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Journal de Gyn´ ecologie Obst´ etrique et Biologie de la Reproduction (2014) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Syndrome du choc toxique staphylococcique après chirurgie du sein Staphylococcal toxic shock syndrome after breast surgery A. Pelissier a,∗, J. Dumesnil b, R. Levy c, C. Charron d, R. Rouzier b,e a

Service de gynécologie-obstétrique, maternité Alix-de-Champagne, CHU de Reims, 45, rue Cognacq-Jay, 51092 Reims cedex, France b Service de chirurgie, centre René-Huguenin, institut Curie, 35, rue Dailly, 92210 Saint-Cloud, France c Service de médecine interne, hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France d Service de réanimation médico-chirurgicale, hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92104 Boulogne cedex, France e EA 7285, risques cliniques et sécurité en santé des femmes et en santé périnatale, université Versailles-St-Quentin-en-Yvelines, Versailles, France Rec ¸u le 3 novembre 2013 ; avis du comité de lecture le 27 janvier 2014 ; définitivement accepté le 6 f´ evrier 2014

MOTS CLÉS Syndrome du choc toxique ; Staphylocoque aureus ; Superantigènes ; Infection du site opératoire ; Chirurgie mammaire



Résumé L’infection du site opératoire est définie par sa survenue dans les 30 jours suivant l’intervention chirurgicale. Elle est une des principales complications de toute chirurgie, avec un taux de 1 à 5 % sans antibioprophylaxie et de moins de 1 % avec antibioprophylaxie. De manière exceptionnelle, elle peut engager le pronostic vital du patient par le biais du syndrome du choc toxique (SCT). Nous rapportons le cas d’une femme de 39 ans ayant présenté un SCT à j6 d’une mammectomie partielle pour tumeur phyllode. Les symptômes en sont rappelés ainsi que les principes de la prise en charge. © 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Pelissier).

0368-2315/$ – see front matter © 2014 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.02.003

Pour citer cet article : Pelissier A, et al. Syndrome du choc toxique staphylococcique après chirurgie du sein. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.02.003

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A. Pelissier et al.

KEYWORDS Toxic shock syndrome; Staphylococcus aureus; Superantigens; Surgical site infection; Breast surgery

Summary The surgical site infection occurs within 30 days after surgery. It is the most common complication of surgery, with a rate of 1 to 5% without antibiotic prophylaxis and less than 1% with antibiotic prophylaxis. The toxic shock syndrome (TSS) is a dramatic complication. We report the case 39-year-old woman who presented a life-threatening TSS acquired after breast surgery. We describe the signs and symptoms of this condition as well as treatment principles. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

Introduction L’infection du site opératoire est la 1re cause de morbimortalité en chirurgie et la 3e cause d’infection d’origine nosocomiale. Sa prévalence varie de 1 à 5 % en fonction du type d’intervention. Pour la chirurgie mammaire, son taux ne dépasse pas 3,5 % [1]. Le principal germe incriminé est Staphylococcus aureus, dont le réservoir est endogène dans la majorité des cas, c’est-à-dire qu’il est porté par le patient lui-même (flore commensale cutanée principalement, mais aussi du tractus ORL, gynécologique et digestif). La contamination par l’environnement du bloc opératoire (personnels soignants, air ambiant) reste exceptionnelle. L’infection du site opératoire survient dans les 30 jours suivant l’intervention. Sa sémiologie simple, apparition de signes inflammatoires au niveau de la cicatrice (douleur, rougeur, augmentation de la température locale, écoulement anormal, désunion de suture) associés à une fièvre, permet de poser rapidement le diagnostic et d’initier un traitement antibiotique probabiliste. De manière exceptionnelle, le pronostic vital du patient peut être engagé. Le syndrome du choc toxique (SCT) est une complication infectieuse systémique rare, avec une incidence annuelle en France de 1/100 000, mais grave car potentiellement létale [2]. Il est classique, depuis la mise en évidence d’une corrélation entre le SCT et l’utilisation de tampons périodiques hyperabsorbants dans les années 1980, d’opposer le SCT d’origine menstruelle (rare avec une mortalité faible de moins de 5 %) à ceux d’origine non menstruelle (plus fréquente avec une mortalité élevée de l’ordre de 20 %) [2]. Nous rapportons le cas d’une tumorectomie mammaire simple qui s’est compliquée d’un SCT.

Observation Il s’agit d’une femme de 39 ans, G2P2, sans antécédent particulier, que nous avons pris en charge pour une tumeur phyllode de grade I de 20 mm du sein gauche. L’indication d’exérèse de cette lésion à risque a été retenue en réunion de concertation pluridisciplinaire. Une tumorectomie a été réalisée en chirurgie ambulatoire. En l’absence de complication per- et postopératoire immédiate, le retour à domicile a été autorisé le jour même. À j6 de cette intervention, la patiente s’est présentée aux urgences pour l’apparition d’une fièvre et d’une rougeur du site opératoire évoluant depuis 24 heures. À l’admission, la température était à 39◦ C, la pression artérielle à 122/61 mmHg, la fréquence cardiaque à 117 bpm

et la saturation en oxygène à 100 %. L’examen clinique retrouvait des signes inflammatoires locaux limités à la zone cicatricielle ainsi qu’un abdomen discrètement érythémateux. Une échographie mammaire était réalisée, objectivant une collection infra-centimétrique (7 mm). Le bilan biologique initial montrait un syndrome infectieux biologique avec une hyperleucocytose à 18 800/mm3 , une CRP (protéine C activée) à 150 mg/L et une PCT (procalcitonine) à 2,4 ␮g/L (N < 0,50 ␮g/L). Le reste du bilan biologique (ionogramme sanguin, urée, créatininémie, bilan hépatique) était normal. Devant cette suspicion d’infection du site opératoire, une antibiothérapie intraveineuse par amoxicilline-acide clavulanique était débutée. Cinq heures plus tard, on notait une baisse de la pression artérielle associée à un allongement du temps de recoloration cutanée (4 sec) malgré un remplissage vasculaire sans délai par cristalloïde (NaCl isotonique). La fièvre persistait avec apparition de frissons et d’une franche éruption érythémateuse maculaire de l’abdomen, du dos et de la racine des cuisses (Fig. 1). Sur le plan biologique, une hyperlactatémie à 4,4 mmol/L (N 0,50—1,60 mmol/L) en rapport avec l’hypoperfusion tissulaire était associé à une perturbation du bilan hémostatique (TP à 42 %). Le transfert immédiat de la patiente en service de réanimation a été décidé devant ce tableau de choc septique compatible avec le diagnostic de choc toxique staphylococcique. Deux heures après son admission en réanimation, la patiente était sédatée, intubée et ventilée en raison de l’apparition d’une insuffisance respiratoire aiguë et d’un syndrome confusionnel débutant. Par ailleurs, on notait l’apparition d’une insuffisance rénale et hépato-cellulaire (créatininémie à 106 ␮mol/L, ASAT et ALAT à 2 fois la normale) complétant ce tableau de défaillance multiviscérale. Sur le plan hémodynamique, malgré le remplissage vasculaire et l’instauration d’un traitement vasopresseur par noradrénaline, la patiente se dégradait rapidement, nécessitant des doses croissantes de noradrénaline. Une échographie cardiaque transœsophagienne a permis d’évaluer la dysfonction cardiaque (FeVG à 40 %), motivant la mise sous dobutamine. Devant l’absence de réponse, une opothérapie substitutive par hémisuccinate d’hydrocortisone était introduite, et maintenue jusqu’au sevrage de la noradrénaline, sevrage réalisé à j3 de la prise en charge en réanimation. La dobutamine et la sédation ont été arrêtées à j4, permettant l’extubation de la patiente le jour même. Sur le plan infectieux, le traitement antibiotique initial a été renforcé par l’ajout de clindamycine, vancomycine et gentamicine. La patiente a bénéficié d’une cure

Pour citer cet article : Pelissier A, et al. Syndrome du choc toxique staphylococcique après chirurgie du sein. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.02.003

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Syndrome du choc toxique staphylococcique après chirurgie du sein

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Tableau 1 Syndrome du choc toxique : critères diagnostiques. Toxic shock syndrome: diagnostic criteria. Critères majeurs Température > 38,9◦ C + Érythrodermie maculaire diffuse ± Desquamation à prédominance palmo-plantaire survenant 1 à 2 semaine après le début d u SCT + TA systolique ≤ 90 mmHg chez l’adulte Atteinte multisystémique (au moins 3 critères) : Gastro-intestinal : vomissements ou diarrhée au début Musculaire : myalgies sévères ou élévation de la CPK à au moins 2 fois la normale Muqueuse : hyperémie vaginale, oro-pharyngée ou conjonctivale Rénale : urée ou créatinine sanguine à au moins 2 fois la normale Hépatique : bilirubine totale ou ASAT-ALAT à au moins 2 fois la normale Neurologique : désorientation ou altération de la conscience sans déficit neurologique focal

Figure 1 Érythème maculaire de l’abdomen et de la racine des cuisses. Macular rash of the abdomen and thighs.

d’immunoglobuline polyvalente. La collection du sein a été ponctionnée à l’admission en réanimation puis drainée chirurgicalement le lendemain. L’état local s’est rapidement amélioré ainsi que le syndrome infectieux biologique. Les différents prélèvements bactériologiques réalisés (hémocultures, écouvillon du liquide purulent) ont permis de mettre en évidence la présence d’un staphylocoque aureus sensible à la méticilline ainsi que de la toxine TSST-1, et d’adapter l’antibiothérapie.

Discussion Cette observation souligne la gravité du syndrome du choc toxique ayant engagé le pronostic vital de cette patiente jeune et nécessité une stratégie thérapeutique agressive. Le syndrome du choc toxique a été décrit pour la 1re fois en 1978 par Todd et al., à partir de 7 observations d’enfants présentant une éruption scarlatiniforme dans un contexte fébrile, associée à une hypotension artérielle marquée, une diarrhée et une atteinte multiviscérale [3]. En 1980, suite à la description de centaines de cas de SCT chez des jeunes femmes en période menstruelle utilisant des tampons hyperabsorbants, favorisant la pullulation staphylococcique, des critères de définition ont été établis par le Center for Disease Control and Prevention (Tableau 1) [4]. Le SCT est lié à la production d’exotoxines par certaines souches bactériennes, faisant partie de la famille des superantigènes. Les principaux agents pathogènes impliqués dans la genèse de cette affection sont le staphylocoque aureus (SA) et le streptocoque A de type M1, produisant respectivement les toxines TSST-1 (Toxic Shock Syndrome Toxine-1)

et SPE A, B et C (Streptococcal Pyogenic Exotoxin A, B et C) [5]. Ces toxines activent directement les lymphocytes T en se liant aux molécules de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité, contrairement aux antigènes conventionnels qui sont internalisés et présentés aux cellules de l’immunité par les cellules présentatrices de l’antigène. L’activation polyclonale directe et aspécifique des lymphocytes T ainsi produite entraîne la libération massive de cytokines (TNFalpha, IL 1 et 6) puis une cascade inflammatoire systémique. Contrairement au processus d’activation classique qui conduit à l’activation de moins de 1 % des lymphocytes T, les superantigènes peuvent induire l’activation de 20 à 30 % des lymphocytes T. Malgré l’identification de ces éléments physiopathologiques, la séquence exacte conduisant à la constitution d’un tableau de défaillance multiviscérale réfractaire, voire fatal chez certains patients reste méconnue. Des travaux récents ont montré que des anomalies génétiques comme certains polymorphismes intéressants l’IL 1 et le TNF, participeraient au défaut d’immunisation vis-à-vis des exotoxines et constitueraient un facteur net de vulnérabilité [6]. Ce phénotypage n’est pas réalisé de manière systématique à l’heure actuelle. Le retard au diagnostic est le principal élément pronostique de ce syndrome dont les premiers signes ressemblent à ceux de la grippe et pour lequel la porte d’entrée peut passer inaperc ¸ue. L’origine de l’infection peut être cutanée (coupure, brûlure, incision chirurgicale), vaginale (tampons, diaphragme) ou ORL (sinusite, pharyngite). La juste interprétation des signes cliniques et biologiques permet d’orienter rapidement le patient en réanimation. Le traitement de base du SCT repose sur l’instauration d’une antibiothérapie active contre le staphylocoque aureus, de type béta-lactamines. L’utilité d’y associer un antibiotique susceptible d’inhiber la synthèse protéique bactérienne tel que la clindamycine est suggérée par une étude in vivo, et reste licite [7]. La place des traitements immunomodulateurs tels que les immunoglobulines polyvalentes reste

Pour citer cet article : Pelissier A, et al. Syndrome du choc toxique staphylococcique après chirurgie du sein. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.02.003

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discutée, mais ils sont préconisés par de nombreuses équipes [8]. L’exsanguinotransfusion et l’échange plasmatique pour éliminer les toxines et cytokines ont été décrits mais leur utilisation reste anecdotique et controversée, la plupart des travaux ayant été réalisés sur des modèles expérimentaux animaux ou dans le cadre de choc à bacille Gram négatif chez l’homme [9]. Comme tout état de choc, le traitement hémodynamique et des défaillances d’organes en service de réanimation est fondamental. Il repose sur le remplissage vasculaire et l’utilisation de molécules vasopressives. L’hémisuccinate d’hydrocortisone peut compléter le traitement. Lorsque le SCT s’accompagne d’un abcès, son drainage percutané ou chirurgical est suggéré par plusieurs équipes, de même que l’excision immédiate des tissus nécrotiques. Cependant ces recommandations ne sont basées sur aucune étude clinique [10]. Par ailleurs, il n’existe aucune prévention efficace. Les seules mesures décrites portent sur la prévention du SCT chez les utilisatrices de tampons périodiques. En conclusion, le SCT principalement lié à la toxine TSST1 produite par certaines souches de staphylocoque aureus, est une maladie rare mais gravissime engageant le pronostic vital du patient. La reconnaissance précoce de cette infection grave constitue un véritable challenge dès lors qu’une thérapeutique ciblée est susceptible d’améliorer le pronostic des patients.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références [1] Lefebvre D, Penel N, Deberles MF, Fournier C. Incidence et facteurs de risque d’infections du site opératoire en chirurgie carcinologique mammaire. Presse Med 2000;29: 1927—32. [2] Parsonnet J, Hansmann MA, Delaney ML, Modern PA, Dubois AM, Wiedland-Alter W, et al. Prevalence of toxic shock syndrome toxin-1-producing Staphylococcus aureus and the presence of antibodies to this superantigen in menstruating women. J Clin microbiol 2005;43:4628—34. [3] Todd J, Fishant M, Kapral F. Welcht. Toxic shock syndrome associated with phage-group I staphylococci. Lancet 1978;2:1116—8. [4] Shands KN, Schmid GP, Dan KN, et al. Toxic shock syndrome in menstruating women: association with tampon use and Staphylococcus aureus and clinical features in 52 cases. N Engl J Med 1980;303:1436—42. [5] Schlievert PM, et al. Role of super antigens in human disease. J Infect Dis 1993;167:997—72. [6] Texereau J, Pene F, Chiche JD, Rousseau C, Mira JP. Importance of hematic gene polymorphisms for susceptibility to and outcome of severe sepsis. Crit Care Med 2004;32:S313—9. [7] Hong-Geller E, Gupta G. Therapeutic approaches to superantigens-based diseases: a review. J Mol Recognit 2003;16:91—101. [8] Dellinger RP, et al. Surviving sepsis compaign guidelines for management of severe sepsis and septic shock. Crit Care Med 2004;32:858—73. [9] Brion JP, et al. Exsanguinotransfusion et échange plasmatique pour traiter un syndrome de choc toxique à streptocoque A. Med Mal Infect 1995;25:546—7. [10] Low DE. Toxic shock syndrome: major advances in pathogenesis, but not treatment. Crit Care Clin 2013;29:651—75.

Pour citer cet article : Pelissier A, et al. Syndrome du choc toxique staphylococcique après chirurgie du sein. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.jgyn.2014.02.003

[Staphylococcal toxic shock syndrome after breast surgery].

The surgical site infection occurs within 30 days after surgery. It is the most common complication of surgery, with a rate of 1 to 5% without antibio...
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