothymiques, neuroleptiques, en monothérapie ou associés de diverses manières ; ils n'ont pas permis de maîtriser complètement les symptômes, en particulier les

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phases d'opposition aux soins, ou ont du être arrêtés du fait de la survenue d'effets indésirables classiquement décrits, notamment des chutes ; la seule solution trouvée pour protéger la patiente et son entourage était de prescrire une contention physique bien qu'elle ne soit pas recommandée et puisse s'avérer dangereuse ; les phases d'opposition aux soins persistaient et faisaient des toilettes des moments particulièrement difficiles : la patiente criait, insultait les aides-soignantes, tentait de les griffer et de les mordre. Toutes les tentatives pour hospitaliser la patiente en long séjour géronto-psychiatrique étaient restées vaines faute de place : la patiente était renvoyée dans l'EHPAD dès que son état était jugé compatible avec la vie dans une telle structure. Le personnel soignant était épuisé et en souffrance malgré les formations reçues et l'aide de la psychologue de l'établissement ; il n'entrevoyait pas de solution au problème et commençait à se mobiliser pour faire pression sur la direction afin d'exclure la patiente de l'EHPAD. Il n'existait d'autre solution que de trouver une voie thérapeutique différente de celles déjà testées afin de sortir d'une situation perçue par tous, y compris par la famille, comme une impasse. Dans plusieurs de leurs comptes-rendus, les correspondants psychiatres qui avaient pris en charge cette patiente soulignaient que les manifestations anxieuses étaient très présentes. Dès lors, le fait de calmer cette anxiété, notamment celle provoquée par les soins, pouvait amener à un apaisement de la patiente. Cependant, les différentes molécules habituellement prescrites s'étaient montrées peu efficaces. La recherche d'autres molécules agissant sur l'anxiété a permis de constater que la prégabaline avait l'indication pour le traitement des troubles anxieux généralisés, avec une posologie recommandée de 150 mg à 600 mg par jour. Compte tenu de l'ancienneté et de la sévérité des symptômes, cette molécule fut introduite à la dose de 225 mg quotidiens avec une première prise vespérale, en arrêtant progressivement les benzodiazépines peu efficaces. Dès les premiers jours qui ont suivi, le personnel a signalé une nette diminution des manifestations d'opposition aux soins pendant les toilettes ; la posologie a été augmentée jusqu'à disparition des phases d'agressivité, soit 200 mg matin midi et soir ; après quelques semaines de ce traitement, une tentative de diminution de la posologie à 150 mg 3 fois par jour s'est accompagnée d'une régression du comportement avec réapparition d'une certaine agressivité ; le retour à une posologie de 200 mg matin et soir, 150 mg le midi s'est accompagnée d'un rétablissement de la situation ; plus de 2 ans après, avec un traitement dont la posologie a pu être ramenée progressivement à 350 mg de prégabaline quotidiens l'état clinique de la patiente était toujours stable : les phases

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Opposition aux soins dans les démences : la prégabaline peut être utile pour faciliter la prise en charge

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d'opposition n'étaient pas réapparues, aucun effet indésirable ni d'effet délétère sur son niveau de cognition n'avait été rapporté. La question de son exclusion de la structure n'était plus abordée par le personnel. Discussion Dans cette situation, la prégabaline a été utilisée car les autres traitements psychotropes étaient inefficaces ; ils avaient été prescrits pour traiter des troubles préexistants : il est peu probable que leur arrêt puisse être à l'origine de l'amélioration de la patiente, d'autant que cet arrêt a fait suite à l'amélioration des symptômes ; le fait que son état se soit dégradé lors de la diminution des doses et amélioré lors du retour à la posologie maximale de prégabaline renforce cette analyse et ne va pas dans le sens d'une évolution spontanée de la maladie. De plus, le personnel se plaignait que 3 autres résidents atteints de démence de diverses origines présentaient cette même attitude d'opposition aux soins ; l'administration d'un traitement par prégabaline à des doses variant de 300 à 600 mg par jour s'est accompagnée d'une nette amélioration des conditions dans lesquels se réalisaient les soins notamment ceux d'hygiène corporelle ; cette amélioration a permis de diminuer voir d'arrêter les autres psychotropes ; l'apparition de myoclonies a nécessité la diminution des doses de prégabaline chez une patiente ; dans les deux autres cas la posologie a pu être optimisée mais les tentatives d'arrêt du traitement se sont accompagnées d'une récidive des symptômes. L'évaluation de l'état initial et final des patients n'a pas été faite de manière structurée comme souhaité par les recommandations professionnelles : seules ont été pris en compte les transmissions écrites de l'équipe soignante ; ces transmissions rapportaient la présence ou non d'une agressivité verbale et physique plus ou moins importante ; elles rapportaient également les efforts à déployer pour prodiguer les soins ; elles sont probablement partielles et subjectives, les personnels pouvant plus ou moins sensibles à l'agressivité ; ils peuvent aussi ressentir l'amélioration comme étant d'autant plus importante que les difficultés rencontrées auparavant leur paraissaient grandes ; ils peuvent aussi majorer le résultat du traitement dans un souci de ne pas déplaire au prescripteur qu'ils ont fortement sollicité pour traiter les troubles ; cette dernière hypothèse paraît peu probable : le personnel n'avait pas hésité à continuer de mentionner la persistance des symptômes lors des prises en charge thérapeutiques antérieures ; avec le traitement par prégabaline, la description de ces symptômes n'apparaissaient plus dans les transmissions. Cette amélioration ne peut pas être imputée uniquement à l'environnement : les aidants des 2 autres patients qui vivaient à domicile se plaignaient eux aussi de difficultés récurrentes dans les toilettes et l'administration orale de leurs traitements ; ces patients, une femme de 89 ans et un homme de 91, atteints de démence sénile peu évoluée, ont reçu également un traitement par prégabaline,

respectivement 125 mg et 75 mg ; dans les 2 cas, l'entourage a estimé qu'il y avait une amélioration de l'état des patients, que les soins étaient plus faciles et que le traitement méritait d'être poursuivi. Les recommandations sur la prise en charge thérapeutique des troubles psycho-comportementaux des démences publiées par l'HAS font appel en première intention à des approches non pharmacologiques bien que peu d'études permettent d'évaluer leur efficacité et que, celles qui le font, montrent une efficacité très limitée [2]. Les traitements médicamenteux sont recommandés en 2e intention. Les médicaments utilisés classiquement sont peu efficaces [3–5] ou responsables d'effets indésirables gênants voir graves [4,6]. La prégabaline n'y est pas mentionnée. Elle s'est avérée être efficace dans le traitement des troubles anxieux généralisés [7–9] et chez des patients âgés de plus de 65 ans souffrant d'anxiété, tout en étant bien tolérée [10] ; son action est rapide et supérieure à celle des benzodiazépines [11]. Diverses études ont mis en évidence sa bonne tolérance dans le traitement de l'épilepsie et dans l'anxiété [12–14]. Elle est par ailleurs utilisée dans la pratique de manière concluante par certaines équipes spécialisées pour traiter l'anxiété associée à la démence [1]. L'hypothèse selon laquelle les soins majorent cette anxiété pourrait être avancée pour expliquer l'action de la prégabaline dans cette observation ; cette molécule pourrait ainsi avoir un intérêt particulier dans la prise en charge des troubles comportementaux dans les démences, notamment ceux liés aux soins ; des études sont nécessaires pour conforter cette hypothèse et pour préciser les modalités d'utilisation de cette molécule dans cette indication. Disposer d'un traitement efficace, bien toléré, simple, facilitant les soins élémentaires des patients, permettrait d'améliorer les conditions de vie de nombreux malades et de leur famille ainsi que les conditions de travail du personnel qui les prend en charge. Déclaration d'intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article.

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http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2015.04.030 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Une présentation inhabituelle d'un pilomatricome anétodermique suite à une piqûre d'insecte

Figure 1 Nodule tumoral du dos, de 5 cm de grand axe, à surface anétodermique

à une piqûre d'insecte au niveau du dos. L'examen clinique objectivait une tumeur de 5 cm de diamètre, dure, indolore, adhérant à la peau mais mobile par rapport au plan profond. La peau en regard était érythémato-bleutée anétodermique (figure 1). Une échographie des parties molles montrait un aspect non spécifique avec une masse sous-cutanée en cible :

Unusual presentation of anetodermic Pilomatricoma after insect bite

Introduction Le pilomatricome est une tumeur bénigne non exceptionnelle. Nous rapportons une forme particulière par la taille, l'aspect, la localisation, l'âge de survenue, et l'apparition après une de piqûre d'insecte. Observation

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Figure 2 Coloration HES, G  100 : travées cellulaires momifiées

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Un homme de 32 ans avait, depuis 4 mois, un nodule souscutané indolore augmentant progressivement de taille, localisé en regard du rachis dorsal. Ce nodule était apparu 10 jours suite

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