Annales de dermatologie et de vénéréologie (2014) 141, S151-S157

Société Française de Der matologie

et de Pathologie Sexuellement Transmissible

Disponible en ligne sur

La rosacée

84607

www.sciencedirect.com Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire Galderma

tome 141 Supplément 2 septembre 2014

Signes cliniques de la rosacée Signs and symptoms of rosacea

J.-L. Schmutz Département de dermatologie et allergologie, CHU Nancy – BSM, 6 rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-Lès-Nancy, France

MOTS CLÉS Rosacée ; Rosacée fulminans ; Rosacée lupoïde ; Rhinophyma ; Rosacée oculaire

Résumé La rosacée est une dermatose faciale chronique de nature inflammatoire caractérisée par des poussées d’exacerbation et de rémission. Le diagnostic de rosacée repose sur des critères cliniques précis ; l’atteinte centro-faciale survenant entre 30 et 50 ans est caractéristique. La maladie touche plus volontiers la femme et les sujets de phototype clair, en particulier originaires du nord de l’Europe. Plusieurs classifications de la maladie existent. Pour les Français, la classification en 4 stades d’Édouard Grosshans fait référence. Le stade I est celui des bouffées vasomotrices, le stade II celui de l’érythrocouperose, le stade III celui des papules et des pustules et le stade IV celui du rhinophyma. Les écoles allemandes n’en distinguent que trois se rapprochant de la classification des experts de la National Rosacea Society (NRS). Il est décrit quatre sous-types : • 1. rosacée érythémato-télangiectasique ; • 2. rosacée papulo-pustuleuse ; • 3. phymas ; • 4. rosacée oculaire. Le patient peut entrer dans la maladie par n’importe quel stade. Aspects cliniques de la rosacée Le stade I ou « stade des flushes » débute parfois très tôt, dès l’âge de 20 ans, par la survenue d’un érythème paroxystique du visage pouvant être associé à une hyperémie conjonctivale. Ces flushes surviennent en période post-prandiale, lors de variations importantes de température ou après absorption d’alcool ou de boisson chaude. Le stade II ou rosacée érythrocouperosique correspond à un érythème permanent du visage parsemé de télangiectasies. Le stade III est le plus caractéristique de la maladie. Sur un fond érythémato-couperosique apparaissent des papules et des pustules qui évoluent par poussées. Le stade IV est l’apanage du sexe masculin et se caractérise essentiellement par la survenue de rhinophyma.

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Il n’y a pas de consensus concernant la description des formes cliniques de la rosacée. Une forme particulière est reconnue par la NRS : la rosacée granulomateuse ou lupoïde qui se caractérise par la présence sur les joues et les régions péri-orificielles de papules jaunâtres ou brunâtres. La rosacée oculaire est fréquente et doit être systématiquement recherchée chez tout patient atteint de rosacée. La rosacée stéroïdienne est une complication de l’utilisation des dermocorticoïdes sur le visage. La rosacée fulminans survient chez les femmes jeunes, de façon brutale avec apparition de papules, de pustules et de sinus profonds purulents. Le traitement fait appel à l’association corticoïdes généraux et isotrétinoïne. La rosacée existe également chez l’enfant. La connaissance clinique de la rosacée ainsi que de ses formes cliniques est indispensable car un traitement bien conduit peut changer la vie des patients. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Rosacea; Rosacea fulminans; Lupoid rosacea; Rhinophyma; Ocular rosacea

SUMMARY Rosacea is a chronic inflammatory dermatosis characterized by outbreaks of exacerbation and remission. The diagnosis of rosacea based on specific clinical criteria, mainly centrofacial erythema occurring between 30 and 50 years. The disease predominates in women, in light phototype, especially from Northern Europe. Several classifications of the disease exist. In France, Edouard Grosshans described four stages. Stage I is that of flushing, stage II is that of erythrocouperosis, stage III papules and pustules and stage IV rhinophyma. German schools described only 3 stages, like experts from the National Rosacea Society (NRS), who described four subtypes: • 1. erythematotelangiectatic rosacea; • 2. papulopustular rosacea; • 3. phymas; • 4. ocular rosacea. The patient can enter the disease at any stage. Clinical aspects of rosacea Stage I (flushes) sometimes starts very early at the age of 20 years by the occurrence of paroxysmal facial erythema that might be associated with conjunctival hyperemia. Flushes occur after meals, sudden change in temperature or absorption of alcohol or hot drinks. Stage II or erythrocouperosis comprises permanent facial erythema with telangiectasia. Stage III is the most characteric of the disease. On the erythematous background patient develop outbreak of papules and pustules. Stage IV is mainly observed in males and is characterized mainly by rhinophyma. There is no consensus regarding the description of the other variants. NRS describe a particular subtype, granulomatous or lupoid rosacea, characterized by yellowish or brownish papules of the cheeks and peri-orificial areas. Ocular rosacea is common and should be systematically looked for in all patients with rosacea. Steroid rosacea is a complication of topical corticosteroids use on the face. Fulminant rosacea occurs abruptly in young women, who develop papules, pustules and deep purulent sinuses. Treatment includes the combination of systemic corticosteroids and isotretinoin. Rosacea is also possible in children. Clinical knowledge of rosacea and its clinical forms is essential for appropriate treatment, that can change the patients’life. © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction La rosacée est une dermatose faciale chronique, de nature inflammatoire, caractérisée par des poussées d’exacerbation et de rémission. Elle fait souvent l’objet d’erreurs diagnostiques. Une des difficultés provient du fait que les patients n’ont souvent que l’un ou l’autre des symptômes de la maladie et plus rarement le tableau complet. À sa phase d’état, le diagnostic est plus facile à faire.

Dans les formes débutantes, au contraire, certains symptômes fonctionnels et signes physiques sont mineurs. Les formes cliniques sont très variées ; le diagnostic différentiel avec les autres maladies faciales peut être difficile, notamment dans les formes mixtes associées avec la dermatite séborrhéique ou la dermatite péri-orale. Le diagnostic de rosacée repose sur des critères cliniques précis. L’atteinte centro-faciale est caractéristique et survient habituellement entre 30 et 50 ans. La maladie atteint

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plus volontiers la femme et les sujets de phototype clair, en particulier d’origine celtique ou du nord de l’Europe, d’où l’expression « malédiction des Celtes » [1]. Des signes d’héliodermie sont fréquemment observés. Les lésions diffèrent selon le sexe. Les atteintes sont surtout localisées sur les joues et le menton chez la femme alors que le nez est préférentiellement touché chez l’homme. Le rhinophyma est presque exclusivement constaté chez l’homme. La rosacée est une maladie centro-faciale qui touche préférentiellement les joues, le menton, le nez et le front. Les zones péri-orbitaires et péribuccales, notamment sousnarinaires, sont habituellement épargnées. L’atteinte est en général symétrique mais des formes unilatérales ou à prédominance unilatérale sont décrites. La rosacée touche préférentiellement les zones convexes du visage, c’est-à-dire les zones photoexposées mais elle peut s’accompagner de lésions extrafaciales : la zone glabre du cuir chevelu chez les hommes, le cou, la région présternale ou épigastrique. Le soleil joue certainement un rôle dans la constitution des lésions. En effet, 60 % des patients atteints de rosacée rapportent une aggravation de leurs symptômes après exposition solaire. La rosacée peut être déclenchée par des expositions aiguës aux UV, des coups de soleil ou au cours de séances de puvathérapie [2]. Les patients ayant une forme érythémato-télangiectasique constatent une inflammation et une aggravation de l’érythème après une longue exposition aux UV, les télangiectasies étant plus fréquentes chez les patients qui bronzent peu et s’exposent plus au soleil. Les télangiectasies et les dégâts cliniques dus aux expositions solaires sont plus fréquents chez les sujets de phototype clair (types 1 et 2 de la classification de Fitzpatrick). Une classification standardisée de la rosacée est indispensable afin que tous les cliniciens utilisent une terminologie commune utile pour le diagnostic et l’évaluation des essais cliniques. Plusieurs classifications existent aujourd’hui. Pour les Français la classification d’Édouard Grosshans fait référence [3]. La rosacée est classée en 4 stades : • le stade I est celui des bouffées vasomotrices ; • le stade II celui de l’érythrocouperose ; • le stade III celui des papules et des pustules ; • le stade IV celui du rhinophyma.

Les écoles allemandes n’en distinguent que trois, réunissant les phases d’aspect vasculaire en une seule phase initiale. En 2002, un groupe de 17 experts réunis par la National Rosacea Society (NRS) a proposé de standardiser les critères diagnostiques et de distinguer quatre sous-types [4] : • sous-type 1 : rosacée érythémato-télangiectasique ; • sous-type 2 : rosacée papulo-pustuleuse ; • sous-type 3 : phymas ; • sous-type 4 : rosacée oculaire. Le terme « stade » implique la progression de la maladie d’un stade à l’autre, or ceci n’est pas la réalité et seule une minorité de patients va progresser d’un stade à l’autre. Le patient peut entrer dans la maladie par n’importe quel stade et c’est pourquoi il est préférable de parler de soustype. Il faut cependant remarquer que des études montrent que l’âge moyen de la phase érythrosique est compris entre 38 et 40 ans alors qu’il est entre 47 et 54 ans pour la phase des papulo-pustules, ce qui peut aller dans le sens d’une évolution progressive des stades I et II vers le stade III. On sait également que le rhinophyma prédomine après 60 ans. En 2004, le même groupe d’experts de la NRS a élaboré un outil de gradation de la sévérité de la rosacée. Il s’agit d’un système d’échelle quantitative. Les critères majeurs et mineurs sont cotés en absent, léger, modéré ou sévère (0 à 3) (Tableaux 1 et 2) [5].

Aspects cliniques de la rosacée Stade I ou stade des flushes Débutant parfois très tôt à l’âge de 20 ans, le flush est un érythème paroxystique du visage pouvant s’étendre au cuir chevelu et aux oreilles, voire aux faces latérales du cou, à la région présternale et parfois aux épaules. Il peut être associé à une hyperémie conjonctivale avec larmoiement. Il s’accompagne de sensations de cuisson et d’hypersudation pouvant déclencher une réaction de comportement thermophobique. Cette érubescence survient surtout en période post-prandiale mais également à l’occasion de variations importantes de température, surtout en hiver, à la suite d’absorption d’alcool ou de consommation de boissons ou d’aliments chauds, ou lors d’anxiété et de stress.

Tableau 1. Classification de la National Rosacea Society (NRS) : critères principaux et secondaires (d’après T. Jansen [1]). Critères

Diagnostics

Caractéristiques

Principaux

Présence d’un ou plusieurs des signes devant avoir une distribution centro-faciale

Érythème paroxystique (bouffées vasomotrices et érubescence) Érythème persistant Papules et pustules (sans comédons) Télangiectasies

Critères accessoires

Un ou plusieurs signes

Sensations de brûlures ou picotements Plaques érythémateuses Sécheresse de la peau ou desquamation Œdème Manifestations oculaires Localisations extrafaciales Forme hypertrophique (phyma)

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À l’inverse, le fait de sucer un glaçon peut permettre de bloquer la survenue des flushes. Ce phénomène dure en général quelques minutes et disparaît sans laisser de trace. D’autres causes de flush sont à éliminer : tumeur carcinoïde, mastocytose, prise de médicament vasodilatateur, érythème pudique, bouffées de chaleur de la ménopause [6]. Ces épisodes d’érythème paroxystique montrent que la rosacée est essentiellement une maladie d’origine vasculaire. Ils marquent le plus souvent le début de la maladie et peuvent rester isolés ou évoluer vers une rosacée érythémato-télangiectasique [1-3].

Stade II ou rosacée érythématotélangiectasique ou rosacée télangiectasique ou rosacée érythrocouperosique (stade II des Français) L’érythème facial devient permanent, se parsème de télangiectasies veinulaires des joues et du nez, et peut atteindre les régions frontales et le menton (Fig. 1). À ce stade, les patients se plaignent souvent d’avoir une peau hypersensible, intolérante vis-à-vis des produits de toilette et des cosmétiques. Cet inconfort appelé stinging [7] se voit principalement chez les femmes et peut faire penser à une allergie de contact, d’autant que des eczémas de contact à différents produits (conservateurs, émulsifiants, parfums ou topiques médicamenteux [métronidazole]) ont été rapportés [8,9]. Ces peaux sensibles ou réactives se voient sur peau en apparence saine, ou en association à des maladies dermatologiques, dermatite atopique, dermatite séborrhéique ou rosacée. Ce type de peaux réactives est à différencier des bouffées vasomotrices de la rosacée [10]. Le diagnostic différentiel doit faire évoquer les autres maladies caractérisées par un érythème du visage, comme

le lupus érythémateux, la dermatite séborrhéique (en sachant qu’il existe des formes mixtes), la dermatomyosite ou la dermite aux corticoïdes.

Stade III ou rosacée papulo-pustuleuse C’est l’aspect le plus caractéristique de la maladie. Sur ce fond érythémato-couperosique apparaissent des papules inflammatoires, plus rarement des pustules amicrobiennes non primitivement folliculaires. Des poussées inflammatoires vont se succéder, chacune évoluant pendant plusieurs semaines (Fig. 2). Ces lésions papuleuses peuvent être relativement infiltrées, pseudo-lupoïdes à la vitropression, pouvant faire discuter une sarcoïdose cutanée. Il faut également éliminer une dermatite péri-orale [3,11] ainsi qu’une acné, notamment chez les sujets jeunes, mais l’absence de comédon aide au diagnostic.

Stade IV ou stade de l’éléphantiasis facial Il semble l’apanage du sexe masculin et se caractérise essentiellement par la survenue du rhinophyma. Il correspond à une hypertrophie des glandes sébacées associée

Tableau 2. Critères de sévérité de la rosacée de la National Rosacea Society (NRS) (d’après T. Jansen [1]). Trois parties cotation des critères principaux cotation des critères secondaires évaluation globale (pour le médecin, par sous-types, pour le patient, globale)

Figure 1. Rosacée érythémato-télangiectasique.

Sévérité de chaque signe de rosacée cotée de la façon suivante : 0 1 2 3

(absent) (mineur) (modéré) (sévère)

Œdème (critère secondaire) S’il est présent, œdème chronique ou aigu S’il est chronique, prenant le godet ou non Localisations extrafaciales

Figure 2. Rosacée papulo-pustuleuse.

Signes cliniques de la rosacée

à une fibrose dermique et à un lymphœdème [12]. L’aspect le plus caractéristique est celui du gros nez rouge, bosselé (Fig. 3). Une hyperséborrhée y est associée de façon quasi constante. Plus rarement, d’autres parties du visage peuvent être touchées : gnatophyma (menton), otophyma (oreilles), blépharophyma (paupières), métophyma (front) [13,14].

Formes cliniques Il n’y a pas de consensus concernant la description des formes cliniques de la rosacée. Une seule forme particulière est reconnue par les experts de la NRS : la rosacée granulomateuse ou lupoïde. S’agit-il d’une forme clinique ou d’une maladie distincte ? Il en est ainsi également de toutes les formes cliniques de la maladie (Tableau 3).

Rosacée granulomateuse ou lupoïde Cette forme est caractérisée par la présence sur les joues et les régions péri-orificielles de papules souvent jaunâtres et/ou brunâtres, fermes, laissant des cicatrices inesthétiques (Fig. 4). Il est à noter que ces granulomes sont assez banals en matière de rosacée puisqu’on retrouve souvent sur les coupes histologiques ce type de granulome autour de débris de Demodex [1,3]. La rosacée purement granulomateuse ou rosacée lupoïde est à rapprocher du lupus miliaris disseminatus faciei (ou tuberculide micro-papuleuse, tuberculide rosacéiforme de Lewandowski, acnitis, acne agminata) bien que ceci ne soit pas accepté par tous les auteurs [3,15].

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Les patients se plaignent volontiers de sensations de corps étrangers, de gêne ou de brûlures oculaires. La manifestation la plus typique est l’atteinte inflammatoire palpébrale avec aspect squamo-croûteux des bords libres en rapport avec une blépharo-conjonctivite. La cornée peut aussi être touchée, avec tableau de kératite ponctuée récidivante.

Tableau 3. Formes cliniques et variantes de la rosacée (d’après T. Jansen [1]). Rosacée extrafaciale Rosacée unilatérale Rosacée lupoïde ou granulomateuse Rosacée oculaire Maladie du Morbihan (œdème facial solide) Phymas Rosacée conglobata Rosacée fulminans (aussi appelée « pyoderma facial ») Rosacée démodécique Rosacée de l’enfant Rosacée aggravée ou induite par les médicaments Rosacée stéroïdienne ou aggravée par les corticoïdes Rosacée avec folliculites à Gram-

Rosacée oculaire L’atteinte oculaire est fréquente mais souvent méconnue d’autant qu’elle peut précéder les manifestations cutanées de la rosacée. La fréquence de l’atteinte oculaire varie selon les données de la littérature entre 3 et 58 %. Il n’existe pas de corrélation avec la sévérité de l’atteinte cutanée. Non spécifique, elle peut être grave alors que les signes cutanés sont modestes.

Figure 3. Rhinophyma.

Figure 4. Forme granulomateuse.

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Ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle peut aboutir à une perforation. Les autres complications sont de simples ulcérations, des taies ou une néovascularisation cornéenne parfois évocatrice de rosacée lorsqu’elle prend un aspect triangulaire particulier [16,17]. Il existerait un lien entre les bouffées vasomotrices et la présence de signes oculaires. Les chalazions et les orgelets sont également fréquents, de même qu’une diminution de la sécrétion lacrymale. Cette complication explique l’intérêt du dépistage ophtalmologique des patients suivis pour rosacée à la recherche d’une atteinte infraclinique.

Formes œdémateuses En premier lieu, il faut différencier l’œdème discret, léger, qui apparaît après les flushes, de l’œdème persistant individualisé sous le nom de « maladie du Morbihan » ou « rosacée lymphœdémateuse » décrite par Degos. Il s’agit d’un œdème permanent prédominant au front mais pouvant toucher les paupières, notamment inférieures, avec éventuellement retentissement sur la vision. Cet œdème est la conséquence de lésions microscopiques des capillaires et des veinules et sa prise en charge est difficile [18,19].

Rosacée stéroïdienne Les dermocorticoïdes peuvent être utilisés pour traiter une dermatite séborrhéique ou un eczéma, voire la rosacée, avec des résultats positifs dans un premier temps. Ces bons résultats sont vite remplacés par une aggravation des lésions avec, à moyen terme, une rapide cortico-dépendance et des poussées congestives et pustuleuses compliquées d’une atrophie épidermique et d’une augmentation du nombre de télangiectasies de large calibre (Fig. 5). Ces poussées peuvent se localiser sur les zones d’application des dermocorticoïdes, comme les paupières ou le menton. La prédominance péri-oculaire est très évocatrice de l’origine stéroïdienne. Seul l’arrêt de toute application de dermocorticoïde est conseillé en sachant qu’il y aura un effet rebond souvent difficile à supporter mais indispensable [20].

Figure 5. Rosacée stéroïdienne.

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Rosacée fulminans La rosacée fulminans a été initialement décrite sous le terme « pyoderma facial ». Il s’agit de la forme la plus grave de rosacée qui se produit essentiellement chez les femmes jeunes (âge moyen : 25 ans) mais à distance de l’âge de l’acné. Le début est explosif en quelques jours ou quelques semaines chez une femme aux antécédents d’érythème paroxystique. Brutalement, les lésions se constituent avec des papules, des pustules, les placards coalescents et des sinus profonds purulents. Le visage est rouge cyanique. Il s’y associe souvent une hyperséborrhée, des télangiectasies et une atteinte oculaire. L’état général reste bon. L’évolution, après traitement, se fait vers des cicatrices atrophiques [1,21]. Le traitement fait appel à l’association isotrétinoïne-corticoïdes généraux, permettant le contrôle de la maladie et évitant les récidives. Cette forme clinique peut se voir chez des patients ayant une maladie inflammatoire du tube digestif (maladie de Crohn, RCH) [22] ou pendant la grossesse [23] ou encore au cours de fécondation in vitro [24].

Rosacée chez l’enfant La rosacée existe également chez l’enfant, il faut savoir y penser [25]. On y trouve souvent une histoire familiale (Fig. 6). La maladie peut persister à l’âge adulte et il pourrait y avoir une relation entre la survenue d’orgelets pendant l’enfance et l’apparition de la rosacée chez l’adulte [26].

Conclusion La rosacée est fréquente. Bien que cette affection bénigne entraîne une simple gêne esthétique dans la majorité des cas, certaines formes cliniques peuvent être graves, chroniques et affligeantes, responsables d’un retentissement psychologique majeur. La rosacée avec son faciès « rubicond » peut avoir dans l’esprit populaire une connotation péjorative en lien avec une consommation excessive d’alcool qui, en fait, est absente dans la majorité des cas. La personne couperosique a souvent tendance à l’évoquer elle-même en silence, étant persuadée que les autres y pensent sans oser l’avouer. Ce préjudice esthé-

Figure 6. Rosacée fulminans.

Signes cliniques de la rosacée

tique constitue toute la gravité de la maladie souvent mal vécue. La connaissance de la clinique de la rosacée ainsi que les formes cliniques de la maladie sont indispensables car un traitement bien conduit peut changer la vie des patients.

Liens d’intérêts Essais cliniques : en qualité de co-investigateur, expérimentateur non principal, collaborateur à l’étude (AMGEN, Leo Pharma, Pfizer, Urgo) ; Conférences : invitations en qualité d’intervenant (AbbVie, BMS, Janssen, Pfizer, Roche).

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[Signs and symptoms of rosacea].

Rosacea is a chronic inflammatory dermatosis characterized by outbreaks of exacerbation and remission. The diagnosis of rosacea based on specific clin...
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