(~ Masson, Paris. Ann Fr Anesth Roanim, 11 : 601-603, 1992

GAS CLINIQUE

Intubation difficile r gl e par un masque laryng6 et un fibroscope Difficult intubation managed with a laryngeal mask followed by fibroscopy A. STEIB, J.P. BELLER, d.C. LLEU, J.C. O-I-FENI Service d'Anesthosie et de R~animation Chirurgicale, H6pital de Hautepierre, 67200 Strasbourg

R#SUM#: Cette observation rapporte le cas d'une intubation difficile chez un patient diabdtique b6ndficiant d'une double transplantation rdnale et pancr6atique. Elle est rdsolue par la pose d'un masque laryng6, suivie d'une intubation guid6e par un fibroscope pddiatrique introduit ~ travers le masque. L'apport du masque laryng6 dans les situations d'intubation difficile est discut6. Mots-cl6s : A N E S T H t ~ S I E

( T E C H N I Q U E S ) : anesth~sie gdndrale ." E N D O C R I N O L O G I E : diabkte ," E Q U 1 P E M E N T : masque laryng~ ; I N T U B A T I O N : intubation difficile, intubation sous fibroscope.

L'intubation difficile, m 6 m e p r 6 v i s i b l e , r e p r 6 sente toujours u n e s i t u a t i o n d e s t r e s s p o u r le m6decin anesth6siste qui doit prendre rapidement des d6cisions appropri6es, afin de maintenir une ventilation et une oxyg6nation ad6quates. Le masque laryng6 (ML), compromis e n t r e le m a s q u e f a c i a l e t la s o n d e d ' i n t u b a t i o n m i s a u p o i n t p a r BRAIN [3], p e u t a p p o r t e r u n e a i d e p r 6 c i e u s e d a n s ce domaine. Ceci est illustr6 et discut6 dans l ' o b s e r v a t i o n q u i suit.

OBSERVATION

L'induction anesth6sique est r6alisde chez le malade h jeun par l'association de 250 mg de thiopental, de 200 Ixg de fentanyl et de 6 mg de pancuronium. La ventilation au masque en oxyg6ne pur est satisfaisante. La laryngoscopie ne permet pas de visualiser les eordes vocales et plusieurs tentatives d'intubation (mandrin en J) s'av~rent infructueuses. Un masque laryng6 de taille n " 4 est alors mis en place, autorisant une ventilation efficace. Aucun 6pisode clinique de cyanose n'est not6 et la SpO2 reste constamment supdrieure h 94 % pendant ces manoeuvres. Une sonde d'intubation de 6 mm de diam6tre est introduite par le tube du ML mais bute h l'entrde de la trachde. Le recours h un fibroscope pddiatrique souple visuahse un trajet en baionnette au niveau de la jonction masque-larynx (ldg6re malposition du masque ?). L'intubation est effectu6e en se servant du fibroscope comme guide. Le ballonnet de la sonde est gonfl6, assurant l'6tanch6it6 trachdale. Le ML est laiss6 en place par crainte d'une extubation accidentelle lors de son retrait. Son coussinet est 16g6rement ddgonfl6 pour permettre le passage d'une sonde gastrique. L'intervention, d'une durde de sept heures, se d6roule sans probl6me. Le patient est transf6r6 en service de rdanimation. La reprise d'une ventilation satisfaisante autorise l'extubation et l'ablation concomitante du masque laryng6, deux heures apr6s l'admission. Les suites imm6diates sont simples.

Elle concerne un patient de 35 arts, admis pour b6n6ficier d'une double greffe r6nale et pancr6atique. Ses ant6c6dents mddicaux sont charg6s. I1 est diabdtique insulinod6pendant depuis une trentaine d'ann6es. Son diab~te est mal 6quilibr6 par le traitement e t a donn6 lieu g des 16sions d6g6ndratives multiples associant une r6tinopathie bilat6rale avec cdcit6 de I'0eil gauche, une polyneuropathie sensitivomotrice des quatre membres et une n6phropathie justifiant des sdances d'h6modialyse bihebdomadaires. I1 existe une hypertension art6rielle trait6e par inhibiteurs calciques. La fonction cardiaque est normale et la coronarographie ne rdv~le pas de ldsion significative. Le malade pr6sente par ailleurs une spondylarthrite ankylosante. L'extension de la t~te est 16g~rement diminude. La distance sdparant le menton du sternum lots d e la flexion est de 4 cm L'ouverture de bouche est normale (sup6rieure ~t 2 travers de doigt) et la luette est parfaitement visible (score de Mallampati 1).

Cette observation illustre l'apport du masque laryng6 dans une situation d'intubation difficile c h e z u n p a t i e n t a j e u n . E n 6 v i t a n t le r e c o u r s e n premi6re intention a des solutions plus traumatis a n t e s ( i n t u b a t i o n r d t r o g r a d e ) o u ~ la f i b r o s c o p i e

Re~u le 16 mars 1992, accept6 apr6s r6vision le 6 juillet 1992.

Tires a part: A. Steib.

DISCUSSION

602

(non disponible imm6diatement), il a permis d'assurer une oxyg6nation ad6quate et de r6aliser une intubation ,~ en deux temps ~,. Le patient diab6tique, dont la maladie est ancienne, doit 6tre consid6r6 comme un sujet /~ risque d'intubation difficile. Des anomalies de structure du collag~ne aboutissant au ~ stiff joint syndrome ~ sont trouv6es dans 33 % des cas de diab6te juv6nile [19]. En r6duisant les mobilit6s articulaires, elles tendent l'intubation difficile voire impossible par les m6thodes conventionnelles chez un Hombre 61ev6 de diab6tiques. MERCATELLOe t coll. [17] notent 20 % de difficult6s d'intubation darts leur exp6rience de transplantation pancr6atique. L'existence du ~ signe de la pri6re ~, caract6ris6 par l'impossibilit6 de joindre les mains, serait un signe pr6dictif d'intubation difficile [19]. Ce signe a 6t6 trouv6 a posteriori chez le patient, de m6me que la notion de difficult6 d'intubation lors d'une anesth6sie quelques ann6es auparavant pour amygdalectomie. L'absence de ces notions au moment de l'induction explique le choix du protocole anesth6sique a priori ~ cavalier ~, comportant un curare non d6polarisant de longue dur6e d'action dont l'emploi n'est pas indiqu6 en cas de difficult6 d'intubation pr6visible. L'aide apport6e par le ML darts les cas d'intubation difficile non pr6visible est soulign6e d6s 1985 par BRAIN [4], qui a utilis6 un prototype chez trois patients o/~ la visualisation des cordes vocales et les tentatives d'intubation par des m6decins anesth6sistes exp6riment6s se sont sold6es par des 6checs. Plusieurs parturientes, subissant une c6sarienne en urgence sous anesth6sie g6n6rale et r6v61ant des difficult6s majeures d'intubation, ont b6n6fici6 de la pose d'un M L [8, 9, 15, 24]. Des exp6riences positives identiques sont rapport6es depuis 1988, date de la commercialisation du ML, darts de nombreuses situations d'intubation difficile pr6visible. Elles regroupent des patients ayant des ant6c6dents connus [16, 22] ou des malformations cong6nitales et des 16sions ost6oarticulaires : spondylarthrite ankylosante [7], arthrite juv6nile chronique [21], syndrome de Pierre Robin [2], syndrome de Treacher Collins [10], fractures du rachis cervical [6, 14], brfilures r6tractiles de la face et du cou [18, 23]. Le ML a 6galement permis de ventiler un enfant de cinq ans, atteint d'une st6nose trach6ale proximale [1]. Cependant, l'emploi du M L darts ces situations soul6ve plusieurs questions. La premi6re concerne sa place r6elle parmi les autres moyens disponibles pour r6soudre les cas d'intubation difficile. Si la difficult6 est pr6visible et document6e [2, 6, 7, 10, 18, 21, 23], la fibroscopie en premiere intention est licite apr6s une 6ventuelle tentative d'intubation, en se plaqant darts les conditions optimales (hypnose profonde, relaxation parfaite). Si la difficult6 n'est pas pr6vue et s'il est impossible de ventiler le patient avec un masque facial, il est

A. STEIB ET COLL.

pr6f6rable d'envisager rapidement une ventilation transtrach6ale plut6t que de r6aliser des tentatives it6ratives de ventilation /i l'aide d'un ML. Enfin, si la ventilation au masque facial se r6v61e malais6e ou peu efficace et devant une situation inattendue d'intubation difficile, le ML permet le plus souvent d'assurer la libert6 des voies a6riennes et l'assistance ventilatoire en pression positive [1, 4, 6-10, 13, 15, 20, 23, 24]. Toutefois, celui-ci ne prot6ge pas les voies a6riennes d'une inhalation faisant suite /a une r6gurgitation ou /~ des vomissements en cas d'estomac plein [13]. De ce fait, la pression cricoidienne r6alis6e lors de l'induction doit 6tre poursuivie jusqu'/t l'obtention de l'6tanch6it6 des voies a6riennes par une intubation /~ travers le ML. BRIMACOMBE a montr6 que la manoeuvre de Sellick ne compromet ni la facilit6, ni l'efficacit6 de la mise en place du M L [5]. Cependant, la compression modifierait l'angle de p6n6tration d'une sonde de 10 a 40 ° ; ceci pourrait expliquer la r6duction de succ6s du passage d'une sonde d'intubation ~ travers le ML qui diminue de 90 a 56 % en cas de maintien de la pression du cricoide observde par HEATH et ALLAGAIN [12]. C'est pourquoi certains auteurs [5] pr6conisent un ldger rel~chement de la pression lots de la mise en place du ML et lors de l'intubation, attitude controvers6e par FRERK [11]]. Le dernier point de discussion concerne l'attitude h adopter apr6s la raise en place d'un ML pour difficult6 d'intubation, chez un patient ~ jeun. Le ML ne peut 6tre maintenu isoldment, s'il existe un risque de stase gastrique et de rdgurgitation, tel qu'on l'observe m6me pour des actes de courte durde, en obstdtrique et en chirurgie digestive. L'obdsit6 et la neuropathie autonomique propre aux diab6tiques insulinoddpendants de type juv6nile [19] favorisent, de m6me, la stase gastrique. Plusieurs solutions sont envisageables. L'intubation l'aveugle ~ travers le ML avec une sonde de 6 mm de diam6tre est rdalisable darts 90 % des cas d'apr6s HEATH et ALLAGAIN [121. Cependant, leur 6tude concerne 100 sujets a priori normaux et l'extrapolation aux cas d'intubation difficile prdvisible n'est pas licite. Cette difficult6 est illustrde darts l'observation. L'emploi d'un fibroscope soupie introduit darts la trach6e ~ travers le M L et servant de guide ~a une sonde d'intubation est pr6conis6 par certains auteurs [20]. Cette manoeuvre est r6alisable par une personne non exp6rimentde en mati6re de fibroscopie. Enfin, le passage ~ l'aveugle ~ travers le ML d'une bougie 61astique souple, support d'une sonde d'intubation, est pr6f6r6 par d'autres auteurs [7, 16]. Si le calibre de la sonde de 6 mm est suffisant pour assurer une ventilation addquate, il parait licite de laisser le ML en place. Du fait de sa bonne toldrance, il permet d'assurer une sdcurit6 suppldmentaire apr6s l'extubation chez un patient en phase de r6veil postanesth6sique. Si une sonde de

MASQUE I-ARYNGI ~ ET INTUBATION DIFFICILE

calibre s u p 6 r i e u r est i n d i s p e n s a b l e ( c o m p l i a n c e t h o r a c o p u l m o n a i r e d i m i n u 6 e ) , le r e t r a i t d u m a s q u e e s t n 6 c e s s a i r e . L e f i b r o s c o p e o u le m a n d r i n s e r v i r o n t d e g u i d e ~ la s o n d e d ' i n t u b a t i o n . M a i s c e s d e u x situations c o m p o r t e n t un laps de t e m p s oh les v o i e s a 6 r i e n n e s s u p 6 r i e u r e s n e s e r o n t p l u s c o n tr616es.

CONCLUSION Le masque laryng6 constitue un appoint pr6c i e u x d a n s les cas d ' i n t u b a t i o n d i f f i c i l e p r 6 v i s i b l e o u n o n . II d e v r a i t 6 t r e i n t 6 g r 6 a u m a t 6 r i e l d i s p o n i b l e ~ c e t e f f e t d a n s le c h a r i o t d ' u r g e n c e o u au bloc op6ratoire_ C e p e n d a n t , d a n s sa c o n c e p t i o n a c t u e l l e , il n e p r o t 6 g e p a s les v o i e s a 6 r i e n n e s d ' u n e i n h a l a t i o n ou de v o m i s s e m e n t s . D a n s ces situations, une intubation secondaire est n6cessaire p o u r a s s u r e r leur 6tanch6it6. A u s s i sa p l a c e r6elle p a r m i les a u t r e s m o y e n s c o n n u s n 6 c e s s i t e - t - e l l e d'Stre correctement 6valu6e.

BIBLIOGRAPHIE

1. ASAI T, FUJISE K, UCHIDA M. Use of the laryngeal mask in child with tracheal stenosis. Anesthesiology, 75 : 903-904, 1991. 2. BEVERIDGE ME. Laryngeal mask anaesthesia for repair of cleft palate. Anaesthesia, 44: 656-657, 1989. 3. BRAIN AIJ. The laryngeal mask. A new concept in airway management. Br J Anaesth, 55: 801-805, 1983. 4. BRAIN AIJ. Three cases of difficult intubation overcome by the laryngeal mask airway. Anaesthesia, 40 : 353-355, 1985. 5. BRIMACOMBE J. Cricoid pressure and the laryngeal mask airway. Anaesthesia, 46: 986-987, 1991. 6. CALDER I, ORDMAN AJ, JACKOWSKI A, CROCKARD HA. The Brain laryngeal mask airway. An alternative to emergency tracheal intubation. Anaesthesia, 45 : 137-139, 1990. 7. CHADD GD, ACKERS JWL, BAILEY PM. Difficult intubation aided by the laryngeal mask airway, Anaesthesia, 44 : 1015, 1989.

603

8. CHADWICK IS, VOHRA A. Anaesthesia for emergency Caesarean section using the Brain laryngeal airway. Anaesthesia, 45 : 261-262, 1989. 9. DE MELLO WF, KOCAN M. The laryngeal mask in failed intubation. Anaesthesia, 45: 689-690, 1990. 10. EBATA T, N1SHIKI S, MASUDA A, AMAHA K. Anaesthesia for Treacher Collins syndrome using a laryngeal mask airway. Can J Anaesth, 38 : 1043-1045, 1991. 11. FRERK CM. Intubation through the laryngeal mask. Anaesthesia, 46: 985-986, 1991. 12. HEATH ML, ALLAGAIN J. Intubation through the laryngeal mask. Anaesthesia, 46 : 545-548, 1991. 13. L[M W, WAREHAM C. The laryngeal mask in failed intubation. Anaesthesia, 45 : 689, 1990. 14. LOGAN AStC. Use of the laryngeal mask in a patient with an unstable fracture of the cervical spine. Anaesthesia, 46 : 987, 1991. 15. McCLUNE S, REGAN M, MOORE J. Laryngeal mask airway for Caesarean section. Anaesthesia, 45 : 227-228, 1990. 16. McCR1RRICK A, PRACILIO JA. Awake intubation : a new technique. Anaesthesia, 46: 661-663, 1991. 17. MERCATELLO A, MONGIN-LONG D, LEFRAN(~O1S N, WEHRLIN P, CHABROL B, BAUDE C, TOGNET E, MARTINENGH1 S, NAVARRETE ZUAVO V, TOURAINE JL, DUBERNARD JM, MOSKOVTCHENKOJF. Anesth6sie et r6animarion de la transplantation pancr6atique (pp 169-200). In : La transplantation d'organes, JEPU. Arnette, Paris, 1989_ 18. RUSSELL R, JUDKINS KC. The laryngeal mask airway and facial burns. Anaesthesia, 45 : 894, 1990. 19. SCHERI'EREEL Ph. Le diab6te est-il un facteur de risque chez l'op6r~ ? (pp 31-40). In : Confdrences d'actualisation, SFAR. Masson, Paris, 1991. 20. SILK JM, HILL HM, CALDER I. Difficult intubation and the laryngeal mask. Eur J Anaesthesiol, 4 (suppl) : 47-51, 1991. 21. SMITH BL. Brain airway in anaesthesia for patients with juvenile chronic arthritis. Anaesthesia, 43: 421, 1988. 22. SMITH J]~, SHERWOOD NA. Combined use of laryngeal mask airway and fibreoptic laryngoscope in difficult intubation. Anaesth Intensive Care, 19: 471, 1991, 23. THOMSON KD, ORDMAN A J, PARKHOUSE N, MORGAN BDG. Use of the Brain laryngeal mask airway in anticipation of difficult tracheal intubation. Br J Plast Surg, 42 : 468-480, 1989. 24. TUNSTALL ME. Failed intubation in the parturient. Can J Anaesth, 36: 611-613, 1989.

ABSTRACT : A case is reported of a patient due to undergo a combined kidney and pancreas transplant

who proved to be difficult to intubate. This diabetic hypertensive 35-year-old male patient also had ankylosing spondylitis_ Mouth opening was normal (more than fingers' breadth), the chin-sternum distance was 4 cm on full cervical flexion, and cervical extension was only slightly impaired. The Mallampati score was 1. Anaesthesia was induced with thiopentone, fentanyl and 6 mg of pancuronium. Mask ventilation was quite satisfactory. However, on laryngoscopy, the vocal cords could not be seen_ Several attemps to carry out endotracheal intubation, including with a stylet, failed. A laryngeal mask (LM) was therefore applied to ventilate the patient correctly. It was not possible to pass a small endotracheal tube (6 mm diameter) through the LM tube, probably because of a small malposition of this latter. A paediatric fibroscope, passed through the LM tube, served as guide for the endotracheal tube. The mask was not removed, although its cushion was slightly deflated, so as not to extubate the patient. The benefits and usefulness of a laryngeal mask in predictable and unpredictable cases of difficult intubation are discussed.

[Difficult intubation managed by laryngeal mask and fibroscopy].

A case is reported of a patient due to undergo a combined kidney and pancreas transplant who proved to be difficult to intubate. This diabetic hyperte...
266KB Sizes 0 Downloads 0 Views