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RMR-1011; No. of Pages 6

Revue des Maladies Respiratoires (2015) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Pleuro-pneumopathie révélant une thrombophlébite septique de la veine jugulaire : pensez au syndrome de Lemierre Pleuro-pneumonia revealing septic thrombophlebitis of the jugular vein: Think about the Lemierre’s syndrome P. Habert a, R. Tazi-Mezalek a, J. Guinde a, S. Martinez a, S. Laroumagne a, P. Astoul a,b, H. Dutau a,∗ a

Service d’oncologie thoracique, maladies de la plèvre, pneumologie interventionnelle, hôpital Nord, 13000 Marseille, France b Aix-Marseille université, 13000 Marseille, France Rec ¸u le 21 juillet 2014 ; accepté le 21 janvier 2015

MOTS CLÉS Syndrome de Lemierre ; Empyème ; Thrombophlébite ; Fusobacterium nécrophorum ; Sepsis

Résumé Introduction. — L’infection à Fusobacterium nécrophorum, bactérie anaérobie Gram négatif, peut entrer dans le cadre d’un tableau clinique connu sous le nom de syndrome de Lemierre. Il s’agit d’une entité, initialement grave et mettant en jeu le pronostic vital, dont l’incidence a diminué depuis sa description durant l’ère pré-antibiotique. Ce syndrome se caractérise par une infection du pharynx avec formation ultérieure d’une thrombophlébite septique de la veine jugulaire interne et d’emboles septiques le plus souvent pulmonaires, mais pouvant également se présenter sous d’autres formes cliniques plus trompeuses. Observation. — Nous présentons le cas d’un jeune patient avec tableau clinique de pleuropneumopathie associée à une infection pharyngée subaiguë et une thrombose homolatérale de la veine jugulaire interne. Conclusion. — Le diagnostic de maladie de Lemierre est essentiellement clinique et retenu devant une association de symptômes. La confirmation et le suivi thérapeutique de la thrombose se font à l’aide d’une échographie cervicale et/ou d’un angio-scanner (phlébo-scanner). Le traitement repose sur une antibiothérapie prolongée à posologies élevées, un drainage chirurgical des éventuelles collections purulentes et une ligature-exérèse des veines jugulaires

∗ Auteur correspondant. Service d’oncologie thoracique, maladies de la plèvre, pneumologie interventionnelle, hôpital Nord, chemin des Bourrely, 13015 Marseille, France. Adresse e-mail : [email protected] (H. Dutau).

http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.05.006 0761-8425/© 2015 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Habert P, et al. Pleuro-pneumopathie révélant une thrombophlébite septique de la veine jugulaire : pensez au syndrome de Lemierre. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.05.006

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P. Habert et al. en cas de thrombose étendue. Il est donc important, devant un tableau bruyant de pleurésie infectieuse chez un sujet jeune sans comorbidité, de rechercher une complication comme le syndrome de Lemierre. © 2015 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Lemierre syndrome’s; Empyema; Thrombophlebitis; Fusobacterium necrophorum; Sepsis

Summary Introduction. — Infection by Fusobacterium necrophorum, a Gram negative anaerobic bacteria, can lead to the development of Lemierre’s syndrome, an uncommon but potentially fatal infection of the internal jugular vein. Since the introduction of antibiotics, the morbidity and mortality associated with this syndrome have been dramatically reduced. This syndrome is characterized by a pharyngeal infection, which leads to the development of septic thrombophlebitis of the internal jugular vein with septic emboli, which usually spread into the lung. Sometimes the syndrome can be revealed by other unusual clinical symptoms. Case report. — We present the case of a young patient with an atypical pleural infection associated with pharyngeal infection and thrombosis from the internal jugular vein. Conclusions. — The diagnosis of Lemierre’s syndrome is mainly clinical, based on a range of suggesting symptoms. Confirmation and monitoring of the condition can be done by ultra-sound and/or contrast enhanced computed tomography. Treatment is based on long-term, high-dose antibiotic therapy and eventually surgical drainage of the infected collection with surgical excision of the internal jugular vein where there is extensive thrombosis. The important message is that in the context of a young patient without comorbidity, who presents with a significant infectious pleurisy, it is important to consider this clinical complication. © 2015 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le syndrome de Lemierre ou maladie de Lemierre est aussi connu sous le nom de « septicémie post-anginale », ou « thrombophlébite septique de la veine jugulaire interne » ou également « nécrobacillose ». C’est une maladie rare de nos jours, mais pas exceptionnelle, résultant de l’évolution d’une infection oropharyngée malgré un traitement optimal [1]. Il s’agit d’une affection potentiellement grave pouvant engager le pronostic vital en l’absence d’antibiothérapie adaptée et dont la symptomatologie initiale peut être trompeuse [2]. Cette infection est généralement causée par le Fusobacterium nécrophorum, qui affecte la région amygdalienne de jeunes patients en bonne santé (enfants et adolescents) mais ayant un mauvais état buccodentaire. Elle peut se compliquer d’une thrombose septique de la veine jugulaire interne, puis produire une infection à distance par embolie septique. Cependant d’autres infections de la tête et du cou, comme la mastoïdite, l’otite moyenne ou la cellulite ont également été rapportés comme étiologies possibles [3—6]. Dans la plupart des cas, F. nécrophorum est l’agent responsable du syndrome de Lemierre, bien que d’autres micro-organismes puissent être impliqués comme les Bacteroides (streptocoque du groupe B et C, les streptocoques oraux), Proteus, Eikenella, Porphyromonasm, Prevotella et Candida notamment [3—5]. Enfin, F. nécrophorum a été rapporté dans d’autres types d’infections telles que la méningite, l’endocardite, les abcès des muscles psoas ou la sinusite [3,4,6—8].

Il s’agit d’un germe pathogène Gram négatif, mobile, anaérobie, filamenteux et non sporulé. Le genre Fusobacterium comporte une famille de 13 espèces dont le Nécrophorum est la plus commune et qui a la propriété, contrairement aux autres espèces, de fermenter le lactate en propionate, ce qui permet de confirmer sa présence par les tests de laboratoire. L’identification des bactéries se fait par culture sur gélose au sang après 48 heures à 37 ◦ C et retrouve des bacilles Gram négatif effilés, les autres méthodes de détection comprennent le séquenc ¸age de l’ARNr 16S, la chromatographie en phase aqueuse et l’amplification en chaîne par polymérase (PCR) en temps réel. Nous présentons le cas d’un patient avec présentation atypique d’une pleuro-pneumopathie compliquée chez un jeune patient fumeur en bonne santé, sans facteur de risque et sans antécédent d’immunosuppression. La pleurésie, sévère, était initialement au premier plan et les manifestations pharyngo-laryngées se sont précisées dans un second temps pour conduire au diagnostic de syndrome de Lemierre.

Observation Un homme de 24 ans est hospitalisé dans le service pour fièvre, dyspnée et asthénie sévère. Trois semaines auparavant, il avait consulté aux urgences de l’hôpital pour une angine. Le bilan clinique et paraclinique n’avait pas retrouvé de signe de gravité et le patient était rentré à son domicile avec un traitement par amoxicilline.

Pour citer cet article : Habert P, et al. Pleuro-pneumopathie révélant une thrombophlébite septique de la veine jugulaire : pensez au syndrome de Lemierre. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.05.006

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Septicémie post-anginale

Figure 1.

Évolution radiologique favorable durant l’hospitalisation à j2 (a), j6 (b) et j12 (c).

Ses antécédents personnels sont marqués par un tabagisme actif à 5 paquets-années, l’extraction de dents de sagesse 6 ans auparavant. Le patient n’est pas connu comme ayant un déficit immunitaire ni d’antécédent familiaux, hormis une mère diabétique. À l’entrée dans le service, le patient présente des critères cliniques de gravité avec hypotension artérielle systémique (80/50 mmHg) et fréquence respiratoire à 32/min. La fréquence cardiaque est à 93/min, la saturation en oxygène à 94 % en air ambiant et la température à 38,5 ◦ C. L’examen clinique retrouve des douleurs thoraciques droites de type pleurales ainsi qu’au niveau de l’hypochondre droit. On remarque une discrète induration veineuse jugulaire droite à la palpation cervicale. L’examen de la cavité orale montre une inflammation de la région

Figure 2.

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amygdalienne sans ulcération. L’examen neurologique est strictement normal. Le bilan biologique retrouve un syndrome infectieux et inflammatoire (GB 29 G/L, PNN 27 G/L, CRP 219 mg/L, procalcitonine [PCT] 34 ␮g/L, fibrinogène 6,56 g/L). La gazométrie artérielle en air ambiant montre un pH à 7,47, une PaO2 à 67 mmHg, PaCO2 à 34 mmHg, une réserve alcaline à 25 mM/L et un taux de lactate sanguin à 1,1 mM. Les techniques de détection rapide de la grippe et autres viroses dans les sécrétions nasales (PCR en temps réel grippe A, B et H1N1, virus respiratoire syncitial A et B, Metapneumovirus, Rhinovirus ; technique immuno-enzymatique pour la grippe A et B. Technique par immunofluorescence indirecte virus respiratoire syncitial) sont négatives ainsi que les antigénuries légionnelle et pneumocoque (technique immuno-enzymatique). La radiographie du thorax objective

Tomodensitométrie à j6 (a) et à 3 mois (b). On constate une résolution radiologique ad integrum.

Pour citer cet article : Habert P, et al. Pleuro-pneumopathie révélant une thrombophlébite septique de la veine jugulaire : pensez au syndrome de Lemierre. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.05.006

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P. Habert et al.

Discussion

Figure 3. Coupe axiale du phlébo-scanner cervical. La flèche indique la thrombose de la veine jugulaire interne droite.

une pleurésie droite de grande abondance sans déviation du médiastin (Fig. 1). Un drain thoracique (Drain de Fuhrman® , Cook Medical, États-Unis) est mis en place évacuant 1,4 L de liquide séro-hématique non purulent exsudatif (protides pleuraux 28 g/L, LDH pleuraux 12 239 UI/L, rapport protides pleuraux/protidémie 0,60, rapport LDH pleuraux/LDH sanguin 20,6, 79 % de polynucléaires neutrophiles non altérés et absence d’éléments cytologiques suspects dans le liquide pleural). Celui-ci est stérile avec un examen bactériologique direct négatif. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien montre un épanchement pleural droit avec une condensation alvéolaire en regard, l’absence d’embolie ou d’abcès pulmonaire et un épanchement péritonéal minime (Fig. 2). Le phlébo-scanner confirme la thrombophlébite complète jugulaire interne droite sur 5 cm avec un début d’abcès de la loge amygdalienne droite (Fig. 3). L’échocardiographie trans-thoracique ne montre pas d’argument en faveur d’une endocardite infectieuse, mais un épanchement péricardique minime avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche à 60 % et de la pression artérielle pulmonaire systolique à 30—35 mmHg. Une antibiothérapie probabiliste de seconde ligne par voie intraveineuse est instaurée en associant pipéracilline tazobactam et lévofloxacine, en association avec de la kinésithérapie respiratoire. Une amélioration clinique, biologique et radiologique est constatée en 72 heures. Les hémocultures retrouvent un F. nécrophorum sensible à l’association amoxicilline/acide clavulanique et métronidazole. La sortie du patient au douzième jour est autorisée après un relais antibiotique par voie orale pendant 3 semaines. Le patient rec ¸oit une anticoagulation efficace par une héparine de bas poids moléculaire (tinzaparine) avec un relais précoce par antivitamine K (Préviscan© ) pendant 3 mois. Aucune indication chirurgicale n’est retenue pour traiter la thrombophlébite. Une échographie-Doppler de contrôle montre une régression partielle du thrombus et il est décidé de reconduire l’anticoagulation efficace pendant 3 mois supplémentaires. L’ensemble du tableau décrit est celui d’une thrombophlébite septique à point de départ ORL avec dissémination pleuro-pulmonaire probablement par voie hématogène, connue comme syndrome de Lemierre.

L’infection primitive tonsillaire ou péri-tonsillaire est le cas le plus fréquent de septicémie post-anginale mais des infections dentaires, mastoïdiennes, de l’oreille moyenne, des sinus ou des parotides peuvent être à l’origine de ce syndrome. La propagation de l’infection à la région pharyngée ou l’invasion de la veine jugulaire interne se produit habituellement dans un délai de 7 jours à 3 semaines [6,7]. Plusieurs hypothèses physiopathologiques ont été formulées pour expliquer ce syndrome. Le germe qui infecte le tissu amygdalien peut migrer par voie veineuse depuis la veine tonsillaire jusqu’à la veine jugulaire interne où il se forme un thrombus. Autre hypothèse, l’infection des amygdales peut progresser par dissémination lymphatique, provoquer une inflammation des tissus mous adjacents et la formation d’un thrombus de la veine jugulaire interne. Ceci illustre le fait qu’une inflammation importante de la région pharyngée peut accompagner l’infection et générer une phlébite. Une dernière hypothèse pourrait reposer sur le fait que les infections virales ou bactériennes des voies respiratoires supérieures provoquent un déséquilibre de la flore oropharyngée et prédisposent à l’infection locale par le Fusobacterium. Il se produit ensuite une extension cervicale plan par plan jusqu’au plan vasculaire jugulaire [6—9]. Dans une revue menée par Chirinos et al. à propos de 109 patients, des manifestations cervicales ont été détectées seulement dans 47 % des cas [10]. L’atteinte pulmonaire, très variée peut se manifester sous forme d’embolie septique et/ou d’infarctus pulmonaire uni ou bilatéral, d’épanchement pleural, d’empyème et/ou d’abcès pulmonaire [10,11]. Il est important de noter que les atteintes à distance peuvent masquer l’infection primaire, laquelle pouvant passer inaperc ¸ue. Le diagnostic de syndrome de Lemierre repose avant tout sur des arguments cliniques qui seront, dans l’idéal, conforté par les examens de laboratoire et notamment l’identification du germe, le plus souvent F. nécrophorum. L’angio-scanner ou phlébo-scanner permet de détecter la thrombose veineuse mais aussi les complications locales telles que la formation d’abcès cervicaux ou les complications à distance par les emboles septiques. L’échographie cervicale peut également être utile dans le diagnostic mais avec une sensibilité moindre, car elle ne permet pas de détecter avec certitude les thrombi en cours de formation, les thrombi rétromandibulaires ou sous-claviculaires. L’imagerie par résonnance magnétique nucléaire est une technique alternative pour la détection de phlébite mais la disponibilité sur le territoire et le coût en font un examen de deuxième intention. Une atteinte pulmonaire est mise en évidence dans 85 % des cas [12]. Les lésions les plus fréquentes sont les lésions cavitaires nécrotiques, les infiltrats pulmonaires, les épanchements pleuraux, les empyèmes, les abcès pulmonaires ou les médiastinites nécrosantes [6,7,9,12,13]. Même si l’atteinte pulmonaire est la plus fréquente il est important de souligner qu’un grand nombre d’organe peuvent être atteint par les embolies septiques. Dans une revue de la littérature menée par Bird et al. chez 78 patients, 105 abcès secondaires ont été décrit dans 20 sites différents avec une prépondérance pour le système nerveux central (10 patients), les sites ostéoarticulaires (8 patients) et les

Pour citer cet article : Habert P, et al. Pleuro-pneumopathie révélant une thrombophlébite septique de la veine jugulaire : pensez au syndrome de Lemierre. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.05.006

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Septicémie post-anginale organes solides (8 patients) : foie, rein, péricarde et endocarde [8]. Le cas clinique présenté décrit une pleuro-pneumopathie grave chez un sujet immunocompétent qui a nécessité un drainage pleural. L’analyse biochimique du liquide pleural est de caractère inflammatoire. Il n’a pas été retrouvé de bactérie dans le liquide pleural ni à l’examen direct ou lors de la mise en culture. Il s’agit d’un liquide pleural stérile avec 79 % de polynucléaires neutrophiles non altérés en faveur d’une pleurésie infectieuse. Cela est conforme aux données de la littérature et, dans une série de 39 cas de syndrome de Lemierre, Leugers et Clover ont retrouvé un liquide stérile dans 51 % des cas de pleurésie [14]. Dans l’article princeps de Lemierre, un taux de mortalité de 90 % était retrouvé en l’absence d’antibiothérapie chez 20 patients [1]. Une revue de la littérature sur 5 ans au Danemark entre 1990 et 1995 montre qu’avec une prise en charge optimale, aucun décès n’est attribué au syndrome de Lemierre (24 patients), en revanche chez 25 autres patients avec une nécrobacillose le taux de décès atteignait 24 %. D’où l’intérêt d’un diagnostic et d’un traitement précoce, d’autant que le délai avant hospitalisation était un facteur de risque important de dissémination septique [12]. Dans l’attente des résultats des hémocultures, le traitement repose sur une antibiothérapie à large spectre ciblant les germes anaérobies Gram négatif. Toutefois, des cas de résistance de F. nécrophorum aux bêtalactamines ont été signalés via un mécanisme de sécrétion de bêtalactamases. Le métronidazole est l’antibiotique le plus largement utilisé avec une bonne activité bactéricide, une excellente pénétration dans les tissus et il présente l’avantage de la voie orale, sans affecter sa biodisponibilité dans le sang. La dose recommandée est de 500 mg toutes les 8 h [6,10]. Il peut être administré en association avec une céphalosporine de troisième génération, permettant ainsi une couverture plus complète et ciblant également les streptocoques de la cavité buccale. D’autres traitements sont acceptés comme la clindamycine ou le carbapenem en monothérapie, avec cependant la réserve pour ce dernier de son mauvais passage à travers la barrière hémato-encéphalique. La durée recommandée du traitement est de 3 à 6 semaines [6,11]. Dans le cas présenté, il existe une atteinte pulmonaire et pleurale, ce qui rend légitime une antibiothérapie par voie générale et un drainage pleural pour lavages itératifs [15]. La ligature-exérèse de la veine jugulaire thrombosée est un traitement de dernière intention dans les rares cas d’embolie septique incontrôlée ou la persistance d’un tableau clinique de sepsis sévère résistante à l’antibiothérapie. L’anticoagulation thérapeutique pour la thrombose jugulaire, calquée sur la prise en charge des thrombophlébites septiques d’origine pelvienne [16,17], est controversée en raison de l’absence d’études randomisées dans ce contexte de maladie de Lemierre. Dans le cas présenté, nous avons cependant tenu compte de la présence d’une large thrombose jugulaire (5 cm) et du risque de complication par progression rétrograde vers le sinus caverneux. On constatait à 3 mois une nette régression du thrombus mais néanmoins partielle, ce qui nous a conduit à poursuivre l’anticoagulation efficace au-delà des trois mois pour une nouvelle période de trois mois avec un contrôle

5 échographique au terme. Nous ne disposons pas des données finales du fait de la mauvaise observance du patient à son suivi médical.

Conclusion Le syndrome de Lemierre est une maladie rare de nos jours, mais qui doit être suspectée en cas de symptômes de pharyngite prolongée, de douleur cervicale et de signes cliniques de septicémie et/ou de pneumopathie chez un patient jeune immunocompétent. Le diagnostic est essentiellement clinique avec une association de symptômes permettant de définir cette entité. La confirmation et le suivi thérapeutique de la thrombose peuvent se faire à l’aide d’une échographie cervicale et/ou d’un angio-scanner (phlébo-scanner). Le traitement repose sur une antibiothérapie prolongée à doses élevées, un drainage chirurgical des éventuelles collections purulentes et la ligature-exérèse des veines jugulaires en cas de thrombose étendue résistante à un traitement bien conduit et compliqué de sepsis sévère engageant le pronostic vital.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Habert P, et al. Pleuro-pneumopathie révélant une thrombophlébite septique de la veine jugulaire : pensez au syndrome de Lemierre. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.05.006

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Pour citer cet article : Habert P, et al. Pleuro-pneumopathie révélant une thrombophlébite septique de la veine jugulaire : pensez au syndrome de Lemierre. Revue des Maladies Respiratoires (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2015.05.006

[Pleuro-pneumonia revealing septic thrombophlebitis of the jugular vein: Think about the Lemierre's syndrome].

Infection by Fusobacterium necrophorum, a Gram negative anaerobic bacteria, can lead to the development of Lemierre's syndrome, an uncommon but potent...
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