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Fait clinique

Les sténoses artérielles rénales post-dénervation – une problématique préoccupante ? Post-denervation renal artery stenosis – a matter of concern? M. Cordeanu a,∗ , S. Gaertner a , É. Prinz b , F. Bronner c , C. Jahn d , T. Hannedouche b , D. Stephan a a

Service d’hypertension, maladies vasculaires et pharmacologie clinique, nouvel hôpital civil, CHRU de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg, France b Service de néphrologie, nouvel hôpital civil, CHRU de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg, France c Service de cardiologie, nouvel hôpital civil, CHRU de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg, France d Service de radiologie interventionnelle, nouvel hôpital civil, CHRU de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg, France Rec¸u le 28 avril 2015 ; accepté le 28 avril 2015 Disponible sur Internet le 3 juin 2015

Résumé La dénervation rénale, technique invasive réservée aux patients hypertendus résistants, présente un profil de sécurité satisfaisant. Cependant, un nombre croissant de cas de sténose artérielle rénale post-dénervation a été rapporté. Nous présentons le cas d’une patiente de 49 ans, porteuse d’une hypertension artérielle essentielle résistante à une sextuple thérapie anti-hypertensive bien conduite. L’évaluation anatomique pré-dénervation a permis d’éliminer une sténose artérielle rénale préexistante ainsi que d’autres lésions pariétales. Une procédure de dénervation rénale standard selon le protocole St-Jude a été réalisée. Après une amélioration initiale du profil tensionnel, elle présente un déséquilibre brutal de la pression artérielle à 3 mois post-dénervation permettant de diagnostiquer une sténose serrée de l’artère rénale droite. © 2015 Publié par Elsevier Masson SAS. Mots clés : Dénervation rénale ; Hypertension artérielle résistante ; Sténose artérielle rénale ; Prolifération néo-intimale ; Système sympathique ; Tomographie par cohérence optique

Abstract Renal denervation, an invasive technique indicated in resistant hypertension patients insufficiently controlled by antihypertensive drugs, has a good safety profile. However, an increasing number of post-denervation renal artery stenosis cases has recently been reported. We describe the case of a 49-year-old woman with resistant hypertension who was referred to our university hypertension center for renal sympathetic denervation. Her daily treatment included six antihypertensive drugs. CT angiography prior to denervation showed no renal artery stenosis or vessel wall lesions. A standard renal denervation procedure using the St Jude protocol was performed. After an initial improvement in blood pressure profile, she presented with a blood pressure impairment at 3 months after renal denervation leading to the diagnosis of a severe right renal artery stenosis. © 2015 Published by Elsevier Masson SAS. Keywords: Renal denervation; Resistant arterial hypertension; Renal artery stenosis; Neo-intimal thickening; Sympathetic system; Optical coherence tomography

1. Introduction



Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Cordeanu). http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2015.04.016 0003-3928/© 2015 Publié par Elsevier Masson SAS.

L’hypertension artérielle est un facteur de risque cardiovasculaire majeur concernant 25 % de la population et responsable d’une augmentation de la morbimortalité cardiovasculaire. Environ 5 à 10 % des patients hypertendus sont résistants au

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traitement médicamenteux et présentent un risque accru de complications (accident vasculaire cérébral ou infarctus du myocarde) [1]. L’implication de la dysfonction du système sympathique autonome dans la genèse de l’HTA via l’augmentation de la libération de rénine, la vasoconstriction rénale et la rétention hydrosodée a été largement démontrée et serait présente chez environ 50 % des hypertendus [2]. La suppression des afférences et surtout des efférences sympathiques est apparue dès les années 1930 comme un moyen thérapeutique de lutter contre l’hypertension artérielle maligne. Ainsi, la dénervation rénale a été initialement pratiquée par voie chirurgicale, mais finalement abandonnée à cause de complications pour connaître un nouvel essor à partir de 2009 à travers des techniques de cathétérisme rétrograde des artères rénales. Les études Symplicity HTN-1 et 2 ont montré une efficacité quasiment spectaculaire de la dénervation rénale : une réduction de la pression artérielle clinique systolique jusqu’à 32 mmHg à 6 mois post-dénervation, associée à une sécurité d’emploi satisfaisante [3,4]. Grace à ces essais cliniques, la dénervation rénale, technique mini-invasive visant à ablater les fibres sympathiques cheminant dans l’adventice des artères rénales, a intégré l’arsenal thérapeutique du traitement de l’hypertension artérielle résistante, étant réservée aux centres hospitaliers spécialisés et au cas ayant fait l’objet d’une concertation pluridisciplinaire [5].

90 ml/min/1,73 m2 ). Une angioplastie de l’artère rénale droite au ballon seul a été réalisée au 5e mois post-dénervation avec une sténose anatomique résiduelle de l’ordre de 50 % et un gradient de pression résiduel non-significatif (0,88). En per-procédure, après une dilatation préalable, une imagerie en tomographie de cohérence optique (OCT) a été réalisée, mettant en évidence une paroi artérielle faisant le siège d’une prolifération cellulaire multicouche compatible avec une prolifération néo-intimale. Aucun stigmate de dissection n’a été constaté. L’évolution post-angioplastie a été initialement favorable avec une réduction des valeurs de pression artérielle post-angioplastie (MAPA diurne 1 semaine post-angioplastie : 168/104 mmHg) et amendement des céphalées. Une nouvelle ré-ascension tensionnelle associée à des céphalées quotidiennes est constatée trois mois post-angioplastie (MAPA diurne à 178/118 mmHg). L’écho-doppler retrouve une resténose serrée supérieure à 70 % de l’artère rénale droite au siège de la précédente angioplastie (vitesse systolique maximale à 315 cm/s, vitesse télédiastolique à 127, ratio réno-aortique à 4,5) et une angioplastie au ballon actif est actuellement programmée (Fig. 1).

2. Cas clinique

Les techniques de dénervation rénale et les types de cathéters utilisés comportent une variabilité importante, utilisant pour la plupart l’ablation par radiofréquence, et pour certains, les ultrasons allant jusqu’aux méthodes de dénervation extracorporelle en cours d’évaluation. Des différences notables existent entre ces approches, notamment en termes de profondeur de pénétration au niveau adventitiel, du nombre et de la précision des sites d’application du cathéter de dénervation et du risque de complications (les cathéters comportant un ballon de refroidissement occlusif présentant un risque supérieur de dissection artérielle rénale). La publication des résultats de l’essai Symplicity HTN-3 en 2014 [6] a marqué un point de non-retour dans l’histoire de la dénervation rénale : l’efficacité de cette technique et l’ensemble des résultats des essais cliniques antérieurs ont été remis en cause. Des hypothèses variées ont été évoquées pour expliquer cette différence d’efficacité entre les essais de validation de concept et pivots et ce premier essai contrôlé et en insu, dont l’effet Hawthorne et l’importance de la composante de « blouse blanche ». Cette technique a basculé d’un enthousiasme quasiment irrationnel à une répudiation immédiate [7]. Malgré l’absence de révision récente des recommandations européennes de 2013, la dénervation rénale bénéficiant toujours au même titre que la barostimulation carotidienne d’une recommandation de classe IIB dans l’hypertension artérielle résistante [8], certaines sociétés savantes ont émis des mises au point estimant que la dénervation devrait être pratiquée uniquement dans le cadre de la recherche médicale [9]. Néanmoins, si son efficacité fait l’objet de profondes interrogations, la sécurité de la technique n’a pas été remise en cause à travers l’essai Symplicity HTN-3 qui n’a pas démontré de sur-risque de complications.

Nous rapportons le cas d’une patiente de 49 ans, hypertendue depuis dix ans sans antécédents notables en dehors d’une sciatalgie traitée par la mise en place d’une neurostimulateur. Ses autres facteurs de risque étaient un tabagisme actif mineur (10 paquets/année), une dyslipidémie et une obésité (IMC à 32 kg/m2 ). La recherche d’une cause secondaire d’hypertension s’était avérée négative. À la prise en charge dans le centre spécialisé dans l’hypertension artérielle, son traitement comportait une sextuple thérapie (nebivolol/hydrochlorothiazide 5/25 mg, spironolactone 50 mg, lercanidipine/enalapril 20/10 mg, rilmenidine 1 mg). La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) avait montré une moyenne diurne de 165/105 mmHg. Un angioscanner des artères rénales prédénervation avait été réalisé permettant d’éliminer une sténose des artères rénales. La procédure de dénervation s’est déroulée selon le protocole St-Jude complet comprenant 8 points de dénervation sur chacune des artères rénales (60 secondes pour 4 points). Aucune différence d’impédance n’a été signalée au cours de l’intervention. À 1 mois post-dénervation, on notait une légère réduction de la pression artérielle ambulatoire (154/96 mmHg). En revanche, à 3 mois post-dénervation, un déséquilibre franc, symptomatique (céphalées quotidiennes), de l’hypertension artérielle est noté avec une MAPA diurne à 188/128 mmHg. L’écho-doppler des artères rénales a permis d’objectiver une sténose serrée, supérieure à 70 %, de l’artère rénale droite tronculaire (vitesse systolique maximale à 324 cm/s, vitesse télédiastolique à 132 cm/s, ratio réno-aortique à 5,5), confirmée par un angioscanner des artères rénales (Fig. 1). Le débit de filtration glomérulaire était normal (supérieur à

3. Discussion

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Fig. 1. Évolution chronologique de la pression artérielle et de l’anatomie des artères rénales après dénervation rénale. ARD : artère rénale droite ; ARG : artère rénale gauche ; MAPA : mesure ambulatoire de la pression artérielle – moyenne diurne ; * : 1 mois post-dénervation ; ** : 1 semaine post-angioplastie de l’artère rénale droite.

Le risque de survenue d’une sténose artérielle rénale postdénervation a été estimé à 0,3–2,2 % par les études SymplicityHTN et 4,3 % dans l’essai EnligHTN I [10]. Les sténoses artérielles rénales post-dénervation demeurent rares, mais en l’absence d’études randomisées à large effectif, leur incidence semble difficile à évaluer. Certaines études à faible effectif rapportent une incidence nettement plus élevée allant jusqu’à 18,2 % [11]. Il apparaît que parmi les cas rapportés, le sexe féminin soit prépondérant (3:1), que le cathéter Medtronic© soit plus souvent impliqué (mais également le plus utilisé), que la sténose apparaît de manière unilatérale dans la majorité des cas avec un délai variable entre 0 et 12 mois post-procédure avec une moyenne de 5 mois. Dans la majorité des cas, la sténose est révélée par un déséquilibre tensionnel brutal et parfois par

une insuffisance rénale aiguë ou un œdème pulmonaire aigu [12]. Une surveillance rapprochée des patients dénervés est impérieuse et un déséquilibre tensionnel brutal devrait inciter à la recherche d’une sténose artérielle rénale secondaire à la dénervation. Les techniques écho-doppler semblent avoir le meilleur rendement dans le dépistage ciblé de ces lésions, évitant ainsi des examens irradiants ou des injections répétés de produits de contraste iodés. Le mécanisme physiopathologique à l’origine des sténoses artérielles rénales post-dénervation n’est pas élucidé. Templin et al. ont étudié 32 artères rénales montrant à travers la tomographie de cohérence optique la survenue fréquente de lésions microscopiques à type d’œdème pariétal, microthrombi,

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discontinuités intimales, dissections focales ou vasospasmes avec des différences selon le type de cathéter utilisé (Medtronic© ou St-Jude©) [13]. Les mêmes disparités cathéter-dépendantes ont été observées dans un modèle d’artère rénale fantôme : des lésions thermo-induites plus étendues ont été notés avec le cathéter Medtronic© [14]. De plus, la plupart des images angiographiques confirment un aspect irrégulier de la paroi artérielle post-dénervation, mais le lien entre ces microlésions pariétales et la constitution d’une sténose artérielle rénale significative n’est pas acquis. Notre observation est la première à avoir identifié une prolifération néo-intimale à l’origine d’une sténose artérielle rénale post-dénervation [12]. 4. Conclusion Bien que l’enthousiasme des cliniciens envers cette méthode thérapeutique ait largement régressé après les résultats de l’essai Symplicity HTN-3, d’autres études ont fait état d’une certaine efficacité (REDUCE-HTN, DENER-HTN) et d’autres sont attendues (ENLIGHTN II). Il apparaît nécessaire avant d’élargir l’utilisation de cette technique, de cibler les populations susceptibles de bénéficier de cette procédure en caractérisant mieux les répondeurs à la dénervation rénale et en identifiant des marqueurs d’efficacité non invasifs. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Fagard RH. Resistant hypertension. Heart 2012;98(3):254–61. [2] Santos M, Carvalho J. Renal sympathetic denervation in resistant hypertension. World J Cardiol 2013;2:94–101.

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[Post-denervation renal artery stenosis - a matter of concern?].

Renal denervation, an invasive technique indicated in resistant hypertension patients insufficiently controlled by antihypertensive drugs, has a good ...
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