+ Models

GYOBFE-2498; No. of Pages 4

Gynécologie Obstétrique & Fertilité xxx (2013) xxx–xxx

CAS CLINIQUE

Rupture utérine bilatérale sur utérus gravide non cicatriciel en dehors du travail Bilateral uterine rupture of an unscarred gravid uterus before labor M. Leroux a,*, F. Coatleven b, M. Faure c, J. Horovitz b a

Service de gynécologie-obstétrique, pôle Femme-Mère–Enfant, CHU Saint-Pierre, BP 350, 97448 Saint-Pierre cedex, Réunion Service de gynécologie-obstétrique et médecine fœtale, maternité B, CHU Pellegrin, place Amélie-Rabaléon, 33076 Bordeaux cedex, France c Service de gynécologie-obstétrique, polyclinique Jean-Villar, avenue Maryse-Bastié, 33520 Bruges, France b

Reçu le 23 février 2013 ; accepté le 13 juin 2013

Résumé Nous rapportons le cas d’une rupture utérine bilatérale spontanée sur utérus non cicatriciel survenue chez une patiente primigeste au terme de 32 SA, prise en charge dans notre service après un transfert in utéro. La rupture utérine survient principalement sur utérus cicatriciel au cours du travail. C’est une complication rare mais grave mettant en jeu le pronostic materno-fœtal en l’absence de prise en charge immédiate. Nous réalisons une revue de la littérature concernant la rupture utérine spontanée sur utérus non cicatriciel, en dehors et au cours du travail. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract We report a case of bilateral spontaneous uterine rupture of an unscarred uterus occured in a primigravida at 32 weeks to take care in our department after in utero transfert. Uterine rupture occurs mainly on scarred uterus during labor. This is an unfrequent but serious complication involving fetal–maternal prognosis in the absence of immediate care. We are conducting a review about spontaneous uterine rupture of unscarred uterus, before and during labor. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Mots clés : Rupture utérine ; Utérus non cicatriciel ; Grossesse Keywords: Uterine rupture; Unscarred uterus; Pregnancy

1. INTRODUCTION La rupture utérine sur utérus non cicatriciel est une complication obstétricale rare, qui met en jeu à court terme les pronostics vitaux maternels et fœtaux, et à long terme le pronostic obstétrical des patientes. Cette complication est d’autant plus sévère qu’elle touche des femmes jeunes en période

d’activité génitale. Nous rapportons le cas d’une rupture utérine bilatérale spontanée sur utérus non cicatriciel, en dehors du travail. Nous discutons des formes anatomo-cliniques, des facteurs de risque, et des différentes options thérapeutiques, après une revue de la littérature sur les ruptures sur utérus non cicatriciel, pour optimiser la prise en charge. 2. OBSERVATION

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Leroux).

Madame X., âgée de 28 ans, primigeste d’origine caucasienne, nous a été transférée à 32 semaines d’aménorrhée (SA)

1297-9589/$ see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.gyobfe.2013.08.018

+ Models

GYOBFE-2498; No. of Pages 4

2

M. Leroux et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité xxx (2013) xxx–xxx

pour suspicion de rupture utérine spontanée de découverte fortuite lors de l’échographie du troisième trimestre. Elle ne présentait aucun antécédent. La grossesse a été marquée par une menace d’accouchement prématurée à 27 SA. L’interrogatoire a retrouvé une notion de douleur abdominale isolée du flanc gauche sans métrorragie depuis 48 heures, ainsi qu’une rupture prématurée spontanée des membranes pendant le transport médicalisé. Les constantes hémodynamiques étaient stables. L’abdomen était souple avec présence d’une voussure du flanc gauche douloureuse à la palpation. Le toucher vaginal retrouvait un col épais, souple, ouvert à un doigt large avec une présentation céphalique haute et mobile. L’enregistrement cardio-tocographique retrouvait un rythme cardiaque fœtal à 140 bpm oscillant réactif sans décélération, associé à des contractions utérines irrégulières. L’échographie obstétricale montrait un fœtus eutrophe avec une quantité de liquide amniotique normale. Une image anéchogène de 4 cm de grand axe, à paroi fine régulière échogène et communicant avec la cavité amniotique, était visible au niveau de la corne utérine gauche, à travers une déhiscence myométriale de 2 cm (Fig. 1). Le placenta antérieur affleurait le défect myométrial. Il n’existait pas d’hématome rétro-placentaire ou d’hémopéritoine. Compte-tenu de ces éléments, la patiente a été transférée en urgence au bloc opératoire pour une prise en charge chirurgicale. Nous avons pratiqué une césarienne sous rachianesthésie, donnant naissance à une fille pesant 1700 g avec un score d’Apgar de 7/8/10. Le pH artériel au cordon était à 7,35. Nous avons effectué une extériorisation utérine avant la délivrance, permettant de mettre en évidence deux perforations utérines (Fig. 2), l’une cornuale gauche de 3 cm et l’autre cornuale droite d’1 cm, sans hémopéritoine, ni liquide amniotique intra-abdominal. La révision utérine a confirmé l’absence de malformation utérine. L’hystérorraphie a été réalisée par un surjet avec deux points angulaires en X. Les deux perforations n’étaient pas hémorragiques et permettaient

Fig. 1. Rupture utérine cornuale gauche en échographie obstétricale par voie abdominale. 1. Défect myométrial. 2. Hernie des membranes amniotiques. 3. Fœtus.

Fig. 2. Rupture utérine bilatérale sur utérus non cicatriciel, après extraction fœtale et extériorisation de l’utérus.

une suture simple par deux points en X profonds au fil non résorbable à gauche et 1 point similaire à droite. Les suites de couches ont été simples. À la visite post-natale, la patiente et sa fille se portaient bien. Une imagerie par résonnance magnétique a été réalisée à 3 mois pour rechercher un facteur favorisant. Il n’existait aucune anomalie myométriale ou endométriale, ni d’argument en faveur d’une adénomyose, et la zone jonctionnelle était d’épaisseur et de morphologie normale. 3. DISCUSSION L’incidence des ruptures utérines sur utérus non cicatriciel est très rare dans les pays développés, de l’ordre de 1/ 20 000 accouchements [1], n’excédant pas 30 % de l’ensemble des ruptures utérines. Elles concernent dans 60 à 80 % des cas le segment inférieur, de préférence la face antérieure. Les ruptures exclusivement corporéales sont rares et intéressent surtout la corne et le fond utérin [2]. Lorsque la rupture est incomplète sur utérus non cicatriciel, deux localisations sont possibles [2] : la face antérieure, le trait de rupture est segmentaire horizontal et les membranes amniotiques sont intactes, herniées entre les fibres du myomètre lésé et vues par transparence sous le péritoine. Le fœtus est le plus souvent vivant dans sa cavité amniotique ; et le bord latéral (gauche le plus souvent en raison de la dextrorotation physiologique de l’utérus), le trait de rupture est plutôt vertical étendu, et les membranes amniotiques rompues. Les feuillets péritonéaux du ligament large isolent le fœtus de la cavité abdominale, avec un risque de mort fœtale plus important du fait d’un éventuel hématome sous-péritonéal secondaire à l’atteinte du pédicule utérin. Les travaux de Margulies et al. [3] concluent que la rupture utérine est le plus souvent corporéale lorsqu’elle survient avant le travail.

+ Models

GYOBFE-2498; No. of Pages 4

M. Leroux et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité xxx (2013) xxx–xxx

3

Tableau 1 Rupture utérine spontanée sur utérus non cicatriciel sans facteur de risque : revue de la littérature. Auteurs

Pays

Année de publication

Nombre cas par série

Terme (SA)

Thoulon et al. [9] Yussman et al. [10] Schrinsky et al. [11] DeWane et al. [12] Iloki et al. [13] Bretonnes et al. [14] Ahmadi et al. [4] Uzun et al. [15]

France États-Unis États-Unis États-Unis Congo France Tunisie Turquie

1969 1970 1978 1981 1994 1997 2003 2010

1/26 1/28 2/47 1/1 5/59 1/1 1/28 1/1

– – – 19 – 30 – 27

Les facteurs de risque de rupture utérine sont multiples. Il faut distinguer ceux sur utérus non cicatriciel de ceux sur utérus cicatriciel. Mais aussi différencier les ruptures spontanées de celles provoquées, même si l’intrication de plusieurs facteurs est fréquente. Concernant ceux des ruptures spontanées sur utérus non cicatriciel, plusieurs facteurs de risque ont été proposés [2,4,5]. La première étiologie est la dystocie mécanique du travail (20 à 40 % de disproportion fœtopelvienne). Les caractéristiques procréatives sont aussi reconnues comme facteur associé à un risque élevé de rupture : la grande multiparité ( 4 enfants), un intervalle court entre les grossesses (< 18 mois), un âge maternel précoce ou avancé, et un niveau socio-économique bas. Dans les pays développés, d’autres facteurs de risques sont retrouvés, restant des causes rares de rupture utérine. On notera les malformations utérines congénitales comme l’utérus pseudounicorne [6], les anomalies de placentation type placenta accreta ou percreta [7], ou encore la môle invasive et le choriocarcinome. Certaines pathologies utérines bénignes pourraient prédisposer au risque de rupture utérine comme l’endométriose ou l’adénomyose [8], les malformations artérioveineuses ou les diverticules utérins, mais leur mécanisme physiopathologique est encore mal connu. Certains auteurs ont retrouvé un risque plus élevé de rupture sur utérus non cicatriciel chez des patientes exposées in utéro au diéthylstilbestrol, du fait de l’hypoplasie utérine ; d’autres chez des patientes utilisant des corticostéroïdes au long cours, responsables d’un affaiblissement du mur utérin. La rupture utérine étant le plus fréquemment sur utérus cicatriciel, il faudra minutieusement rechercher des antécédents de cicatrices obstétricales et gynécologiques, notamment de perforation traumatique par curetage ou hystéroscopie, souvent méconnue des patientes et pouvant expliquer un certain nombre de ruptures utérines sans étiologie évidente. Dans certains cas, aucun facteur de risque, ni antécédent de cicatrice utérine n’est présent. Nous avons retrouvé dans la littérature de 1969 à nos jours [4,9–15] 13 cas similaires de rupture spontanée sur utérus non cicatriciel en dehors du travail, sans facteur de risque identifié (Tableau 1), mais il existait soit un hémopéritoine,soit des anomalies du rythme cardiaque fœtal. Une biopsie du site de la lésion pourrait être intéressante à but étiologique dans ces situations. La prise en charge thérapeutique est chirurgicale. Elle doit être réalisée sans tarder à but hémostatique et réparateur. Après extériorisation de l’utérus, l’inspection est primordiale

et doit être méticuleuse pour vérifier le siège, l’aspect, l’extension éventuelle de la lésion, et l’état des tissus. Deux techniques sont possibles en fonction des caractéristiques de la rupture utérine. La première « conservatrice » consiste à réaliser une suture utérine [2,4,16]. Cette technique rapide permet de conserver la fonction reproductive, mais elle n’est possible que sur des lésions peu étendues. On réalisera un surjet extra-muqueux au fil résorbable sur le segment inférieur, et une suture en deux plans (musculaire et séromusculaire) au fil non résorbable sur le corps utérin. La seconde « radicale » consiste à réaliser une hystérectomie totale ou subtotale [2,4,16]. Elle reste la technique de choix en cas de lésions sévères ou de désordres hémodynamiques. 4. CONCLUSION La rupture utérine spontanée sur utérus non cicatriciel, en dehors du travail reste rare dans les pays développés, et exceptionnel en l’absence de facteur de risque. Si le pronostic materno-fœtal s’est nettement amélioré au cours de ces dernières années, la morbidité et la mortalité materno-fœtale sont plus élevées en cas de rupture sur utérus non cicatriciel du fait du retard au diagnostic. Toute douleur abdominale atypique persistante, avec ou sans signe associé, doit donc faire éliminer le diagnostic de rupture utérine même en l’absence utérus cicatriciel, car la prise en charge de cette complication est une urgence vitale. DÉCLARATION D’INTÉRÊTS Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. RÉFÉRENCES [1] Miller DA, Goodwin TM, Gherman RB, Paul RH. Intrapartum rupture of the unscarred uterus. Obstet Gynecol 1997;89(5):671–3. [2] Koné M, Diarra S. Ruptures utérines au cours de la grossesse. EMC Obstet 1995 [5-080-A-10]. [3] Margulies D, Crapanzano JT. Rupture of the intact uterus. Obstet Gynecol 1966;27(6):863–8. [4] Ahmadi S, Nouira M, Bibi M, Boughuizane S, Saidi H, Chaib A, et al. [Uterine rupture of the unscarred uterus. About 28 cases]. Gynecol Obstet Fertil 2003;31(9):713–7.

+ Models

GYOBFE-2498; No. of Pages 4

4

M. Leroux et al. / Gynécologie Obstétrique & Fertilité xxx (2013) xxx–xxx [5] Alihonou E, Aguessy-Ahyi B, Akotchou L. [Uterine rupture. Factors favoring their incidence and preventive measures]. Dakar Med 1983;28(3):552–9. [6] Aubard Y, Moinet A, Eyraud JP, Amat P, Renaudie J, Baudet JH. [Rupture during pregnancy of the rudimentary horn of a pseudo-unicorn uterus. Apropos of a case]. Rev Fr Gynecol Obstet 1986;81(9): 473–7. [7] LeMaire WJ, Louisy C, Dalessandri K, Muschenheim F. Placenta percreta with spontaneous rupture of an unscarred uterus in the second trimester. Obstet Gynecol 2001;98(5):927–9. [8] Villa G, Mabrouk M, Guerrini M, Mignemi G, Colleoni GG, Venturoli S, et al. Uterine rupture in a primigravida with adenomyosis recently subjected to laparoscopic resection of rectovaginal endometriosis: case report. J Minim Invasive Gynecol 2008;15(3):360–1. [9] Thoulon JM, Cosentino JL. [Uterine rupture. Apropos of 26 cases treated at the Clinique Obstétricale de Lyon over 20 years (1948–1968)]. Rev Fr Gynecol Obstet 1969;64(3):91–9.

[10] Yussman MA, Haynes DM. Rupture of the gravid uterus. A 12-year study. Obstet Gynecol 1970;36(1):115–20. [11] Schrinsky DC, Benson RC. Rupture of the pregnant uterus: a review. Obstet Gynecol Surv 1978;33(4):217–32. [12] DeWane JC, McCubbin JH. Spontaneous rupture of an unscarred uterus at 19 weeks’ gestation. Am J Obstet Gynecol 1981;141(2):222–3. [13] Iloki LH, Okongo D, Ekoundzola JR. [Uterine rupture in an African environment. 59 cases at the University Hospital Center in Brazzaville]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 1994;23(8):922–5. [14] Bretones S, Cousin C, Gualandi M, Mellier G. [Uterine rupture. A case of spontaneous rupture in a thirty week primiparous gestation]. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 1997;26(3):324–7. [15] Uzun I, Yildirim A, Kalelioglu I, Has R. Spontaneous rupture of unscarred uterus at 27 weeks of gestation. Arch Gynecol Obstet 2010;281(6):999–1001. [16] Walsh CA, Baxi LV. Rupture of the primigravid uterus: a review of the literature. Obstet Gynecol Surv 2007;62(5):327–34.

[Bilateral uterine rupture of an unscarred gravid uterus before labor].

We report a case of bilateral spontaneous uterine rupture of an unscarred uterus occured in a primigravida at 32 weeks to take care in our department ...
439KB Sizes 0 Downloads 0 Views