Table ronde

Nutrition thérapeutique (entérale, parentérale) (Nutrition)

Quand débuter une nutrition entérale ? B. Dubern Nutrition et Gastroentérologie Pédiatriques, AP-hP, hôpital Trousseau, 26 avenue du Docteur Arnold Netter, 75012 Paris, France

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ar nutrition thérapeutique, on entend tous les moyens utilisés afin d’améliorer l’état nutritionnel d’un patient et/ou la prise en charge globale de la pathologie sousjacente. Cette nutrition a un impact le plus souvent positif sur le pronostic et la morbidité de la maladie. La nutrition entérale (NE) fait partie des techniques utilisées en nutrition thérapeutique au même titre que les suppléments nutritionnels oraux ou la nutrition parentérale. La NE vise à apporter des nutriments (protéines, lipides, glucides) ainsi que des vitamines, sels minéraux et oligoéléments directement dans le tube digestif, permettant ainsi de maintenir la physiologie du tube digestif. Elle est administrée soit directement dans l’estomac (par sonde gastrique ou par gastrostomie), soit directement dans l’intestin grêle (par sonde jéjunale ou par jéjunostomie, rarement utilisées en pédiatrie) [1]. La mise en place de ce type de nutrition peut être nécessaire dans de nombreuses situations à risque de dénutrition au cours desquelles l’alimentation orale est insuffisante et la nutrition parentérale non indiquée comme notamment dans les pathologies avec tube digestif fonctionnel. Ainsi, les pathologies concernant le temps oropharyngien de l’alimentation sont des indications fréquentes au cours desquelles la NE sera initiée plus ou moins rapidement selon les situations. Elle est immédiatement débutée en cas d’atteinte oesophagienne organique (sténose peptique ou caustique) ou fonctionnelle, d’obstacle pharyngé (tumeur…), de malformations maxillo-faciales et/ou ORL (syndrome de Pierre Robin, de CHARGE…) avec troubles de la déglutition, ou enfin d’anorexie rebelle avec dénutrition sévère. La NE est alors administrée soit via une sonde nasogastrique soit via une gastrostomie d’emblée comme dans les obstacles oesophagiens par exemple [2]. Dans les pathologies neurologiques comme le polyhandicap ou les maladies neuromusculaires, la NE est débutée relativement rapidement en cas de fausses routes majeures contre-indiquant la poursuite de l’alimentation orale [3]. En revanche, en dehors de cette situation particulière, la NE est indiquée uniquement en cas de stagnation staturopondérale malgré des ingesta optimisés (enrichissement, adaptation de la texture, consommation de suppléments nutritionnels oraux) et une prise des repas difficile (durée supérieure à 30 minutes). La réduction anatomique ou fonctionnelle des capacités d’absorption intestinale est aussi une des indications classiques de la NE.

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Elle peut ainsi permettre d’augmenter les apports énergétiques et ainsi de couvrir les besoins énergétiques non couverts par les ingesta seuls. C’est le cas des résections étendues du grêle (grêle court) en l’absence d’hyperphagie réactionnelle, ou bien des dysmotricités intestinales  [4]. Dans ces indications, la NE peut être débutée par exemple lors du sevrage de la nutrition parentérale. La NE à débit continu sur 24 h peut aussi être débutée en cas de diarrhées graves prolongées avec atrophie villositaire après la phase de réhydratation et de correction des éventuels troubles hydro-électrolytiques. Elle permet alors dans certaines situations d’éviter le recours à la nutrition parentérale. De même, ce type de NE peut être débuté en cas de formes digestives sévères de purpura rhumatoïde, afin de mettre l’intestin au repos et de nourrir le patient, comme c’est le cas également dans la pancréatite aiguë au cours de laquelle la NE peut aussi être rapidement indiquée avant le recours à la nutrition parentérale. Les maladies inflammatoires du tube digestif, en particulier en cas de retard de croissance staturopondérale, sont aussi une indication de la NE qui est alors débutée dès le diagnostic ou en cas de poussée [2]. Elle peut être administrée via un produit spécifique anti-inflammatoire par voie orale ou par sonde nasogastrique en remplacement total ou partiel de l’alimentation [5]. Dans les pathologies extradigestives, la NE a aussi une place capitale en cas de nécessité d’augmenter les apports énergétiques, afin de maintenir un état nutritionnel satisfaisant avant une transplantation d’organes par exemple. Elle est alors débutée en cas de stagnation pondérale persistante ou de perte de poids aiguë et rapide malgré l’optimisation des ingesta. C’est le cas dans les hémopathies, les pathologies oncologiques, et les pathologies d’organes (néphropathies chroniques, cardiopathies, hépatopathies évoluées, insuffisance respiratoire chronique (mucoviscidose)  [6]. De même, la NE est rapidement indiquée dans les situations d’hypercatabolisme (brûlés, polytraumatisés, réanimation) afin de couvrir les besoins nutritionnels augmentés du fait de la dépense énergétique élevée avec des ingesta spontanés limités. Les maladies métaboliques sont aussi un exemple pour lequel la NE est débutée rapidement afin d’administrer le produit spécifique le plus souvent de médiocre palatabilité, ou afin de limiter les hypoglycémies lors du jeûne nocturne comme dans les glycogénoses par exemple. Dans ces situations, la NE est alors débutée en cas de mauvaise compliance du régime et/ou d’équilibre métabolique précaire [2]. Enfin, certaines situations pathologiques spécifiques avec retard majeur de croissance staturopondérale, associé ou non à des hypoglycémies comme le syndrome de Silver-Russell, peuvent nécessiter le recours à une

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B. Dubern

NE afin de maintenir une glycémie normale lors de périodes de jeûne plus ou moins prolongées, ou bien dans le but d’améliorer l’état nutritionnel avant la mise en route d’un traitement par hormone de croissance par exemple [7]. En conclusion, la NE a actuellement une large place dans la prise en charge des pathologies de l’enfant et doit être discutée rapidement en cas de déséquilibre de la balance énergétique. Elle doit être une technique de choix avant la nutrition parentérale.

Références [1] Gottrand F. Prescrire la nutrition entérale. In : Questions de nutrition clinique de l’enfant à l’usage de l’interne et du praticien. Comité éducationnel et de pratique clinique de la SFNEP. Les éditions de la SFNEP 2008 p 75-86.

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[2] Dubern B, Guimber D. Nutrition entérale. In : Gottrand F et al., eds, Gastroentérologie pratique. Doin, Paris, 2015 (sous presse). [3] Bell KL, Samson-Fang L. Nutritional management of children with cerebral palsy. Eur J Clin Nutr 2013;67:S13-S16. [4] Goulet O, Olieman J, Ksiazyk J, et al. Neonatal short bowel syndrome as a model of intestinal failure: physiological background for enteral feeding. Clin Nutr 2013;32:162-71. [5] Ruemmele F, Veres G, Kolho KL, et al. Consensus guidelines of ECCO/ESPGHAN on the medical management of pediatric Crohn’s disease. J Crohns Colitis 2014;8:1179-207. [6] Medoff-Cooper B, Ravishankar C. Nutrition and growth in congenital heart disease: a challenge in children. Curr Opin Cardiol 2013;28:122-9. [7] Marsaud C, Rossignol S, Tounian P, et al. Prevalence and management of gastrointestinal manifestations in Silver-Russell syndrome. Arch Dis Child 2015;100:353-8.

[When should enteral nutrition begin?].

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