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ANCAAN-980; No. of Pages 4

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ScienceDirect www.sciencedirect.com Annales de Cardiologie et d’Angéiologie xxx (2015) xxx–xxx

Fait clinique

Les anévrysmes de l’aorte d’origine tuberculeuse. À propos de trois cas The aneurysms of the aorta of tuberculous Y. Tijani a,∗ , A. Ghannam b , B. Elfatemi a , A. Elkharroubi a , M. Hormat-Allah a , R. Elidrissi a , S. Elkhloufi a , Y. Sefiani a , B. Lekehal a , A. Elmesnaoui a , F. Ammar a , Y. Bensaid a a b

Service de chirurgie vasculaire, université Mohammed V, CHU Ibn Sina, Souissi Rabat, Maroc Service d’anesthésie réanimation, université Mohammed V, CHU Ibn Sina, Souissi Rabat, Maroc Rec¸u le 25 avril 2014 ; accepté le 3 septembre 2015

Résumé La tuberculose au Maroc est un problème de santé publique. Difficile à éradiquer malgré les différentes politiques de santé publique. Pourtant d’efficacité reconnue par l’organisation mondiale de la santé. Les anévrysmes aortiques sont une complication rare mais létale de la tuberculose. Leur rareté d’où leur méconnaissance, leur haut risque de rupture, d’ou l’urgence de prise en charge thérapeutique, en font une entité à part entière à diagnostiquer et à traiter correctement afin d’en améliorer l’évolution. Nous rapportons trois cas d’anévrysmes de l’aorte d’origine tuberculeuse, traités chirurgicalement avec succès. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Anévrysme ; Aorte ; Tuberculose ; Chirurgie ; Endoprothèse

Abstract Tuberculosis is a public health problem in Morocco, which is difficult to eradicate despite the recognized efficiency of health policies. Aortic aneurysm is rare and lethal complication of spontaneous evolution. Pathophysiological characteristics and the difficulty of early diagnosis worsen the prognosis. © 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Aneurysm; Aorta; Tuberculosis; Surgery; Stent graft

1. Introduction

1.1. Observation no 1

Les anévrysmes de l’aorte abdominale sont une complication rare mais létale de la tuberculose. Actuellement, ils bénéficient d’un regain d’intérêt devant la recrudescence de la maladie tuberculeuse en occident et devant la multiplication des formes graves assorties à des résistances croissantes des germes.

Patiente, âgée de 13 ans, a été transférée début 2006 des urgences chirurgicales pédiatriques pour douleur abdominale intense évoluant dans un contexte de fièvre, d’amaigrissement et d’altération de l’état général depuis deux semaines. L’angioscanner abdominal a révélé la présence de 2 faux anévrysmes de l’aorte juxta-rénale et sous-rénale mesurant respectivement 7/5 cm et 5/5 cm associés à un infarctus splénique (Fig. 1). L’angio-IRM thoraco-abdominale a montré l’existence de plusieurs petits anévrysmes sacciformes de l’aorte thoracique descendante et 2 grands faux anévrysmes de l’aorte abdominale (Fig. 2). À j+3 de son hospitalisation, la patiente a présenté

∗ Auteur correspondant. Angle rue Souss-Qahira, residence le nid, imm 16 no 06 Kénitra, 14000 Kénitra Maamora, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Tijani).

http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.09.047 0003-3928/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Tijani Y, et al. Les anévrysmes de l’aorte d’origine tuberculeuse. À propos de trois cas. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.09.047

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Fig. 1. Angioscanner abdominal montrant un anévrysme juxta-rénal associé à un infarctus splénique.

une intensification de la douleur avec pâleur. La patiente a été admise d’urgence au bloc opératoire. L’exploration chirurgicale a retrouvé 2 faux anévrysmes rompus de l’aorte abdominale juxta-rénale et sous-rénale. On a procédé à la mise à plat des faux anévrysmes avec réparation prothétique in situ par un tube

Fig. 3. Angio-IRM de contrôle à 6 mois montrant la perméabilité du tube aortique et la persistance des faux anévrysmes thoraciques.

aortique. Une splénectomie a été effectuée également. Les suites opératoires étaient simples. L’étude histologique de la paroi aortique était en faveur de la tuberculose. Un traitement antituberculeux a été démarré pour une durée de 2 mois à base de : streptomycine 750 mg/j, isoniazide 5 mg/kg/j, rifampicine 10 mg/kg/j, pirazinamide 20 mg/kg/j. Suivi d’un relais par de l’isoniazide et de la rifampicine pour une durée totale du traitement de 12 mois. L’évolution a été favorable. Après 6 mois, la patiente était en bon état général et avait repris du poids. L’IRM de contrôle a montré une greffe prothétique perméable. Les anévrysmes sacciformes de l’aorte thoracique descendante ont persisté mais n’ont pas augmenté de taille (Fig. 3). La patiente a été revue 2 mois après, avec une angio-IRM de contrôle qui a montré une augmentation du volume des anévrysmes thoracoabdominaux. 1.2. Observation no 2

Fig. 2. Angio-IRM thoraco-abdominale montrant 2 anévrysmes sous-rénaux en pré-rupture.

Patiente, âgée de 32 ans, a été admise aux urgences, fin 2006, pour des douleurs sus-ombilicale. La radiologie pulmonaire a montré une miliaire tuberculeuse. L’angioscanner abdominal et l’artériographie étaient en faveur d’un anévrysme sacciforme aortique juxta-rénal mesurant 7/5 cm avec thrombose

Pour citer cet article : Tijani Y, et al. Les anévrysmes de l’aorte d’origine tuberculeuse. À propos de trois cas. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.09.047

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l’angioscanner. Ce dernier a montré un anévrysme partiellement thrombosé avec une paroi athéromateuse. La taille était de 7/4 cm. Le bilan réalisé à l’admission a objectivé : une miliaire tuberculeuse à la radiographie thoracique. Après une laparotomie médiane, l’exploration a mis en évidence de nombreuses adhérences en présence de caséum disséminé notamment sur le péritoine pariétal postérieur au contact des gros vaisseaux et particulièrement au contact de l’anévrysme. La rate était recouverte de granulations. Il a été décidé de ne pas réaliser la mise à plat greffe en faveur d’un traitement médical : streptomycine 1 g/j, isoniazide 5 mg/kg/j + rifampicine 10 mg/kg/j, pirazinamide 20 mg/kg/j. Le protocole a été redémarré sans tenir compte du traitement antérieur. Concernant le geste chirurgical, le patient a été repris après avoir terminé le traitement médical pour mise à plat greffe par tube aortique avec suites opératoires simples. 2. Discussion

Fig. 4. Aorto-artériographie montrant un anévrysme sacciforme de l’aorte pararénale.

de l’artère rénale gauche (Fig. 4). Les antituberculeux ont été commencés : streptomycine 1 g/j, isoniazide 5 mg/kg/j, rifampicine 10 mg/kg/j, pirazinamide 20 mg/kg/j, prévu pour une durée de 2 mois avec relais rifampicine + isoniazide pendant 7 mois. Après 5 jours, la patiente a présentée une intensification des douleurs. Elle a été conduite d’urgence au bloc opératoire. Après thoraco-phrénolaparotomie, l’aorte thoracique a été contrôlée et l’hématome rétro péritonéal évacué. Le rein gauche non fonctionnel a été enlevé. Après contrôle de l’aorte cœliaque et de l’aorte terminale, la mise à plat de l’anévrysme a été réalisée. On a découvert une perte de substance de 7 cm sur la face latérale gauche de l’aorte en regard de l’artère rénale gauche. La réparation a été effectuée par un patch et par une prothèse imprégnée d’argent. Les suites étaient simples. L’étude anatomopathologique de la paroi aortique a montré un aspect évident de tuberculose. Le recul est de 6 mois avec une patiente qui a retrouvé un bon état général et un patch perméable sur le scanner de contrôle. Le traitement médical a duré 9 mois. 1.3. Observation no 3 Patient, âgé de 42 ans, suivi et traité en Mauritanie pour tuberculose pulmonaire depuis 3 mois et ayant consulté pour douleur abdominale tenace évoluant dans un contexte d’amaigrissement et d’altération de l’état général. Le diagnostic d’anévrysme de l’aorte abdominale sous-rénale a été évoqué puis confirmé par

De toutes les structures vasculaires pouvant être atteinte par le bacille de Koch, l’aortite tuberculeuse est la plus rare [1–2]. Sur la revue que nous avons réalisé depuis 1999, nous avons constaté la répartition suivante 68 % d’anévrysme de l’aorte abdominale, 25 % d’anévrysmes thoraciques et 7 % d’anévrysmes thoraco-abdominaux [3–6]. Les anévrysmes aortiques tuberculeux semblent toucher à part égale, les deux sexes [3,5], avec une forte proportion d’hommes dans la forme abdominale et inversement une plus forte proportion de femmes dans l’aorte thoracique [3–6]. Tous les auteurs s’accordent à décrire les anévrysmes de l’aorte abdominale d’origine tuberculeuse comme des faux anévrysmes sacciformes prédominant sur l’aorte abdominale sous-rénale. La forme et le type plus que le site sont en étroite relation avec la nature infectieuse et inflammatoire de l’étiologie tuberculeuse [3,4,6,7]. Les anévrysmes multiples représentant 9,7 % des cas d’anévrysmes tuberculeux de l’aorte sur les 10 dernières années. Les anévrysmes tuberculeux sont rarement découverts fortuitement. Ils ne représentent que 14,5 % [3,6,8–11], souvent diagnostiqués au décours d’un examen paraclinique pour une autre pathologie [3,10]. Il semblerait que le contexte évolutif de la tuberculose ne lui permet pas de rester asymptomatique. En effet, notre analyse nous permet d’établir que la durée d’évolution de la maladie avant son diagnostic est de 5,5 mois [6]. D’autre part, la tuberculose contrairement à la maladie athéromateuse évolue vers l’amplification de ses phénomènes inflammatoires et infectieux avec leur dissémination en surface et en profondeur accroissant le retentissement artériel qui se manifeste par une augmentation de la dilatation. Ainsi, la symptomatologie est accrue et le risque de rupture également. Ces aspects dénotent l’intérêt du traitement médical pour le contrôle de la maladie. Le diagnostic de la tuberculose est fait dans 48,7 % [6]. Le traitement médical a précédé le traitement chirurgical dans la série de Long et al. [6] dans 41,4 %. Au Maroc, le traitement médical à base d’antituberculeux dépend de la classification et de la maladie. Alors que l’anévrysme tuberculeux ne fait partie d’aucune catégorie [12]. Il est de ce fait considéré comme tuberculose extra-pulmonaire (catégorie 3).

Pour citer cet article : Tijani Y, et al. Les anévrysmes de l’aorte d’origine tuberculeuse. À propos de trois cas. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.09.047

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Le schéma thérapeutique de cette catégorie est le suivant : catégorie 3 : 2 mois RHZ + 4 mois RH. En cas d’immunodépression secondaire à une corticothérapie au long cours ou une chimiothérapie ou une radiothérapie, il est inutile de prolonger le traitement en dehors d’une infection par le VIH : la streptomycine est remplacée par l’ethambutol. La durée est de six mois peut nécessiter la prolongation de 2 mois. L’indication opératoire est toujours justifiée. La taille ne joue en rien dans la décision de l’acte chirurgical. Dès qu’il est diagnostiqué, l’anévrysme doit être opéré [6]. La mise à plat greffe est réalisée dans 77 % des cas et les pontages extra-anatomiques dans 9 % des cas [6]. Huit cas ont bénéficié d’un traitement endovasculaire au cours des dernières années, les résultats à moyen terme sont encourageants avec 18 et 24 mois de recul pour Liu et al. [13]. Peu de cas traité par chirurgie endovasculaire ont été rapportés dans la littérature [14,15]. Ce traitement dans cette pathologie ne permet pas un bon débridement des tissus infectés peri-aortique et par conséquent associé à un risque élevé de progression de récidive de l’infection conduisant à une hémorragie fatale [16]. Ce qui fait que ce traitement reste réservé aux patients à haut risque chirurgical ou en cas de rupture [11].

3. Conclusion Il serait intéressant de rechercher systématiquement l’origine tuberculeuse, devant tout anévrysme diagnostiqué, par des examens bactériologiques et histologiques du matériel aortique, dès lors que l’orientation anamnestique ou radiologique évoque un anévrysme infectieux ou inflammatoire.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Pour citer cet article : Tijani Y, et al. Les anévrysmes de l’aorte d’origine tuberculeuse. À propos de trois cas. Ann Cardiol Angeiol (Paris) (2015), http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.09.047

[The aneurysms of the aorta of tuberculous].

Tuberculosis is a public health problem in Morocco, which is difficult to eradicate despite the recognized efficiency of health policies. Aortic aneur...
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