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ANNDER-1759; No. of Pages 4

Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Prurit sévère révélant un lymphome de Hodgkin chez l’enfant : deux observations Two cases of severe pruritus revealing Hodgkin’s disease in children M. Amy de la Bretèque a,∗, P. Bilan a, A. Galesowski a, B. Chevallier b, D. Drouot c, M.-L. Sigal a, E. Mahé a a

Services de dermatologie et de médecine vasculaire, centre hospitalier Victor-Dupouy, 69, rue du Lieutenant-Colonel-Prud’hon, 95107 Argenteuil cedex, France b Service de pédiatrie, hôpital Ambroise-Paré, Assistance publique—Hôpitaux de Paris, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92100 Boulogne-Billancourt, France c Cabinet de dermatologie, 95100 Argenteuil, France Rec ¸u le 24 avril 2014 ; accepté le 1er septembre 2014

MOTS CLÉS Prurit ; Lymphome ; Maladie de Hodgkin ; Enfant ; Adolescent



Résumé Introduction. — Le prurit chez l’enfant est un motif fréquent de consultation, le plus souvent en rapport avec une dermatose commune. Quand l’examen cutané ne trouve pas de cause dermatologique, une cause générale doit être évoquée. Nous rapportons deux observations d’enfant avec un prurit révélant un lymphome de Hodgkin. Observations. — Cas no 1 : une jeune fille de 14 ans présentait un prurit avec de nombreuses lésions de grattage diffuses évoluant depuis 6 mois. Plus récemment étaient apparues des adénopathies cervicales droites. La tomodensitométrie montrait une atteinte ganglionnaire suset sous-diaphragmatique avec atteinte pulmonaire. Une biopsie ganglionnaire concluait à un lymphome de Hodgkin sclérosant nodulaire. Cas no 2 : un garc ¸on de 14 ans était hospitalisé pour suspicion de prurit psychogène. Il se plaignait d’un prurit nocturne intense prédominant aux membres inférieurs depuis 6 mois, associé à des sueurs nocturnes. À l’examen, le patient avait perdu 5 kg en 1 mois avec une fébricule à 38 ◦ C ; il présentait des lésions de grattage à type de stries linéaires sur les deux jambes. La tomodensitométrie thoracique trouvait des adénomégalies sus-diaphragmatiques. La biopsie concluait à un lymphome de Hodgkin.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Amy de la Bretèque).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.09.004 0151-9638/© 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

Pour citer cet article : Amy de la Bretèque M, et al. Prurit sévère révélant un lymphome de Hodgkin chez l’enfant : deux observations. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.09.004

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M. Amy de la Bretèque et al. Discussion. — Les causes générales de prurit chez l’enfant sont peu décrites dans la littérature. Dans ces deux cas, le prurit a permis le diagnostic d’un lymphome de Hodgkin. Cela souligne le rôle important du dermatologue dans le diagnostic précoce d’hémopathie. © 2014 Publié par Elsevier Masson SAS.

KEYWORDS Pruritus; Lymphoma; Hodgkin’s disease; Child; Adolescent

Summary Background. — Pruritus in children is a frequent reason for consultation, most often related to a common dermatosis. Where dermatological investigation fails to reveal a dermatological cause, a general cause may be suspected. We report three cases of pruritus revealing Hodgkin’s lymphoma in children. Patients and methods. — Case 1: a 14-year-old girl presented pruritus with diffuse scratching lesions present for 6 months, associated with right cervical lymph nodes occurring after the onset of pruritus. Tomodensitometry revealed involvement of the supra- and sub-diaphragmatic lymph nodes as well as pulmonary involvement. Lymph node biopsy confirmed nodular sclerosing Hodgkin’s lymphoma. Case 2: a 14-year-old boy was hospitalized for suspected psychogenic pruritus. He presented intense itching, predominantly in the lower extremities and at night, occurring over the previous 6 months as well as night sweats. Examination showed that the patient had lost 5 kg in 1 month and had a low-grade fever of 38 ◦ C; he presented linear striated scratching lesions on both legs. Cervical and inguinal lymphadenopathy was seen. The chest scan also revealed supra-diaphragmatic adenomegalies. The biopsy confirmed Hodgkin’s lymphoma. Discussion. — Systemic causes of pruritus in children are poorly described in the literature. In these two cases, pruritus allowed a diagnosis of Hodgkin’s lymphoma to be made, emphasizing the important role of dermatologists in the early diagnosis of haematological malignancy. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS.

Le prurit est un motif fréquent de consultation en dermatologie. Quand il n’est pas associé à des manifestations cutanées spécifiques, un bilan est effectué à la recherche d’une maladie systémique. Un prurit survient dans 30 % des cas de lymphome de Hodgkin [1]. Nous rapportons deux cas de lymphome de Hodgkin de l’enfant précédés d’un prurit.

Cas no 1

100 mg/L. La tomodensitométrie (TDM) trouvait de multiples adénopathies cervico-thoraciques associées à des lésions nodulaires pulmonaires bilatérales, une splénomégalie multi-nodulaire, des adénopathies sous-diaphragmatiques intra- et rétro-péritonéales et une lacune osseuse ischiopubienne droite. Une biopsie ganglionnaire était réalisée, concluant à un lymphome de Hodgkin sclérosant nodulaire. La tomographie par émission de positons (TEP scanner) objectivait une hyperactivité métabolique de toutes les lésions décrites en tomodensitométrie. Il s’agissait donc d’un lymphome de Hodgkin stade 4. L’enfant était adressée en hématologie pédiatrique pour la suite de sa prise en charge.

Une jeune fille de 14 ans était adressée en consultation de dermatologie pour prise en charge d’un prurit évoluant depuis 6 mois. Elle était traitée sans efficacité par des antihistaminiques et des antiseptiques. La maman décrivait l’apparition d’adénopathies cervicales droites qui augmentaient de taille depuis 3 semaines. L’examen clinique trouvait une enfant asthénique avec de nombreuses stries de grattages linéaires siégeant aux membres inférieurs et supérieurs, associées à des excoriations (Fig. 1). Certaines lésions étaient impétiginisées. Il existait des adénopathies indurées cervicales droites adhérant aux plans profonds, supra-centimétriques, ainsi que des adénopathies axillaires bilatérales et de multiples adénopathies cervicales gauches. Les examens biologiques montraient une anémie à 10 g/dL, une hyperleucocytose avec 15 000 neutrophiles par millimètre cube et un syndrome inflammatoire avec CRP à

Figure 1. Prurit sévère responsable d’excoriations linéaires prédominant sur les jambes, révélant un lymphome de Hodgkin (cas no 1).

Observations

Pour citer cet article : Amy de la Bretèque M, et al. Prurit sévère révélant un lymphome de Hodgkin chez l’enfant : deux observations. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.09.004

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Prurit sévère révélant un lymphome de Hodgkin chez l’enfant : deux observations

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Tableau 1 Principales causes de prurit d’origine systémique chez l’enfant et examens complémentaires à réaliser.

Figure 2. Prurit sévère responsable d’excoriations linéaires prédominant sur les chevilles, révélant un lymphome de Hodgkin (cas no 2). o

Cas n 2 Un garc ¸on de 14 ans était hospitalisé pour suspicion de prurit psychogène. En effet, ce jeune patient vivait difficilement la séparation de ses parents et était en difficulté scolaire. Il était pris en charge en pédiatrie pour dépression avec idées suicidaires. Il se plaignait d’un prurit nocturne intense prédominant aux membres inférieurs évoluant depuis six mois et en échec des traitements locaux. Depuis deux mois, il existait des sueurs nocturnes insomniantes associées à des idées suicidaires et une aggravation des lésions cutanées. À l’examen, le patient avait perdu 5 kg en un mois avec une fébricule à 38 ◦ C ; il présentait des lésions de grattage à type de stries linéaires sur les deux jambes (Fig. 2). Le prurit était plus modéré aux membres supérieurs et au visage, sans lésions objectivées. L’examen clinique ne trouvait pas d’adénopathies périphériques. L’hémogramme était normal, le taux de LDH à 624 UI/L (N < 250 UI/L), la bêta-2-microglobuline à 2,5 mg/L (N = 0,7 à 1,9 mg/L). La TDM thoracique trouvait des adénomégalies cervicales et médiastinales antérieures associées à une hépatosplénomégalie modérée. Le TEP scanner montrait une hyperactivité métabolique des lésions susdiaphragmatiques. La biopsie concluait à un lymphome de Hodgkin classique CD30+ CD15+ interfolliculaire. L’enfant était adressé en hématologie pédiatrique pour la suite de sa prise en charge.

Discussion Le prurit sine materia — prurit sans éruption cutanée primitive — peut être la première manifestation de maladies générales. On estime en effet que, dans 10 à 50 % des cas, le prurit coexiste avec une pathologie générale [2]. Une étude franc ¸aise réalisée chez des patients présentant un prurit sine materia a trouvé une maladie générale à l’origine du prurit chez 40 % des patients [3]. Chez l’enfant, il y a peu de données sur les causes générales de prurit dans la littérature [4]. Devant un prurit de l’enfant, après avoir effectué un examen clinique afin

Étiologie

Bilan proposé

Endocrinopathies : hypothyroïdie, hyperthyroïdie, diabète Cholestase : cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante, hépatopathies congénitales (maladie de Byler, hypercholanémie. . .) Anémie, carence martiale Insuffisance rénale chronique Hémopathies malignes : lymphome de Hodgkin, leucémies, polyglobulies Parasitoses

TSH, glycémie à jeun

Tumeurs solides Toxidermies

Bilirubine, transaminases, phosphatases alcalines, GGT, acides biliaires totaux

NFS, ferritine Créatinine NFS, LDH, imagerie

Bilan en fonction de l’orientation : sérologies, parasitologie des selles. . . Imagerie

d’éliminer les maladies dermatologiques (principalement une dermatite atopique, une gale, une varicelle. . .), il faudra penser à une cause générale plus rare et réaliser un bilan complémentaire (Tableau 1). Le prurit peut être lié à une parasitose. Il peut être induit par la prise d’un médicament pour des raisons pharmacologiques (comme avec les opiacés), secondairement à une cholestase, par un mécanisme allergique ou parfois par un mécanisme inconnu. Un prurit d’origine hépatique doit être suspecté même en absence d’ictère ou d’hépatomégalie [5]. L’obstruction des voies biliaires peut être extra-hépatique (kyste du cholédoque, sténose congénitale des voies biliaires, lithiases. . .) ou intrahépatique ; les cholangites sclérosantes sont révélées par une hépatomégalie et une hépatite cytolytique et cholestatique, les déficits de synthèse des acides biliaires sont rares et peuvent se révéler par une insuffisance hépatocellulaire. Un prurit peut survenir en cas d’insuffisance rénale sévère, de dysthyroïdie, de diabète, de carence en fer ou d’anémie ; il peut aussi accompagner ou révéler une tumeur maligne solide ou une hémopathie. Les manifestations cutanées des lymphomes de Hodgkin incluent des lésions spécifiques présentes dans 0,5 à 7 % des cas, caractérisées par un aspect histologique de lymphome de Hodgkin, et des lésions non spécifiques. Ces dernières sont beaucoup plus fréquentes, décrites chez 10 à 50 % des patients ayant un lymphome de Hodgkin [6]. La principale manifestation est le prurit sévère. Une urticaire, une érythrodermie, un érythème noueux, une ichtyose acquise ont aussi été observés. Le prurit est souvent plus important la

Pour citer cet article : Amy de la Bretèque M, et al. Prurit sévère révélant un lymphome de Hodgkin chez l’enfant : deux observations. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.09.004

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nuit et prédomine dans les régions drainées par les ganglions lymphatiques impliqués dans la maladie localisée ou bien se généralise, notamment dans le type sclérosant nodulaire, comme chez la première patiente [1]. Parfois, il est décrit comme débutant aux jambes et se généralisant secondairement, comme chez notre second patient. Il peut précéder la maladie de 5 ans [7]. Le prurit est plus fréquent dans les formes nodulaires sclérosantes : dans une étude portant sur 250 patients atteints de lymphome de Hodgkin, 51 % des patients qui présentaient cette variété souffraient de prurit [8]. Les mécanismes physiopathologiques du prurit sont encore mal connus. Des branches terminales des fibres C non myélinisées situées dans la peau sont stimulées par divers médiateurs pruritogènes. Lors de cette stimulation, les impulsions sont transmises au ganglion ipsilatéral puis au cortex cérébral par la voie spinothalamique. Le principal médiateur pruritogène décrit est l’histamine mais d’autres substances semblent avoir un rôle, dont la sérotonine, les opioïdes endogènes, des prostaglandines, des cytokines, des protéases [9]. Une autre hypothèse physiopathologique, dans le prurit lié au lymphome de Hodgkin, est celle d’une réponse auto-immune contre les cellules lymphoïdes à l’origine de la libération de substances pruritogènes [1]. Le traitement du prurit est le traitement du lymphome. Parfois, la corticothérapie générale est utilisée dans le traitement des prurits très sévères mais il n’existe pas d’étude pour en confirmer l’intérêt. Dans les autres hémopathies, l’incidence du prurit est moins bien connue. Un prurit est rapporté dans environ 3 % des lymphomes non hodgkiniens [7]. Il est plus fréquent dans les pathologies d’origine lymphoïde que myéloïde, et dans les formes chroniques que dans les formes aiguës [10]. L’âge auquel se révèle le prurit est déterminant dans l’analyse étiologique. Même s’il n’existe pas d’études sur la fréquence des prurits systémiques chez l’enfant, il faudra évoquer des étiologies congénitales ou génétiques chez le nourrisson, notamment les prurits hépatiques. Les causes acquises telles que les parasitoses ou les hémopathies seront évoquées chez le plus grand enfant. Enfin, le prurit

« psychogène », s’il existe chez l’enfant, devra être évoqué après avoir écarté toutes les autres causes. Pour conclure, devant un prurit sine materia de l’enfant, il faut penser aux causes hématologiques, en particulier au lymphome de Hodgkin. Le pronostic de cette affection reste bon chez l’enfant, avec une survie de 90 % à 5 ans [11].

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Amy de la Bretèque M, et al. Prurit sévère révélant un lymphome de Hodgkin chez l’enfant : deux observations. Ann Dermatol Venereol (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.annder.2014.09.004

[Two cases of severe pruritus revealing Hodgkin's disease in children].

Pruritus in children is a frequent reason for consultation, most often related to a common dermatosis. Where dermatological investigation fails to rev...
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