Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 33 (2014) 227–231

Article original

Trache´otomies en re´animation et devenir des patients : enqueˆte de´clarative nationale§ Tracheostomy in French ICUs and patient outcome: National opinion survey R. Blondonnet a, R. Chabanne a,*, T. Godet a, J. Pascal b, B. Pereira c,

S. Kauffmann a, S. Perbet b,d

a De´partement d’anesthe´sie-re´animation, neurore´animation, CHU de Clermont-Ferrand, CHU Gabriel-Montpied, 58, rue Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France b De´partement d’anesthe´sie-re´animation, re´animation adultes & USCCHU Clermont-Ferrand, CHU Estaing, 58, rue Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France c De´le´gation recherche clinique et innovation, unite´ de biostatistiques, CHU de Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand cedex 1, France d R2D2, EA 7281, universite´ d’Auvergne, faculte´ de me´decine, 63001 Clermont-Ferrand, France

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 9 octobre 2013 Accepte´ le 29 janvier 2014 Disponible sur Internet le 14 mars 2014

Objectifs. – La trache´otomie est une proce´dure fre´quente en re´animation, mais le devenir postre´animation des patients est peu documente´. Nous avons re´alise´ une enqueˆte de´clarative de pratique aupre`s de re´animateurs franc¸ais exerc¸ant en re´animation polyvalente et a` orientation neurologique concernant les patients trache´otomise´s en re´animation et leur devenir post-re´animation. Type d’e´tude. – E´tude observationnelle descriptive transversale nationale de type enqueˆte d’opinion et de pratique. Mate´riel et me´thodes. – Un courriel a e´te´ adresse´ a` deux me´decins de chaque re´animation franc¸aise identifie´e. Le questionnaire comprenait des donne´es de´mographiques et relevait les pratiques concernant les indications, la technique et la gestion post-re´animation. Re´sultats. – Cent quarante-huit re´ponses de praticiens de services diffe´rents ont e´te´ obtenues dont 15 % de neurore´animateurs. Il n’y avait pas de diffe´rence entre re´animateurs polyvalents et neurore´animateurs concernant le recours de´clare´ a` la trache´otomie (10  13 % vs 20  22 % ; p = 0,05) et le de´lai de re´alisation (majoritairement entre j10 et j21). Les indications rapporte´es e´taient les e´checs de sevrage respiratoire et dysfonctions ventilatoires d’origine neurologique. La technique de´clare´e e´tait majoritairement percutane´e. Seulement 48 % des praticiens de´claraient parvenir a` sevrer la canule. Des difficulte´s pour le transfert post-re´animation e´taient retrouve´es 4 fois sur 5. Quatre-vingt-neuf pour cent des me´decins interroge´s estimaient que cette prise en charge pourrait eˆtre ame´liore´e. Conclusion. – Les trache´otomies sont fre´quentes, majoritairement re´alise´es par voie percutane´e. Les indications et de´lais de´clare´s correspondent aux recommandations. Les difficulte´s ressenties de prise en charge et de gestion post-re´animation sont importantes a` l’e´chelon national. ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

Mots cle´s : Trache´otomie Re´animation Ce´re´brole´se´s Enqueˆte de pratique nationale

A B S T R A C T

Keywords: Tracheostomy Intensive care unit Brain-injured patients National practice survey

Objectives. – Tracheostomy is a frequent procedure in ICU but patient follow-up and management after ICU has been poorly documented. We conducted a practice survey in French general ICUs and in neurointensive care units concerning tracheostomized ICU patients and their management after ICU. Study design. – National observational descriptive transversal study as survey of opinion and practices. Materials and methods. – An email, with a link to an automated online questionnaire, was sent to two medical doctors of each French ICU. Demographic data and reported practices concerning indications, technique and post-ICU management were collected.

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Communication pre´sente´e lors du Congre`s national d’anesthe´sie et de re´animation en 2012 (Ann Fr Anesth Reanim [R 546]). * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Chabanne).

0750-7658/$ – see front matter ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Publie´ par Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.annfar.2014.01.020

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Results. – We received 148 intensivists responses from different ICUs, of which 15% from neurointensivists. There was no difference between general intensivists and neurointensivists concerning the reported use of tracheostomy (10  13% vs 20  22%, P = 0.05) and concerning the usual timing of the procedure (predominantly between the 10th and the 21th day) (P = 0.62). Indications were weaning failure from the ventilator and neurological ventilatory dysfunction. Percutaneous tracheostomy was mainly performed irrespective of the type of unit. Only 48% of doctors declared usually be able to wean patient from the cannula before ICU discharge. Usual difficulties for post-ICU transfer due only to the presence of the cannula were found by 80% of respondants. Eighty-nine per cent of respondents felt that management of tracheostomized patients after the ICU could be improved. Conclusion. – Tracheostomy is a frequent procedure, mostly percutaneous. Indications and timing for tracheostomy correspond to the recommendations. Reported difficulties in post-ICU management are important and present nationwide. ß 2014 Socie´te´ franc¸aise d’anesthe´sie et de re´animation (Sfar). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction La trache´otomie est une proce´dure fre´quente dans les services de re´animation [1]. Elle a pour but de remplacer la sonde d’intubation transglottique, facilitant la gestion des voies ae´riennes. Les deux principales indications retenues sont les sevrages difficiles de la ventilation me´canique et la ventilation prolonge´e d’origine neurologique [2,3]. La trache´otomie est re´alise´e soit par la technique percutane´e, soit chirurgicalement. Meˆme si des e´tudes re´centes ont tente´ de pre´ciser les indications et le de´lai optimal de re´alisation [4–7], des diffe´rences de pratiques existent entre les pays, mais aussi entre les diffe´rentes re´animations franc¸aises [1,8,9]. De plus, peu de donne´es existent concernant la gestion du patient une fois trache´otomise´ et son devenir post-re´animation [10]. Nous avons voulu e´valuer les habitudes de pratique de me´decins, repre´sentatifs des re´animations franc¸aises polyvalentes et a` orientation neurologique, concernant la re´alisation des trache´otomies et leur ressenti vis-a`-vis du devenir des patients trache´otomise´s. 2. Mate´riels et me´thodes Cette e´tude a e´te´ re´alise´e de fe´vrier a` mai 2012. Un questionnaire de type google.doc a e´te´ adresse´ par courrier Internet a` deux me´decins se´niors choisis au hasard par service a` partir de diffe´rentes mailing-lists de re´animations franc¸aises (annuaires des socie´te´s savantes). Aucune relance n’a e´te´ effectue´e. Le temps estime´ pour remplir le questionnaire e´tait de cinq minutes. En cas de doublon de re´ponse identifie´ pour un meˆme service, seule une re´ponse a e´te´ retenue (praticien ayant le grade le plus e´leve´) afin d’eˆtre repre´sentative du maximum de services sans surrepre´sentation. Quarante questions e´taient pose´es aux re´animateurs concernant le type de patients recrute´s au sein de leur re´animation, les indications, le nombre, le de´lai habituel et la me´thode de re´alisation des trache´otomies. Le ressenti des re´animateurs concernant la gestion de la sortie du service, les e´ventuelles difficulte´s et le devenir des patients trache´otomise´s e´tait e´galement recueilli (questionnaire en annexe). Ce questionnaire ne prenait pas en compte les trache´otomies re´alise´es pour des causes otorhino-laryngologiques ou maxillofaciales. Les re´animations e´taient conside´re´es arbitrairement comme a` orientation neurologique lorsque les praticiens de´claraient avoir habituellement plus de la moitie´ de patients ce´re´brole´se´s dans leur unite´. Les autres e´taient de´crites comme polyvalentes. Une comparaison entre re´animations polyvalentes et re´animations a` orientation neurologique a e´te´ effectue´e concernant les

modalite´s de re´alisation des trache´otomies et de sortie de re´animation. L’analyse statistique a e´te´ de nature essentiellement descriptive. Aussi, la population a e´te´ de´crite par des effectifs et pourcentages associe´s pour les variables cate´gorielles et par des moyennes ( e´cart-type associe´) ou me´dianes (intervalle interquartile) pour les variables quantitatives. La normalite´ de ces dernie`res a e´te´ ve´rifie´e par le test de Shapiro-Wilk et elles ont e´te´ compare´es entre groupes inde´pendants (entre les deux types de re´animations) par le test t de Student ou par le test de Mann-Whitney si conditions du t-test non respecte´es (homosce´dasticite´ e´tudie´e par test de FisherSnedecor). La comparaison entre groupes inde´pendants concernant les parame`tres cate´goriels a e´te´ re´alise´e via le test du Chi2 ou le test exact de Fisher le cas e´che´ant. Toutes les analyses ont e´te´ re´alise´es pour un risque de premie`re espe`ce de 5 % (en formulation bilate´rale) sous STATA V12 (Stata Corp, College Station, E´tats-Unis). 3. Re´sultats Sur les 778 mails envoye´s (dans les 389 services de re´animation identifie´s), 158 praticiens ont re´pondu. Apre`s suppression de 10 doublons de praticiens d’unite´s identiques, 148 services diffe´rents (38 %) de 21 re´gions franc¸aises e´taient repre´sente´s. Les me´decins interroge´s dans ces 148 services e´taient : professeurs des universite´s (n = 18, 12 %), praticiens hospitaliers (n = 102, 69 %), chef de cliniques/assistants (n = 19, 13 %) et autres statuts (n = 9, 6 %). Vingt-trois (15 %) exerc¸aient en re´animation a` orientation neurologique. Cent-vingt-cinq (85 %) services repre´sente´s e´taient en CHU. La dure´e moyenne de se´jour de´clare´e des re´animations a` orientation neurologique e´tait de 10,7  4,9 jours contre 7,6  3,5 jours jours pour les re´animations polyvalentes (p < 0,05). Les praticiens travaillant en re´animation a` orientation neurologique de´claraient trache´otomiser 3,7  4,3 patients par mois contre 2,1  2,0 pour ceux exerc¸ant en re´animation polyvalente (p < 0,05). Les me´decins exerc¸ant en re´animation neurologique estimaient trache´otomiser 20  22 % de leurs patients contre 10  13 % pour ceux exerc¸ant dans les autres re´animations (p = 0,05). L’indication principale de´clare´e de trache´otomie dans le service du praticien re´pondant est repre´sente´e dans la Fig. 1. Aucun praticien interroge´ n’e´voquait la pre´vention des pneumopathies nosocomiales acquises sous ventilation me´canique. En neurore´animation, les de´lais habituels de´clare´s de re´alisation e´taient entre 10 et 21 jours pour 56 % des praticiens (n = 13), supe´rieurs a` 21 jours pour 35 % d’entre eux (n = 8) et infe´rieurs a` 10 jours pour un praticien. En re´animation ge´ne´rale, les de´lais habituels de´clare´s de re´alisation e´taient entre 10 et 21 jours pour 60 % des praticiens (n = 75), supe´rieurs a` 21 jours pour 34 % d’entre eux (n = 43) et infe´rieurs a` 10 jours pour 2 % des re´pondants (n = 3). Il n’y avait pas de diffe´rence concernant les de´lais de´clare´s entre les

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Fig. 1. Indication principale de´clare´e de trache´otomie selon le type de re´animation du praticien re´pondant.

deux types de re´animations (p = 0,62). Pour les praticiens de´clarant trache´otomiser habituellement entre 10 et 21 jours, l’indication principale e´tait ventilatoire pour 64 % de ceux exerc¸ant en re´animation polyvalente et 17 % de ceux exerc¸ant en re´animation a` orientation neurologique. Pour l’ensemble des re´pondants, l’indication neurologique e´tait retrouve´e chez 61 % des praticiens de´clarant trache´otomiser habituellement apre`s 21 jours et chez 80 % en dessous de 10 jours. Il n’y avait aucune diffe´rence de dure´e moyenne de se´jour de´clare´e quel que soit le de´lai habituel de re´alisation des trache´otomies (p = 0,93). Les trache´otomies e´taient majoritairement re´alise´es par la technique percutane´e sans diffe´rence entre re´animateurs polyvalents et neurore´animateurs (53  44 % vs 62  39 %, p = 0,90). Dixneuf praticiens (13 %) de´claraient que toutes les trache´otomies du service e´taient re´alise´es de manie`re percutane´e par les re´animateurs. Pour 30 % des praticiens (n = 44), toutes les trache´otomies du service e´taient re´alise´es par un chirurgien. En dehors des re´animateurs, le geste e´tait re´alise´ principalement par les chirurgiens ORL. Un avis chirurgical e´tait syste´matique avant re´alisation d’une trache´otomie percutane´e pour 13 % des re´pondants (n = 13). L’avis d’un spe´cialiste d’un service d’aval avant l’indication de trache´otomie e´tait pris par 8 % des me´decins interroge´s (n = 12). Cet avis e´tait pris en majorite´ aupre`s des pneumologues, des neurologues et re´e´ducateurs. Six pour cent des re´animateurs (n = 9) de´claraient avoir un phoniatre attache´ a` leur service. Moins de la moitie´ des me´decins (48 %, n = 71) de´claraient ge´ne´ralement parvenir a` sevrer les patients de la canule de trache´otomie avant la sortie de re´animation, sans diffe´rence significative entre les re´animations neurologiques (39 %, n = 9) et polyvalentes (49 %, n = 61) (p = 0,36). Deux tiers des praticiens (66 %, n = 98) trouvaient qu’il e´tait plus difficile de ge´rer un patient autonome trache´otomise´ en service qu’un patient non trache´otomise´ tandis que 24 % (n = 36) estimaient le contraire. Les me´decins interroge´s estimaient a` 19  27 % en re´animation polyvalente et a` 19  21 % en neurore´animation, la part de patients trache´otomise´s ne´cessitant une protection permanente des voies ae´riennes par canule non feneˆtre´e ballonnet gonfle´ sur troubles de de´glutition (p = 0,86). La ne´cessite´ du maintien d’un ballonnet gonfle´ avec canule non feneˆtre´e ne contre-indiquait pas la sortie en service conventionnel pour 38 % des praticiens (n = 56). Les patients trache´otomise´s sortaient essentiellement en pneumologie, me´decine physique et re´adaptation (MPR), ORL, neurologie et neurochirurgie selon les me´decins interroge´s. Des difficulte´s de sortie de re´animation en raison uniquement de la trache´otomie e´taient ressenties par 80 % des praticiens interroge´s indiffe´remment du service d’aval (n = 118). Vingt-cinq re´animateurs (17 %) avouaient meˆme devoir parfois de´canuler certains patients pour faciliter leur sortie, alors qu’ils conside´raient la trache´otomie comme ne´cessaire.

Deux re´animateurs disposaient d’une e´quipe mobile de gestion des patients trache´otomise´s dans leur e´tablissement et 18 % des interroge´s (n = 27) assuraient une gestion syste´matique postre´animation de ces patients. Dix pour cent des praticiens (n = 15) travaillaient dans un hoˆpital disposant d’un protocole de gestion des patients trache´otomise´s commun a` tous les services, 8 % (n = 12) disposaient d’un service de re´e´ducation post-re´animation et 73 % (n = 108) d’un service de MPR dans leur e´tablissement. Le logiciel Internet d’orientation « ViaTrajectoire » de MPR e´tait utilise´ par 40 % des re´animateurs interroge´s (n = 59). Seulement 7 % d’entre eux (n = 4) trouvaient une ame´lioration des de´lais de prise en charge avec ce logiciel. Quatre-vingt-six (58 %) trouvaient que la coope´ration entre re´animateurs et me´decins de MPR e´tait insuffisante. Pour 64 % des interroge´s (n = 94), la gestion des trache´otomise´s n’e´tait pas satisfaisante dans les services d’aval hors MPR, pneumologie, ORL et chirurgie thoracique. Une tre`s grande majorite´ (89 %, n = 132) estimait qu’on pouvait ame´liorer la prise en charge post-re´animation du patient trache´otomise´. Les principales solutions propose´es e´taient une ame´lioration de la formation des personnels me´dicaux et parame´dicaux des services d’aval, la cre´ation de structures de´die´es et d’e´quipes mobiles hospitalie`res inte´grant le re´animateur, l’augmentation du nombre de structures post-hospitalie`res adapte´es a` ce type de patient, l’e´laboration de protocoles de gestion communs aux diffe´rents services d’un meˆme e´tablissement et une meilleure collaboration avec les me´decins de MPR et les me´decins phoniatres. 4. Discussion Cette enqueˆte de´clarative permet de faire un constat des diffe´rentes modalite´s de prise en charge des patients trache´otomise´s en re´animation a` l’e´chelon national. La trache´otomie est un acte courant au sein des re´animations franc¸aises. Notre travail montre une fre´quence de´clare´e de recours a` la trache´otomie conforme aux donne´es de la litte´rature europe´enne (environ 10 %) [9]. Le nombre de trache´otomies re´alise´es en re´animation augmente dans tous les pays [11]. L’acce`s des re´animateurs a` la technique percutane´e re´alisable au lit du malade peut expliquer ce phe´nome`ne. Cette technique est en effet devenue majoritaire au niveau international [12–14], ce qui est retrouve´ dans notre questionnaire, avec toutefois des variations de pratiques notables concernant le recours aux chirurgiens selon les centres. Cependant, faute de be´ne´fice clair et de recommandations fonde´es sur des travaux de bon niveau [15], les pratiques de trache´otomie sont tre`s variables, avec dans notre e´tude d’importants e´carts-types de fre´quence de´clare´e de trache´otomie quel que soit le type d’unite´. Cet acte est volontiers re´alise´ chez les patients

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ce´re´brole´se´s en raison des ne´cessite´s de ventilation prolonge´e et des difficulte´s de protection des voies ae´riennes lie´es aux troubles de conscience [16–18]. Ainsi, certaines unite´s de re´animation traumatologique ame´ricaines retrouvent des fre´quences de recours a` la trache´otomie de 60 % [19]. De la meˆme fac¸on, dans cette indication semblant e´vidente, aucun be´ne´fice n’a clairement e´te´ de´montre´. Certaines e´tudes ont d’ailleurs retrouve´ que d’importants troubles de conscience ne sont pas incompatibles avec une extubation re´ussie [20]. La` encore, les pratiques semblent tre`s variables [10]. D’autres e´tudes tentant d’e´valuer un e´ventuel be´ne´fice dans cette population sont en cours (clinicaltrials.gov NCT01176214). Malgre´ une nette tendance, nous ne retrouvons pas de diffe´rence significative de la proportion de´clare´e de trache´otomies entre les deux types de services. L’important e´cart-type te´moigne probablement d’une grande variabilite´ de pratiques notamment chez les ce´re´brole´se´s. Le recours pre´coce a` la trache´otomie est une attitude rare dans notre enqueˆte. Environ deux tiers des me´decins interroge´s de´claraient re´aliser les trache´otomies entre j10 et j21 et le tiers restant apre`s j21 sans diffe´rence entre les 2 types d’unite´s. Cette attitude est en accord avec les re´sultats d’e´tudes re´centes ne retrouvant pas de be´ne´fices des trache´otomies re´alise´es avant le 10e jour notamment concernant la survenue de pneumopathie acquise sous ventilation me´canique [4,5,7]. Il semble exister une certaine homoge´ne´ite´ des indications de´clare´es de trache´otomies avec dans les meˆmes proportions : dysfonction ventilatoire d’origine neurologique et e´chec de sevrage ventilatoire non neurologique. Le « confort du patient » n’e´tait pas une indication retrouve´e dans notre enqueˆte meˆme si l’e´tude de Trouillet et al. a clairement de´montre´ une diminution des besoins en se´dation et une ame´lioration du confort associe´s a` la proce´dure [5]. Face a` une proce´dure fre´quente, facile a` re´aliser et cense´e faciliter la prise en charge des patients, notre travail souligne de manie`re contradictoire les difficulte´s de gestion des patients de´pendants de leur canule notamment vis-a`-vis de la sortie de re´animation. De plus, cette situation apparaıˆt fre´quente puisque les praticiens interroge´s de´claraient que moins de la moitie´ des patients e´taient habituellement sevre´s a` la fin de leur se´jour. Ce constat aboutissait a` des difficulte´s ressenties de sortie de re´animation ou soins continus, uniquement en raison de la canule, pour 80 % des praticiens. Le principal proble`me e´voque´ e´tait le manque de structures d’aval acceptant d’accueillir ces patients, dans le cadre des soins de suite et de re´adaptation, mais e´galement a` l’hoˆpital. Les me´decins susceptibles de ge´rer ces patients en postre´animation sont ne´anmoins peu consulte´s concernant la de´cision de trache´otomie par les re´animateurs re´pondants. La grande majorite´ des praticiens interroge´s exerc¸aient dans des centres sans protocole inter services de gestion des trache´otomise´s. Seuls deux praticiens avaient une e´quipe spe´cialise´e dans leur e´tablissement. Ainsi, la majorite´ des re´pondeurs estimait que la prise en charge de ces patients n’e´tait pas satisfaisante en dehors de services spe´cifiques et qu’il e´tait possible d’ame´liorer cette prise en charge. Cette proble´matique de la gestion post-re´animation n’existe pas uniquement en France et tend a` se majorer [11]. L’utilisation, de plus en plus re´pandue, du logiciel Internet « ViaTrajectoire », mis en place par les agences re´gionales de sante´ dans le cadre des soins de suite et de re´adaptation, et destine´ a` orienter les patients vers un centre adapte´ a` leur pathologie, ne semble pas ame´liorer les de´lais de prise en charge d’apre`s les re´animateurs interroge´s. Afin d’ame´liorer la gestion post-re´animation des trache´otomise´s, les praticiens proposaient essentiellement un renforcement de la formation des personnels me´dicaux et parame´dicaux des services d’aval. La mise en place de protocoles communs au sein d’un e´tablissement semble inte´ressante, notamment concernant la de´canulation [21,22]. La cre´ation d’e´quipes mobiles de´die´es a` ces

patients, dont le potentiel inte´reˆt a e´te´ mis en avant par diffe´rents travaux [23–25], est e´galement sugge´re´e. La litte´rature concernant cette the´matique reste cependant faible. Dans tous les cas, cette proble´matique s’inscrit dans les difficulte´s des syste`mes de sante´ a` ge´rer des patients (qu’ils soient neurologiques ou non) de plus en plus aˆge´s, qui survivent a` la re´animation au prix d’une de´pendance importante envers des soins lourds [26]. C’est donc toute la filie`re de soins, notamment post-hospitalie`re, qui doit s’organiser avec une ne´cessite´ d’e´ducation de l’ensemble des professionnels de sante´ [11]. De plus, il n’a jamais e´te´ de´montre´ que la trache´otomie ait un quelconque be´ne´fice a` long terme et pourrait meˆme eˆtre associe´e a` une augmentation de la mortalite´ [27–29]. Le caracte`re de´claratif de l’enqueˆte comporte de nombreux biais que seul un travail prospectif peut annuler [30]. Le taux de participation reste limite´ (pouvant eˆtre lie´ a` l’absence de relance) et meˆme si une re´partition ge´ographique nationale homoge`ne des re´pondants a e´te´ respecte´e, certaines unite´s sensibilise´es a` cette the´matique peuvent eˆtre surrepre´sente´es. D’autres enqueˆtes sur le sujet retrouvent cependant des taux de participation comparables [1,13]. E´galement, la proportion de neurore´animateurs, tel que nous les avons de´finis arbitrairement est faible et nous ne pouvons eˆtre certains que la re´ponse d’un membre de l’e´quipe me´dicale soit le reflet des pratiques de l’ensemble du service. De plus, diverses questions concernant par exemple les modalite´s de recours au chirurgien, de sevrage et de de´canulation ou de gestion des complications n’avaient pu eˆtre aborde´es pour limiter le temps de re´ponse au questionnaire. 5. Conclusion La trache´otomie est une proce´dure fre´quemment re´alise´e dans les re´animations franc¸aises. La technique percutane´e re´alise´e par les re´animateurs devient majoritaire. Les indications et les de´lais de´clare´s semblent conformes aux donne´es re´centes de la litte´rature. Quelle que soit l’indication, les difficulte´s de gestion post-re´animation apparaissent comme un proble`me a` l’e´chelon national et pourraient eˆtre ame´liore´es. ˆ ts De´claration d’inte´re Les auteurs de´clarent ne pas avoir de conflits d’inte´reˆts en relation avec cet article. Remerciements Les auteurs remercient l’Association de neuroanesthe´siere´animation de langue franc¸aise pour l’acce`s a` leur mailing list.

Annexe A. Mate´riel comple´mentaire Le mate´riel comple´mentaire (Fig. S1, S2) accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2007.06.020. Re´fe´rences [1] Blot F, Melot C. Indications, timing, and techniques of tracheostomy in 152 French ICUs. Chest 2005;127:1347–52. [2] Boles JM, Bion J, Connors A, Herridge M, Marsh B, Melot C, et al. Weaning from mechanical ventilation. Eur Respir J 2007;29:1033–56. [3] MacIntyre NR, Cook DJ, Ely Jr EW, Epstein SK, Fink JB, Heffner JE, et al. Evidence-based guidelines for weaning and discontinuing ventilatory support: a collective task force facilitated by the American College of Chest Physicians, the American Association for Respiratory Care, and the American College of Critical Care Medicine. Chest 2001;120(6 Suppl.):375S–95S.

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[Tracheostomy in French ICUs and patient outcome: national opinion survey].

Tracheostomy is a frequent procedure in ICU but patient follow-up and management after ICU has been poorly documented. We conducted a practice survey ...
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