Les infirmieres doivent*elles acceptor le jeOne a Laval? CLAIRE LALONDE

Quoique je l'aie rencontre en plein Car.me, cc n'est pas & ce jetThe-1& que se referait M. Marc Fortier, directeur des programmes de premier cycle en sciences de la sante & l'universite Laval, lorsqu'iI commentait la reorientation des programmes d'etudes dans ce secteur. C'est parce que le retour & la specificite hautement professionnelle des cours risquerait, & son avis, de causer pr6judice au caract.re universitaire d'un baccalaureat comme celui des sciences infirmi.res que M. Fortier soulignait en ces termes les consequences de la misc au rencart progressive de la part de formation scientifique commune qui caracterisait depuis 9 ans les sciences de la sante & Laval. Depuis 1968 en effet, (1971 pour la medecine dentaire) l'universit6 Laval 6tait la seule universite quebecoise & donner une "commune mesure de formation sur l'homme normal" aux 6tudiants inscrits & ses sept programmes des sciences de la sante. C'est ainsi qu'on regroupait pour les cours de sciences fondamentales tels anatomie, physiologie, biochimie, histologie etc., les futurs pharmaciens, medecins, bacheliers (.res) en sciences infirmi.res, ergotherapeutes, physioth&apeutes, dentistes et dietetistes. Tous ces 6tudiants, appeles & travailler ulterieurement en constante collaboration, 6taient ainsi inities au meme langage scientifique rigoureux (1/3 des credits du bac. en sciences de la sante) et se donnaient du meme coup plus qu'une source de reference commune: ils apprenaient & se connaitre, partant & se respecter et devenaient ainsi plus aptes au dialogue exigeant que devrait demander l'accomplissement de leur travail. Or on assiste actuellement au ressac de 1'orientation de regroupement telle que definie par ses principaux instigateurs, au nombre desquels le Dr Jacques Brunet figure en t&e de liste. "Nous nageons en plein corporatisme ." de deplorer le directeur des programmes de premier cycle. Que s'est-il donc passe? Les futurs professionnels se sont demandes s'il etait bien necessaire d'acquerir une formation generale aussi large. C'est ainsi que les etudiants dietetistes se sont declares moms interesses & apprendre l'anatomie de base de la m.me fa.on que les etudiants en medecine; les autres futurs professionnels ont aussi tour & tour pr.che pour un retour & une formation plus specifique qui mettrait l'emphase sur les connaissances plus directement reliees & leur future pratique.

En questionnant la pertinence de la formation commune, ceux qui etaient plus orientes vers la pratique ont pu demontrer que toutes ces connaissances n'etaient pas techniquement necessaires & l'exercice de la profession. Le tronc commun, qui compte toujours pour le tiers des credits du baccalaureat, s'est donc progressivement ampute de sa signification premiere: si les etudiants continuent d'etudier les memes matieres, ils ne le font plus dans le meme groupe d'etude (on ne pratique plus une reunion systematique des etudiants des sept programmes) et le contenu des cours en devient de plus en plus specifique. Ce retour & la specificite peut se solder, selon M. Fortier, par un net recul de l'une des missions principales de l'universite, celle d'assurer la transmission du savoir superieur. Au depart, le programme avec tronc commun ne supposait pas que les etudiants inscrits aux baccalaureats en sciences de la sante option pharmacie ou option medecine dentaire par exemple, s'engageraient uniquement dans l'exercice de la profession correspondante. On souhaitait en effet que plusieurs etudiants s'orientent vers les etudes superieures apres l'obtention du baccalaureat. Or la tres grande majorite, sinon la totalite d'entre eux, a continue de choisir d'exercer une profession, et consequemment, s'est revelee plus sensible (et avec elle parfois le corps professoral charge de sa formation) aux arguments reliant l'efficacite du professionnel & une preparation essentiellement sur mesure. Dans ce cheminement ideologique, on a neglige, selon M. Fortier, l'un des r6les majeurs de l'universite, celui qui consiste & favoriser la recherche, & &re une source de reflexion globale, de creativite et de depassement. Pour remplir ce r6le, l'universite se doit d'&re axee moms sur l'immediat que sur les problemes d'ensemble, ceux que notre interlocuteur appelle "les grands et les vrais problemes". Il se defend toutefois de vouloir faire de l'universite une structure elitiste et fermee sur elle-meme, occupee qu'elle serait & ses grandes reflexions. Au contraire, & son opinion, l'universite se doit d'etre la plus ouverte possible aux besoins du milieu. Mais meme si elle doit & son sens repondre aux besoins du milieu en lui fournissant les specialistes dont il a besoin, pourquoi ces specialistes devraient-ils se borner & n'acquerir qu'une formation "ad hoc" et n'aborder que partiellement les sciences fondamentales d'oii

leur viennent tous leurs instruments d'intervention et qui sont & la source des innovations? En somme pourquoi les facultes universitaires devraientelles se limiter & n'&re que des ecoles professionnelles? La question se pose avec d'autant plus d'acuite & Laval que la recherche medicale elle-meme a largement quitte l'universite au profit des h6pitaux universitaires. Cette nouvelle repartition des Ileux de recherche ne facilite pas le contact des etudiants avec les chercheurs. Ils ne les rencontrent plus que sporadiquement, au hasard de leurs stages. Pour micux repondre aux besoins du milieu, Ia faculte de medecine par exemple, s'est fixe comme objectif de former des medecins de premiere ligne. A cause de cette orientation "fonctionnaliste", les sciences humaines auraient d. etre au coeur de la formation commune. Or, si dans les discussions enseignants, praticiens et etudiants se disent convaincus de la necessite de la formation en sciences humaines, cellesci n'en demeurent pas moms dans les faits une "fleur de la culture" pour eux: ils n'y consacrent que 5% du temps de formation. La reorientation & laquelle on assiste actuellement contribuerait meme, possiblement, & reculer l'avenement d'une vraie collaboration entre les travailleurs de la sante. Comme le savoir demeure le gage du pouvoir et que le savoir le plus polyvalent reste entre les mains du medecin, celui-ci continuera & pretendre & juste titre au poste de chef de l'equipe de la sante, et ce, meme dans les endroits o.i des equipes de travail multi-disciplinaires sont formees. II restera aussi le chef de l'equipe & 1'h6pital. Or, de l'avis de M. Fortier, cc statu quo devient de plus en plus difficile & vivre, tout le temps et partout, pour les autres professionnels et aussi pour les patients. Les bacheliers et bachelieres en sciences infirmieres se plaignent quant & eux du peu d'initiative que Ia structure hospitaliere leur laisse. A quoi cela sert-il d'etudier trois ans pour obtenir un baccalaureat en sciences infirmieres s'il n'y a pas de reamenagement des responsabilites dans les h6pitaux afin que les diplemes puissent mettre leurs connaissances au service des patients? C'est d'ailleurs une des raisons de la penurie de personnel infirmier, et pas seulement des diplemes universitaires mais aussi des finissants de CEGEPs qui quittent de plus en plus Ia profession, disent-ils, pour s'epa-

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nouir vraiment dans une autre carri.re. M. Fortier est cependant loin de vouloir jeter le bl&me de cet 6tat de chose sur la profession m.dicale: "Ce serait caricaturer le probl.me de pr6tendre que cette situation est l'unique responsabilit6 des m.decins qui youdraient tout contr6ler. L'une des raisons profondes de la mise en veilleuse du tronc commun de formation tient peut&re . ce que tout le monde s'est laiss6 prendre au pi.ge du corporatisme en d.finissant leur formation trop exclusivement en fonction des besoins du milieu." Notre interlocuteur rejette donc l'explication qui voudrait que ce soit un antagonisme latent entre les m.decins Pourquoi les facultes universitaires devraient-elles se limiter . n'8tre que des et l'un ou l'autre groupe des travailecoles professionnelles? leurs de la sant6 qui ait amend le glissement d'une formation g.n6rale personne qui se plaint de douleurs ment politique. Le deuxi.me espoir de commune . une formation sp.cifique stomacales . un travailleur social ou voir ce d.cloisonnement s'op6rer, Marc plus fonctionnaliste. Mais, selon lui, si encore . un conseiller .conomique? Fortier le place dans la jeunesse qui le corporatisme ne suppose pas un Comment, si on d6value l'imagination n'appartient deja plus . la mentalit. antagonisme entre les corporations, ii cr.atrice au profit du corporatisme, hi&archis.e m.me si les mod.les tradin'en est pas moms une source de rela- comprendre que ce dont le patient a tionnels ont encore une certaine emtions conflictuelles et ne favorise pas besoin dans le syst.me hospitalier, ce prise sur elle. Ces mod.les conditionn'est pas d'une intervention hi6rarchis6e nent ainsi les jeunes . accepter encore sp.cialement le dialogue. mais d'une intervention adequate, au certaines "exigences" du m&ier. "Comme le veut la sagesse paysanne, moment oii il en a besoin, par une Ii est donc tr.s plausible qu'un jour il n'y a rien de mieux pour engendrer personne apte . intervenir?" dipl6m.s qui sortent du baccalaur.at les une querelle entre bons voisins que Les sciences infirmi.res sont . red& en sciences infirmi.res soient suffisamd'installer une cl6ture entre leurs deux terrains. C'est pr.cis.ment ce que fait finir leurs besoins de formation comme ment bien pr.par6s pour devenir les le corporatisme entre les professionels le font aussi les autres options du bac- responsables de la totalit6 du s.jour calaur6at des sciences de la sant6. Mais d'un malade . l'h6pital. Ils auraient de la sante," dit-il. ont-elles bien le choix de cette d.fini- ainsi toute autorit. pour accueillir le "Dans le domaine des soins, on aura tion? se demande le directeur des malade, ce qui implique qu'ils d&erdes probl.mes tant que le droit d'agir programmes. Comment pourraient-elles minerajent d'abord s'il y a lieu d'admetpour le malade ne sera fonction que sortir du corporatisme ambiant? c6t6 tre le malade. La fonction d'accueil de Ia profession . laquelle l'intervenant du r6le maternel actuel qui est Ad6volu qu'ils assureraient ainsi comporterait, appartient et non fonction du besoin aux infirmi.res (les femmes constituent il va de soi, plus de chaleur que le du malade. Et aussi tant que les pro- toujours la majorit6 des effectifs) en processus actuel d'admission supfessionnels de la sant6 ne se formeront complement au r6le masculin curateur pose. C'est . une v6ritable n'en qu'en fonction de la maladie. Comment du m.decin, n'y a-t-il pas d'autres ave- charge du malade que Marcprise en Fortier faire de la prevention si tout ce que nues . explorer? Les dipl6m.s en fait ici r.f&ence. Le ou la dipl6m.e en l'on connait c'est la maladie? Dans sciences infirmi.res ne pourraient-ils sciences infirmi.res, rendu apte . exacette optique, le tronc commun permet- devenir des cliniciens de premiere miner s.rieusement le malade, pourrait tait l'acquisition de connaissances sur se diriger vers l'enseignement ou ligne, l'adensuite indiquer . quelle ressource faire ce qu'est un homme sam, un homme ministration ou encore devenir des hy- appel. Cela suppose que c'est ce dipl6m. en sant6. Voil. qui devrait constituer gi.nistes et des .ducateurs? qui prendrait l'initiative de l'intervention Ia base ineluctable de la formation des ne demanderaient-ils pas la Pourquoi mise-en- des autres professionnels de la sante. travailleurs de la sant6 place du deuxi.me et du troisi.me cy- Cette m.me personne .tablirait ensuite "Ii faudrait aussi retrouver la signifi- cle et ce qu'il faut pour les frequenter? le programme de s.jour du patient, incation globale de la sant6. Etre en Le d.cloisonnement qu'ii consid.re cluant un plan de soins et de traitesante ce n'est pas seulement &re phy- comme l'id6al . atteindre, M. Fortier ments. Elle serait aussi responsable de siologiquement en bon &at, en absence ne le pense cependant pas possible dans l'application de ce plan. Quand le prode maladie. Ainsi le concept de sant6 on avenir imm6diat. "Pour le moment cessus serait termin., c'est enfin cette avait chez les Grecs l'acception de one approche non technique, non d& personne qui pr6parerait le malade vaillance. Voil. qui traduit bien l'aspect coup6e ni st.rilisante de l'&re humain quitter l'h6pital, en determinant s'il a. psychologique, social et moral n.ces- n'est pas facilement accessible. Trop besoin d'aide ou non apr.s. sairement reli6 . la definition de la de personnes sont rejointes par les M. Fortier a la conviction que l'unisante. Etre vaillant, c'est &re plein pressions du fonctionnement, l'obses- versit. est en mesure de former ce d'allant, avoir de l'esprit d'entreprise, sion de l'efficacit6 et l'adulation de genre de personnel infirmier . condidu courage, de l'app6tit de vivre aussi. l'6conomique." S'il a observ6 sereine- tion que les corporations et les admi"Comment pourrions-nous continuer ment le changement d'orientation qui nistrations hospitali.res s'engagent dans alors de vouloir r.pondre aux besoins remettait . plus tard le d.cloisonnement cette voie. Le syst.me actuel perdurera de sante des gens seulement avec des . Laval, il reste confiant que les gens cependant tant que l'on r&iuira le ciinstruments d'intervention curatifs? Si demanderont un jour aux professions toyen . une r.alit. biologique que on se laisse prendre dans les corridors des contributions difffrentes de celles continueront . se d.couper comme du corporatisme, comment un interve- qu'elles offrent . l'heure actuelle. Cela leur objet propre chacune des corporanant pourrait-il penser r6f6rer une va de pair pour lui avec un chemine- tions. U 948 CMA JOURNAL/APRIL 23, 1977/VOL. 116

[Should nurses accept abstinence at Laval?].

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