Annales de chirurgie plastique esthétique (2014) 59, 592—595

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Aspects médico-légaux en rhinoplastie Rhinoplasty: Medicolegal issues J.-M. Thomassin a,*, J. Bardot b, T. Radulesco a a b

ˆ pital la Timone, 264, rue St-Pierre, 13385 Marseille, France Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, ho ˆ pital de la Conception, 147, boulevard Baille, 13006 Marseille, France Service de chirurgie plastique, ho

MOTS CLÉS Médico-légal ; Rhinoplastie ; Information ; Expertise

KEYWORDS Forensic; Rhinoplasty; Information; Expertise

Résumé En rhinoplastie, obtenir satisfaction tant sur le plan esthétique que fonctionnel peut s’avérer complexe. En matière de chirurgie esthétique, le rhinoplasticien a une obligation de moyen dite renforcée. Dans notre expérience, le résultat fonctionnel du patient est très lié au résultat morphologique : quand la réalisation d’une rhinoplastie donne toute satisfaction au plan esthétique au patient, même s’il a des difficultés respiratoires, les litiges seront exceptionnels. En rhinoplastie primaire, des résultats insatisfaisants sont retrouvés dans 15 à 30 % des cas. Si l’information orale au patient est primordiale, le praticien devra pouvoir apporter la preuve de sa délivrance via une fiche d’information écrite ou encore des courriers aux différents intervenants y compris au patient. La réalisation de photos pré- et post-opératoires est indispensable et le chirurgien doit les archiver pour être en mesure de les produire en cas de conflit. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary In rhinoplasty, satisfying the patient both aesthetically and functionally can be complex. In aesthetic surgery, the rhinoplastician has a reinforced obligation of means. In our experience, the functional outcome of the patient is closely linked to the morphological result. When a rhinoplasty provides the patient with full aesthetic satisfaction, even if he/ she has breathing difficulties, there will be very few disputes. In primary rhinoplasty, unsatisfactory results occur in 15%—30% of the cases. While orally informing the patient is paramount, the practitioner must also have written proof of the information via documents given or sent to the various players including the patient. The taking of pre- and postoperative photographs is essential and the surgeon must keep them on file for support in case of conflict. # 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.M. Thomassin). http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.07.020 0294-1260/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Aspects médico-légaux en rhinoplastie

Introduction La rhinoplastie est une chirurgie tridimentionnelle et le principe du nez naturel retravaillé peut s’avérer complexe à obtenir et à satisfaire tant au plan esthétique que fonctionnel. Les problèmes techniques fonctionnels et psychologiques s’accumulent. Dans notre expérience, lorsque le projet et la réalisation d’une rhinoplastie donnent toute satisfaction au patient, même s’il a des difficultés respiratoires, les motivations de plaintes seront exceptionnelles. En revanche, s’il existe des imperfections aussi minimes soient-elles, le résultat, ne convenant pas, s’accompagnera très souvent d’une plainte fonctionnelle. Le rhinoplasticien a une responsabilité importante : il doit adopter des techniques raisonnables et prudentes, entreprendre l’acte chirurgical en s’entourant de toutes les précautions requises sur le plan médico-légal. En matière de rhinoplastie, le chiffre de l’insatisfaction des patients après révision(s) varie de 5 à 10 % selon les séries [1—4]. En rhinoplastie primaire rétrospectivement, des résultats insatisfaisants sont retrouvés dans 15 à 30 % des cas [3,5]. Cependant, en matière de chirurgie esthétique le rhinoplasticien a une obligation de résultat dite renforcée.

Exemple de mission délivrée à l’expert dans le cadre d’une procédure civile concernant une rhinoplastie L’expert aura notamment pour mission de :  prendre connaissance des dossiers et de tous documents concernant l’intéressée Mlle X et à examiner cette dernière ;  décrire les imperfections esthétiques dont se plaignait Mlle X et les améliorations qu’elle attendait de l’intervention réalisée le JJ/MM/AAAA ;  dire si une rhinoplastie était de nature à corriger les imperfections reprochées par la patiente et si le profit espéré justifiait l’intervention pratiquée ; dire à l’inverse si les risques et les inconvénients liés à la rhinoplastie pouvaient surpasser la disgrâce qu’elle prétendait traiter et étaient hors de proportion avec l’embellissement espéré ;  décrire les soins et actes médicaux dont Mlle X a fait l’objet ; dire si l’indication opératoire du JJ/MM/AAAA était juste ; décrire cette intervention ;  dire si les divers soins pratiqués par l’hôpital lors de l’intervention du JJ/MM/AAAA ont été consciencieux et attentifs, diligents et conformes aux données de la science en vigueur à l’époque des faits ou si au contraire des erreurs, des fautes, maladresses ou négligences ont été commises ;  rechercher toutes informations en vue de déterminer si les traitements de toute nature prodigués à Mlle X par les services de l’hôpital lors de l’intervention du JJ/MM/AAA révèlent un mauvais fonctionnement ou une mauvaise organisation du service, une administration défectueuse des soins non médicaux ou une mauvaise exécution des soins médicaux, et donner son avis sur ces points ;

593  décrire l’état actuel de Mlle X ; apprécier le résultat de la rhinoplastie du point de vue médical, d’une part, et du point de vue esthétique, d’autre part ; indiquer si le dommage éventuel a un rapport avec l’état initial de la patiente ou l’évolution prévisible de cet état ;  donner son avis sur les améliorations susceptibles d’être apportées au nez de Mlle X sur le plan médical comme sur le plan esthétique ; décrire les traitements qui doivent ou qui devront être mis en œuvre ;  dire si le dossier médical et les informations recueillies permettent de savoir si l’intéressée a été informée des conséquences normalement prévisibles de l’intervention subie le JJ/MM/AAAA et si elle a été ainsi mise à même de formuler un consentement éclairé ; préciser si elle a reçu toutes les informations sur l’existence de risques, mêmes faibles, de complications susceptibles de se produire ;  dire si l’état de Mlle X a entraîné une incapacité temporaire et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ; distinguer la part de préjudice imputable à un éventuel manquement ainsi que celle pouvant résulter de l’intervention du JJ/MM/AAAA ;  indiquer à quelle date l’état de la patiente peut être considéré comme consolidé ; préciser s’il subsiste une incapacité permanente partielle et dans l’affirmative en fixer le taux : dans le cas où cet état ne serait pas encore consolidé, indiquer si dès à présent une incapacité permanente partielle est prévisible et en évaluer l’importance ; dire dans quelle mesure cette incapacité est imputable à un éventuel manquement du service hospitalier et/ou aux conséquences de l’intervention du JJ/MM/AAAA ;  donner son avis sur l’existence éventuelle de préjudices annexes (souffrances endurées, préjudice esthétique et préjudice d’agrément spécifique) et le cas échéant, en évaluer l’importance ; dire dans quelle proportion ces préjudices sont imputables à un éventuel manquement de l’hôpital ;  donner son avis sur la répercussion de l’incapacité médicalement constatée résultant de la rhinoplastie sur l’activité professionnelle de Mlle X. Ce type de mission fixé par le tribunal de grande instance en général à l’expert est devenu très précise. Le rhinoplasticien a tout intérêt d’avoir un dossier complet pour faire face à toutes procédures éventuelles où le premier reproche de la part du plaignant sera souvent exprimé par cette phrase relayée par son conseil : « Monsieur l’expert, je n’ai pas reçu les informations à propos de cet acte ni quels en étaient les risques et les complications car si j’avais été parfaitement informé je ne me serai probablement pas fait opéré ». Bien que dans une expertise, l’expert n’a qu’un rôle consultatif, car le juge n’est pas tenu de suivre ses conclusions, il le fait pourtant dans la majorité des cas. Tout praticien, quand il se retrouve devant un expert nommé par un tribunal, lorsqu’une plainte a été déposée au civil par exemple, est quelque peu anxieux quant au résultat de cette expertise. D’où l’intérêt d’une bonne gestion de son dossier médical. En cas de litige ou d’insatisfaction du patient, le praticien doit tout faire pour rétablir la confiance entre lui et son patient.

594 Il faut rappeler que le devoir d’information et d’explication ne cesse pas avec la fin des soins, surtout lorsqu’ils n’ont pas eu l’efficacité que le patient était en droit d’attendre. Afin d’éviter d’envenimer le litige, le chirurgien devra toujours maintenir un climat psychologique favorable et accepter toute demande d’information. Beaucoup de plaintes sont engagées à l’encontre du chirurgien pour un manque de communication entre lui et le patient. Dans une enquête parue dans le Concours Médical de 1996, des victimes de dommages ont été interrogées sur leurs motivations à porter plainte par la question : « le sinistre une fois survenu, quelle conduite vous aurait amené à ne pas porter plainte ? ». La réponse la plus fréquente était : « des explications et des excuses ».

L’obligation d’information : charge de la preuve de sa délivrance Le rapport de la SHAM 2005 souligne que 4 condamnations sur 5 en matière de chirurgie plastique, toutes interventions confondues, relevaient d’un défaut d’information du patient. L’information du patient dans toute rhinoplastie quelle soit esthétique pure ou esthético-fonctionnelle ou fonctionnelle est impérative.

La charge de la preuve La Cour de cassation revenant sur une jurisprudence constante depuis près de cinquante ans (Arrêt Martin/Birot civ 18, 29 mai 1951, Bull. no = 162) pose en principe dans une espèce concernant un acte médical que : « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ». Ce principe s’applique dorénavant en vertu de la loi no = 2002-303 du 04 mars 2002. La loi de 4 mars 2002 tire les conséquences logiques de cette évolution en affirmant le droit à l’information du patient, le recueil du consentement libre et éclairé à l’acte médical et aux traitements envisagés. Se pose ensuite la question de la preuve de l’exécution de l’obligation. Celui qui en a la charge, ici le médecin, qui prétend s’en être acquitté doit le prouver. En matière de chirurgie esthétique, l’exigence du devis peut en partie jouer le rôle des conditions de l’émission de l’information. Cependant le recueil du consentement par écrit ne doit pas se résumer à l’apposition d’une signature sur un imprimé. En aucun cas le praticien ne doit être dispensé d’une information délivrée oralement. Le médecin doit maîtriser le contenu de l’information qu’il délivre quitte à en préciser oralement le sens si nécessaire : « celui qui a accepté de donner des renseignements, a lui-même l’obligation de s’informer pour informer en connaissance de cause » [Civ 28, 19 juin 1996, Bull. no = 161].

La portée de l’information L’arrêt du 7 octobre 1998 s’agissant de l’étendue de l’information à délivrer, la cours de cassation a affirmé : « hormis

J.-M. Thomassin et al. les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés (. . .) il n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques se réalisent exceptionnellement » [Civ 18, 7 octobre 1998, Juris-Data no = 1998-003693 Jurisclasseur periodique 1998 ; II : 10179].

L’information doit être proportionnée à l’objectif En matière de chirurgie esthétique ou la chirurgie est dite de « confort », l’information doit être étendue. En pareil cas, le praticien est tenu d’indiquer au patient non seulement les risques propres à l’acte et la technique chirurgicale employée, mais aussi ses complications possibles et les répercussions aussi bien physiques, esthétiques que psychologiques [CA Paris ; 9 mai 2000 - Juris - Data no = 2000 - 120100]. L’intervention doit être précédée de la remise d’un devis détaillé et l’acte chirurgical ne peut être pratiqué qu’à l’issu d’un délai de réflexion.

La valeur de la fiche d’information Pour l’HAS, lorsque des documents écrits existent, il est souhaitable qu’ils soient remis au patient pour lui permettre de s’y reporter et/ou en discuter avec toute personne de son choix, notamment les médecins qui lui dispensent des soins. Ce document écrit au mieux par une société savante, doit servir de support à l’information orale. La signature de ces documents, non satisfaisante pour la justice, risque de modifier la relation de confiance entre le patient et le praticien. Cette démarche est cependant conseillée au plan médicolégal avant la réalisation d’une intervention chirurgicale. Elle fait partie de faisceau de preuves qui permet au magistrat d’apprécier si le chirurgien a bel et bien rempli son devoir d’information. Celle-ci doit comporter non seulement les risques propres mais également en matière de chirurgie esthétique les risques les plus exceptionnels et les moyens de les traiter au cas où ils surviendraient.

En pratique Toute rhinoplastie nécessite deux consultations pré-opératoires pour exposer les problèmes et répondre aux questions. Un climat de confiance doit s’instituer pour permettre au patient de mieux appréhender les suites de sa future rhinoplastie.

La première consultation La première consultation s’enquiert des motivations précises du patient, elle permettra la détection des patients à risques et délivrera une information claire, précise sur la technique envisagée, sur les résultats possibles en fonction du type de nez (nez à peau épaisse, disproportion columellolobulaire. . .) afin d’éliminer le caractère irréaliste de la demande.

Aspects médico-légaux en rhinoplastie Des photos, au nombre de 6, de bonne qualité, seront nécessaires et en cas de litige, elles seront également demandées (face, 2 profils stricts, une vue en face basse et 2 trois-quarts).

595 Dans toutes procédures, le chirurgien doit fournir l’entier dossier médical aux parties (les rajouts a posteriori sont très souvent visibles). La bonne tenue du dossier médical sera, en cas de litige, un atout majeur.

La deuxième consultation

Conclusion La deuxième consultation est effectuée 15 jours minimum après (obligatoire en chirurgie esthétique depuis la loi du 4 mars 2002). On pourra établir au vue des photos un projet de rhinoplastie avec ou sans morphing selon les opérateurs. On donnera des informations concernant la durée du postopératoire, des mèches, de l’attelle thermomaléable, des plaques de silastic et de la reprise professionnelle en cas d’activité de l’opéré. Il faudra discuter des risques de complications possibles et de la manière de les traiter. Toutes complications y compris les plus exceptionnelles doivent être abordées en termes d’information. On remettra à ce moment là au futur opéré une information écrite ainsi qu’un consentement éclairé. Ce document devra être signé et récupéré 24 h avant l’acte chirurgical. Pour certain il est donné lors de la première consultation.

Au total, le praticien doit apporter la preuve d’une information de qualité par :  la multiplication des consultations pré-opératoires (minimum deux) ;  la rédaction de courriers adressés au médecin traitant et au patient lui-même ;  l’information orale prime sur le document signé mais en chirurgie esthétique, non vitale, « de confort », compte tenu du nombre croissant de procédures judiciaires, le document est devenu fortement conseillé voire une obligation implicite. Dans ce cas, le recueil d’une signature sur la fiche d’information des sociétés savantes paraît être un bon moyen. De même, inclure au devis que le fascicule d’information a été remis au patient pourrait être une bonne solution sachant que le devis doit être signé.

Le devis en chirurgie esthétique Depuis l’arrêt ministériel du 17 octobre 1996, le chirurgien plasticien, ORL ou maxillo-facial, a l’obligation d’établir un devis détaillé pour toute prestation à visée esthétique (confirmée par la loi du 4 mars 2002). Ce devis devra comporter un certain nombre de mentions (cf. au chapitre précédent). Une fois accepté, un rendez-vous de consultation de préanesthésie et de date d’opération seront fixés en ménageant un nouveau délai de réflexion. À la fin de chaque consultation, on ne saurait conseiller au praticien d’adresser au médecin traitant et au patient un courrier détaillé où l’on aura expliqué la demande du futur opéré, l’intervention envisagée avec sa description, les risques et les résultats que le patient doit en attendre. Ces documents ont une valeur médico-légale en cas de litige. De même, il faudra que sur le dossier médical figure la mention que les risques et les complications inhérents à cette chirurgie ont été expliqués en détail au patient qui en a reçu une information claire et loyale.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Guyuron B, Bokhari F. Patient satisfaction following rhinoplasty. Aesthetic Plast Surg 1996;20:153—7. [2] Hossam M, Foda T. External rhinoplasty: a critical analysis of 500 cases. J Laryngol Otol 2003;117:473—7. [3] Klabunde H, Falces E. Incidence of complications in cosmetic rhinoplasties. Plast Reconstr Surg 1964;34:192—6. [4] Mc Kinney P, Cook J. A critical evaluation of 200 rhinoplasties. Ann Plast Surg 1981;7:357—61. [5] Cannoni M, Pech A, Thomassin JM, et al. Résultats des rhinoplasties. Étude informatique sur 351 dossiers. Ann Chir Plast 1981;26:337—40.

[Rhinoplasty: medicolegal issues].

In rhinoplasty, satisfying the patient both aesthetically and functionally can be complex. In aesthetic surgery, the rhinoplastician has a reinforced ...
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