Synthèse General review

Volume 101 • N◦ 10 • octobre 2014 John Libbey Eurotext

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Reconstruction après résection pour tumeur osseuse de l’épaule Reconstruction following shoulder resection for bone tumor Francois Gouin1,3 , Vincent Creen2 1

Article rec¸u le 19 aoˆut 2013, accepté le 10 avril 2014 Tirés à part : F. Gouin

Clinique chirurgicale orthopédique et traumatologique, CHU Hôtel-Dieu, place A.-Ricordeau, 44093 Nantes cedex, France 2 Clinique chirurgicale orthopédique et traumatologique, CHU Hôtel-Dieu, 44093 Nantes, France 3 LPRO, Insem U957, Université de Nantes, Faculté de médecine de Nantes, 44000 Nantes, France

Pour citer cet article : Gouin F, Creen V. Reconstruction après résection pour tumeur osseuse de l’épaule. Bull Cancer 2014 ; 101 : 951-7. doi : 10.1684/bdc.2014.2033.

Résumé. Les tumeurs du membre supérieur sont le plus fréquemment localisées autour de l’épaule. Elles intéressent l’humérus proximal ou la scapula. La reconstruction a pour objectif de retrouver une épaule stable indolore et capable de se mobiliser activement au prix d’une chirurgie limitant le risque de complications. Les éléments clés d’une reconstruction fonctionnelle sont le caractère extra- ou intra-articulaire de la résection, les possibilités de reconstruction de la coiffe des rotateurs et la fonction du deltoïde (résection musculaire ou de son nerf). Lorsque le deltoïde peut être conservé et la résection intra-articulaire (conservant la glène), les prothèses inversées, manchonnées ou pas dans une allogreffe osseuse, permettent de retrouver une fonction de qualité sur le plan des mobilités actives. Dans les autres cas, une reconstruction par prothèse conventionnelle ou « tumeur » peut être proposée, mais avec des résultats toujours médiocres sur le plan de la fonction ; l’arthrodèse de l’épaule est une alternative intéressante dans ces situations. Dans tous les cas, les complications chirurgicales et les séquelles fonctionnelles sont fréquentes, la longévité des reconstructions incertaines et le préjudice esthétique important. 

Abstract. Scapula and proximal humerus are the most frequent site of primary bone tumors of upper limb. Surgical reconstruction after resection, aimed to obtain a stable painful limb and active motion of the shoulder. Three major key-points can affect functional results: intraor extra-articular resection, ability to offer a strength fixation of rotator cuff tendons, and remaining function of the deltoid muscle after resection. When most of the deltoid muscle is active associated with an intra-articular resection, recent results of reversed prosthesis are very promising in terms of active motion. For other cases, conventional or tumor prosthesis can be proposed, but inefficience of rotator cuff tendons fixation on a prosthesis leads to very poor restoration of active motion. Arthrodesis is an attractive option in this situation for young patients. In all cases, impairment of the shoulder function is the rule after resection, complication rate is high, and long-term deterioration of the reconstruction is frequent. Moreover, cosmetic results are always poor. 

Mots clés : tumeur osseuse, humérus, scapula, reconstruction, prothèse inversée, allogreffe, arthrodèse

Key words: , bone tumor, humerus, scapula, reconstruction, reversed prosthesis, allograft, arthrodesis

doi : 10.1684/bdc.2014.2033

Introduction Les localisations à la scapula et à l’humérus proximal sont les localisations les plus fréquentes des tumeurs osseuses du membre supérieur. La chirurgie conservatrice peut être réalisée dans 95 % des cas rendant les amputations exceptionnelles mais toujours particulièrement invalidantes, surtout sur un membre dominant. La résection carcinologique prime sur la fonction, elle dicte les possibilités de la chirurgie conservatrice. La reconstruction a pour objectifs : Bull Cancer vol. 101 • N◦ 10 • octobre 2014

– la stabilité, garante de la fonction du reste du membre supérieur ; – l’antalgie qui doit être la règle ; – et enfin la mobilité active, lorsque les structures anatomiques restantes le permettent. La récupération de ces mobilités est souvent limitée. L’arthrodèse d’épaule (articulation bloquée) garde dans cette localisation des indications, car si elle ne permet pas un arc de mobilité important, elle restitue en revanche une épaule stable permettant une fonction du coude et de la main dans bonnes conditions.

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F. Gouin, V. Creen Après avoir exposé les modes d’extension des tumeurs et les éléments anatomiques clés de la reconstruction, nous envisagerons les différentes alternatives actuellement à notre disposition et ce qu’on peut en attendre.

Extension locorégionale des tumeurs osseuses de l’épaule Le choix d’une technique de reconstruction de l’épaule dépendra des structures anatomiques à réséquer pour obtenir des marges saines, les exigences oncologiques primant sur la fonction pour les tumeurs malignes. Une bonne connaissance des voies d’extension locale des tumeurs et surtout une analyse du bilan iconographique complet préopératoire permettront d’établir le planning préopératoire de résection dont le caractère carcinologique est la priorité de l’intervention chirurgicale (figure 1). Le bilan iconographique de base, comprend des radiographies standards

et une IRM. Une tomodensitométrie (TDM) osseuse est souvent réalisée afin d’objectiver l’envahissement ostéoarticulaire. Un bilan vasculaire (angio-IRM ou angio-scanner) est parfois nécessaire lorsque les rapports entre la tumeur et les éléments vasculaires axillaires ou huméraux sont à préciser. Ce bilan qui permet de classer la tumeur selon la classification de Malawer [1] s’attachera à étudier des points clés qui permettront de planifier la technique de reconstruction : – pour les tumeurs de la scapula, l’extension vers la paroi thoracique est rare, protégée par plusieurs couches musculaires ; – l’extension vers les gros axes vasculo-nerveux : • dans la fosse axillaire, pour les tumeurs de la scapula et de l’humérus proximal, dont l’atteinte peut imposer une désarticulation, • dans le canal brachial pour les tumeurs de l’humérus proximal,

CR

MD CP

Figure 1. Tumeur de l’humérus proximal. MD : muscle deltoïde ; CP : pédicule circonflexe postérieur ; CR : coiffe des rotateurs/voies d’extension des tumeurs de l’humérus proximal, vers l’articulation, le pédicule circonflexe postérieur et le nerf axillaire assurant la motricité du muscle deltoïde, vers le muscle deltoïde.

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Reconstruction après résection pour tumeur osseuse de l’épaule • autour du pédicule circonflexe postérieur et du nerf axillaire, qui ont des rapports étroits avec la partie inférieure de la capsule glèno-humérale, et dont le sacrifice signifie la perte de fonction du muscle deltoïde ; – les surfaces articulaires de l’articulation gléno-humérale. L’épiphyse humérale avec la tête de l’humérus sera toujours réséquée dans les tumeurs de l’extrémité supérieure de l’humérus. Lorsqu’il n’y a pas d’extension articulaire de la tumeur, la glène scapulaire peut être conservée (résection intra-articulaire). Lorsque la tumeur envahit l’articulation, celle-ci doit être réséquée en totalité (résection extraarticulaire), c’est-à-dire en emmenant l’humérus proximal, la capsule articulaire et la glène en bloc, en sectionnant la scapula 1 à 2 cm en dedans de la surface articulaire. Une telle résection a des conséquences très importantes sur les possibilités de reconstruction : • les tendons de la coiffe des rotateurs, qui ont des rapports étroits avec la capsule articulaire, devront être au moins partiellement réséqués, • la partie osseuse de la scapula restante étant trop étroite, elle ne permettra pas l’implantation d’une prothèse glénoïdienne ; – les tissus mous autour de l’articulation gléno-humérale : • la capsule articulaire, • les tendons de la coiffe des rotateurs, qui assurent la stabilité de l’articulation (avec la capsule) et permettent la mobilité active de l’épaule, • le muscle deltoïde (ou son innervation par le nerf axillaire) qui contribue également à la mobilité active de l’épaule.

Principes généraux de la reconstruction des différentes structures anatomiques Les objectifs de la reconstruction après résection d’une tumeur de l’épaule sont : – une articulation stable ; – la restauration d’une ceinture scapulaire indolore ; – des mobilités passive et active de l’épaule. Lorsque ces conditions sont remplies, on peut attendre une fonction optimale du coude et de la main.

La reconstruction osseuse La reconstruction osseuse n’a pas de spécificité. Au niveau de la scapula, généralement les résections osseuses ne sont pas reconstruites, certains ont cependant proposé des prothèses de la scapula (Cf. infra). Au niveau de l’humérus, la perte de substance osseuse comme pour toutes les localisations, peut être reconstruite par du matériel prothétique et ou par des greffes osseuses (allogreffe ou autogreffe).

La reconstruction articulaire et des parties molles péri-articulaires L’articulation gléno-humérale est une articulation très mobile, mais peu stable (se luxe facilement). Toutes les reconstructions articulaires nécessiteront la conservation ou la Bull Cancer vol. 101 • N◦ 10 • octobre 2014

reconstruction des éléments de stabilité de l’épaule (coiffe des rotateurs, capsule articulaire). Nous avons à notre disposition plusieurs solutions : – soit une prothèse humérale implantée en face de la glène restante, lorsque la résection permet de la conserver. Cependant, la réinsertion de tendons (la coiffe des rotateurs) et de la capsule est impossible de fac¸on efficace et durable sur du matériel prothétique. Ce type de prothèse est donc exposé à un risque important de luxation. Certains auteurs ont proposé d’entourer la prothèse par un manchon de tissu non résorbable induisant un tissu fibreux cicatriciel, sur lequel étaient suturés les tendons (manchons spécifiques pour Gosheger et al. [2] ou prothèses en GoretexTM aortiques pour Marulanda et al. [3] ; – soit une allogreffe ostéochondrale, c’est-à-dire un greffon allogénique d’humérus proximal, avec le cartilage articulaire, la capsule et les tendons du donneur, insérés sur l’allogreffe. La suture de la capsule et des tendons du donneur à ceux du receveur permet une reconstruction des parties molles autour de l’articulation, pour limiter l’instabilité de l’épaule et améliorer la mobilité active. La dégradation du cartilage greffé dans le temps, fait que ces solutions par allogreffe exclusive sont progressivement abandonnées ; – soit une allogreffe composite, combinant les avantages des deux techniques précédentes, l’allogreffe étant utilisée pour la reconstruction osseuse et des parties molles, dans laquelle est implantée une prothèse humérale pour remplacer le cartilage de la greffe qui se détériore avec le temps ; – récemment des prothèses totales d’épaule « inversées » ont été proposées. Ce concept franc¸ais [4] prend un essor considérable dans les remplacements prothétiques de l’épaule, qu’il s’agisse des patients qui ont des ruptures dégénératives de la coiffe des rotateurs irréparables, ou des patients qui ont eu comme pour notre sujet, des résections pour raisons oncologiques de la coiffe des rotateurs. Le concept biomécanique de ces prothèses totales (l’implant scapulaire est convexe, la tête de l’implant humérale est concave, à l’inverse de l’anatomie normale) permet une certaine stabilité même en l’absence de reconstruction des parties molles, et une mobilité active par le muscle deltoïde, même en l’absence de coiffe des rotateurs. Il reste possible de réinsérer sur une allogreffe composite un deltoïde fonctionnel désinséré distalement lors d’une grande résection. Cependant, il s’agit de prothèses totales avec un implant huméral et glénoïdien, elles ne peuvent pas être implantées en cas de résection extraarticulaire de l’articulation (qui emmènent la glène). De plus, il faut un deltoïde fonctionnel, c’est-à-dire une conservation du pédicule circonflexe postérieur et du nerf axillaire et une résection respectant le muscle ; – il existe enfin des prothèses totales d’épaule « contraintes », dont la tête humérale est mécaniquement solidaire de la glène. La mobilité et la stabilité sont obtenues, au prix de contraintes mécaniques importantes sur la glène prothétique, dont les faillites sont alors fréquentes. Dans un certain nombre de cas, les contraintes oncologiques imposées à la résection ne permettent pas une reconstruction

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F. Gouin, V. Creen articulaire et des parties molles, plusieurs options sont alors proposées : – une arthrodèse d’épaule, qui consiste à ne reconstruire que l’os par un greffon allogénique ou autologue, en faisant fusionner l’humérus à la scapula ; – une suspension de l’humérus. L’humérus est suspendu par l’intermédiaire d’une prothèse « espaceur » (ou rarement d’une simple tige) de fac¸on passive (par des ligaments artificiels ou tubes cités plus haut) aux éléments anatomiques restants de l’épaule : acromion, clavicule voir deuxième côte en cas de scapulectomie totale ; – un retournement de la partie latérale de la clavicule a été proposé pour servir de greffon vascularisé en remplacement de l’humérus réséqué.

Principales indications chirurgicales et résultats des reconstructions Tumeurs de la scapula Les résections partielles de la scapula qui conservent la glène ne sont généralement pas reconstruites ; la fonction de l’épaule dépend surtout de l’importance de la résection des muscles de la coiffe des rotateurs s’insérant sur la scapula en particulier le supra-épineux. Ce type de chirurgie conservatrice permet d’obtenir des épaules et membres supérieurs fonctionnels, au prix d’une limitation des mobilités et d’une diminution de la force musculaire.

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Figure 2. Prothèse inversée d’épaule (l’implant scapulaire est convexe, la tête de l’implant humérale est concave, à l’inverse de l’anatomie normale) assurant la reconstruction articulaire, manchonnée dans une allogreffe pour la reconstruction osseuse jusqu’à la plaque au 1/3 distal d’humérus. Dans cet exemple, la reconstruction de la diaphyse humérale par une allogreffe, permet aux insertions distales du muscle deltoïde d’adhérer à cette allogreffe et ainsi une restitution satisfaisante de l’abduction de l’épaule.

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Reconstruction après résection pour tumeur osseuse de l’épaule Lorsque la résection de la scapula emporte la glène et parfois l’humérus proximal (intervention de Tikhoff-Linderg modifiée) on propose le plus souvent une simple suspension de l’extrémité supérieure de l’humérus à la clavicule, à l’acromion s’il est conservé ou aux côtes ; cette suspension est réalisée par des bandelettes synthétiques (GoretexTM , DacronTM ) ou des manchons tissulaires dédiés à cette indication. Les résultats fonctionnels sont médiocres, avec une épaule ayant peu ou pas de mobilité active et qui manque de stabilité (absence contrôle musculaire de l’épaule) pour permettre des mouvements en force du coude et de la main. Certains proposent de reconstruire la scapula, cependant les prothèses de scapula [5, 6] n’ont pas fait la preuve de leur intérêt sur le plan fonctionnel et entraînent des risques de complications spécifiques aux prothèses (infection, devenir à moyen et long terme). Chandrasekar et al. [7] ont rapporté deux cas de résultats fonctionnels très satisfaisant, mais avec un recul modéré après irradiation extracorporelle et réimplantation de scapula ou après allogreffe de scapula [5, 17].

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Tumeurs de l’extrémité supérieure de l’humérus Résections intra-articulaires (conservation de la glène), respectant le deltoïde et son innervation Prothèses inversées La reconstruction peut être assurée par une prothèse inversée, associée ou non à un manchon osseux d’allogreffe pour reconstruire la partie osseuse (figure 2). Les résultats fonctionnels sont très bons par rapport aux techniques conventionnelles [8, 9] ; les patients peuvent avoir une abduction active autour de 140◦ . Les principales limites et complications de cette option sont les complications infectieuses (communes à toutes les prothèses) qui imposent toujours une reprise chirurgicale et le plus souvent un changement des implants ce qui est toujours difficile après ces grandes reconstructions. L’instabilité (2 luxations sur 14 cas pour De Wilde et al. [8]) est également une complication spécifique aux reconstructions prothétiques. Le recul de ce type de reconstruction est correct, les premiers cas datant de plus de dix ans [9] sans complications majeures autres que celles de la chirurgie prothétique et des grandes résections. Ce type d’implant tend à remplacer les autres prothèses de reconstruction de l’épaule du fait de la qualité des résultats fonctionnels, chaque fois que le deltoïde reste fonctionnel (ou résection limitée à son faisceau antérieur) et que la glène est conservée pour pouvoir y implanter le composant scapulaire. Prothèses conventionnelles manchonnée dans une allogreffe et prothèses massives « tumeur » Lorsque le deltoïde n’est pas fonctionnel ou réséqué, on ne pourra pas utiliser de prothèse inversée. On s’oriente alors vers une reconstruction par une prothèse massive d’humérus proximal ou une prothèse conventionnelle manchonnée par Bull Cancer vol. 101 • N◦ 10 • octobre 2014

Figure 3. Prothèse « tumeur » après résection de l’humérus proximal emportant le pédicule circonflexe postérieur. La résection des parties molles articulaires (capsule) et l’impossibilité de réinsérer de fac¸on efficace des tendons sur la prothèse, entraîne une instabilité (ascension de la tête humérale) et des possibilités de mobilités actives très limitées. une allogreffe pour remplacer la partie osseuse. Dans le premier cas purement prothétique, les résultats fonctionnels sont médiocres (fixation des tendons de la coiffe des rotateurs sur un implant prothétique inefficiente et absence de muscle deltoïde) [10]. Dans le cas d’une prothèse, manchonnée dans une allogreffe de banque malgré l’apport par l’allogreffe de la capsule et des moignons de tendons de la coiffe de rotateurs suturés à ceux du patient, les possibilités de flexion et d’abduction actives restent limités à 70◦ en moyenne [11].

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F. Gouin, V. Creen Allogreffes ostéo-chondrales Ce type de reconstruction consiste à remplacer l’humérus proximal par un greffon osseux, intégrant la tête humérale cartilagineuse, la capsule articulaire et les tendons de la coiffe des rotateurs, assurant donc la restauration ostéocartilagineuse et des parties molles (capsule et tendons). Cette alternative est très attractive car elle assure une reconstruction « anatomique » et « biologique » complète. Elle impose la disponibilité en greffon allogénique d’une banque de tissu. Les résultats fonctionnels sont médiocres et les complications nombreuses ; elles sont dominées par les problèmes infectieux, la dégradation du cartilage articulaire et les fractures des greffons ; 38 % de réinterventions pour Van de Sande et al. [12] et 53 % de fractures du greffon pour Potter et al. [13] pour qui c’est la technique qui entraîne le taux le plus élevé de complications. Ces allogreffes ostéo-chondrales sont progressivement abandonnées.

Résections extra-articulaires La résection extra-articulaire de l’articulation complète avec sa glène aura un retentissement majeur sur les possibilités de reconstruction et donc de fonction de l’épaule. On ne peut pas réimplanter de composant prothétique glénoïdien et donc utiliser de prothèse inversée. On s’orientera alors vers une reconstruction limitée à l’humérus proximal

qui vient se caler sous la voute de l’acromion. L’alternative est de sacrifier la mobilité de l’épaule pour réaliser une arthrodèse. Reconstruction de l’humérus proximal par prothèse conventionnelle ou « tumorale » (figure 3) Quelle que soit l’option choisie, la tête de l’humérus n’aura plus d’appui sur une glène. Elle vient se caler entre le moignon de la scapula et l’acromion s’il est présent. Même si les tendons de la coiffe sont suturés à ceux de l’allogreffe ou réimplantés sur la prothèse, ils ne permettent que des mobilités actives limités à moins de 40◦ [11]. De plus, cette tête humérale est instable exposant aux luxations. Les manchons fibreux cités plus haut peuvent avoir ici de l’intérêt. Dans ces situations, la suspension du membre par un simple clou ancré dans l’humérus restant a été proposée, ce qui est peu différent sur le plan fonctionnel et permet une reconstruction simple et économique. Il faut cependant préférer un implant prothétique conventionnel ou tumoral, avec une tête humérale permettant de limiter les inconvénients de l’instabilité inhérente à ces reconstructions. Reconstruction par arthrodèse (figure 4) Compte tenu des limites fonctionnelles citées plus haut et des risques propres aux allogreffes et prothèses, une arthrodèse de l’épaule peut être discutée dans ces circonstances. Cette solution consiste à fixer l’humérus à la scapula. Du fait de la résection osseuse, une greffe est le plus souvent nécessaire.

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Figure 4. Arthrodèse d’épaule avec un greffon vascularisé prélevé sur le pilier de la scapula. L’articulation gléno-humérale est bloquée, mais des mouvements de l’épaule sont possibles par la mobilisation de la scapula sur la paroi thoracique. Une fois consolidée, l’arthrodèse offre un montage stable qui permet des activités en force et qui ne se dégrade pas dans le temps.

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Reconstruction après résection pour tumeur osseuse de l’épaule On peut faire appel à une allogreffe osseuse, une autogreffe vascularisée à partir de la fibula [14] du pilier de la scapula [15] ou en retournant la clavicule [16]. Cette option supprime toute mobilité dans l’articulation gléno-humérale, la mobilité du complexe de l’épaule étant possible par les mouvements entre la scapula sur la paroi thoracique. Cela permet d’amener la main à la bouche et au niveau des fesses. En revanche, la rotation externe, très utile pour attraper un objet en hauteur ou sur le côté est très limitée. Cette technique, si elle limite l’arc de mobilité de l’épaule, a l’avantage de donner une épaule très stable (fusion osseuse de l’arthrodèse) et donc permettre des mouvements en force (intérêt chez les travailleurs manuels). De plus, une fois l’arthrodèse consolidée, les risques de dégradation de la reconstruction avec le temps sont faibles, ce qui est intéressant chez les sujets jeunes. Les complications de cette option sont dominées par les difficultés de consolidation (15 à 25 % des patients) qui peuvent nécessiter dans la phase initiale une reprise chirurgicale pour complément de greffe osseuse. De plus, la période postopératoire nécessite une immobilisation longue (2 à 3 mois) sur une attelle inconfortable pour aider à la consolidation. Cette technique est donc particulièrement indiquée chez les patients jeunes, souhaitant pouvoir faire des travaux en force et ayant une bonne espérance de survie. Quel que soit le type de reconstruction osseuse, cartilagineuse et des parties molles envisagées, le patient doit être bien averti du caractère le plus souvent très inesthétique de ces épaules opérées, avec une perte du galbe de l’épaule qui peut amener à demander secondairement, à distance des traitements oncologiques et de la reconstruction, un geste de chirurgie plastique pour remodeler le galbe de l’épaule.

Conclusion Les options de reconstruction après résection au niveau de l’épaule sont nombreuses mais entraînent toujours des séquelles fonctionnelles du membre opéré. Ces séquelles portent sur la limitation des mobilités actives de l’épaule et la force du membre supérieur. Plus que le choix sur le remplacement osseux (allogreffe ou prothèse), ce sont les possibilités de reconstruction des parties molles qui conditionneront ces séquelles. Chaque fois qu’une partie de la glène doit être réséquée avec l’humérus proximal et ses attaches tendineuses, les résultats fonctionnels seront médiocres, encore aggravées en cas de résection du deltoïde ou de son innervation.  Liens d’intérêts : les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt en rapport avec l’article.

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[Reconstruction following shoulder resection for bone tumor].

Scapula and proximal humerus are the most frequent site of primary bone tumors of upper limb. Surgical reconstruction after resection, aimed to obtain...
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