Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, 331—335

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MÉMOIRE ORIGINAL

Capillarite purpurique chronique diffuse du petit enfant Progressive pigmented purpuric dermatosis in young children A.-L. Hérissé a,∗,b, C. Chiaverini a,b, F. Boralevi c, A. Maruani d, A. Phan e, J.-P. Lacour a , Société franc ¸aise de dermatologie pédiatrique a

Service de dermatologie, CHU l’Archet 2, 151, route Saint-Antoine-de-Ginestière, 06200 Nice, France b Hôpital pédiatrique, CHU Lenval, 57, avenue de la Californie, 06200 Nice, France c Unité de dermatologie pédiatrique, CHU Pellegrin—Enfants, place Amélie-Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex, France d Service de dermatologie, CHU Clocheville, 49, boulevard Beranger, 37044 Tours, France e Service de dermatologie, centre hospitalier Lyon Sud — Pierre-Bénite, 165, chemin du Grand-Revoyet, 69495 Pierre-Bénite cedex, France Rec ¸u le 8 juillet 2013 ; accepté le 10 janvier 2014 Disponible sur Internet le 12 mars 2014

MOTS CLÉS Capillarite purpurique diffuse ; Maladie de Schamberg ; Enfant



Résumé Introduction. — Les capillarites purpuriques, caractérisées par un purpura non infiltré chronique et un aspect histologique évocateur, bien connues chez l’adulte, ont également été décrites chez le grand enfant, avec des lésions le plus souvent localisées aux membres inférieurs. La maladie de Schamberg appartient au groupe des capillarites purpuriques. Nous rapportons cinq cas pédiatriques de cette affection, particuliers par l’âge précoce de survenue et l’aspect diffus des lésions. Méthode. — Nous avons étudié rétrospectivement les dossiers de cinq enfants âgés de 13 mois à 5 ans. Le délai de consultation variait de 15 jours à 1 an. Résultats. — Les lésions cutanées étaient diffuses. La biopsie cutanée, réalisée dans quatre cas, était caractéristique. L’hémogramme était normal ainsi que les différentes sérologies virales. L’évolution était rythmée par des poussées. Aucun traitement n’avait été instauré.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.-L. Hérissé).

0151-9638/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.01.018

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A.-L. Hérissé et al. Discussion. — La maladie de Schamberg, ou capillarite purpurique diffuse, n’est que peu décrite chez l’enfant. Nos observations montrent pourtant que ce diagnostic n’est pas exceptionnel. L’aspect clinique, le contexte et la normalité de l’hémogramme suffisent au diagnostic. L’évolution est habituellement chronique. Aucun traitement n’a montré son efficacité. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Pigmented purpuric dermatosis; Schamberg’s disease; Children

Summary Background. — Pigmented purpuric dermatosis (or Schamberg’s disease) is characterized by chronic macular purpura and capillaritis. It is more common in young adult males and adolescents and is generally localized on the lower limbs. In this article, we report on five young children with generalized Schamberg’s disease. Patients and methods. — Five children (aged 13 months to 5 years) were included in this retrospective study. Time to consultation delay ranged from 15 days to 1 year. Results. — All patients presented asymptomatic generalized macular purpura. Skin biopsies were performed in 4 cases and were characteristic. The results of coagulation tests and complete blood counts were within the normal range in all patients. The clinical course was chronic, with periods of improvement and worsening. No treatment was prescribed. Discussion. — Schamberg’s disease is uncommon in childhood. Our observations suggest that this diagnosis is not exceptional. Clinical appearance, setting and normal blood count values are sufficient to enable a diagnosis to be made. The clinical course is generally chronic, and as yet no treatments have demonstrated efficacy. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les capillarites purpuriques chroniques sont un groupe d’entités diverses, caractérisées par un purpura non infiltré chronique et un aspect histologique évocateur. Bien connues chez l’adulte, elles ont été plus rarement décrites chez l’enfant, avec des lésions le plus souvent localisées aux membres inférieurs. Elles peuvent en imposer pour des purpuras de cause hématologique ou par vascularite, dont il faut savoir les distinguer. Parmi elles, la maladie de Schamberg, décrite initialement en 1901 chez un enfant de 11 ans, semble la plus fréquente. Nous rapportons cinq cas pédiatriques de capillarites purpuriques, particuliers par l’âge précoce de survenue et l’aspect diffus des lésions.

Méthode Cinq enfants âgés de 1 à 5 ans (3 filles et 2 garc ¸ons) ont été inclus rétrospectivement dans cette série de cas de mai 2011 à septembre 2012.

HHV6, hépatites A-B-C, Mycoplasma pneumoniae et rickettsies), qui étaient soit négatives soit correspondaient à des profils de vaccination ou d’infection ancienne. Quatre enfants ont eu une recherche d’anticorps antinucléaires et d’anticorps anti-cytoplasme des neutrophiles, qui était négative. Le dosage pondéral des immunoglobulines, l’immunophénotypage des lymphocytes, les recherches de facteur rhumatoïde, d’anticorps anti-antigènes nucléaires solubles et de cryoglobulinémie, effectués chez trois enfants, étaient normaux. Quatre enfants ont eu une biopsie cutanée, qui montrait un infiltrat inflammatoire mononucléé périvasculaire fait de lymphocytes T et une extravasation d’hématies dans le derme superficiel. Aucun traitement n’avait été prescrit, en dehors de l’application de crèmes hydratantes. L’évolution était marquée chez tous les patients par des poussées spontanément régressives, sans rythme particulier ni facteur déclenchant évident. Quatre enfants avaient des lésions persistantes au bout d’un à deux ans et demi d’évolution. Dans un cas, les lésions cutanées ont disparu au bout de cinq mois.

Résultats Les caractéristiques cliniques des patients sont résumées dans le Tableau 1. Tous consultaient pour une éruption purpurique maculeuse, non prurigineuse, en nappes mal limitées, sans atteinte muqueuse, évoluant depuis 15 jours à un an. Il n’y avait pas de facteur déclenchant potentiel à l’interrogatoire (infection, vaccin ou introduction médicamenteuse). Les lésions étaient apparues pendant la période estivale (entre mai et août). Elles étaient généralisées dans tous les cas. Le visage et les régions palmo-plantaires étaient épargnés (Fig. 1, 2). Le bilan biologique comprenant hémogramme, numération plaquettaire, TP et TCA était normal. Trois enfants ont eu diverses sérologies (CMV, EBV, parvovirus B19,

Discussion La survenue de macules purpuriques asymptomatiques isolées chez un adulte jeune, surtout si elles prédominent sur les membres inférieurs, fait facilement poser le diagnostic de capillarite purpurique à type de maladie de Schamberg [1]. Chez l’enfant, bien que les lésions élémentaires soient identiques et assez évocatrices, le diagnostic est plus difficile d’une part parce qu’il est plus rare et donc moins connu, en particulier pour les formes diffuses, et d’autre part en raison des urgences diagnostiques à discuter sur ce terrain. L’analyse de la littérature ne nous a permis de retrouver que 22 cas pédiatriques [1,2], dont 8 cas chez des enfants

Caractéristiques cliniques et biologiques des 5 enfants présentant une capillarite purpurique chronique diffuse.

Patient

Sexe

Âge

Délai de consultation

Durée d’évolution

Évolution par poussées

Localisations

Biopsie cutanée caractéristique

Biologiea

Sérologiesb

Bilan autoimmunc

Traitement

1 2 3

F F G

22 mois 13 mois 5 ans

15 jours 45 jours 1 an

5 mois > 6 mois > 6 mois

Oui Oui Oui

Oui Oui Non

N N N

N N Aucun

N N Aucun

Aucun Aucun Aucun

4 5

G F

3 ans 11 mois

1 an 60 jours

> 6 mois > 6 mois

Oui Oui

Généralisées Généralisées Membres inférieurs et dos Généralisées Généralisées

Oui Oui

N N

Aucun N

N N

Aucun Aucun

Capillarite purpurique chronique diffuse du petit enfant

Tableau 1

F : fille ; G : garc ¸on ; N : normal. a Comprend hémogramme avec plaquettes, bilan de coagulation. b Comprend sérologies CMV, EBV, parvovirus B19, HHV6, hépatites A-B-C, Mycoplasma pneumoniae et rickettsies. c Comprend recherche d’anticorps antinucléaires et anti-cytoplasme des neutrophiles (ANCA).

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Figure 1.

A.-L. Hérissé et al.

a et b : capillarite purpurique diffuse chez un nourrisson de 11 mois.

Figure 2. a et b : capillarite purpurique diffuse chez un nourrisson de 22 mois.

de moins de 5 ans. L’atteinte était localisée aux membres inférieurs chez 19 patients, aux quatre membres chez deux patients et généralisée chez un seul patient. Nos patients ont un aspect typique de capillarite purpurique diffuse, avec une prépondérance féminine décrite dans la littérature, mais se distinguent d’une part par un âge de survenue précoce (avant 5 ans), d’autre part par le caractère diffus des lésions. Il est possible cependant que le nombre de cas chez le petit enfant soit plus important mais sous-estimé parce que sous-rapporté ou sous-diagnostiqué [3—5]. L’étendue des lésions cutanées pourrait être quant à elle une particularité de l’enfant jeune. En effet, les trois patients rapportés dans la littérature pour avoir une atteinte diffuse avaient eux aussi moins de 5 ans. Chez l’enfant, la présence de lésions purpuriques diffuses doit faire réaliser un hémogramme, un dosage des plaquettes et un bilan de coagulation afin d’éliminer un purpura d’origine hématologique. La présence d’un syndrome hémorragique, d’une altération de l’état général, de pâleur et de fièvre sont des éléments évocateurs de ce diagnostic. Dans les cas typiques de capillarite purpurique, sans signes associés, la biopsie cutanée n’est pas nécessaire. Elle doit être réalisée en cas de doute avec une vascularite cutanée, mais celle-ci en diffère toutefois par la présence de lésions infiltrées, d’âge différent, de nécrose, d’œdème et de signes généraux. La biopsie d’une capillarite purpurique montre un infiltrat périvasculaire de lymphocytes T, une extravasation d’érythrocytes et des dépôts d’hémosidérine qui peuvent être mis en évidence par la coloration de Perls. L’infiltrat cellulaire contient des lymphocytes T CD4+ et des cellules de Langerhans CD1+, suggérant une réaction immunitaire à médiation cellulaire [6]. Les autres tableaux de capillarite purpurique (eczematid-like purpura, lichen aureus et purpura de Majocchi) ont des descriptions

Capillarite purpurique chronique diffuse du petit enfant cliniques et histologiques caractéristiques [2,6]. Enfin, en cas de doute avec une éruption en gants et chaussettes, une sérologie parvovirus B19 doit être faite. Chez l’enfant comme chez l’adulte, l’évolution naturelle de la maladie est chronique, avec des poussées survenant sans facteur déclenchant évident. La durée moyenne d’évolution dans la littérature est estimée à 2,6 ans, avec des extrêmes allant de quelques mois à 7 ans, ce qui correspond aux données de notre série. Aucun traitement n’a fait preuve d’efficacité, en particulier chez l’enfant. Les dermocorticoïdes peuvent apporter une aide sur une courte durée d’utilisation s’il existe un prurit. Un article rapporte une efficacité de la PUVAthérapie chez un enfant avec une forme généralisée [7]. En l’absence de gêne alléguée par les enfants, aucun de nos patients n’a eu de traitement. L’étiologie de la capillarite purpurique diffuse ou maladie de Schamberg est inconnue, même si des facteurs médicamenteux, vaccinaux ou infectieux ont été rapportés. La survenue de nos cas en période estivale pourrait suggérer un contexte viral même si l’interrogatoire n’a pas trouvé d’épisode infectieux chez la plupart des enfants. En conclusion, la capillarite purpurique diffuse de l’enfant est une pathologie non exceptionnelle et peu connue mais facilement reconnaissable. Il s’agit d’une maladie cutanée bénigne, d’étiologie inconnue, d’évolution chronique, rythmée par des poussées [6], disparaissant spontanément en quelques années. Dans les formes typiques, le diagnostic est clinique. Seul un hémogramme avec numération des plaquettes et un contrôle de l’hémostase sont nécessaires, comme devant tout purpura de l’enfant. La

335 reconnaissance de cette affection permet d’éviter des explorations et des inquiétudes inutiles.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Torrelo A, Requena C, Mediero IG, Zambrano A. Schamberg’s purpura in children: a review of 13 cases. Am Acad Dermatol 2003;48:31—3. [2] Tristani-Firouzi P, Meadows KP, Vanderhooft S. Pigmented purpuric eruptions of childhood: a series of cases and review of literature. Pediatr Dermatol 2001;18:299—304. [3] Schamberg JF. A peculiar progressive pigmentary disease of the skin. Br J Dermatol 1901;13:1—5. [4] Schamberg JF. Report of 3 cases of progressive pigmentary dermatosis with particular reference to the blood cholesterol. Br J Dermatol 1927;39:389—93. [5] Baden HP. Familial Schamberg’s disease. Arch Dermatol 1964;90:400. [6] Burns T, Breathnach S, Cox N, Griffiths C [vol. 3, chapter 48] Pigmented purpuric dermatoses. In: Rook’s textbook of dermatology. 7th ed Wiley-Blackwell; 2004. p. 10—3. [7] Milea M, Dimov HA, Cribier B. Capillarite purpurique généralisée traitée par PUVAthérapie chez un enfant. Ann Dermatol Venereol 2007;134:378—80.

[Progressive pigmented purpuric dermatosis in young children].

Pigmented purpuric dermatosis (or Schamberg's disease) is characterized by chronic macular purpura and capillaritis. It is more common in young adult ...
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