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ANNPLA-1087; No. of Pages 7 Annales de chirurgie plastique esthétique (2014) xxx, xxx—xxx

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CAS CLINIQUE

Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique Scalp flap pedicled on the posterior auricular artery. Anatomical study and clinical application V. Lescour a, P. Perrot a,*, F. Ruiz b, A. Hamel b, F. Duteille a a

´ s, ho ˆ pital Jean-Monnet, CHU de Nantes, ˆ le Service de chirurgie plastique et reconstructrice, centre des bru 44093 Nantes cedex 01, France b ´ de me ´ decine de Nantes, 1, rue Gaston-Veil, 44035 Nantes cedex, France Laboratoire d’anatomie, faculte

Rec¸u le 25 juillet 2014 ; accepte´ le 15 septembre 2014

MOTS CLÉS Artère auriculaire postérieure ; Cuir chevelu ; Lambeau pédiculé ; Perte de substance

Résumé Introduction. — Les pertes de substance du cuir chevelu constituent des indications fréquentes de chirurgie reconstructrice. L’utilisation des lambeaux locaux est particulièrement intéressante du fait de la présence des cheveux. Objetif. — L’artère auriculaire postérieure est souvent décrite comme accessoire dans la vascularisation du cuir chevelu et peu utilisée pour lever des lambeaux. Me ´thode. — Nous présentons le cas original d’une reconstruction d’une perte de substance occipitale, par un lambeau de transposition de cuir chevelu pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure droite. Re ´sultats. — Ce lambeau de 16  6 cm, qui a été levé quasiment en « îlot vasculaire » et combiné à une greffe de peau mince, a permis une cicatrisation complète et stable en 20 jours. Aucune nécrose de sa partie distale n’a été constatée malgré sa longueur importante. Conclusion. — Peu décrit dans la littérature, le lambeau auriculaire postérieur de cuir chevelu s’ajoute à l’ensemble des techniques de couverture mises à disposition du chirurgien plasticien pour traiter les pertes de substance du scalp. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (P. Perrot), [email protected] (F. Duteille). http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008 0294-1260/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Lescour V, et al. Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008

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V. Lescour et al.

KEYWORDS Auricular posterior artery; Scalp; Pedicled flap; Tissular defect

Summary Introduction. — Management of scalps defect is a common subject for reconstructive surgery. The use of local flap is better because of the hairy skin. Objective. — The auricular posterior artery is often described as an accessory blood supply for the scalp. Method. — We present an original case of 16  6 cm scalp flap harvested almost in ‘‘vascular island’’ on the right retro-auricular pedicle to cover an occipital wound. Results. — We have obtained an effective healing in 20 days. Despite its considerable length, no distal necrosis has occurred. Conclusion. — Rarely reported in the surgical literature, the posterior auricular vessels are a good blood supply to harvest scalp flap. This procedure adds to overall techniques of reconstructive surgery for scalps defects that plastic surgeons can use. # 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’utilisation de lambeaux de cuir chevelu est fréquente en chirurgie reconstructrice des pertes de substances du scalp. La présence des cheveux rend très intéressante l’utilisation des lambeaux locaux dans ce cas. Les principes de cette chirurgie sont désormais codifiés, mais certaines situations contraignent le chirurgien plasticien à développer de nouveaux procédés pour obtenir une couverture de qualité. Les vaisseaux auriculaires postérieurs sont souvent utilisés pour lever des lambeaux pédiculés de la région rétro-auriculaire destinés à reconstruire la région mastoïdienne ou le pavillon de l’oreille [1]. Certaines équipes les utilisent comme support vasculaire de lambeau libre afin de reconstruire l’aile du nez [2]. Les progrès de la microchirurgie ont redonné de l’importance à ce pédicule et des études [3,4] se sont intéressées à définir son territoire vasculaire précis. L’artère auriculaire postérieure est souvent décrite comme accessoire dans la vascularisation du cuir chevelu en comparaison aux pédicules temporaux superficiels et occipitaux. Après une brève étude anatomique, nous rapportons le cas original d’un lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure droite ayant permis de couvrir une perte de substance de la région occipitale.

Cas clinique Un homme de 80 ans est pris en charge dans notre service en 2013 pour une perte de substance du cuir chevelu. Il présentait comme antécédent une hypertension artérielle traitée, une insuffisance rénale chronique, ainsi qu’un tabagisme sevré depuis deux ans. L’histoire de la maladie a débuté à l’âge de 35 ans avec l’apparition d’une tumeur de type adénocarcinome mucineux de la glande parotide droite traitée initialement par une parotidectomie totale. Des récidives locales sous forme de nodules de perméation cutanés ont conduit à la réalisation d’une radiothérapie cervicale, ainsi qu’à l’exérèse de ces lésions avec réalisation de greffes de peau mince. Il présentait en particulier deux greffes de peau pariéto-occipitale droite et temporo-pariétale droite (Fig. 1a). En février 2013, un nouveau nodule de perméation cutané occipital obligeait son chirurgien à le réopérer. Au cours de l’intervention, il découvrait une lyse osseuse, un envahissement de la fosse postérieure par la

tumeur et un accident hémorragique majeur survenait brutalement. Après échec des mesures d’hémostases locales, le patient a été transféré en urgence en réanimation chirurgicale. Le scanner cérébral (Fig. 1b) réalisé à l’arrivée du patient retrouvait un hématome sous-occipital droit avec un saignement actif dont l’origine semblait provenir des artères occipitales. Une embolisation sélective des artères occipitales par radiologie interventionnelle a permis d’arrêter l’hémorragie. Par ailleurs, le nodule tumoral était responsable d’une lyse osseuse sous-occipitale, avec envahissement tumoral extra-parenchymateux de la fosse postérieure sans atteinte de la dure-mère. Le complément d’exérèse par l’équipe neurochirurgicale a permis une exérèse complète. Après une détersion et des pansements itératifs chirurgicaux, nous avons obtenu un bourgeonnement de la cavité tapissée de dure-mère sous-occipitale, ainsi que de la région pariétale médiane. Le problème posé était celui de la couverture d’une perte de substance occipitale avec exposition de la table externe dépériostée sur 6 cm de diamètre (Fig. 1c). Nous avons alors réalisé un lambeau pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure droite. En effet, cette artère, souvent décrite comme accessoire dans la vascularisation du scalp a permis de lever un lambeau pédiculé auriculaire postérieur de cuir chevelu permettant de couvrir la perte de substance de la région occipitale.

Étude anatomique Matériel et méthodes Nous avons réalisé 3 dissections sur 2 sujets anatomiques : une pièce anatomique prélevée chez un sujet formolé de sexe féminin âgé de 87 ans et 8 mois et une pièce anatomique prélevée chez un sujet frais de sexe féminin âgé de 89 et 8 mois. Les pièces anatomiques ont été disséquées en C4. Les dissections ont été réalisées de façon bilatérale chez le sujet frais. Seule, l’hémiface gauche a été disséquée chez le sujet formolé. Le protocole d’injection a été réalisé sur le sujet frais : incision d’environ 2 cm du bras en médial en dessous du biceps brachial au milieu du bras, dissection des plans sous-cutanés jusqu’à l’artère brachiale après son repérage, incision de la paroi antérieure de l’artère brachiale, introduction du cathéter dans l’artère brachiale,

Pour citer cet article : Lescour V, et al. Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008

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Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure

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Figure 1 Situation pré-opératoire : a : présence de 2 cicatrices de greffe de peau mince, temporo-pariétale droite et pariétooccipitale médiane ; b : scanner cérébral montrant une lyse osseuse sous-occipitale, avec envahissement tumoral extra-parenchymateux de la fosse postérieure ; c : perte de substance occipitale, os occipital dépériosté et cavité sous-occipitale tapissée de dure-mère.

ligature de l’artère brachiale sur le cathéter, ligature de l’aorte en aval et en amont du tronc brachio-céphalique, de la subclavière gauche et de la carotide commune gauche, injection du latex néoprène 671 (environ 100 cc), puis injection de l’acide acétique (catalyseur). La pièce est ensuite conservée en chambre froide dans un bain de formol à 30 %. Les 3 dissections ont été réalisées ainsi :  dissection 1 : réalisation d’un grand volet cutané de forme semi-ovalaire autour de l’auricule, exposant les régions rétro-auriculaire, parotidienne, temporale et jugale. Dissection de la région parotidienne avec exérèse de la parotide, en respectant au maximum le nerf facial et ses branches, ainsi que les différentes branches sousjacentes de l’artère carotide externe. Dissection du muscle digastrique et du muscle sterno-cléido-mastoïdien pour mettre en évidence l’artère auriculaire postérieure et son rapport avec l’artère occipitale. Dissection au contact des vaisseaux de la région parotidienne et des régions sus- jacentes jusqu’aux limites de l’incision. Dissection du pavillon de l’oreille pour montrer les branches collatérales de l’artère carotide externe. Fraise de la mastoïde en regard du foramen stylo-mastoïdien pour étudier le trajet de l’artère stylo-mastoïdienne et son rapport avec le nerf facial ;  dissection 2 : réalisation d’un grand volet cutané de forme semi-ovalaire autour de l’auricule, exposant les régions rétro-auriculaire, parotidienne, temporale et jugale. Exérèse des tissus adipeux de la région temporale et dissection des branches terminales de l’artère auriculaire postérieure au niveau de la région temporale. Dissection du pavillon de l’oreille et de ses vaisseaux. Dissection du lobule de l’oreille, ainsi que dissection de l’artère auriculaire antérieure Dissection de la région parotidienne comme dans la première dissection mais conservation du muscle digastrique ;

 dissection 3 : réalisation d’un petit volet cutané de forme rectangulaire s’étendant de la région parotidienne jusqu’au-dessus du lobule de l’oreille. Dissection du lobule de l’oreille et des branches de l’artère auriculaire postérieure. Exérèse de la parotide, et dissection des premières branches de l’artère auriculaire postérieure après dissection du muscle digastrique et du muscle sterno-cléidomastoïdien.

Résultats L’artère auriculaire postérieure est une des branches collatérales de l’artère carotide externe, elle naît à sa face postérieure (Fig. 2a). Cependant, son origine est soumise à certaines variations et l’artère auriculaire postérieure peut aussi avoir comme origine l’artère occipitale (Fig. 2b). Le territoire de vascularisation cutanée de l’artère auriculaire postérieure est situé en arrière de l’oreille entre l’artère occipitale en arrière et l’artère temporale superficielle en avant. Dans ce territoire, elle va assurer la vascularisation du scalp grâce à ses branches terminales. La branche mastoïdienne donne des branches pour le muscle sterno-cléido-mastoïdien mais elle peut donner aussi des branches plus crâniales destinées au scalp de la région mastoïdienne qui vont ensuite pouvoir s’anastomoser avec des branches de l’artère occipitale. La branche auriculaire, après avoir donnée sa branche auriculaire supérieure (si elle est présente), donne naissance à une branche supérieure. Cette branche assure la vascularisation du muscle peaucier supérieur mais abandonne aussi de nombreuses branches qui sont destinées à la vascularisation du scalp. La vascularisation du scalp du territoire auriculaire postérieur est supplémentée par l’artère occipitale et l’artère temporale superficielle grâce aux anastomoses entre les différents vaisseaux (Fig. 2c). Cela permet une vascularisation complète du scalp de cette région.

Pour citer cet article : Lescour V, et al. Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008

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V. Lescour et al.

Figure 2 Étude anatomique : a : origine de l’artère auriculaire postérieure naissant de l’artère carotide externe ; b : origine de l’artère auriculaire postérieure naissant de l’artère occipitale ; c : anastomoses de la branche supérieure terminale de l’artère auriculaire postérieure.

Technique chirurgicale L’intervention s’est déroulée sous anesthésie générale avec le patient installé en décubitus ventral. Après réalisation du tracé du lambeau de 16  6 cm (Fig. 3a), nous avons réalisé une infiltration de sérum physiologique dans l’espace virtuel de Merkel afin de faciliter la dissection. Le lambeau est levé de la partie distale vers la région proximale. L’incision est réalisée jusqu’au plan sous-galéal et le lambeau soulevé aux ciseaux de Metzenbaum. La dissection prudente dans la région proximale permettait d’individualiser les vaisseaux auriculaires postérieurs (Fig. 3b) qui, venant de la région mastoïdienne, traversent la galéa afin de poursuivre leur trajet dans le tissu sous-cutané du lambeau. Ce repérage, visualisant les vaisseaux, a permis d’affiner sans risque le pédicule cutané de façon à obtenir un lambeau en « îlot vasculaire » et ainsi, réduire la distance entre la perte de substance et le point pivot

du lambeau. Le lambeau est alors mis en place sur la perte de substance et fixé en profondeur par des points entre la galéa et le périoste. Seul, un pont cutané a été préservé au pied du lambeau pour conserver un point fixe d’attache du lambeau à ce niveau et ainsi éviter trop de contraintes sur le pédicule vasculaire. Afin de couvrir complètement cette zone, nous avons réalisé un lambeau de rotation au hasard de cuir chevelu occipital gauche controlatéral, soulevé dans le plan sousgaléal et suturé sans tension au lambeau rétro-auriculaire. Cette association de lambeaux (Fig. 3c) a permis de couvrir l’ensemble de la surface d’os occipitale dépériostée exposée et la cavité tapissée de dure-mère bourgeonnante. La zone de prélèvement du lambeau a été laissée en cicatrisation dirigée sous un pansement gras pendant quinze jours et une greffe de peau mince a permis de couvrir l’ensemble des zones bourgeonnantes. Le patient est sorti d’hospitalisation trois jours après sa greffe de

Pour citer cet article : Lescour V, et al. Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008

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Figure 3 Vues peropératoires : a : dessin du lambeau auriculaire postérieur ; b : visualisation du pédicule auriculaire postérieur lors de la levée du lambeau ; c : lambeau auriculaire postérieur droit associé au lambeau de rotation de cuir chevelu controlatéral permettant de couvrir la perte de substance occipitale.

peau. La cicatrisation complète a été acquise en 20 jours. Le suivi à trois mois (Fig. 4) constatait une repousse des cheveux dissimulant progressivement la cicatrice alopécique. Actuellement à un an de l’intervention, aucune récidive, ni aucune ulcération n’ont été constatées sur cette zone du cuir chevelu.

Discussion Le choix de la solution thérapeutique s’est basé sur plusieurs éléments avec pour objectif principal l’obtention d’une couverture de qualité, fiable et rapide afin de diminuer le risque d’apparition d’une ostéite de l’os occipital, éviter une méningite et limiter la durée des soins en évitant des pansements prolongés.

Figure 4

Compte tenu de cette perte de substance exposant l’os occipital dépériosté, ainsi qu’une zone de dure-mère, une simple couverture par cicatrisation dirigée était impossible du fait de l’absence de bourgeonnement. Dans ce cas, des perforations ou une abrasion mécanique de la corticale externe permettraient d’obtenir un bourgeonnement pouvant être couvert par une greffe de peau mince secondaire mais au prix de pansements gras répétés avec risque d’infection osseuse et une prise en charge prolongée qui n’était pas envisageable chez ce patient. L’absence de laxité du cuir chevelu empêchait toute cicatrisation de première intention : seul, un lambeau permettait donc d’apporter un tissu vascularisé de couverture. Il est toujours préférable si possible de lever un lambeau de cuir chevelu de manière axiale, centré sur

Résultats postopératoires à 1 an de l’intervention.

Pour citer cet article : Lescour V, et al. Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008

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V. Lescour et al.

un pédicule majeur du cuir chevelu dans le but de sécuriser la vascularisation du lambeau. Peu de lambeaux locaux de cuir chevelu étaient utilisables dans ce cas. En effet, l’artère temporale superficielle droite avait déjà été ligaturée au cours de l’exérèse d’un nodule de perméation temporo-pariétal droit. L’artère temporale superficielle gauche peut en théorie vasculariser un lambeau de scalp complet, mais dans notre cas, la perte de substance étant occipitale avec présence d’une greffe de peau mince pariétale haute et médiane, ce lambeau ne pouvait pas couvrir cette région par simple rotation. En effet, la zone utile du lambeau de scalp complet correspondait à la zone greffée, et la décoller l’exposait à un risque de nécrose. De plus, mobiliser un tel lambeau exposait le reste du cuir chevelu à un risque de souffrance du fait de l’absence d’autre axe vasculaire majeur. Pour les mêmes raisons, le lambeau d’Orticochéa à quatre lambeaux qui peut être réalisé pour la couverture des pertes de substances de la région occipitale était dans ce cas inutilisable. Les deux artères occipitales ayant été embolisées suite à l’accident hémorragique, aucun lambeau n’était envisageable sur leur vascularisation. L’expansion cutanée est habituellement une excellente indication de reconstruction du scalp car elle permet à la fois de créer de grand lambeau de couverture et de conserver une peau chevelue. Dans notre cas, l’obligation d’obtenir une couverture rapide contre-indiquait cette technique nécessitant au moins deux mois d’expansion. Concernant les lambeaux pédiculés régionaux, nous avions envisagé le lambeau musculaire de trapèze inférieur mais sa vascularisation peu fiable et sa dissection relativement difficile auraient allongé considérablement le temps opératoire. De même, nous conservions le lambeau libre comme une méthode de deuxième intention chez ce patient âgé présentant un antécédent de radiothérapie. Notre choix s’est porté sur un lambeau rétro-auriculaire de cuir chevelu pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure droite. L’analyse clinique du cuir chevelu du patient retrouvait une zone entourée de deux greffes de peau minces et de la perte de substance. Seul, le pédicule auriculaire postérieur droit pouvait vasculariser cette zone et par conséquent, ce lambeau pouvait être soulevé a priori sans risque. Dans la littérature, nous n’avons pas retrouvé de description d’un tel lambeau de cuir chevelu pédiculé en îlot vasculaire sur les vaisseaux auriculaires postérieurs. En effet, ce pédicule est souvent considéré comme accessoire dans la vascularisation du cuir chevelu. Certaines études [4,5] ont permis de définir son territoire vasculaire en établissant une carte précise de son angiosome. Cette artère vascularise selon l’étude de McKinn et al. [3] la zone comprenant la partie antérieure et postérieure de l’oreille, ainsi que la peau péri-auriculaire supérieure, postérieure et inférieure. Au niveau du cuir chevelu, l’angiosome s’étend sur la peau péri-auriculaire supérieure en haut et en arrière sur une distance moyenne de 6,9 cm à partir du bord supérieur du tragus. L’étude de Touré et al. [6] retrouve un territoire vasculaire s’étendant plus dans la région occipitale. En effet, cette artère qui naît de l’artère carotide externe, en aval de l’artère occipitale, passe latéralement au bord externe du ventre postérieur du muscle digastrique pour gagner le sillon auriculo mastoïdien. Dans ce sillon, elle

se divise classiquement en deux branches : une auriculaire s’anastomosant au-dessus de l’oreille avec l’artère auriculaire antérieure provenant du pédicule temporal superficiel et une branche mastoïdienne s’anastomosant avec des branches de l’artère occipitale. Une troisième branche a été récemment mise en évidence [6], appelée branche transverse de la nuque qui s’anastomose avec la branche transverse controlatérale et qui serait responsable de la vascularisation de ce territoire occipital. Les données de la littérature ne correspondent pas exactement à notre constatation clinique. Dans notre cas, seule l’artère auriculaire postérieure vascularise la région pariétooccipitale où nous avons pu lever un lambeau de 16 cm de long et 6 cm de large sans constater aucune nécrose du segment distal. Nous pensons que cette artère a suppléé une partie du territoire de l’artère temporale superficielle droite qui avait été ligaturée, ainsi qu’une partie du territoire de l’artère occipitale embolisée. Il est difficile de savoir s’il y a eu une autonomisation préalable de la distalité du lambeau par la présence des antécédents de greffe de peau mince ou si la richesse des anastomoses du cuir chevelu a suffi à ne pas entraîner de souffrance vasculaire distale. Dans tous les cas, l’artère auriculaire postérieure a permis de lever un lambeau de cuir chevelu fiable. Cette technique a pour avantage de reconstruire le scalp en respectant le principe d’identité, à savoir, reconstruire avec une peau présentant les mêmes qualités que le tissu à remplacer. Elle permet d’apporter une peau chevelue dans la région occipitale et décale vers la région pariétale et rétro-auriculaire la zone alopécique du prélèvement. La dissection du lambeau est relativement facile, dans le plan avasculaire sous-galéal et l’intervention courte, ce qui réduit le risque de complications de l’anesthésie. La richesse vasculaire du scalp rend ce lambeau fiable. L’inconvénient majeur est la persistance d’une zone alopécique sur la zone de prélèvement qui doit être greffée en peau mince. Cependant, cet élément est à mettre en balance avec les bénéfices obtenus par ce lambeau et la localisation de cette zone alopécique reste plus discrète au niveau rétroauriculaire que sur les autres zones du cuir chevelu. En effet, la repousse des cheveux masque progressivement cette cicatrice. Par ailleurs, chez un patient en meilleur état général, une expansion cutanée de la région frontale et du vertex permettrait à distance de corriger cette alopécie. Enfin, une limite à apporter à cette technique reste la surface de lambeau prélevable sur le seul pédicule auriculaire postérieur. Si dans notre cas la surface prélevable sans entraîner de risque vasculaire était évidente, il est difficile de faire la part entre l’autonomisation préalable, le rôle des anastomoses et la richesse vasculaire du cuir chevelu.

Conclusion Bien que peu décrit dans la littérature, le pédicule auriculaire postérieur, constant dans la vascularisation du scalp nous a permis de lever un lambeau de cuir chevelu couvrant la région occipitale. Ce lambeau soulevé dans la région rétroauriculaire en îlot vasculaire reste très peu séquellaire et, bien que notre étude ne porte que sur un cas clinique, il nous semble intéressant de l’intégrer à l’arsenal thérapeutique du

Pour citer cet article : Lescour V, et al. Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008

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Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure chirurgien plasticien prenant en charge les pertes de substance du cuir chevelu.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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Pour citer cet article : Lescour V, et al. Lambeau de scalp pédiculé sur l’artère auriculaire postérieure. Étude anatomique et application clinique. Ann Chir Plast Esthet (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.09.008

[Scalp flap pedicled on the posterior auricular artery. Anatomical study and clinical application].

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